Déboucher le nez oui … mais attention aux risques !
Les complications neurologiques secondaires à la prise de sympathomimétiques, en particulier les AVC
sont rares mais de fréquence croissante au cours de ces 20 dernières années, comme l'atteste la littérature. Il
n’est pas forcément facile de faire le lien entre ces effets indésirables gaves et les décongestionnants dans la
mesure où ces produits sont largement banalisés et utilisés en automédication. La prise de ces produits peut
être facilement ignorée si elle n'est pas spécifiquement recherchée.
Historique
- Novembre 2000, retrait du marché américain de l’ensemble des médicaments renfermant de la phénylpropanolamine
(PPA), utilisée pour ses propriétés décongestionnantes.
- Juillet 2001, information de l’Afssaps sur le bénéfice risque défavorable de la PPA et sur le risque d’accident vasculaire
cérébral des médicaments renfermant de la pseudo-éphédrine (PSE).
RINUTAN phénypropanolamine
DETURGYLONE oxymétazoline
SUDAFED pseudoéphédrine
HUMEX FOURNIER phénypropanolamine
RHINADVIL pseudoéphédrine
ATURGYL oxymétazoline
RHINOFLUIMUCIL tuaminoheptane
DERINOX naphazoline
DOLI RHUME pseudoéphédrine
ACTIFED JOUR NUIT
pseudoéphédrine
HUMEX RHUME pseudoéphédrine
PERNAZENE tymazoline
ACTIFED PSE pseudoéphédrine
RHINUREFLEX pseudoéphédrine
HUMOXAL phényléphrine
Les spécialités sur le marché actuellement :
sympathomimétiques
vasoconstricteurs utilisés utilisés par voie orale (éphédrine, pseudo-
éphédrine, phényléphrine) ou nasale (naphazoline, oxymétazoline,
tymazoline, éphédrine, phényléphrine, tuaminoheptane).
Les observations reçues au CRPV de Montpellier
- Patiente de 54 ans aux antécédents de cancer du sein, dépression,
cervicalgie, traitée depuis quelques jours
pour rhinite par ACTIFED. Autres
médicaments : PROZAC, PROTHIADEN,
RIVOTRIL. Hospitalisée pour AVC
(hématome intraparenchymateux).
Décède suite à cet AVC.
- Patiente de 71 ans, antécédent de
dyslipidémie, accident vasculaire cérébral
hémorragique après 5 jours de traitement
par Actifed. Guérison avec séquelles.
- Patiente de 34 ans sans antécédent
trouble visuel bilatéral, en cours
d'exploration en neurologie, après 1 comprimé d'Actifed.
Les cas concernent aussi bien l'utilisation normale ou « déviante » des produits (PSE, PPA, autres décongestionnants
ORL). On retrouve des publications d'AVC ischémiques et hémorragiques avec la cocaïne, la PPA, l'amphétamine et
l’éphédrine principalement. Des cas isolés sont rapportés avec la PSE, (Costantino G et al, 2007).
Une étude cas-témoin
(Kernan et al, NEJM 2000) a montré une augmentation du risque d’hémorragie cérébrale avec un
rapport de cote (RC) égal à 1,98 (IC 95% 1.00-3.90) chez les femmes ayant utilisé de la PPA dans les trois jours
précédant l’accident hémorragique. Lorsqu’on utilisait la PPA comme décongestionnant nasal, la valeur du RC pour le
risque d’hémorragie cérébrale était de 1,54 (IC95% 0.76-3.14). Seuls Kernan et al. (2000) ont étudié l’association entre
pseudoéphédrine et risque d’AVC. Ces auteurs ont rapporté un rapport de cote non significatif de 1,07. Comparé à la
pseudoéphédrine, un nombre plus important d’hémorragies cérébrales et d’infarctus cérébraux a été retrouvé pour
l’éphédrine.
Montalban et al (1989) rapportent deux accidents ischémiques cérébraux, l’un après prise prolongée de fénoxazoline en
spray nasal, l’autre après prise prolongée d’oxymétazoline.
Garcia-Albea et al (1983) décrivent un cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne après utilisation de xylométhazoline par
voie nasale. Les aspects angiographiques de tels accidents semblent superposables à ceux décrits dans les AVC
consécutifs à la prise de PPA ou ceux décrits après usage de pseudo-éphédrine (Le Coz et al, 1988). Ces auteurs
soulignent que l’usage chronique et par voie nasale d’un autre sympathomimétique, la fénoxazoline (Aturgyl®), est connu
pour provoquer des anomalies angiographiques des artères rénales et des hypertensions artérielles sévères, décrites par
Fendler et al, (1981).
Rappelons que les dérivés de l’éphédrine, PPA et PSE sont des sympathomimétiques ayant une structure
chimique proche de celle de l’amphétamine (appelée aussi desoxynoréphédrine). Comme pour toutes les
« amphétaminiques cachés », ils exposent à des risques cardiovasculaires, neurologiques ou psychiatriques
parfois graves. Plusieurs hypothèses de mécanismes ont été proposés afin d’expliquer la survenue d’AVC sous
vasoconstricteurs :
1- le rôle d’une poussée hypertensive (elle est cependant rarement mise en évidence dans nos observations),
2- une vasoconstriction cérébrale soit par action directe, soit secondaire à l’élévation tensionnelle et peut-être favorisée
par la présence d’une lésion de la barrière hématoencéphalique,
3- enfin qu’en est-il du rôle des malformations associées ? On sait que ce rôle est fréquent dans les cas impliquant la
cocaïne, moins fréquent avec l’amphétamine et rare avec la PPA.