n°5
2016
Qu’est ce qu’une maladie zoonotique ?
La transmission des maladies zoonotiques par les tiques
Brèves de la Zone Atelier Armorique
« Projet paysages »
Le paysage agricole et les maladies zoonotiques
émergentes
Les zoonoses sont des maladies infectieuses dont les agents pathogènes (virus, bactéries,
parasites) se transmettent des animaux (sauvages ou domestiques) à l’homme. Leur importance
sanitaire ne cesse de croître, touchant surtout les personnes les plus exposées comme les
agriculteurs, les forestiers ou les éboueurs. Le virus de la grippe aviaire (souche H5N1), qui se
transmet de l’oiseau à l’Homme, en est un exemple fortement médiatisé ces dernières années.
La transmission des agents responsables de ces maladies peut se faire par contact direct, par
consommation de denrées alimentaires contaminées ou via un vecteur (insecte ou acarien) se
nourrissant de sang, qui va, en piquant différents animaux hôtes, disséminer ces agents
pathogènes. Dans ce dernier cas, les maladies sont dites vectorielles. Si les moustiques sont les
vecteurs de nombreuses maladies en zone tropicale (paludisme, dengue), ce sont les tiques qui
sont les principaux vecteurs d’agents pathogènes en zone tempérée.
Tique gorgée (adulte femelle) après un
repas sanguin sur un hôte
Les tiques sont des acariens. Il en existe une quarantaine
d’espèces en Europe. Certaines, très spécifiques d’un groupe
d’hôtes particulier (oiseaux, mammifères, reptiles), sont peu
susceptibles de transmettre des maladies à l’homme. En revanche,
la tique Ixodes ricinus, parfois appelée tique du mouton, est une
espèce généraliste très répandue et abondante dans les milieux
boisés et les haies des paysages agricoles. Cette tique est de plus
en plus abondante en diverses régions d’Europe. Capable de
parasiter de nombreuses espèces animales sauvages,
domestiques (y compris les chiens et les chats) et l’homme, elle est
le principal vecteur de nombreuses zoonoses. Elle joue donc un
rôle épidémiologique majeur au sein des paysages agricoles.
Le cycle de vie de la tique Ixodes ricinus
Au cours de sa vie (2 à 3 ans), une tique réalise 3
repas sanguins. Les larves font un premier repas sur
un hôte de petite taille (rongeurs de la taille d’une
souris comme les mulots ou les campagnols) puis se
métamorphosent en nymphes. Les nymphes réalisent
le deuxième repas sur un hôte généralement de plus
grande taille pour muer en adulte. Les adultes
femelles font un dernier repas sur un hôte de grande
taille comme le chevreuil, la vache ou le mouton.
Comme les agents pathogènes survivent et se
multiplient dans ses glandes salivaires, la tique
pourra aussi les transmettre aux hôtes qu’elle
parasite. A l’issue du dernier repas (durant jusqu’à 2
semaines) la tique femelle se détache de son hôte
pour pondre au sol plus d’un millier d’œufs. Les
hôtes, plus ou moins aptes à la multiplication et au
maintien des agents pathogènes jouent donc le rôle
de «réservoir» et la tique peut s’infester au cours de
chacun des 3 repas. Ce sont donc les nymphes et les
adultes qui sont susceptibles de contaminer l’homme.
Stades de développement
de la tique Ixodes ricinus
larve nymphe
adulte adulte
L’homme est un hôte potentiel
aux divers stades de
développement de la tique
n°5
2016
Brèves de la Zone Atelier Armorique
« Projet paysages »
Le paysage agricole et les maladies zoonotiques
émergentes
Paysage, densité et mouvements des hôtes : les clés du maintien et de
la diffusion des maladies à tiques
Le paysage est un élément majeur à prendre en compte pour comprendre l’épidémiologie des
maladies à tiques (propagation dans le temps et dans l’espace, conditions de circulation et de
maintien). Les boisements et les réseaux de haies sont des lieux de vie favorables aux tiques.
Les petits mammifères, souvent abondants dans ces milieux semi-naturels, sont une ressource
importante pour le nourrissage des larves de tiques. Les grands mammifères comme le chevreuil
vont permettre la dispersion des nymphes et des adultes au sein du paysage et favoriser leur
contact avec le bétail et l’homme.
Tiques fixées sur la tête
d’un campagnol roussâtre
(1) et d’un mulot (2)
L’étude ci-dessus menée pendant 2 années sur 24 sites de la
Zone Atelier Armorique (forêt de Villecartier et bocages
environnants - Ille et Vilaine) montre que l’abondance des
rongeurs d’une année donnée détermine en partie l’abondance
des nymphes de tiques l’année suivante. L’interaction hôtes-
tiques, élément-clé de diffusion des agents pathogènes, varie
donc grandement dans l’espace et dans le temps.
Tous les hôtes n’ont pas la même aptitude à la multiplication et au maintien des agents
pathogènes. Par exemple, les chevreuils multiplient très mal les bactéries responsable de la
maladie de Lyme, alors que certains petits rongeurs les multiplient efficacement. Afin de mieux
comprendre les facteurs qui déterminent la transmission des maladies par les tiques, il est
donc indispensable de bien mesurer le rôle relatif des différents acteurs de ce système
complexe et hétérogène, en prenant notamment en compte l'agencement des différents milieux
dans l'espace (paysage) et la diversité des hôtes réservoirs (biodiversité).
1
2
Abondance des rongeurs (année N)
Abondance des tiques
(année N+1)
Quelques exemples d’agents pathogènes responsables de maladies
transmissibles par les tiques au bétail et à l’homme
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Brèves de la Zone Atelier Armorique
« Projet paysages »
Le paysage agricole et les maladies zoonotiques
émergentes
La piroplasmose (ou babésiose)
bovine est une maladie parasitaire des
bovins due à un protozoaire qui se
multiplie dans les globules rouges et
provoque leur éclatement. L’homme est
rarement touché (sauf chez des
individus n’ayant plus de rate).
Collecte des tiques sur le terrain
par la technique du « drapeau »
Piège à rongeurs
Contrôle terrain de
l’abondance des rongeurs et
de leur portage de tiques
Tiques adultes
Le suivi de l’abondance des hôtes (réservoirs) et des tiques (vecteurs) sur le terrain
constitue une donnée importante pour évaluer et cartographier le risque acarologique(*)
(*) : risque de contracter des maladies liées aux tiques
Bactéries du genre
Borellia
Bactéries du genre
Anaplasma
Erythème migrant caractéristique
de la maladie de Lyme (pas
toujours observé)
Protozoaires de l’espèce
Babesia divergens dans des
globules rouges
Gros pâturon
(pas toujours observé)
Urine contenant de l’hémoglobine
en raison de la destruction des
globules rouges par le protozoaire
La maladie de Lyme, qui atteint
l’homme, est causée par des bactéries du
genre Borellia. De plus en plus de cas
sont signalés en France. Difficilement
soignable, si elle n’est pas diagnostiquée
rapidement, elle est la cause de troubles
articulaires, neurologiques ou cardiaques.
L’anaplasmose bovine (fièvre des
pâturages), est une maladie bactérienne
responsable d'un syndrome grippal ainsi que de
chutes de production laitière et d'avortements
chez les bovins atteints. Cette maladie est
également diagnostiquée chez l'homme comme
« anaplasmose humaine ».
Contact : Alain Butet1 (alain.butet@univ-rennes1.fr), Olivier Plantard2 (olivier.plantard@oniris-nantes.fr)
1 UMR EcoBio, Université de Rennes1, avenue du Général Leclerc, 35042 Rennes cedex. Tél.: 02 23 23 69 26.
https://ecobio.univ-rennes1.fr/news.php
2 UMR BioEpAR (INRA-Oniris) Biologie, Epidémiologie, Analyse de Risque en santé animale, Atlanpole, La
Chantrerie, CS 40706, 44307 Nantes Cedex 03. Tél.: 02 40 68 78 92. https://www6.inra.fr/oscar
Réalisation : Alain Butet, Grégoire Perez, Olivier Plantard, Suzanne Bastian, Albert Agoulon, Yann
Rantier & Oscar group.
Crédits Photos : Yann Rantier - Labo parasitologie Oniris - Wikipédia - Blog tocourtiade - You tube - Média
Tiques - France Lyme - Fairfax county - Warren photographic Medisite - Bacmap - Agrimaroc
Financements : ANR CNRS - Université Rennes1 INRA - Zone Atelier Armorique (https://osur.univ-
rennes1.fr/za-armorique/page.php?116)
Plus d’informations, voir la vidéo : http://www.culturesciences.fr/2015/10/20/biodiversite-sante-quels-rapports
Conduite à tenir en cas de piqûre de tique
n°5
2016
Remerciements
Les recherches menées dans ce domaine au sein de la Zone
Atelier Armorique ont été réalisées dans le cadre du
programme «OSCAR» financé par l’ANR (Agence Nationale de
la Recherche).
Nous remercions M. Benoît Chevallier (forêt domaniale de
Villecartier) et les exploitants agricoles pour leur disponibilité et
leurs autorisations concernant notre présence au sein de leur
propriété pour la collecte des tiques et des rongeurs, ainsi que
les chasseurs en forêt de Villecartier et l’ACCA de la
Fontenelle.
Brèves de la Zone Atelier Armorique
« Projet paysages »
Le paysage agricole et les maladies zoonotiques
émergentes
Les larves de tiques se situent très bas dans la végétation (10 premiers centimètres) ou sur la
litière, alors que les nymphes et les adultes se positionnent à l’affût plus haut sur les tiges des
plantes. Par leur plus grande abondance, ce sont donc surtout des nymphes qui se fixent sur les
personnes marchant dans les hautes herbes en forêt ou le long des haies. L’activité des tiques
est maximale au printemps mais s’étend jusqu’à l’automne. En cas de piqûre par une nymphe, la
probabilité d’être contaminé est très variable car les prévalences (% de tiques infectées) des
agents pathogènes varient selon les années et les lieux. On recense en moyenne 27000 cas de
maladie de Lyme déclarés en France chaque année chez l’homme. En ce qui concerne les
bovins, sur la Zone Atelier, une enquête a montré que les cas sévères de piroplasmose étaient
rares, car les génisses s’immunisent généralement dans les prairies au contact des tiques. Il faut
être vigilant cependant sur les bovins nouvellement introduits dans le troupeau, qui n’ont pas
encore cette immunité.
En cas de découverte d’une tique fixée sur la peau, la retirer délicatement avec un tire-tique
vendu en pharmacie et surveiller le point de piqûre. Toute manifestation anormale (rougeurs,
fièvre) doit rapidement être signalée à son médecin traitant en rappelant bien la date de la piqûre.
La transmission d’agents pathogènes nécessite une durée de
fixation suffisamment longue de la tique sur son hôte (au
moins 24 heures). L’homme peut en tirer profit en s’inspectant
rapidement après une promenade dans les bois ou dans le
bocage.
Par ailleurs, la prévalence des agents pathogènes au sein des
tiques atteint rarement 10% en Bretagne.
Femelle de tique à l’affût, attendant
le passage d’un hôte
Retrait d’une tique à l’aide d’un tire-tique
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