Page 1 INVASION (épisode 2) par Daniel MARIN Je viens de relire l'article de ma botaniste préférée, Mireille, paru il y a deux mois, intitulé « Invasion » et consacré au Séneçon du Cap. Étant en panne d'idée, j'ai eu l'envie de le compléter en parlant à la fois de l'ensemble des Séneçons et des papillons « à plumes », les Ptérophores. Même jeunes, les Séneçons seraient des vieux : en latin, senecio signifie vieillard. Tout cela parce que certains membres de ce genre développent des inflorescences surmontées d'aigrettes blanches ressemblant à des têtes à cheveux blancs. Que d'imagination de la part des botanistes ! Ces aigrettes, appelées aussi pappus, permettent une Aigrettes d'un Séneçon commun dispersion maximale des graines par le vent. Beaucoup d'autres plantes comme par exemple les Pissenlits disposent de ce même organe sans pour autant Séneçon Jacobée être traités de vieux. (C'est de la discrimination, me souffle un Senecio vulgaris indigné). Dans ce genre Senecio, se côtoient entre autres le séneçon commun et, nouveau venu, le séneçon du Cap alors que le Séneçon de Jacob, pourtant indigène, a été placé dans un genre voisin, les Jacobaea. Je viens même de découvrir que Baccharis halimifoli, bel arbrisseau importé des États-unis et classé dans certaines régions espèce envahissante, appartient à un genre voisin. Ce Baccharis peut être observé en forêt de Montmorency, dans une friche longeant le Chemin des fourmis. Si tous les Séneçons renferment des alcaloïdes hépatotoxiques, au moins deux sont particulièrement toxiques pour les mammifères, le Séneçon de Jacob et celui du Cap. Ces toxines alcaloïdes ne sont pas rejetées par l'organisme et donc s'accumulent dans le foie de l'animal jusqu'à atteindre la dose mortelle. Dans les pâtures, chevaux et bovins évitent de consommer ces plantes à la saveur amère, mais ne les distinguent plus quand elles sont présentes dans le fourrage distribué à ces animaux. On considère qu'une dose de 15 à 25 kg de Séneçon, même consommée en plusieurs mois, est mortelle pour un cheval de 500 kg. On peut retrouver des traces de toxines dans certains produits consommés par l'homme, lait de vache ou de chèvre ou miel. Séneçons dans une prairie. Les séneçons ont des ennemis naturels parmi les insectes au métabolisme bien différent de celui des mammifères. Plusieurs chenilles de Papillons de nuit se nourrissent de ces plantes, par exemple l'Écaille du Séneçon ou Goutte de sang (Tyria jacobaeae) qui pond ses œufs sous la face inférieure du S. de Jacob. Les chenilles se développent sur la plante, absorbent ses alcaloïdes et deviennent de ce fait toxiques. Chenilles comme papillons présentent des couleurs vives et contrastées, dites d'avertissement (ou aposématiques) qui préviennent ainsi les prédateurs (oiseaux principalement) du danger qu'il y aurait à les avaler. Les Zygènes, autre famille de papillons, ont également une livrée rouge et noire et sont aussi toxiques. Elles ont accumulé du cyanure dans leur tissu en consommant leurs plantes-hôtes. Hellinsia balanotes, ce drôle de papillon "à plumes" appartient à la famille des Ptérophorides (600 espèces dans le monde). Ce papillon, originaire du Mexique et du sud des E-U, a été introduit en Australie pour lutter contre Baccharis halimifolia, le Séneçon en arbre. Je ne pense pas qu'on le trouve en France. Tous les Ptérophores ont des ailes profondément laciniées (divisées en lanières) et les écailles qui les recouvrent sont très allongées, leur donnant un aspect plumeux. Les pattes postérieures, très longues, sont munies d'éperons. Ils sont facilement reconnaissables au repos, ailes étendues, à leur forme en T. La Goutte de sang ou Écaille du séneçon L'espèce la plus commune en France est Pterophorus pentadactylus, le Ptérophore blanc, (envergure moyenne 30 mm.) dont la chenille préfère principalement le Liseron des champs (Convolvulus arvensis).Plus poéti- Page 2 quement, il est aussi appelé Petit ange de nuit. Papillon crépusculaire, attiré par la lumière, il se pose souvent contre les vitres des fenêtres. J'en ai vu un, un matin, immaculé et humide de rosée, se détachant sur l'aile rouge de ma voiture. Atteint comme beaucoup de procrastination, je n'ai pas voulu remonter chercher mon appareil. C'est ainsi que l'on rate une belle photo. Pterophorus pentadactylus - (Photo Patrice LIBOUREL) Petit ange de nuit