Résumé
L'urbanisation croissante de ces dernières décennies a conduit à une homogénéisation biotique des
communautés d’espèces, une perte et une fragmentation des habitats. Cette homogénéisation biotique peut
avoir des conséquences non négligeables sur la biodiversité. Elle se traduit par une uniformisation des flores
entre les villes à l’échelle globale, conduisant à une perte de biodiversité. La fragmentation des habitats peut
entrainer un isolement des populations et une perte de diversité génétique. Seule une connaissance
approfondie de la dynamique de la biodiversité en milieu urbain permettra d’aider à la mise en place des
politiques de développement urbain favorisant le maintien de cette biodiversité.
Ce travail de thèse s’est concentré sur le rôle d’un habitat fréquent en milieu urbain: le jardin privatif.
A travers l'étude de la flore spontanée d’une grande agglomération littorale (Marseille, Bouches-du-Rhône) et
d’un village de l’arrière pays en cours d’urbanisation (Lauris, Vaucluse), nous avons évalué l’homogénéisation
taxonomique des jardins privés ainsi que leur composition fonctionnelle le long d’un gradient d’urbanisation.
Afin d’expliquer les mécanismes sous-jacents à la dynamique de la végétation, nous avons étudié l’influence de
l’urbanisation sur la structure génétique d’une espèce fréquente dans les jardins privatifs mais aussi dans la
matrice urbaine (Parietaria judaica L.) ce qui nous a permis d’appréhender la notion de connectivité génétique
au sein de la matrice urbaine.
Bien que nous ayons observé une homogénéisation des flores dans les zones périphériques, les jardins
des zones de forte densité de bâti ont montré une flore moins similaire qu’en périphérie. Les résultats pour les
zones de forte densité de bâti diffèrent des études précédentes, qui ont observé une homogénéisation des
flores en ville. Mais ces études, menées à des échelles spatiales plus large, ne considéraient pas les jardins
privés. Les jardins privatifs des centres villes étudiés seraient donc moins riches, mais favorisaient la diversité
taxonomique au regard de la composition spécifique des communautés de par leurs expositions,
aménagements et pratiques.
L’étude des traits des communautés végétales spontanées des jardins a mis en évidence des variations
de la composition fonctionnelle le long du gradient d’urbanisation. Les zones de forte densité de bâti filtrent
des traits, notamment ceux liés à la dispersion (mode de dispersion) et à la persitance (type biologique). Ainsi,
l’analyse a montré que les communautés végétales des jardins privatifs des zones de forte densité de bâti sont
caractérisées par la présence d’espèces phanérophytes et d’espèces endozoochores. Ces jardins sont entourés
de bâti, ce mode de dissémination pourrait permettre le franchissement de ce bâti. Ces résultats suggèrent la
présence de barrières fortes à la dispersion dans ces zones.
La présence de barrière à la dispersion a été testée chez une espèce anémogame et barochore très
fréquente en milieu urbain. L’étude a été réalisée dans une zone incluant trois villes : Marseille, Aix-en-
Provence et Lauris. L’absence de structure génétique de l’espèce à l’échelle des villes suggère une forte
connectivité tandis qu’une faible connectivité est observée à l’échelle régionale, entre les trois sites. Les forts
taux de consanguinité observés confirment les capacités de l’espèce à adopter différents modes de
reproduction (autoféconde et fécondation croisée longue distance) expliquant la structure génétique observée.
Les caractéristiques de dispersion de l’espèce seraient à l’origine de son succès en milieu urbain.
Ce travail a ainsi permis de montrer que le jardin privatif est un élément paysager important qui ne doit plus
être ignoré lors des évaluations de la biodiversité urbaine qui se focalise souvent dans les espaces publics. A
l’instar des autres habitats du milieu urbain, les communautés végétales présentes dans les jardins privatifs
peuvent participer aux dynamiques de la végétation urbaine; leur composition taxonomique et fonctionnelle
varient le long du gradient d’urbanisation et sont soumises aux processus globaux tel que l’homogénéisation ou
la différentiation
Mots clés : Flore spontanée, Jardin privatif, Gradient d’urbanisation, Homogénéisation taxonomique,
traits fonctionnels, Parietaria judaica L., Connectivité fonctionnelle, Microsatellite, Variables
paysagères, Région méditerranéenne, France