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Vers une éthique militaire
européenne
Pédagogie de Projet
Année 2013-2014
L’éthique militaire européenne a-t-elle un sens ?
On peut penser que cette notion est prématurée. L’Europe n’est pas un
État, elle n’a pas d’armée commune, et de fait elle ne pourrait pas faire la
guerre de la même façon qu’un Etat qui serait maître de son outil de
défense. Les États membres de l’Union Européenne ont, seuls, des forces
armées, qui donc peuvent être engagées parfois sous mandat ONU, dans
le cadre de l’OTAN, de l’UE… Pourtant, une éthique militaire
« européenne », aurait vocation à n’être ni une éthique militaire
Onusienne, ni une éthique Otanienne. Pour l’Europe cette éthique
militaire commune ne saurait pas non plus se réduire à un bouquet
européen de codes de conduites nationaux. Quel sens et quelle forme lui
accorder ? C’est là l’objectif de notre projet.
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Nous remercions respectueusement
Monsieur Henri Hude, directeur du Pôle Ethique et Environnement juridique au Centre de Recherche des
Ecoles de Saint Cyr Coëtquidan et membre permanent de Euro-ISME,
Le Général Patrice Mompeyssin, membre permanent de Euro-ISME,
Le Colonel Manfred Rosenberger, membre permanent et directeur exécutif de Euro-ISME,
Le Dr Patrick Mileham, de l’Université de Défense en Grande Bretagne,
Le Général Perruche, président d’EuroDéfense-France,
Monsieur Eric Germain, du bureau Prospective au sein de la Délégation des Affaires Stratégiques,
Le Lieutenant Colonel Bernard Gaillot,
Le Général Benoît Royal, Commandant de l’Ecole de l’Artillerie et membre permanent de Euro-ISME,
Monsieur Ronan Doaré, Directeur du Centre de Recherche des Ecoles de Saint Cyr Coëtquidan,
Le Capitaine Loïc Le Rhun, professeur en Droit des Conflits Armés et membre du pôle Ethique et
Environnement juridique au Centre de Recherche des Ecoles de Saint Cyr Coëtquidan,
Pour leurs aides et leurs conseils dans notre étude et l’aboutissement de notre projet.
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Plan
Introduction : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 4
I. Pourquoi s’interroger sur l’éthique militaire européenne ? . . . . . . . . . . . p 6
1. Histoire et culture européenne : le rôle de la civilisation et de la
société dans l’éthique de la guerre
2. Guerre moderne et professionnalisme dans l’Europe du XXIème
siècle
3. Ethique militaire, une sauvegarde pour la civilisation européenne ?
II. Les travaux effectués et les disparités rencontrées parmi les pays
occidentaux : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1. La Politique commune de sécurité et de défense et la défense européenne
2. Un code du soldat européen inspiré par le facteur religieux et/ou par
l’Humanisme hérité des « Lumières »?
3. Etude de cas d’éthique militaire ou de codes de conduite dans des armées
occidentales
III. Les propositions de ce que pourrait être le code et ce sur quoi il se
fonderait : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1. Notions indispensables pour ce code d’éthique militaire européenne
2. L’enjeu de la formulation de l’ethos militaire européen
3. Proposition de code
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Traductions du code proposé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p 16
p 30
p 39
p 42
4
Introduction :
La crise chronique a révélé à nos sociétés certains des maux profonds dont elles souffraient
et que des générations précédentes n'avaient pas vu ou avaient refusé d'admettre. Bien plus que le
simple problème financier, plusieurs exemples récents se rajoutent: montée des extrémismes,
fondamentalismes, nationalismes et populismes dans certains pays, montée ou persistance d’une
certaine corruption, méfiance accrue entre certains « vrais amis » (comme entre la France et
l'Allemagne voisine), contestations grandissantes des populations envers des gouvernements
qu'elles estiment dirigés par divers intérêts partisans loin de l'intérêt général ou du bien commun,
résurgence du fait religieux dans les questions sociétales qui pourraient s'expliquer par un repli sur
des valeurs « traditionnelles » lorsque les valeurs « modernes » sont jugées mauvaises... Nous ne
voulons pas forcément nous l'avouer, car le changement fait souvent peur, mais les années à venir
verront certainement naître de véritables bouleversements qui impliqueront peut-être un usage de la
violence armée par des individus ou des groupes plus ou moins importants.
L'Europe est un cas à part, mais qui n'échappe pas à cet enlisement. L'Union résulte d'un
espoir formidable en un avenir commun rité d'un passé commun et ô combien éducateur1. En
unifiant les pays, d'abord économiquement et puis politiquement, sans que ce soit achevé, on a
voulu préparer et affronter un avenir fait d'incertitudes. Un projet à la fois visionnaire et intelligent,
en plus d'être beau. Hélas aujourd'hui cette Europe est contestée, moquée et dénoncée: trop de
directives et de taxes, trop de flou, trop de pouvoir à une entité qui voudrait établir des politiques
communes (plus d'intégration et de transferts de souveraineté) entre des Etat aux intérêts et
ressources bien différentes. Certains crient au retour des Etats souverains et d’autres Nations se
méfient de leurs voisins2 : les tensions malheureuses qui opposent aujourd'hui la France et
l'Allemagne (sans aucun doute deux acteurs majeurs de la construction européenne) sont sûrement
le plus fort témoignage de ces actuelles divergences. Economiquement l'Europe est à la peine sur
son projet initial ambitieux, l'euro n'obtient pas le franc succès espéré et la banque centrale est de
plus en plus contestée dans ses choix. Politiquement, et puisque le politique ne raisonne
actuellement que « économique », l'impasse semble inévitable. L'Europe pouvait-elle réellement
espérer une entente générale de tant de pays différents sur des sujets sensibles ? Face à ces maux les
gouvernements rappellent l'héritage commun, ultime indice des relatifs échecs précédents.
Serait-il pourtant judicieux de condamner aussi vite l'Union Européenne et de laisser tous les Etats
se replier sur eux-mêmes? Non certainement pas. Il est peut-être temps, à ce moment, de rappeler à
quel point cette construction de l’Europe a permis de relever la tête au lendemain du dernier conflit
mondial, fratricide pour l’Europe (ce souvenir, aussi simple soit-il, est suffisant). De telles guerres
ne sont pas inévitables dans l'avenir, quoiqu'en disent certaines personnes persuadées du contraire.
Quelles solutions imaginer alors?
1 Il convient de s’interroger sur ce « mythe fondateur » de l’Europe dans son sens positif
2 Evidement nous voyons là l’extrême possible. Il faut nuancer et bien voir que la situation n’est pas aussi dramatique.
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Et de quelle Europe parlons-nous vraiment ? Bien sûr de l’Union Européenne et de ses Etats
membres, en incluant les pays hors de la zone Euro (Grande Bretagne, Danemark et Suède
notamment) ; car ces derniers « font » l’Europe politiquement, économiquement et militairement.
En d’autres termes nous parlerons de l’Europe dans sa culture commune, historique et sociétale,
religieuse et politique, et enfin dans sa géographie. Toutefois nous élargirons parfois cette étude à
l’OTAN, en parlant de certains de ses membres hors de l’Europe mais de tradition occidentale
(Canada, Etats Unis…); et à la Russie, état-continent slave voisin de l’Europe, qui partage en
grande partie une culture commune et qui, malgré sa politique actuelle de réorientation vers l’Asie,
a été souvent un allié de plusieurs pays européens, et a toute sa place dans notre étude européenne.
Au milieu de ce marasme ambiant et général une institution semble, dans de nombreux pays, garder
les restes de la confiance des citoyens3 : l'institution militaire. Certes cette question de la défense
n'est pas la préoccupation principale de notre époque, surtout dans une société et une Europe
« débéllicisées » et qui se sentent à tort en paix (alors que le monde s’arme), mais jamais les
militaires n'ont tant sembêtre le dernier « bastion » étaient conservés valeurs et principes d'un
Etat, en témoigne la confiance affichée des citoyens envers leurs soldats, y compris dans certains
pays le sujet reste tabou (Allemagne notamment). Peut-être existe-t-il un avenir commun pour
nos armées, impliquant une nouvelle conscience politique européenne et du métier des armes : cela
implique-t-il le militarisme ? Comment repenser l’armée de nos sociétés ? Les armées, dépositaires
de la force létale légale à l’extérieur du territoire national, ne pourraient-elles pas être à la fois le
nouvel élan que recherchent l'Union Européenne, et l’Europe en général ; et un gage, si elles
venaient à s'entendre ensemble, de sécurité pour et entre les Etats? Elan nouveau et sécurité, voilà
certainement ce que les gouvernements et les citoyens recherchent aujourd'hui. Aussi quelle
politique commune de sécurité et de défense (pouvant déboucher sur une défense européenne
comme le prévoit le Traité de Lisbonne) pourrait-on envisager sans un code d’éthique commun,
sans ce socle redécouvrir dans nos valeurs et cultures communes en Europe) nécessaire à la
défense de l’Europe et peut-être à la sauvegarde de nos sociétés ?
3 Selon les données d’Eurobaromètre. En 2002, 66% de la population de l’Union Européenne avait une image positive
de l’armée et une confiance certaine à l’égard de l’institution militaire ; ce qui en fait le pourcentage de confiance des
Européens le plus élevé pour une institution, qu’elle soit étatique (police 65%, système judiciaire 48%) ou non
gouvernementale (ONU 53%, ONG 40%).
La dernière mesure de la confiance des Européens dans leur armée nationale date de 2008. Depuis cette période, de
nombreux événements ont eu lieu, notamment le durcissement de la guerre en Afghanistan et l’engagement de certains
Etats européens dans cette dernière, ou encore le conflit entre la Russie et la Géorgie durant l’été 2008.
A l’automne 2009, les deux tiers des Européens (64%) affirment avoir confiance dans leur armée nationale, un chiffre
en baisse : -6 points par rapport au printemps 2008. Les Finlandais sont les Européens les plus satisfaits de leur armée
(90%). Plus des trois quarts des Estoniens et des Britanniques (respectivement 77% et 76%) expriment un avis similaire.
Les répondants en Lituanie (45%) et en Lettonie (44%) sont, au contraire beaucoup moins confiants que leurs voisins
Estoniens envers l’institution militaire. Les plus faibles niveaux de confiance sont observés en Hongrie (37%) et en
Bulgarie (40%).
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