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convivesetrouvaitàuneplacebienprécise:tandisquesurl’imuslectus,lelitdegauche,étaient
allongésPompéeetsafamille,Cicéron,BrutusetScipions’étaientinstalléssurlesummuslectus,et
Scipionsurlaplacecentraledumediuslectus;maislaplacededroitedumediuslectus,laplace
d’honneur,restaitinoccupée.CicéroninterrogeaPompéequiréponditparunsourireénigmatique.
L’esclavereparutalors:
«CaiusJuliusCaesarestici,maître.
‐Excellent!s’exclamaPompée.Faisleentreretnousseronsaucomplet.»
Al’annoncedecenom,Cicérons’étaitraidi:iln’aimaitpasCésar.Enrevanche,levisagedeBrutus
s’étaitéclairédejoie,carilconsidéraitCésarcommesonpère.Cedernierapparutalorsàlaporteet
tousselevèrentpourl’accueillir,enpremierBrutus,deboncœuretamicalement,etledernierCicéron
quitentaittoutdemêmedecachersonantipathie.Ilsétaientaucomplet,etlasoiréepouvaitdonc
commencer.
Unesclaveseprésenta,porteurdehorsd’œuvreappétissants,descratèresfurentdisposés
parmilesconvives,etonconvoqualesministores,chargésdeladistributionduvin.
C’estScipionquientamalaconversationenvantantlaqualitédesplatssortantdelacuisinede
Pompée.Puischacunseplaignitdelachaleurétouffantedelajournée.
«Jen’enpouvaisplus,soupiraBrutus.Cematin,auSénat,jen’avaisqu’uneenvie,arrachermatogeet
sauterdansleTibre!
‐ LesdieuxveulentfairedeRomeundésertaride.ApollonestpassétrèsprèsdenousetJupiterfait
chaufferlaterredesafoudre,réponditCésar.
‐ Ilestvraiqu’aujourd’hui,lepavédeRomem’aparuungrilletlavoûtecélestel’undecesfours
mobilesquelescuisiniersappellentclibanum,continuaPompée.
‐Enparlantdecuisinier,lagustationqueletiennousapréparéeestunmenudivin,déclaraScipion.
‐Unrégal,eneffet,etcemulsumaugoûtmiellél’accompagneàlaperfection!ajoutaCésar.
‐Jevaismefairedélesterdetoutmonpersonnel!feignitdeseplaindrePompée.Maisjecrois,César,
quetoncuisinierestégalementremarquable.
‐ Oui,répondit‐il.C’estunIbère,lel’airamenéd’unedemesdernièrescampagnes.Maisjenefais
jamaistravaillermesesclavesencuisinelesjoursdefortechaleur,moi.Ilyfaitsichaudqu’onsecroirait
dansunfour!
‐Jepensequetuasraison.Aprèstoutlesesclavessontdesêtreshumains,toutcommenous.
‐Etpuis,ditBrutus,parcetemps,jen’aimeraispasmetrouverdansunesalleexiguë,etoùdesfours
chauffenttoutlajournée.Tenez,j’aientendudirequ’hier,auxarènes,leslionsontrenoncéàs’attaquer
auxcondamnésetqu’ilssesontmêmeassoupistellementilfaisaitchaud!»
Unlongsilencesuivitcetteréplique,chacunfinissaitlesplatsetseléchaitlesdoigts.
Pompéedemandaalorslesmusiciens.Parutunjeunehomme,porteurd’unelyre,l’instrument
d’Apollon.Ilcommençaàchanterdespassagesdel’Iliade,ens’accompagnantàlalyre,etentrecoupait
sonchantdepassagesoùilsoufflaitdanssonaulos,uninstrumentàdoublehanched’originegrecque.
Laprimamensacommença.Lesesclaves,quieffectuaientleservicedanslesensinversedes
aiguillesd’unemontre,portaientungrandnombredeplats:viandedécoupéeparlescissor,ragoûts,
poissons,letoutaccompagnédegarumetdevincoupéd’eau.