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Découvrir un gène en quelques mois
Les maladies en question sont toutes provoquées par la mutation d'une seule paire de base dans un patrimoine
génétique qui en contient plusieurs milliards. Elles sont dites récessives, ce qui signifie que l'altération doit
affecter les deux copies du même gène pour que la maladie se développe. Avec une seule copie, l'animal
est qualifié de « porteur sain ». Sur ce mode récessif, le risque est de 1 sur 4 si à la fois le père et la mère
sont porteurs d'une mauvaise copie du gène (Lire le mode de transmission de la dystonie musculaire
congénitale). Le scénario de forte consanguinité qui s'est imposé au XXe siècle dans l'élevage bovin a permis
à des maladies au départ extrêmement rares de se répandre très rapidement dans les cheptels.
Mais grâce aux formidables progrès de la génétique au cours des dix dernières années, chercher le gène
d'une maladie congénitale récessive ne consiste plus à chercher une aiguille dans une botte de foin. Les
meilleurs laboratoires sont aujourd'hui capables de mettre le doigt sur LA lettre problématique en quelques
années, voire quelques mois. La méthode consiste d'abord à trouver ce que les chercheurs appellent une
«séquence identique par descendance», à savoir un morceau de chromosome commun à toutes les vaches
malades de l'échantillon, et que l'on ne retrouve pas dans le patrimoine génétique de vaches saines servant de
groupe contrôle. Le segment, que tous les bovins atteints ont hérité d'un seul et même ancêtre, peut contenir
plusieurs millions de lettres, et supporter plusieurs gènes différents. La seconde étape consiste donc à zoomer
sur cette séquence pour tenter de trouver la paire de base dont la mutation cause la maladie. Le séquençage
du génome bovin achevé en 2004 est très utile pour ce genre de recherche. Mais aussi celui, plus ancien, du
génome humain. Car aujourd'hui, on connaît la séquence de gènes humains associés à des maladies proches
des maladies qui affectent le cheptel bovin. La maladie de Brody, par exemple, est une maladie congénitale
humaine qui présente beaucoup de similitudes avec la dystonie musculaire bovine. C'est une maladie rare,
qui affecte les populations à fort taux de consanguinité. Bref, les chercheurs peuvent braquer leur regard vers
des zones du génome de plus en plus précises, par exemple celles qui supportent le gène de cette maladie,
jusqu'à découvrir la paire de base problématique.
La technologie du SNP
Une nouvelle technologie a permis une accélération fulgurante de ce criblage génétique : le SNP. Les
mutations responsables des tares héréditaires ne sont pas les seules « différences » observées au niveau
du patrimoine génétique. En moyenne deux génomes normaux diffèrent à peu près toutes les mille paires
de bases au niveau de «SNP» (Single Nucleotide Polymorphism). Il existe donc des millions de différences
ou SNP de ce type, la grande majorité d'entre eux étant heureusement inoffensifs. Mais ces SNP peuvent
servir de «marqueurs» pour tracer la transmission des chromosomes de génération en génération, chaque
chromosome étant en effet caractérisé par sa propre signature de SNP. Tous les individus atteints de la
même tare héréditaire partagent ainsi au niveau du gène défectueux une signature de SNP commune. Il existe
depuis peu des tests qui permettent de déterminer les signatures individuelles pour des dizaines et même des
centaines de SNP, et ce à l'aide des fameuses biopuces. Wouter Coppieters, du laboratoire de génomique
animale, a développé une telle puce comportant 50,000 SNP bovins. C'est la disponibilité de cet outil unique
qui a permis à l'équipe de localiser les gènes de tare avec une vitesse inégalée.