Ravel de Jean Echenoz Complément en ligne Corpus Texte 2 Texte 1 Né en 1798, mort en 1874, Jules Michelet est connu pour avoir été l’un des principaux historiens du XIXe siècle ; on lui doit notamment une monumentale Histoire de France. Historien latin ayant vécu entre le Ier et le IIe s. après J.-C., Suétone est célèbre pour sa Vie des douze Césars, qui comprend les biographies de Jules César à Domitien. 5 10 15 20 On sait que Germanicus réunissait, à un degré que n’atteignit jamais personne, tous les avantages du corps et les qualités de l’esprit, une beauté et une valeur singulières, une profonde érudition et une haute éloquence dans les lettres grecques et les lettres latines, une bonté d’âme admirable, le plus grand désir de se concilier et de mériter l’affection de ses semblables, et le plus merveilleux talent pour y réussir. La maigreur de ses jambes n’était pas en harmonie avec sa beauté ; mais il y remédia peu à peu par l’habitude de monter à cheval après ses repas. Il tua plusieurs ennemis de sa main. Il plaida des causes, même après son triomphe. Entre autres monuments de ses études, il nous reste de lui des comédies grecques. Il était également affable dans sa vie privée et dans sa vie publique. Il entrait sans licteurs dans les villes libres et alliées. Il honorait de sacrifices funéraires tous les tombeaux des hommes illustres. Ce fut lui qui recueillit le premier de ses mains et renferma dans un même sépulcre les ossements blanchis et dispersés des guerriers morts dans la défaite de Varus. Il n’opposait indistinctement que la douceur et la modération à tous ses détracteurs, quelle que fût la cause de leur inimitié. Il ne témoigna de ressentiment à Pison, qui avait révoqué ses décrets et maltraité ses clients, que lorsqu’il s’aperçut qu’il l’accusait de maléfices et de sortilèges. Alors même il se contenta, selon la coutume de nos aïeux, de renoncer publiquement à son amitié, et de confier aux siens le soin de sa vengeance, s’il lui arrivait quelque malheur. 5 10 15 20 25 Suétone, Vie des douze Césars, trad. Désiré Nisard, 1855. 30 Le Temple, comme tous les ordres militaires, dérivait de Citeaux. Le réformateur de Citeaux, saint Bernard, de la même plume qui commentait le Cantique des Cantiques, donna aux chevaliers leur règle enthousiaste et austère. Cette règle, c’était l’exil et la guerre sainte jusqu’à la mort. Les templiers devaient toujours accepter le combat, fut-ce d’un contre trois, ne jamais demander quartier, ne point donner de rançon, pas un pan de mur, pas un pouce de terre. Ils n’avaient pas de repos à espérer. On ne leur permettait pas de passer dans des ordres moins austères. « Allez heureux, allez paisibles, leur dit saint Bernard ; chassez d’un cœur intrépide les ennemis de la croix de Christ, bien sûrs que ni la vie ni la mort ne pourront vous mettre hors l’amour de Dieu qui est en Jésus. En tout péril, redites-vous la parole : Vivants ou morts, nous sommes au Seigneur… Glorieux les vainqueurs, heureux les martyrs ! » Voici la rude esquisse qu’il nous donne de la figure du templier : « Cheveux tondus, poil hérissé, souillé de poussière ; noir de fer, noir de hâle et de soleil… Ils aiment les chevaux ardents et rapides, mais non parés, bigarrés, caparaçonnés… Ce qui charme dans cette foule, dans ce torrent qui coule à la Terre-Sainte, c’est que vous n’y voyez que des scélérats et des impies. Christ d’un ennemi se fait un champion ; du persécuteur Saul, il fait un saint Paul… » Puis, dans un éloquent itinéraire, il conduit les guerriers pénitents de Bethléem au Calvaire, de Nazareth au Saint-Sépulcre. Le soldat a la gloire, le moine le repos. Le templier abjurait l’un et l’autre. Il réunissait ce que les deux vies ont de plus dur, les périls et les abstinences. La grande affaire du Moyen Âge fut la guerre sainte, la croisade ; l’idéal de la croisade semblait réalisé dans l’ordre du Temple. C’était la croisade devenue fixe et permanente, la noble représentation de cette croisade spirituelle, de cette guerre mystique que le chrétien soutient jusqu’à la mort contre l’ennemi intérieur. Jules Michelet, Histoire de France (1833-1867). Nouvelle Revue Pédagogique - Lycée / n° 46 / septembre 2011 09111322_COMPLEMENT-1.indd 1 1 01/08/11 14:10