CENTRE D’HISTOIRE DE LA VIGNE ET DU VIN
Bulletin de liaison
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La dîme est, dès les origines de l’Église, un impôt dû par tout fidèle sur un dixième de ses revenus1. Dans une
économie médiévale fondée sur les richesses de la terre, la dîme sur le vin paraît un élément à prendre en
considération, d’une part dans nos régions viticoles, d’autre part dans une ville comme Beaune dominée au Moyen
Âge par un riche et puissant chapitre de chanoines séculiers, dont, de surcroît, les abondantes archives ont été en
grande partie conservées.
Notre étude2 se limitera aux seules dîmes portant sur les vignes du finage de Beaune. Ces dîmes sont
amodiées, affermées par le chapitre : les chanoines en confient la perception, moyennant le versement d’un loyer
annuel, payable en plusieurs termes, à un ou plusieurs individus qui devaient ensuite lever l’impôt et se rétribuer sur
les contribuables. Toutefois, les renseignements fournis sur ces amodiations nous renseignent-ils réellement sur
l’importance et l’évolution de la production des vignes beaunoises au Moyen Âge ?
Cette étude est permise par l’exploitation de trois ensembles de sources différentes mais complémentaires et
émanant du même producteur, le chapitre de la collégiale Notre-Dame de Beaune. Des documents comptables, les
comptes du cellérier, forment une longue série conservée depuis l’année 1331, malheureusement pas de manière
exhaustive3. La série ne peut être considérée comme relativement continue qu’à partir de 1375, et encore en plein
XVe siècle, des années entières ont disparu. Toutefois la période postérieure à 1401 est documentée par les registres
capitulaires4, dans lesquels ont été recopiés la plupart des contrats d’amodiation – là encore, tous n’y sont pas – tandis
que des renseignements innombrables permettent de dresser une prosopographie du clergé beaunois et donc des
amodiateurs. Enfin, quelques rares terriers dressés par les preneurs au cours de leur amodiation ont été conservés,
l’un de 1380, l’autre du milieu du XVe siècle5, les autres pour l’époque moderne.
Nous verrons tout d’abord les grands principes de cet impôt perçu par amodiation au profit du chapitre.
Cependant, cet impôt reste difficile à cerner, notamment à cause de la façon dont il est levé. En effet, à Beaune, s’il
est un impôt sur les vignes, il n’est pas forcément un impôt sur la récolte.
I) Un impôt amodié par le chapitre
1) Un impôt ecclésiastique sur les vignes du finage de Beaune
En tant que seul curé de la ville de Beaune, le chapitre de Notre-Dame de Beaune est le destinataire attendu
des dîmes à prélever sur l’étendue du territoire paroissial. Les dîmes qui nous intéressent sont celles que les textes
appellent les ‘grandes dîmes de Beaune’, c’est-à-dire les grandes dîmes des vignes qui se trouvent sur le finage de
Beaune. Quelques sources les indiquent comme dîmes du vin – « recepta de decimis vini6 » mais la référence au
territoire de Beaune domine largement dans la documentation. Cette dîme porte donc sur les fruits de l’ensemble des
vignes se trouvant dans les limites de Beaune. L’ensemble… à l’exception des vignes appartenant à un certain
nombre d’ordres religieux qui peuvent en être exemptés. Aucune vigne appartenant aux hospitaliers de Beaune, par
exemple, n’est citée dans les terriers qui ont été conservés. Toutefois, une grande abbaye comme Cîteaux paye la
dîme sur ses vignes de Beaune, selon des modalités que nous développerons plus loin.
Quoi qu’il en soit, la superficie concernée est importante, puisque le terrier de 1380 dénombre 8 970 ouvrées,
soit environ 384 hectares, qui doivent la dîme au chapitre de Beaune7.
De ce fait, les amodiations des dîmes représentent les plus gros de tous les contrats d’affermage de biens du
chapitre. Elles s’élèvent en moyenne à 200 francs au XVe siècle, alors que la recette des cens atteint au mieux 65
francs. Le bail des dîmes des vignes de Beaune représente une transaction équivalente – même si la nature des
éléments amodiés est radicalement différente ! – à l’amodiation de l’église Saint-Pierre, seule église de la ville, la
collégiale exceptée, à être située à l’intérieur des remparts, et de ce fait centre de la plus grosse paroisse de Beaune.
1 FAVIER (Jean), « Dîme », Dictionnaire du Moyen Âge, dir. Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Paris, PUF, 2002, (« Quadrige »), p.
420-421 ; LEPOINTE (G.), « Dîme », Dictionnaire de droit canonique, dir. R. Naz, t. 4, Paris, Letouzey & Ané, 1949, col. 1231-1244.
2 Sur un sujet qui nous est moins familier que l’étude sociologique du clergé beaunois, cet article a profité des idées échangées avec Vincent
Tabbagh, professeur en histoire du Moyen Âge à l’Université de Bourgogne, et avec Hannelore Pepke-Durix et Thomas Labbé, docteurs en
histoire du Moyen Âge de l’Université de Bourgogne. Qu’ils soient ici remerciés pour leurs judicieuses remarques.
3 Archives départementales de la Côte-d’Or (désormais ADCO), G 2918.
4 ADCO G 2480 et suivants.
5 ADCO G 2902/107 et 108.
6 ADCO G 2918/3, fol. 31v.
7 ADCO G 2902/107. Chiffres cités dans RENAUD (Guy), Histoire de Beaune, Châtillon-sur-Chalaronne, Éditions de la Taillanderie, 2005, p. 55.