Pourquoi l’extrême droite
Progresse en Europe
En Autriche, un candidat d’extrême droite, Norbert Hofer, part favori pour le second tour de la présidentielle, qui
se tient dimanche La progression de son parti s’inscrit dans une tendance qui concerne plusieurs pays du Vieux
Continent. L’extrême droite à la tête d’une démocratie européenne ? Parfois approché, souvent redouté et encore inédit, le
scénario pourrait se produire dans le paisible cœur du Vieux Continent ce week-end : en Autriche, lors du second tour de
L'élection présidentielle, qui doit se tenir après-demain. Norbert Hofer, le candidat du Parti libéral autrichien(FPÖ),
formation d’extrême droite, part favori dans le duel qui l’oppose à Alexander Van der Bellen, un indépendant soutenu par les
Verts. Un retournement n’est pas à exclure, mais avec 35,1 % des voix au premier tour le 24 avril, l’homme du FPÖ jouit
d’une nette avance sur son adversaire, qui a rassemblé 21,3 % des suffrages. Deux conceptions de la nation, de l’avenir et de
l’autre doivent s’affronter lors de la bataille pour ce poste plus qu’honorifique – à Vienne, le président peut nommer
Le chancelier ainsi que le gouvernement, et dissoudre le Parlement. Pour Norbert Hofer et son parti, l’Union européenne
(UE) est une machine à broyer l’identité autrichienne, et l’islam est à bannir de la république alpine, tandis qu’Alexander Van
der Bellen et les Verts ont pour leur part fait de la défense du cosmopolitisme l’une de leurs signatures. Ainsi résumé à
grands traits, le menu des hostilités électorales en Autriche en rappelle d’autres qui, récemment, se sont déroulées en Europe.
À l’approche de plusieurs élections régionales en Allemagne, en mars dernier, le refrain de l’extrême droite a résonné dans
les meetings de l’Alternative pour l’Allemagne (AFD). Créée par des économistes en 2013 afin de sortir de la zone euro, la
formation a troqué sa bête noire contre une autre, l’islam, à la faveur de la crise des réfugiés, accueillis en grand nombre
outre-Rhin (plusde 1 million en 2015).Pour Norbert Hofer et son parti, l’Union européenne
est une machine à broyer l’identité autrichienne.
Son revirement lui a permis une percée électorale. À deux chiffres, les scores de l’AFD lui permettent d’occuper la deuxième
place au Parlement de la région de Saxe-Anhalt, et la troisième dans ceux des régions du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-
Palatinat. Plus au sud, les élections législatives suisses ont confirmé, en octobre, que l’Union démocratique du centre (UDC),
partisan de l’interdiction des minarets et de l’« immigration de masse », occupe bien la première place dans le cœur des
électeurs helvètes. Au Danemark, en juin, le Parti du peuple danois a frôlé le triomphe en se hissant à la deuxième place au
sein du « Folketing», le Parlement à Copenhague. Avec 21 % des suffrages, il y a gagné quinze sièges supplémentaires et
ainsi, l’occasion d’y faire résonner davantage son euroscepticisme et son nationalisme.« Ce que l’on a observé au premier
tour de la présidentielle en Autriche s’est observé dans plusieurs pays du centre et du nord de l’Europe, ainsi qu’en France,
note Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles(ULB). Le terrorisme ou la crise des
réfugiés contribuent à créer une dynamique qui rend plus crédible le discours d’extrême droite. »En Allemagne comme en
Autriche, par laquelle ont transité des centaines de milliers de réfugiés en 2015, l’actualité immédiate de la« crise des
migrants » a tout à la fois nourri et accrédité une rhétorique fondée sur un argument essentiel : l’incompatibilité entre
l’Europe et l’islam. Compris comme une culture, celui-ci est perçu comme une menace pour l’identité de l’Europe et des
nations qui la composent. Une telle rhétorique a permis une copieuse récolte électorale car elle a pris sur un terreau labouré
depuis plusieurs années. « Avec le11-Septembre, l’islam est devenu l’ennemi de l’extrême droite », indique Magali Balent,
chercheuse à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’extrême droite. Le rejet de l’islam
va de pair avec une idée de la nation présentée comme une référence qu’une ouverture sur l’extérieur pourrait trahir. « Il n’y a
pas d’extrême droite sans un rapport fort à l’idée de nation», indique Pascal Delwit. Une attitude de repli sur un passé qu’il
faut perpétuer, et de fermeture sur soi à l’intérieur de ses frontières que l’on retrouve aussi dans les discours de certains partis
de la droite populiste en Europe centrale, comme Droit et justice, au pouvoir en Pologne, ou le Fidesz, au pouvoir en
Hongrie. Un tel recroquevillement ne s’explique pas toujours par la crise économique. « Il n’y a pas de caractère
automatique entre situation socio-économique, immigration et extrême droite,
ajoute Pascal Delwit. C’est une combinaison d’éléments. » « Il n’y a pas d’extrême droite sans un
rapport fort à l’idée de nation. »
À5,8 %, le taux de chômage en Autriche figure parmi les plus faibles de l’Union européenne(UE). « L’Autriche a le
syndrome du petit pays riche qui a peur de l’invasion, analyse Magali Balent. On peut parler de nationalisme de la
prospérité. » C’est aussi le cas en Suisse. Ailleurs, la concurrence sur le marché du travail, la cherté de la vie ou la fin de
l’État providence jouent un rôle dans la progression du discours populiste. C’est le cas en France. C’est aussi vrai en Europe
centrale. Le passage du communisme à la démocratie a déçu car elle n’a pas apporté l’égalité », explique Magali Balent. En
revanche, en dépit de la grave crise économique que l’Espagne et le Portugal ont traversée, l’équation ne s’y vérifie pas.