Questions pour un champion en réanimation 355
Il est probable que les effets de l’acidose minérale et de l’acidose organique sur le pH
intracellulaire soient différents. En effet, en cas d’acidose minérale, c’est la surcharge
acide plasmatique qui retentit sur le pH intracellulaire alors qu’en cas d’acidose organique,
c’est l’inverse qui se produit, puisque c’est l’excès de production cellulaire acide qui
entraîne l’acidose plasmatique. Ainsi, en cas d’acidose minérale c’est la surcharge acide
extracellulaire qui tend à abaisser le pH intracellulaire, alors qu’en cas d’acidose organique,
c’est la surcharge acide provenant du secteur cellulaire qui acidifie le sang. Or, la plupart
des cellules sont bien protégées contre les variations du pH extracellulaire. Par exemple,
une variation du pH extracellulaire de 7,40 à 6,80 (à PCO2 constante) entraîne sur un
hépatocyte humain une variation du pH intracellulaire inférieure à 0,10 U pH (données
personnelles). Si cette même cellule est soumise à une hypoxie, induite par du cyanure
par exemple, il apparaît alors une acidose intracellulaire sévère, quel que soit le pH
extracellulaire (à PCO2 constante). Il semble donc que les cellules soient bien protégées
contre les acidoses minérales alors qu’elles le seraient peu contre les acidoses organiques.
3. TRAITEMENT DE L’ACIDOSE METABOLIQUE
3.1. TRAITEMENT ETIOLOGIQUE
La distinction entre acidose minérale et acidose organique est fondamentale, puisque
dans le premier cas il existe une perte vraie de base tampon alors qu’au cours de l’acidose
organique, la diminution des bicarbonates est la conséquence d’un défaut de transformation
des sels d’acide organique en bicarbonates. La conséquence directe est que le traitement
de l’acidose minérale ne pourra qu’être symptomatique, basé sur l’apport exogène de
base tampon, alors que le traitement de l’acidose organique sera étiologique, permettant
le métabolisme des sels d’acide en bicarbonate.
Ainsi, au cours de l’acidose lactique secondaire à une hypoxie tissulaire, il faudra
essayer de traiter la cause de l’hypoxie en augmentant les apports tissulaires d’O2
(augmentation du débit cardiaque, correction d’une anémie et d’une hypoxémie, traitement
d’une hémoglobine pathologique si besoin (intoxication au CO, méthémoglobinémie …)),
en diminuant les besoins en O2 (sédation si nécessaire, ventilation artificielle…), voire en
améliorant l’extraction tissulaire d’O2[2]. La restauration du débit hépato-splanchnique
au cours du traitement des états de choc cardiogéniques est un des facteurs essentiels à la
diminution de l’acidose lactique car elle permet une reprise du métabolisme hépatique du
lactate. Lorsque les thérapeutiques visant à améliorer l’oxygénation tissulaire sont
inefficaces et que l’acidose lactique est majeure, on pourra alors discuter les traitements
symptomatiques.
Au cours de la cétoacidose diabétique, l’acidose organique est rarement pure car la
cétonurie élevée chez ces patients polyuriques est à l’origine d’une perte importante de
tampons dans les urines. En effet, contrairement au lactate, les corps cétoniques ne sont
pas réabsorbés dans le tubule rénal. Ceci est à l’origine d’une perte nette de tampons
potentiels et explique la part minérale fréquemment observée de l’acidose métabolique [9].
En pratique, il est conseillé de démarrer le traitement de la cétoacidose en cherchant
seulement à corriger la part organique de l’acidose métabolique (insuline, réhydratation
et potassium). S’il persiste une acidose notable (CO2T < 15 mmoL.-1 et pH < 7,20) malgré
une normalisation du trou anionique et une disparition de la cétonurie, on est alors en
droit de perfuser des solutés tampons pour corriger la part minérale de l’acidose qui
correspond à la perte urinaire de corps cétoniques.