Tout cela est-il de nature à mettre en cause les idées de Simone ou de Brustier
et Huelin sur la triomphe durable de la droite nouvelle ?
Il est trop tôt pour le dire. Mais, d'une part, il ne semble pas que la gauche, à
court terme, soit en mesure de construire une alternative idéologique à la droite.
Les avant programmes des deux principaux candidats socialistes, par exemple,
montrent une grande prudence face à la crise économique, ils raisonnent sur ce
plan en libéraux, bref sont encore dans la logique de droitisation du paysage
politique, commencé il y a trente ans.
D'autre part, il apparaît que l'un des enjeux majeurs pour la droite va se jouer à
l'extrême droite. Une partie de plus en plus importante de l'UMP, qui forme le
courant de la Droite Populaire, cherche un rapprochement avec le FN, dont les
idées sont proches sur les thèmes de l'immigration, de la sécurité, de l'Europe,
par exemple. Cette évolution possible confirmerait alors les thèses de Simone et
Brustier qui voient dans la droite nouvelle une synthèse entre le néolibéralisme,
le nationalisme, et le populisme d'extrême droite.
Si l'on se rappelle que l'histoire des droites est celle de mues successives et plus
rapides qu'à gauche, pour s'adapter à l'évolution des sociétés, on peut dire que la
droite tirerait là partie d'une évolution à laquelle on assiste dans les sociétés
occidentales, en Europe et aux Etats-Unis : la tentation d'un vote de la peur ( du
déclassement, de l'étranger, de la décadence..;) nourri par un repli sur
d'anciennes valeurs. Mais des gouvernants élus sur ces thèmes auraient la
redoutable tâche de concilier ce conservatisme réactionnaire et besoin de
sécurité avec la modernité capitaliste. Sans évoquer les tensions possibles dans
le corps social, il est possible d'imaginer une solution : cesser de lier le sort des
partis politiques aux élections à leurs résultats économiques ; pour cela
déconnecter l'économie du champ du politique et des choix des citoyens : cela
porte un nom déjà, c'est la gouvernance ; elle instaurerait un régime oligarchique
d'experts, d'entrepreneurs, et d'hommes politiques, pour la gestion de
l'économie, définie comme a-politique, et conserverait des structures
démocratiques pour les autres questions concernant la collectivité.
L'introduction d'une règle d'or dans les Constitutions européenne peut-elle être
interprétée comme une étape vers cet horizon oligarchique ?
Quoiqu'il en soit et pour finir, la droite française en 2011, confrontée à des
bouleversements économiques, sociaux, culturels, internationaux, semble
retrouver un mode de fonctionnement traditionnel : son éclatement entre trois
composantes, hier légitimiste, orléaniste, bonapartiste, aujourd'hui, lepéniste,
néo-libérale, libérale ( au sens économique et politique).
Gilles Desnots, 12 octobre 2011