1er trimestre 2012 • 47
Partage de la valeur ajoutée et salaire optimal
revenu de son épargne. Aujourd’hui, le résul-
tat théorique le plus couramment admis est
que les entreprises paient leurs salariés au
niveau de leur efficacité productive, ce que les
économistes appellent leur productivité mar-
ginale. Cette règle, à la fois fruit du calcul et du
bon sens, qui veut que le salaire soit représen-
tatif du travail fourni, se heurte aux attentes
politiques. Face à la logique économique exis-
terait une logique plus légitime, celle de la jus-
tice sociale. Le partage de la valeur ajoutée
devrait obéir non pas à la nécessité de rému-
nérer le capital et le travail en fonction de leur
contribution à la croissance, mais se confor-
mer à une vision politique de ce qui est juste.
Un enjeu social
Résultat, les idées se sont multipliées, faisant
du partage de la valeur ajoutée un enjeu social
et une des modalités de la redistribution des
revenus.
Pour aborder ce sujet, nous avons essayé de
sortir des sentiers battus pour voir des aspects
qui ne se limitent pas à une analyse immédiate
de l’évolution des salaires et des profits. De
plus en plus, on s’interroge en termes de par-
tage non seulement sur la nature des rapports
entre les classes sociales, mais aussi sur celle
des rapports entre les générations. C’est ainsi
que nous nous sommes demandé dans ce dos-
sier ce que signifiait par exemple l’existence et
le prolongement indéfini de la Caisse d’amor-
tissement de la dette sociale (Cades). De
même, comme les revendications en termes
de partage de la valeur ajoutée n’ont de sens
que pour transférer du pouvoir d’achat vers
les plus pauvres, la question est de savoir quel
est le moyen le plus efficace de concevoir ce
transfert. Or, en période de progression lente
des revenus, la concurrence, faisant pression
sur les prix et incitant les entreprises à la pro-
ductivité, ou une politique de la consommation
assurant la meilleure information possible des
consommateurs peuvent apporter plus aux
salariés qu’une augmentation arithmétique de
leur part dans la valeur ajoutée. Nous avons
enfin regardé ce que les politiques volonta-
ristes de redistribution de la valeur ajoutée
peuvent avoir comme résultat en demandant à
Michel Bon, président de l’association Fondact,
de nous donner son point de vue sur la parti-
cipation et l’intéressement.
L’impôt négatif théorisé par les monétaristes
visait à augmenter le revenu des salariés sans
pénaliser les entreprises. Il est devenu la prime
pour l’emploi du gouvernement Jospin. Cela
signifie que si le partage de la valeur ajoutée,
qui devrait être un des sujets clés de la cam-
pagne présidentielle, alimente les débats des
politiques, il nourrit encore ceux des écono-
mistes. Les contributions de ce dossier sont là
pour, modestement, éclairer les deux, c’est-à-
dire rappeler que, de l’épitaphe de von Thünen
aux lois sur la participation, la réflexion sur
le partage de la valeur ajoutée a de multiples
facettes.
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