Poser des choix libres (2) - Père F. Boëdec – Carême 2011 Page 3/9
faire valoir, est bien une des pulsions fondamentales qui rendent compte de la conduite de
beaucoup de nos contemporains et de nous-mêmes, parce que nous savons bien que, d’une manière
ou d’une autre, nous n’échappons pas à cela. Jésus ne cède pas à cette fascination : il est libre vis-
à-vis du désir qui nous porte souvent à nous faire valoir, à séduire, à susciter le désir de l’autre, à
finalement vouloir mettre la main sur Dieu et le posséder.
3/ La tentation du pouvoir
Jésus est libre face au pouvoir. Nous avons à redécouvrir que l’on peut vivre le pouvoir,
l’autorité – c’est-à-dire ce qui autorise et permet à l’autre de croître et de grandir – comme un
service. L’exemple du Christ est pour nous important. Je suis sûr que nous pouvons repérer dans nos
vies les lieux très concrets où cette tentation peut exister et où, en même temps, il nous est
possible de vivre ce pouvoir comme un service : au travail, en famille, dans la vie associative,
communautaire, ecclésiale. Finalement, tous, même si nous ne sommes pas PDG d’une grande
boîte, nous avons, si modestes soient-ils, des responsabilités, des lieux où nous pouvons exercer un
pouvoir. Comment exerçons-nous le pouvoir que nous avons, si petit soit-il ? Peut-être pouvons-nous
regarder comment nous nous y prenons et à quoi le Christ nous invite.
Le secret de la liberté du Christ : se recevoir de son Père
Avoir, valoir, pouvoir : ces trois pulsions menacent toujours la liberté des hommes. Le
Christ, vrai Homme et vrai Dieu, les a mises à leur juste place, elles ne l’ont pas dominé. Il est resté
libre jusqu’au bout, alors même qu’il était confronté à des choses qui n’étaient pas du tout simples
à vivre. Comment s’y est-il pris ? Il est resté lié, tourné, en confiance avec Son Père. Il n’a pas cessé
de se recevoir de son Père. C’est là vraiment le secret de la liberté du Christ : se recevoir d’un
Autre, se recevoir de Dieu, son Père. Au commencement de son Evangile, saint Jean écrit : « Au
commencement, le Verbe était tourné vers Dieu. » Jésus est l’Homme uniquement tourné vers
Dieu. Il communie, il coïncide avec le désir même de Dieu. « Ma nourriture est de faire la volonté
de Celui qui m’a envoyé. » Quelle est la volonté de Dieu ? Que nous vivions, que nous soyons
heureux, vivants, aimants de son amour, un amour qui est capable de tout balayer : nos refus, nos
résistances, nos trahisons, un amour plus fort que le péché.
L’expérience que vit le Christ, c’est l’expérience à laquelle nous sommes tous appelés.
L’homme libre est celui dont la parole est vraiment sa propre parole, celui qui parle en « je » et
non pas toujours en « nous » ou, pire encore, avec
un
« on » indéfini : « On pense que… » Oui, mais
toi, qu’est-ce que tu penses ? Peut-être ne penses-tu rien et ce n’est pas forcément un tort. Il est
parfois difficile de savoir ce qu’il faut penser, il n’y a pas de honte à cela, mais dis-le, engage-toi
dans ta parole. L’homme libre est celui qui est dans sa propre parole. Jésus n’a jamais parlé que de
sa propre parole. C’était bien lui qui était engagé dans ce qu’il disait. Il le revendique quand il dit :
« Ma vie, on ne la prend pas, c’est moi qui la donne. » Il s’agit bien d’une parole éminemment
personnelle. Jésus n’a jamais parlé que de sa propre parole et en même temps, sa parole se fondait
sur la relation intime à son Père. C’est parce qu’il était assuré, posé dans cette relation qu’il
pouvait aller vers les autres hommes.
La vie spirituelle est un peu comme un triangle de relations libres où chaque point du
triangle se renvoie l’un à l’autre : Dieu, moi, les autres. L’amour circule entre ces trois pôles. Si
l’une des relations ne fonctionne plus, l’ensemble ne fonctionne plus. On ne peut pas aimer Dieu si
on n’aime pas son frère. L’amour des autres conduit à Dieu. Dieu aime les autres comme il m’aime,
de manière unique, personnelle et privilégiée, et l’on ne peut aimer Dieu et les autres si l’on ne
s’aime pas soi-même. Il y a là une invitation pour chacun et chacune d’entre nous à regarder
comment fonctionne notre triangle de liberté et plus particulièrement où nous en sommes de notre