Terra Nova – Note - 1/23
www.tnova.fr
Pour une stratégie climatique audacieuse
Des propositions pour agir sans attendre
Par
François Bertlemy,
expert énergie
Antoine Guillou
, coordonnateur du pôle énergie et climat de Terra Nova
Le 7 novembre 2016
La COP 21 et l’Accord de Paris ont marqué en 2015 l’émergence d’un nouvel espoir :
celui d’une action mondiale en faveur de la lutte contre le changement climatique. En
tant que pays organisateur, la France a joué un rôle facilitateur unanimement salué.
Le chemin vers la mise en œuvre de l’accord de Paris reste cependant jonché
d’obstacles et de difficultés.
Le rôle de l’Union européenne et, en son sein, de la France, sera crucial dans les
prochaines années et décennies pour transformer en actes les promesses faites à
Paris, à la fois pour montrer l’exemple d’une transition vers une économie bas-
carbone réussie, mais aussi en jouant de sa place sur la scène mondiale pour faire
émerger une coalition d’Etats désireux de rehausser leurs ambitions, entraînant les
autres pays à leur suite.
Pour nous européens, l’enjeu de la réduction des émissions de CO2 associées à une
formidable opportunité économique : opportunité en termes d’activité et demploi dans
les secteurs de la transition énergétique, opportunité de équilibrage de la balance
commerciale de l’Union et d’accroissement de notre sécurité énergétique, et enfin
opportunité de régulation de la mondialisation et de lutte contre le dumping
environnemental.
Le succès de la COP 21 ne doit pas avoir pour résultat paradoxal d’éclipser les enjeux
climatiques de l’élection présidentielle à venir. Il faudra au contraire lutter contre leur
instrumentalisation à des fins populistes, et exiger des candidats qu’ils développent
leur vision pour faire face à l’un des plus grands enjeux du 21ème siècle.
La lutte contre le changement climatique est une course contre le temps, et chaque
quinquennat compte. Terra Nova publie ses propositions pour agir sans attendre, et
invite chacun des candidats à l’élection présidentielle à faire de même.
Les neuf propositions de Terra Nova :
Terra Nova – Note - 2/23
www.tnova.fr
1. Promouvoir la diffusion des systèmes de tarification du carbone à l’échelle
mondiale, sans viser nécessairement l’alignement des niveaux de taxation à court-
terme.
2. Mettre fin aux subventions aux énergies fossiles en Europe dans un contexte de
prix bas du pétrole, et en faire un axe clé de la position européenne dans les
négociations mondiales.
3. Introduire dans l’EU ETS une possibilide modulation rapide de l’offre de quotas
mis aux enchères, permettant de réagir aux facteurs exogènes entraînant une baisse
de la demande de quotas.
4. Réformer la gouvernance de la politique climatique européenne, en définissant des
objectifs de baisse d’émissions par secteur fondés sur une vision européenne de
l’économie bas-carbone.
5. Intensifier l’engagement de la France et de l’Union Européenne pour obtenir une
réforme des normes comptables IFRS permettant une bonne prise en compte de
l’exposition aux risques posés par le changement climatique.
6. Créer un cadre institutionnel permettant d’orienter les flux d’investissement vers les
projets bas-carbone.
7. Mettre en place des aides spécifiques pour l’innovation bas-carbone dans les
entreprises.
8. Engager les travaux au sein des instances de normalisation internationales sur la
lutte contre le changement climatique, visant à introduire un système international de
« certification bas-carbone » des entreprises.
9. Introduire en France une modulation des droits de succession sur l’immobilier en
fonction de la performance énergétique des logements.
1 - QUEL BILAN TIRER DE LA COP21 ?
1.1
-
L
ES TERMES DU SUCCES DE L
’A
CCORD DE
P
ARIS
La COP21 : un succès quant au contenu et la portée de l’Accord…
Si l’Accord de Paris, conclu à l’issue de la 21ème Conférence des Parties à la Convention-cadre
des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a été reconnu de manière quasi-
unanime comme un succès, c’est avant tout parce qu’il s’agit d’un accord universel, ambitieux,
équitable et - dans une certaine mesure - juridiquement contraignant.
L’Accord de Paris est
universel
, puisqu’il a en été adopté par 195 parties. Les contributions
nationales intentionnelles en termes d’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre
ont été publiées avant la tenue de la COP21 par 187 pays couvrant 98 % des émissions
mondiales, paysveloppés ou pays en développement.
Terra Nova – Note - 3/23
www.tnova.fr
L’objectif
ambitieux
d’une hausse des températures limitée à 2°C par rapport à l’ère
préindustrielle, introduit à Copenhague en 2009, est confirmé. Un effort additionnel pour limiter le
réchauffement à 1,5°C est même envisagé, afin de prendre en considération les risques qui
pèsent sur les pays les plus vulnérables, principalement sur le continent africain et les États
insulaires, qui sont exposés à l’élévation du niveau de la mer, à l’intensification des cyclones et à
l’acidification de l’océan. Pour atteindre cet objectif, les Parties à l’Accord cherchent à atteindre
un « pic » dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) le plus t possible, l’objectif étant la
neutralité carbone - les émissions anthropiques étant compensées par l’absorption de carbone
pour la seconde moitié du 21
ème
siècle.
L’Accord est
équitable
, dans le sens où il reprend le principe acté en 1997 à Kyoto d’une
responsabili commune mais différenciée des différents États, en fonction de leur
développement historique, de leurs capacités respectives et des contextes nationaux différents.
Enfin l’Accord peut être considécomme
juridiquement contraignant
, dans la mesure où il
oblige les parties à rendre publics leurs engagements nationaux. La contrainte ne porte pas
toutefois pas sur l’atteinte des objectifs déclarés, mais sur les moyens mis en œuvre et le
contrôle des trajectoires d’émissions effectivement alisées, vérifiées grâce à des mesures de
transparence qui restent à finir. Il s’agit ainsi d’une autre conception de la contrainte que celle
intégrée dans le protocole de Kyoto, qui reposait sur la finition d’objectifs nationaux de
réduction de GES.
La COP21 marque ainsi la ussite du changement de paradigme initié à Copenhague en 2009,
qui substitue à l’approche descendante, ou « top-down », du protocole de Kyoto une thode
ascendante, ou « bottom-up ». Cette nouvelle démarche a permis à chaque pays de proposer,
avec une grande latitude, une contribution nationale décrivant un plan d’action pour réduire ses
émissions de gaz à effet de serre. Et bien que le bilan mondial montre que l’effort collectif n’est
pas encore suffisant pour atteindre l’objectif fixé, l’accord ne crée pas d’obligation envers certains
pays en particulier. Il s’agit plutôt d’un système de facilitation, puisque le cadre est créé pour
encourager les pays à améliorer leurs contributions. Les contributions devront ainsi être revues à
partir de 2020, nécessairement à la hausse, dans le cadre d’une revue quinquennale des
engagements. Cette revue sera intégrée à un bilan mondial (‘global stocktake’).
Cette approche matérialise également la réconciliation entre la fixation d’un cap à long-terme,
cohérent avec l’échelle de temps du système climatique, et la finition d’objectifs à moyen
terme, pilier nécessaire pour une action concte pour les Parties.
L’Accord de Paris réaffirme la volonde se doter des
moyens financiers
nécessaires pour
atteindre l’objectif ambitieux. Il prône l’alignement des flux financiers avec objectif de rester sous
le seuil des 2°C (l’atténuation) et la résilience des pays face au changement climatique
(l’adaptation). Même s’il est convenu que les efforts seront réalisés principalement au niveau
national, il a été rappelé que la solidarité interétatique demeure essentielle. Dans la continuité de
Copenhague (2009) et de Cancun (2010), les pays développés ont confirmé leur engagement de
mobiliser 100 milliards de dollars par an de flux financiers d’ici 2020 pour aider les pays en
Terra Nova – Note - 4/23
www.tnova.fr
développement à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre et à faire face au règlement
climatique.
Enfin la COP21 marque le renforcement de la
mobilisation des acteurs non-étatiques
au
travers de l’Agenda des solutions. De nombreuses initiatives ont élancées dans le cadre du
plan d’action Lima-Paris, dont le bilan fait apparaître une mobilisation massive des acteurs non-
étatiques en coopération avec les États. La cision adoptée en me temps que l’Accord de
Paris prévoit la poursuite du Plan d’action Lima-Paris pour continuer à mobiliser entreprises,
collectivités et organisations non gouvernementales.
… qui a été rendu possible grâce à une méthode efficace.
La présidence française a assuré la préparation et la gestion de la conférence de manière
remarquable, en communiquant largement sur l’événement. La mobilisation des États en amont
de la COP21 a ainsi é rendue possible, avec comme geste fort la signature d’un accord
préalable entre les États-Unis et la Chine, et les chefs d’États et de gouvernements ont démontré
leur mobilisation en étant présents en nombre à l’ouverture de la conférence. Pendant celle-ci, la
présidence française est parvenue à maintenir la confiance de l’ensemble des parties grâce à un
processus d’écoute permanente et d’itérations successives du texte.
1.2
-
L
ES LIMITES DE L
’A
CCORD
Des contributions nationales insuffisantes par rapport à la cible des 2°C
L’Accord ne fixe aucun chiffre absolu pour l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de
serre. La claration d’objectifs chiffrés a é laise à l’initiative des parties. Aujourd’hui ces
engagements conduiraient en cumulé à un accroissement de température de
3°C
, excédant
largement l’objectif de C établi dans l’accord. Compte tenu de l’inertie du système climatique, il
est nécessaire que les pays opèrent une révision à la hausse de leurs contributions au plus vite.
L’Accord ne traite pas la question du prix du carbone, même si la Décision l’évoque de manière
détournée
L’Accord ne contient pas de référence à la taxation du carbone, le sujet étant trop clivant pour
générer le consensus requis dans le cadre des Nations Unies. Le prix du carbone est seulement
mentionné dans la Décision qui accompagne l’Accord
1
, dans une section ne s’appliquant pas aux
Parties et avec une
formulation floue
, puisque l’alinéa 137 dispose "combien il importe de
fournir des incitations aux activités de duction des émissions, s’agissant notamment d’outils
tels que les politiques nationales et la tarification du carbone."
1
La cision visant à donner effet à l’accord précise le contenu de l’Accord ; elle n’a pas le même caractère
juridiquement contraignant.
Terra Nova – Note - 5/23
www.tnova.fr
Transferts financiers Nord-Sud : l’objectif chiffré de 100 milliards de dollars figure dans la
Décision accompagnant l’Accord, sans qu’une méthode pour en finir le contenu fasse
consensus
La cision - et non l’Accord - mentionne l’objectif de mobilisation de 100 milliards de dollarspar
an de flux financiers en provenance des pays développés. La
méthode
commune pour définir et
comptabiliser ces flux financiers reste par ailleurs à définir. L’épineuse question de la répartition
des financements entre atténuation et adaptation reste à trancher.
Adaptation : absence d’une définition claire et admise par tous ainsi que d’un cadre d’action
opérationnel
L’Accord affirme la nécessité de « renforcer la capacité d’adaptation aux effets néfastes des
changements climatiques » en travaillant à la silience et au veloppement bas-carbone des
pays les plus affectés par les conséquences des dérèglements climatiques. Cependant, les
multiples facettes des enjeux liés à l’adaptation se traduisent par une absence de
définition
communément admise et de
méthodes
de mesure, notification et vérification, et les modalités de
déclinaison opérationnelle doivent encore être développées. Un Comité Adaptation a été
mandaté à cet effet.
2 - LES RISQUES ET LES ENJEUX ASSOCIES A LA MISE EN ŒUVRE DE
L’ACCORD
S’il est cessaire de saluer le succès diplomatique que constitue la signature de l’Accord de
Paris, il convient malgtout de rester lucide : sa mise en œuvre et l’atteinte effective de l’objectif
de long-terme seront en effet conditiones à la levée de risques de natures diverses, qui portent
notamment sur la traduction des engagements pris en mesures conctes, sur le niveau
d’ambition général et sur le maintien dans la durée de la mobilisation.
2.1
-
L
ES ENGAGEMENTS PRIS PAR LES PARTIES DOIVENT ETRE TRADUITS EN ACTIONS
CONCRETES
Le risque principal relatif au succès de l’Accord de Paris porte sur la mise en œuvre effective des
engagements pris par ses signataires. Après la rémonie de signature de l’accord, qui a uni
175 pays le 22 avril à New-York, le processus de ratification peut lui aussi être vu comme un
succès. L’entrée en vigueur de l’Accord était conditionnée à sa ratification par 55 pays,
représentant plus de 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La Chine et les
Etats-Unis ont ratifié l’accord simultanément le 3 septembre 2016, bientôt suivis par l’Inde le 2
octobre 2016 et, in extremis, par l’Union Européenne le 5 octobre 2016 : la ratification de cette
dernière a ainsi permis de passer le double seuil nécessaire à l’entrée en vigueur de l’Accord
30 jours plus tard, le 4 novembre 2016. Notons que les Etats euroens ont pour cela décidé
1 / 23 100%