La mobilité sociale concerne les changements de statut social des individus ou des groupes
sociaux au cours du temps, ainsi que les différences entre le statut social des parents et celui
de leurs enfants.
En sociologie, c’est un concept essentiel pour l’analyse de la structure sociale et de la
reproduction sociale. En économie, il est intimement lié à celui d’inégalités et de
redistribution des revenus et du patrimoine . En droit, il joue un rôle majeur dans le droit des
successions. En politique, il est un des fondements du clivage entre droite et gauche et des
différentes formes d’individualisme ; il est à la base du rêve américain. Il sous-tend les
expressions telles que l’« exclusion sociale », la « fracture sociale », l’« ascenseur social », la
« société bloquée », la « trajectoire professionnelle », le « plafond de verre » ou même la
qualification de « nouveau riche » et de « parvenu » ou le proverbe « tel père, tel fils ».
La mobilité sociale est soit le changement ou l'ensemble des changements, de statut social
d'une « population » au cours du temps, soit la différence ou l'ensemble des différences entre
le statut social des membres d'une « population » et celui de leurs parents (ou, plus
généralement, leurs ascendants) ou de leurs enfants (ou ses descendants). C'est aussi le degré
auquel ces différences existent ou prennent place.
La mobilité sociale :
peut s'appliquer à différentes « populations » : au niveau individuel, au niveau du
ménage ou au niveau du groupe social
suppose l'existence d'une segmentation ou stratification sociale
peut être intragénérationnelle ou intergénérationnelle.
Mobilité sociale des individus, des ménages et au sein de groupes
Au niveau individuel, la mobilité sociale concerne soit le changement ou l'ensemble des
changements, de statut social des individus (personnes) au cours du temps, soit la différence
entre le statut social des individus et celui de leurs parents ou enfants. C'est aussi le degré
auquel ces changements ont lieu.
Appliqué au niveau du ménage, le concept de mobilité sociale est utilisé le plus souvent pour
l'étude des changements dans le revenu des ménages individuels au cours du temps.
Au niveau du groupe social, la mobilité sociale est l'ensemble des changements de statut
social des membres d'un, plusieurs ou de l'ensemble des groupes sociaux au cours du temps
ou le degré auquel ces changements ont lieu. Examinant l'ensemble des changements affectant
chacun les membres des groupes sociaux, l'étude de la mobilité sociale se distingue des autres
études de l'évolution des groupes sociaux. Par exemple, l'étude de la mobilité des salaires
étudiera et synthétisera les changements dans le salaire de chaque salarié et non la simple
variation du salaire moyen ou les changements dans la distribution des salaires.
Segmentation ou stratification sociale sous-jacente
La mobilité sociale présuppose l'existence d'une segmentation sociale qui peut être une
stratification sociale (éventuellement sans hiérarchie claire) ou même une classification
sociale.
Quand on parle de mobilité sociale, il faut donc clarifier la segmentation sociale sous-jacente.
La mobilité sociale peut ainsi largement différer selon qu'on considère des catégories socio-
professionnelles, des statuts dans l'emploi, des quantiles de revenus, des quantiles de richesse,
ou de simples dichotomies « pauvres – non-pauvres », des groupes définis par leur niveau
d’éducation formelle, des classes sociales au sens marxiste ou toute autre segmentation ou
classification sociale.
Le degré de mobilité sociale dépend de la construction et du détail de la segmentation sociale
utilisée. Un individu qui passerait progressivement de salarié au salaire minimum à président-
directeur général salarié ne connaitra aucune mobilité sociale si la segmentation sociale
utilisée n'inclut qu'une catégorie "Salariés". Plus la segmentation ou classification utilisée est
détaillée, plus la mobilité apparaitra importante.
Mobilité intragénérationnelle et mobilité intergénérationnelle
On distingue deux types de mobilités sociales selon qu'elles concernent une seule génération
ou des générations successives.
La mobilité intragénérationnelle (aussi appelée, mais plus rarement mobilité sociale
biographique ou mobilité biographique1) concerne les changements de statut social
d'un individu au cours du temps (ensemble de sa vie, période particulière) ou d'un
ensemble d'individus pour une même génération. Par exemple, si la segmentation
sociale considérée ne concerne que l'emploi, on parlera de trajectoires professionnelles
ou de carrières.
La mobilité intergénérationnelle concerne le degré de différence entre le statut social
des parents et celui de leurs enfants.
Elle peut être vue dans une optique de « destinée » : que sont devenus les enfants
d’agriculteurs ? combien sont eux-mêmes agriculteurs (ou agricultrices) ? combien
sont cadres supérieurs ? La fille d’ouvrier est-elle « condamnée » à rester ouvrière ?
La richesse, l’éducation, se transmet-t-ellle de parents à enfants ? etc.
La mobilité intergénérationnelle peut aussi être vue dans l’optique « origine » : que
faisaient les parents des agriculteurs et agricultrices d’aujourd’hui ? combien de cadres
sont fils ou filles de cadres ? combien sont fils ou filles d’ouvriers ?
Les deux optiques sont à la fois différentes et complémentaires. Par exemple, en
France en 2003, 22% des fils d’agriculteurs étaient agriculteurs (optique « destinée ») ;
beaucoup plus (37,3%) étaient ouvriers ; peu (9.2%) étaient cadres ou de profession
intellectuelle supérieure, moins encore (6,3%) artisans, commerçants ou chefs
d’entreprise. Par contre la majorité des parents d’agriculteurs (88,4%) étaient eux-
mêmes agriculteurs ; presque aucun (0,7%) cadres ou de profession intellectuelle
supérieure, ou (0,7%) artisans, commerçants ou chefs d’entreprise. Pour les
agriculteurs français, on peut ainsi dire « tel fils, tel père », mais non « tel père tel
fils ».
De même, en 2003, plus de la moitié (52,5% ) des fils de cadres étaient cadres ; très
peu (8,8%) étaient ouvriers et presque aucun (0.3%) agriculteurs. Par contre, moins
d’un quart des cadres (23,5%) étaient fils de cadre et presque autant (23,1%) étaient
fils d’ouvriers, 11,6% étant fils d’agriculteurs. Si les cadres tendent à transmettre leur
statut à leurs fils, être cadre ne signifie pas être « fils-à-papa ».
La mobilité sociale intergénérationnelle peut être vue en termes d’ héritage ou même
d’hérédité2. Si la distinction entre hérédité génétique et hérédité sociale reste valide
dans les domaines de la biologie et de la santé ( maladies génétiques), elle a été
fortement discréditée dans les autres domaines sociaux (si on peut être docteur de père
en fils, on n’est pas ‘’génétiquement’ docteur de père en fils) et reste très contestée
dans certains domaines (quotient intellectuel). En raison de ses connotations
idéologiques, le terme « hérédité sociale »3 est de moins en moins utilisé.
En dehors des études sur la mobilité du niveau d’éducation, la plupart des études de
mobilité sociale intergénérationnelle dans les sociétés modernes contemporaines
concernent les relations entre le statut social des hommes et celui de leurs fils (ou des
hommes et de leurs pères). La justification usuelle en est que (1) l’influence
indépendante du statut social de la mère sur ses fils (indépendamment de celui du
père) y est en général beaucoup moins déterminante4 et (2) que les relations entre le
statut social des parents et celui de leurs filles est beaucoup plus complexe. En effet,
plus encore que celui des hommes, le statut social des femmes – notamment
professionnel - reste encore plus dépendant de leur statut matrimonial, du statut de leur
compagnon ou mari, et de la naissance d’enfants. Par contre, le statut éducationnel de
la mère sur celui de ses enfants peut être plus important que celui du père, notamment
dans les pays en développement.
On peut étendre le concept de mobilité intergénérationnelle à la transmission du statut
social des beaux-parents. Il n’est pas rare, par exemple, que le beau-fils d’un
entrepreneur reprenne l’affaire de son beau-père. Plus généralement, en France, les
deux tiers des indépendants en activité ont un père ou un beau-père indépendant5.
Avoir une belle-mère indépendante accroît également la probabilité d’avoir le statut
d’indépendant6.
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