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Architecture hospitalière - numéro 10 - CHU de Martinique
Quelles sont les particularités architecturales de ce nouveau
bâtiment ?
F.T : Le projet tire parti des contraintes foncières, notamment la très
forte déclivité du terrain (plus d’une dizaine de mètres), deux hôpitaux
mitoyens à maintenir en activité et une emprise disponible limitée.
Il s’insère dans le site en respectant les bâtiments voisins et en particulier
ceux de la dernière génération tels la Maison de la Femme, de la Mère
et de l’Enfant. Le nouveau plateau technique est accessible par chacune
de ses façades. Les trois accès sont traités de manière distincte ;
nous avons une entrée publique générale en façade ouest au niveau
haut, une entrée « urgences » sur la pointe en façade sud, et une entrée
logistique en façade est au niveau bas du terrain. L’implantation des
façades permet des passerelles de connections simples et directes
vers les bâtiments existants. Ainsi, un véritable dialogue s’instaure
entre les trois entités. L’ouvrage est constitué de six niveaux complétés
d’une hélistation en terrasse. Son implantation est volontairement
et légèrement désaxée par rapport à l’existant pour dégager un vaste
parvis et éviter les vis-à-vis. Les façades sont constituées de voiles de
béton épais (50cm), et de châssis équipés de brise-soleils orientables
extérieurs permettant un contrôle de l’ensoleillement. La protection
sismique est assurée par une isolation à la base, le bâtiment étant
posé sur isolateurs complétés par des amortisseurs. En cas de séisme,
le maximum de l’énergie est dissipé au niveau de l’infrastructure,
limitant ainsi les sollicitations imposées à la superstructure et aux
équipements, tant au niveau des équipements liés au bâtiment
(techniques, ascenseurs,...) que des équipements biomédicaux. La
volumétrie simple et compacte de l’ouvrage (triangulaire) assure
une bonne répartition des efforts et donc un bon comportement en
cas de séisme. Dans un souci d’hygiène, le plateau technique est
conçu sans joint de dilatation. Une attention particulière a donc été
portée aux calculs de retrait puisqu’il s’agit de réaliser un ouvrage
de plus de 123 m de long sans aucun joint de dilatation. Le contre-
ventement est assuré essentiellement par les voiles de façades et de
patios. Le contreventement intérieur est limité aux cages d’escaliers
et aux gaines des appareils élévateurs, offrant ainsi une modularité
aux différents niveaux.
A combien s’élève l’investissement ?
F.T : L’investissement total représente 169M€ (libération de l’emprise
nécessaire à la construction du nouveau bâtiment comprise). Le finan-
cement est porté par l’Etat dans le cadre du plan hôpital 2012 (93M€),
par l’Europe (Fonds FEDER - 34.6M€), par la Région Martinique
(16.9M€) et par le CHU (emprunt - 24.5M€), dont 12.2M€ auprès
de l’Agence Française de Développement.
La première pierre a été posée le 22 novembre dernier. Comment
se déroulent les travaux ?
F.T : Après les premiers travaux de libération de l’emprise effectués
de fin 2010 à début 2013, c’est donc en février de l’an dernier que nous
avons débuté les travaux de dévoiement de réseaux et de terrassement
de la nouvelle structure. Cette première phase, particulièrement délicate,
a consisté à réaliser des travaux au pied même du Plateau Technique
actuel et du Pôle Mère Enfant tout en garantissant le maintien de
l’accès des urgences aux patients amenés par ambulance ou par
hélicoptère. Un autre défi était de ne pas perturber, pendant toute
la durée des travaux, l’activité des services sensibles en mitoyenneté
(réanimation adulte, réanimation néonatale, urgences, bloc opératoire,
etc.). En fonction des différentes phases de travaux, les sens de circu-
lation, les accès et les stationnements ont été modifiés. Enfin, après
le montage des grues en août et septembre, les travaux de fondations
ont été lancés en octobre 2013 et devaient s’achever fin janvier 2014.
La pose des isolateurs parasismiques est en cours.
Quel est le calendrier prévu ?
F.T : Cette opération débutée en 2010 doit s’achever en mars 2016
par la livraison de l’ouvrage. Le clos couvert devrait être réalisé en
décembre 2014, et les OPR d’octobre 2015 à février 2016.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans le
développement de ce projet ?
F.T : Le CHU de Fort de France est devenu au 1er janvier 2013 le CHU
de Martinique du fait de la fusion avec les centres hospitaliers du
Lamentin et de Trinité. Il est confronté depuis plusieurs années à
d’importantes difficultés financières. Dans de telles conditions, la
finalisation du plan de financement était, et reste d’ailleurs aujourd’hui,
très difficile. Le projet n’a été maintenu que parce qu’il est l’unique
solution qui pourra permettre la prise en charge immédiate de la
population martiniquaise et de la Caraïbe, en cas de catastrophe
naturelle majeure. Par ailleurs, comme pour tout projet qui nécessite
plusieurs opérations tiroirs, il nous a fallu résoudre l’ensemble des
difficultés liées à la libération de l’emprise avant de pouvoir envisager
le premier coup de pelle pour le plateau technique. Enfin la procédure
de conception réalisation que nous avons choisie, qui présente
l’énorme avantage d’octroyer une réduction significative des délais,
a nécessité quelques ajustements des conventions FEDER dont nous
bénéficions, pour permettre le paiement de la subvention européenne.
Avez-vous déjà prévu un plan d’équipement pour ce nouveau
bâtiment ?
F.T : Le nouveau plateau technique de l’hôpital Pierre Zobda Quitman
qui sera livré en 2016, vient en remplacement du plateau technique
actuel. De ce fait il ne sera pas nécessaire de remplacer l’intégralité
des équipements, mais seulement ceux devenus obsolètes ou qui
ne pourraient pas être déménagés. Ce plan d’équipement est d’ores
et déjà élaboré et chiffré.
Doit-on forcément être « à la pointe de la technologie »
quand on conçoit et équipe un plateau technique aujourd’hui ?
F.T : Notre nouveau plateau technique a été conçu comme un véritable
« trauma center », à même d’être fonctionnel et de prendre en charge
un afflux massif de blessés immédiatement après un séisme majeur.
Les toutes dernières normes y seront mises en œuvre, comme par
exemple la norme NFS 90351 sur la maîtrise de la contamination
aéroportée dans les zones à environnement maîtrisé des établissements
de santé publiée en avril 2013, au moment ou débutaient déjà nos travaux.
Il ne s’agit pas tant pour nous d’être « à la pointe de la technologie »,
que d’assurer des soins de grande qualité pour la population qui nous
fait confiance, et d’assurer pleinement et entièrement notre rôle qui
est celui d’un Centre Hospitalier Universitaire mais également celui de
l’hôpital de recours, pour la Martinique comme pour toute la Caraïbe.
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