b. S’en remettre à l’opinion des plus sensés : Ici Descartes change de méthode : puisqu’il doute de ses propres
idées, il ne sait plus rien, et décide de faire confiance aux hommes les plus sages.
II. POURQUOI IL FAUT ÊTRE CONFORMISTE :
a. Mieux vaut faire comme ceux avec qui on vit : Dans la seconde partie de son texte, Descartes va expliquer
certains points, et notamment l’intérêt de « faire comme les autres ». En effet, on pourrait penser qu’un
philosophe aurait intérêt à vivre différemment, comme un marginal, afin de mieux analyser le monde autour de
lui. Descartes, au contraire, prône une parfaite intégration à la société environnante, quitte à être conformiste.
i. Il y a peut-être des Perses et des Chinois très sensés, mais il est plus « utile » de faire comme les
hommes qui sont autour de nous.
ii. Pourquoi ? Descartes ne le dit pas : on peut bien en imaginer la raison : on évite le rejet, on peut mieux
réussir dans sa profession car on connaît les habitudes du pays, bref, on vit mieux. Il semble que
Descartes ne cherche pas uniquement le confort et veut surtout éviter les pertes de temps inutiles, et
les difficultés que rencontrerait un homme qui se piquerait d’originalité. Il ne veut pas vivre comme
le philosophe Diogène le cynique (Grecs anciens), qui méprisaient les conventions sociales et vivait
dans un tonneau. Le philosophe n’a pas vocation à être marginal pour Descartes. Pourquoi ? Avant
tout pour garantir une certaine tranquillité d’esprit, qui le rende disponible à l’étude.
b. Privilégier les actes aux paroles : Lorsqu’on décide de suivre les autres, il faut cependant prendre garde à ne
pas se fier à leurs déclarations, mais seulement à leurs actions.
i. D’une part, parce que les gens ne sont pas sincères : ils ne disent pas ce qu’ils pensent.
ii. D’autre part parce que les gens n’analysent pas leur conduite, et ne savent pas ce qu’ils font : ils ne
peuvent donc en parler correctement : « car l’action de la pensée par laquelle on croit une chose, étant
différente de celle par laquelle on connaît qu’on la croit », autrement dit, la croyance n’est pas la
connaissance : les gens peuvent croire agir selon certains principes, mais sans savoir quels sont ces
principes, et même sans prendre conscience de ce qu’ils croient. Du coup, il y a une discordance entre
les principes qu’ils affichent et ce qu’ils font effectivement.
c. Pourquoi il faut préférer la modération : On peut reprocher aux gens modérés d’être frileux, de ne pas vouloir
prendre de risque. Descartes explique pourquoi la modération est supérieure à l’excès.
i. Ces opinions sont les « plus commodes » : en effet, il semble bien qu’on évite de se faire des ennemis.
Nous retrouvons le souci cartésien d’éviter d’être dérangé par des controverses.
ii. Descartes refuse surtout, comme dans la partie 2, d’être considéré comme un révolutionnaire
susceptible de troubler l’ordre du pays. Il caraint la censure des autorités.
iii. Surtout, les opinions modérées sont « vraisemblablement les meilleures » - remarquons que Descartes
ne dit pas ici qu’elles sont vraies, mais seulement vraisemblables – car elles ont plus de chance
« statistiquement » d’être proches de la vérité, contrairement à une opinion excessive, qui peut
conduire à se tromper totalement, à se fourvoyer. Il faut trouver le point « équidistant » entre deux
opinions extrêmes : la vérité ne sera jamais très loin (remarquons la métaphore géométrique).
iv. Descartes s’oppose à Aristote et à son « juste milieu » qui représente l’excellence de la conduite : ici,
le juste milieu n’a qu’un intérêt purement pratique. Il n’est pas le signe de l’excellence morale.
v. Descartes considère comme un excès les promesses qui nous engagent, et donc limitent notre liberté
(par une obligation). Cela peut paraître étrange car la promesse peut sembler un exemple typique de
devoir moral. Kant y accorde beaucoup d’importance. Cela montre la capacité de l’individu à
s’imposer des règles, à s’engager, et donc à être autonome (forme la plus haute de liberté pour Kant,
Rousseau le siècle suivant). Pour Descartes, un homme a tort de se lier à un engagement, et doit
conserver la possibilité de changer de décision. Mais Descartes prône-t-il l’inconstance ? Fait-il
preuve, comme Machiavel (auteur italien du 16ème siècle, qui donne des conseils à un Prince pour
garder le pouvoir) d’un pragmatisme cynique ?
d. Dans le dernier paragraphe, Descartes va expliquer davantage ce dernier point : pourquoi il ne faut pas
s’engager : le fait de changer d’avis est, pour Descartes, le fait des « esprits faibles ». Ainsi, les contrats, par
lesquels on s’engage vis-à-vis d’autrui, sont nécessaires. Ils sont notamment utiles au commerce, et permettent
de persévérer (Descartes anticipe ici sa 2ème maxime). Les « vœux » font ici référence aux vœux monastiques
(s’engager dans les ordres).
i. Comme Machiavel avant lui, Descartes observe que tout change, rien n’est stable. Mais, ce n’est pas
parce que les hommes sont inconstants qu’il faut ne pas s’engager.
ii. En réalité, ce que veut dire Descartes, c’est que, tant qu’il n’a pas fini l’examen critique de ses pensées,
et donc tant qu’il doute de tout, il ne doit pas se lier d’une manière ou d’une autre, car le gênera dans
sa quête de la vérité. Les promesses risquent de nous pousser à transformer des opinions provisoires
en opinions définitives. Descartes n’est donc pas de manière générale contre les promesses qu’on fait
aux autres hommes, mais ne veut pas s’engager tant qu’il n’a pas les idées claires.
Texte 14 :
« Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas
moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très
assurées. Imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d'un
côté, tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même
côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n'ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui
les ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s'ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque
part, où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d'une forêt. Et ainsi, les actions de la vie ne souffrant souvent