PPréserver la biodiversité des poissons d`eau douce : un défi

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Fiche n°290 - Mars 2008
Préserver la biodiversité des poissons
d’eau douce : un défi pour les pays du Sud
P
permettant d’être présent
et de se déplacer rapidement sur tous les continents, il est devenu un
vecteur important de la
diffusion des espèces en
dehors de leur écosystème d’origine. Cependant,
aucune étude scientifique
d’envergure
mondiale
n’avait encore permis de
mesurer son implication
dans l’établissement d’un
groupe d’espèces entier
au sein d’un milieu naturel
donné. Les travaux que
vient de publier une équipe internationale1, parmi
lesquels figurent des
chercheurs de l’université
Paul Sabatier de Toulouse,
de l’IRD et du CNRS, permettent, pour la première
fois à l’échelle planétaire,
de mieux comprendre les
processus conduisant à
l’implantation de poissons
d’eau douce dans les bassins hydrographiques.
L’étude, portant sur plus
de 1000 fleuves abritant
près de 10 000 espèces de
poissons d’eau douce, démontre que l’on doit principalement aux activités
humaines l’établissement
de poissons « non-natifs »
ou exotiques. Alors que
ce phénomène affecte
surtout les écosystèmes
fluviaux des pays du
Nord, les bassins hydrographiques des pays en
voie de développement,
hébergeant la majeure
partie de la biodiversité
piscicole, pourraient, si
l’on n’y prend pas garde,
subir le même sort dans
le contexte de croissance économique qu’ils
connaissent aujourd’hui.
© Onema / F. Storck
epuis que l’être humain dispose de
D
moyens techniques lui
Originaire d’Amérique du Nord, la perche soleil (Lepomis gibbosus) est aujourd’hui présente
dans de nombreux cours d’eau d’Europe.
Afin de subvenir à ses besoins alimentaires ou pour répondre à des nécessités moins primordiales comme l’horticulture, la pêche ou la chasse, l’Homme
introduit régulièrement des espèces
exotiques dans des milieux naturels
qui ne sont pas toujours adaptés à
l’accueil de ces nouveaux arrivants.
Les tentatives d’introduction passées
comme celle du lapin de garenne en
Australie ou de la truite fario dans les
cours d’eau de l’hémisphère sud, nous
permettent aujourd’hui de prendre
conscience que ces espèces, qualifiées
de « non-natives » par les scientifiques,
ont le pouvoir de bouleverser l’équilibre
d’un écosystème. En 2002, la Convention sur la biodiversité reconnait que les
introductions d’espèces représentent la
deuxième cause de régression de la diversité biologique, après la destruction
des milieux naturels. Alors que l’Homme joue vraisemblablement un rôle
majeur dans ce phénomène, aucune
étude scientifique n’avait encore permis
de mesurer son implication à l’échelle
de la planète pour un groupe d’espèces
donné. Une équipe internationale de
scientifiques réunissant notamment des
chercheurs de l’IRD, du CNRS et de
l’université de Toulouse, vient de publier
une étude qui montre pour la première
fois que l’activité humaine est la principale responsable de l’établissement des
espèces de poissons exotiques dans les
écosystèmes fluviaux. Les scientifiques
ont analysé des données de présence
de près de 10 000 poissons d’eau douce dans 1055 bassins hydrographiques
couvrant à la fois 80% des terres immergées et 80% des espèces de poissons
d’eau douce répertoriées sur la planète.
A partir de ces données, les chercheurs
ont identifié sept « points chauds »
d’invasion d’espèces : la côte Pacifique d’Amérique du Nord et d’Amérique
Centrale, la Patagonie, le sud et l’ouest
de l’Europe, l’Afrique du Sud et Madagascar, l’Asie centrale, le sud de l’Australie et la Nouvelle-Zélande (voir carte).
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
Retrouvez les photos de l'IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur www.ird.fr/indigo
CONTACTS :
FABIEN LEPRIEUR
Laboratoire Evolution et
diversité biologique
Adresse : Université Paul
Sabatier, bâtiment 4R3
115 route de Narbonne
331062 Toulouse cedex 4
France
Tél : +33 (05) 61 55 67 47
[email protected]
THIERRY OBERDORFF
Directeur de recherche
IRD
Unité de recherche
Approche macro-écologique de la biodiversité
aquatique en zone continentale
(AMAZONE)
Adresse : MNHN
43 rue cuvier
75005 PARIS
Tél : +33 (0)1 40 79 37 67
[email protected]
RÉFÉRENCES :
FABIEN LEPRIEUR, OLIVIER
BEAUCHARD, SIMON BLANCHET, THIERRY OBERDORFF,
SÉBASTIEN BROSSE, Fish
Invasions in the World’s
River Systems : When
Natural Processes Are
Blurred by Human Activities, PloS Biology, 2008,
Vol. 6, No. 2, e28
doi :10.1371/journal.
pbio.0060028
MOTS CLÉS :
Espèce exotique, bassin
fluvial, poisson d’eau
douce, invasion
RELATIONS AVEC LES
MÉDIAS :
GAËLLE COURCOUX
+33 (0)1 48 03 75 19
[email protected]
Ces régions sont caractérisées par des
bassins hydrographiques où les espèces non-natives représentent plus du
quart des espèces de poissons d’eau
douce recensées. Par ailleurs, elles
se superposent avec certains « points
chauds de biodiversité » qui correspondent à des zones géographiques combinant à la fois un fort taux d’endémisme
et un nombre total d’espèces très élevé.
Les scientifiques ont aussi voulu savoir quelle était l’influence relative des
caractéristiques propres à chaque écosystème et des activités humaines sur
la diversité des espèces de poissons
exotiques. Pour cela, ils ont testé trois
hypothèses. La première dite de « résistance biotique » suggère qu’une forte
diversité de poissons d’eau douce dans
l’écosystème d’accueil constitue une
barrière à l’établissement des espèces exotiques. La deuxième hypothèse
dite d’« acceptance biotique » suppose
au contraire que pour un écosystème
donné, la diversité des poissons exotiques suit celle des poissons natifs car
les conditions écologiques favorables à
ces derniers le sont également pour les
nouvelles espèces. Quant à la troisième
hypothèse, elle prend en compte différents indicateurs à l’échelle du bassin
hydrographique (produit intérieur brut,
pourcentage de zones urbanisées, densité de population), permettant de mesurer la relation entre pression anthropique et diversité des espèces exotiques.
Le poids relatif de chacune des trois
hypothèses a été mesuré grâce à l’application de méthodes statistiques. Pour
l’ensemble des cours d’eau étudiés, ces
analyses montrent que les conditions
environnementales des écosystèmes
fluviaux n’influencent pratiquement pas
la diversité des espèces exotiques. Ce
sont au contraire les facteurs humains, et en particulier l’intensité
des activités économiques mesurée
par le produit intérieur brut, qui déterminent le nombre d’espèces exotiques d’un bassin hydrographique.
Ces résultats suggèrent ainsi que le développement économique prévu dans
les pays en voie de développement devrait s’accompagner d’une augmentation du nombre d’espèces exotiques de
poissons d’eau douce. Sachant que les
invasions biologiques sont considérées
comme l’une des principales causes de
l’érosion de la biodiversité, un tel scénario serait probablement préjudiciable
au maintien de la biodiversité aquatique
de ces régions. Or, d’après cette même
étude, des écosystèmes fluviaux exceptionnels comme le bassin de l’Amazone
en Amérique du Sud ou celui du Congo
en Afrique centrale, sont encore très peu
affectés par le phénomène d’introduction d’espèces piscicoles. Sur les 3000
espèces de poissons répertoriées dans
le fleuve Amazone, on ne dénombre par
exemple pas plus de 1% d’espèces exotiques. Alors que bon nombre de pays
du Sud voient leur croissance économique décoller, ce genre d’étude devrait,
à l’avenir, contribuer à la mise en place
d’une veille efficace dans la surveillance
des espèces exotiques s’installant dans
les milieux naturels les plus riches en
biodiversité et permettre ainsi l’application du principe de précaution avant
qu’elles ne deviennent envahissantes.
Rédaction DIC – Grégory Fléchet
1. Ces recherches ont été menées
en collaboration avec des scientifiques du Groupe de recherche sur
la gestion les écosystèmes de l’université d’Anvers (Belgique) et du
Centre interuniversitaire de recherche sur le saumon atlantique (Circa) de l’université Laval (Canada).
INDIGO,
PHOTOTHÈQUE DE
L’IRD :
DAINA RECHNER
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© Leprieur Fabien
Fiche n°290 - Mars 2008
Pour en savoir plus
Pourcentage d’espèces non-natives de poissons d’eau douce dans 1055 bassins
hydrographiques couvrant plus de 80% des terres émergées.
Grégory Fléchet, coordinateur
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
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