progresser vers la modernité, à l'opposé d'un Occident — ou d'une partie de l'Occident — présenté comme
seul digne représentant de la « civilisation ». Des théories telles que le « Choc des civilisations » de
Samuel P. Huntington, qui jouit d'une grande influence parmi les néo-conservateurs aux États-Unis, définit
ainsi la culture musulmane : « Partout, les relations entre les musulmans et les personnes d'autres
civilisations ont été en général antagonistes ; la majorité de ces relations ont été violentes dans le passé et
une partie a été violente dans les années 1990. Où que nous portions notre regard tout au long des
frontières de l'Islam, les musulmans ont des problèmes à vivre de manière pacifique avec leurs voisins
(…). Les frontières de l'Islam sont sanglantes, tout comme le sont ses zones et territoires internes ».
La construction de l'Islam comme nouvel ennemi mondial, tout particulièrement à partir des attentats du 11
septembre 2001, a généré un climat favorable pour les organisations d'extrême droite, qui ont commencé à
alimenter et à exacerber le discours islamophobe dominant. Ainsi, la nouvelle extrême droite ne justifie plus
son aversion envers les musulmans en termes racistes ou « biologiques », au nom de la « supériorité
d'une race sur une autre », mais bien en termes culturels et identitaires. La « préférence nationale » ne
s'applique plus seulement sur le terrain du travail ou des droits sociaux, elle est élargie au domaine
culturel. Cela permet à l'extrême droite de présenter la religion musulmane comme étant radicalement
incompatible avec les « valeurs et l'identité européennes » car elle subvertirait ses traditions, sa culture et
ses racines. En outre, cela lui permet de brouiller les pistes en instrumentalisant des arguments «
progressistes » dans les débats sur le foulard ou le niqab, tout en assimilant purement et simplement
l'Islam avec le terrorisme, comme le fait Geert Wilders, leader du parti islamophobe hollandais dans son
documentaire « Fitna » (le Calvaire).
De plus, la majorité de ces partis lient étroitement la communauté musulmane avec la croissance de la
criminalité et de l'insécurité urbaines. C'est notamment le cas du Vlaams Belang, dont le rejet de
l'immigration se concentre essentiellement à l'encontre des musulmans qui sont collectivement rendus
coupables du trafic de drogues et de l'insécurité urbaine.
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L’islamophobie et l'extrême droite : des noms, des dates, des faits
Le thème de la lutte contre l’islamisation, autrement dit l’islamophobie, est un thème largement fédérateur. Il est d’abord
fédérateur des différents courants xénophobes, réactionnaires et nationalistes entre eux (Front national, Parti de la
liberté,Vlaams Belang, Lega Nord, FPÖ et BZÖ autrichiens…), mais aussi de ces mouvements institutionnalisés avec des
groupements à l’idéologie clairement néonazie ou fasciste, qui gravitent autour d’eux. L’islamophobie se construit à travers
une série d’amalgames : le premier consiste à assimiler toute pratique religieuse musulmane à un islam violent, archaïque et
conquérant ; le deuxième identifie l’islam à une religion étrangère, culturellement incapable de s’intégrer à l'Europe «
chrétienne » ou « libérale et moderne » ; et le troisième permet d’ajouter la guerre sainte et la menace sécuritaire à l’islam.
Par connotation, « islam » devient ainsi équivalent de rétrograde, d’envahisseurs doublement étrangers et de terrorisme
potentiel.
•21 mars 2007, première apparition du blog « Stop Islamisation of Europe » inspiré par l’égérie islamophobe états-
unienne Pamela Geller. « Nous autres les silencieux qui ne nous plaignons jamais et sommes aujourd’hui gagnés
par l’impatience nous avons perdu la foi en nos politiciens et entamons notre propre résistance à l’islamisation
rampante de l’Europe ».
•1er mai 2007, l’UDC lance l’initiative « contre la construction de minarets ». Fin mai 2007, l’Office fédéral de la
justice se demande « si (…) une législation contre le racisme n’entame pas de manière excessive le droit des
Suisses à la préservation de leur propre identité, respectivement à la délimitation par rapport aux étrangers ».
•17 janvier 2008, à l’initiative de Filip Dewinter, député anversois et porte-parole du Vlaams Belang flamand,
plusieurs mouvements nationaux et identitaires européens constituent l’organisation européenne « Les villes contre
l’islamisation » et créent une structure commune.
•8 juillet 2008, le Comité « contre la construction de minarets » a déposé son initiative à la Chancellerie fédérale
avec 114.895 signatures, 14 mois après son lancement le 1er mai 2007.
•19 au 21 septembre 2008, la coalition des villes « contre l’islamisation des villes européennes » tient congrès à
Cologne contre la construction d’une mosquée. L’extrême droite européenne s’y presse.
•Le 26 novembre 2009, la Suisse vote par référendum contre la construction des minarets et adopte, avec 57,5%
des votes l'initiative de l'UDC qui s’inspire elle-même de la réglementation « anti-minarets » de deux Länder
autrichiens dominés par le FPÖ, le Vorarlberg et la Carinthie.
4/ Documents d'Etude de la FLL n°3