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La vernalisation
Au travers de l’exemple des blés, la vernalisation peut
être défi nie comme l’action d’une période de froid sur
une plante à l’état végétatif permettant à cette dernière
de devenir apte à fl eurir. La notion d’aptitude à fl eurir et
non de fl oraison est importante, car si la vernalisation
peut accélérer la fl oraison, elle n’est que rarement
essentielle. D’un point de vue biologique, un autre
point important peut être perçu au travers de l’exemple
du blé, car il montre que les plantes ont la capacité
à garder en mémoire la période de froid traversée.
En eff et, les jeunes plants ayant traversé l’hiver vont
poursuivre leur développement végétatif, et les cellules
ayant subi cette période de vernalisation ne seront pas
directement impliquées dans la formation des fl eurs.
Un autre exemple permettant de montrer cette capa-
cité à garder en mémoire la vernalisation concerne
les plantes bisannuelles. Ces plantes ont, la première
année, un développement uniquement végétatif et
sont incapables de fl eurir. Ce n’est qu’après avoir passé
l’hiver sous forme d’organes « de réserves » tels que
des bulbes, qu’elles pourront à nouveau reprendre un
développement végétatif et fl eurir lors de la deuxième
année de leur développement. Une courte période de
froid n’aura aucun eff et sur l’aptitude à fl eurir et seule
une période de froid relativement longue, plusieurs
semaines, ce qui correspond véritablement à l’hiver,
aura un eff et positif sur la fl oraison. Plusieurs ques-
tions se posent au regard de ces exemples. Comment
les plantes peuvent-elles percevoir cette période de
froid, estimer sa durée et transmettre l’information
aux cellules qui formeront les futures fl eurs ?
En comparant des plantes de mêmes espèces sensibles
ou insensibles à la vernalisation, il a été mis en évi-
dence que la vernalisation est essentiellement contrô-
lée par une protéine appelée FLC (Flowering Locus C),
un inhibiteur de la fl oraison. La quantité de cette pro-
téine dans les diverses espèces est directement corré-
lée au besoin de vernalisation pour induire l’aptitude à
fl eurir. Ainsi, des espèces insensibles à la vernalisation
n’expriment pas, dans la grande majorité des cas, cette
protéine, ou bien expriment une forme mutée sans
eff et sur l’aptitude à fl eurir. De même, pour les espèces
sensibles, la quantité de cette protéine, présente dans
les cellules, est inversement proportionnelle à leur
capacité à fl eurir. Une plante n’ayant pas subi de ver-
nalisation aura donc une quantité importante de FLC,
ralentissant ainsi la transition fl orale ; au contraire,
une plante ayant traversé une période hivernale aura
une quantité très faible de FLC, lui permettant de fl eu-
rir plus rapidement. L’action de cette protéine se fait en
régulant directement l’expression d’autres protéines
qui permettent la mise en place de la fl eur. De ce fait,
en présence de la protéine FLC, les acteurs nécessaires
à la formation de la fl eur ne peuvent pas s’accumuler
et la mise à fl eur est alors diffi cile. La régulation de la
quantité de la protéine FLC est elle-même relativement
complexe et fait appel à des modifi cations de structure
de l’ADN (support de l’information génétique) qui sont
transmises de cellules en cellules au cours de leur mul-
tiplication dans le méristème (zone de division cellu-
laire). Selon ces modifi cations, la protéine FLC pourra
s’accumuler, avant vernalisation, ou au contraire
ne pourra plus s’accumuler, après vernalisation.
Ces modifi cations de l’ADN, contrôlées par le froid,
permettent ainsi d’enregistrer le message « hivernal»
au travers de l’accumulation plus ou moins impor-
tante de la protéine FLC, message qui sera transmis
aux nouvelles cellules en formation dans le méristème.
La photopériode
Si certaines espèces ne forment leurs fl eurs que sous
un traitement thermique approprié, d’autres ne sont
mises à fl eur qu’après avoir subi pendant une durée et
à un moment précis une certaine photopériode, c’est-
à-dire une certaine longueur relative de jour et de nuit
dans le cadre des cycles naturels de 24 heures. Nous
pouvons définir deux catégories d’espèces selon la
dépendance de leur mise à fl eur vis-à-vis de la photo-
période. On parlera alors de plantes photoapériodiques
et de plantes photopériodiques. Les plantes photoapé-
riodiques correspondent aux plantes dont la fl oraison
est indiff érente à la photopériode. Ces espèces ne sont
toutefois pas toutes complètement indépendantes des
conditions d’éclairement car, dans de nombreux cas,
elles ont besoin pour croître et fl eurir d’une quantité
minimale de lumière pour assurer un minimum tro-
phique lié à la photosynthèse. Une fois cette durée
d’éclairement quotidienne assurée, ces espèces, telles
que le lilas, pourront fl eurir quelle que soit la durée
de jour. Les espèces photopériodiques, dont la fl orai-
son dépend de la longueur du jour, peuvent être quant
à elles subdivisées en trois catégories : les plantes
héméropériodiques ou de jours longs, les plantes
nyctipériodiques ou de jours courts et les plantes
amphipériodiques ou intermédiaires. Dans l’ensemble
de ces cas, la fl oraison sera essentiellement contrôlée
par la durée du jour : les plantes de jours longs, telles
que l’épinard ou la bruyère, seront induites lorsque le
jour aura dépassé une certaine valeur critique et la fl o-
raison sera accélérée par l’augmentation de la période
de lumière au cours de la journée. Au contraire, dans
ces mêmes conditions de jours longs, cette fl oraison
sera retardée et mauvaise pour les plantes dites de
jours courts tel le chrysanthème.
La classifi cation de la capacité des plantes à fl eurir
selon la photopériode montre une très grande diver-
sité, surtout si l’on considère le nombre de cycles (jours)
pendant lesquels la photopériode doit être mainte-
nue pour favoriser la fl oraison. Certaines espèces,
telles que la lampourde (Xanthium pennsylvaticum),
n’exigent qu’une journée dans les bonnes conditions
pour induire la mise à fl eur. Le fait que la photopériode