Conférence Idées pour le développement « Financer l’agenda climat : comment mobiliser les ressources
nécessaires ? », mardi 9 septembre au Forum mondial Convergences
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Financer l’agenda climat :
comment mobiliser les ressources nécessaires ?
Mardi 9 septembre
au Forum mondial Convergences
Document de synthèse des débats
Conférence Idées pour le développement « Financer l’agenda climat : comment mobiliser les ressources
nécessaires ? », mardi 9 septembre au Forum mondial Convergences
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S
YNTHESE
Conférence-débat animée par Anne-Cécile Bras, journaliste à RFI, avec :
- Samuel Bryan, directeur technique de Nexus Carbon for Development
- Séverin Cabannes, directeur général délégué de la Société Générale
- Christine Fedigan, déléguée climat de GDF SUEZ
- Pierre Forestier, responsable de la division changement climatique de l’Agence Française de
Développement
- Tosi Mpanu-Mpanu, expert en développement durable et finance climatique qui a présidé le
Groupe Afrique des Négociateurs (GAN) au sommet de Durban (2011)
La lutte contre le changement climatique mobilise de plus en plus d’acteurs financiers, publics ou
privés. Cependant, en dépit de cette prise de conscience, les financements demeurent largement
insuffisants pour couvrir la totalité des besoins. Un des enjeux est de rediriger les flux financiers
actuels vers des investissements « verts ».
Les enjeux de la finance climat
La finance climat vise, à réduire l’importance des changements climatiques futurs. Elle se concentre
sur les investissements ayant des bénéfices en termes d’adaptation, d’atténuation ou de séquestration.
« Les besoins d’investissements en matière de réduction de gaz à effet de serre s’élèveraient à environ
1 500 milliards de dollars par an, et à environ 500 milliards pour l’adaptation » dans tous les
domaines : énergie, infrastructures, industrie, équipements et services (Pierre Forestier).
Malgré une prise de conscience générale, les besoins sont encore loin d’être couverts, d’autant qu’il est
parfois difficile d’évaluer l’efficacité des investissements climat : « lorsqu’on investit dans le cadre de
la finance climat, on se trouve face à une dimension plus qualitative que quantitative » (Tosi Mpanu-
Mpanu). L’enjeu est donc double : développer la finance climat et trouver un équilibre entre les quatre
flux de financement – les financements publics internationaux, les financements privés internationaux,
les financements publics nationaux et les financements privés nationaux.
Des dispositifs pour développer la finance climat déjà en place
L’un des plus notoires est le marché du carbone, divisé en deux sous-marchés : le marché
réglementaire et le marché volontaire. Le premier permet d’utiliser les réductions d’émissions de gaz à
effet de serre de projets vertueux pour les revendre à des entreprises qui ont des limites d’émission. À
ce jour, il n’a pas atteint ses objectifs. Le second est l’œuvre d’entreprises qui souhaitent d’elles-
mêmes avoir des pratiques responsables. Ce marché volontaire se porte mieux car on peut en mesurer
des « retombées de veloppement très concrètes » et car « les prix sont très stables. » (Samuel
Bryan).
Autre levier d’action, le MDP (mécanisme de veloppement propre) permet aux pays industrialisés
de financer des projets qui réduisent ou évitent des émissions dans les pays en développement et sont
récompensés en crédits carbone. En retour, les pays bénéficient de transferts de compétences et de
technologies tout en participant aux efforts mondiaux de réduction d’émissions. Le nombre de projets
7 000 montre le succès du MDP. Malheureusement, les pays occidentaux se désengagent de ce
mécanisme à cause de la chute du prix de la tonne de carbone.
Enfin, le Fonds vert, acté à la conférence de Cancun en 2010, devrait en principe être capitalisé à
hauteur de 100 milliards de dollars par an à l’horizon 2020 pour soutenir les pays en développement
dans la mise en place de projets climat. « Au sein des négociations sur le climat, le Groupe Africain
estime qu’il faudrait mobiliser 14 milliards de dollars en 2014. Aujourd’hui, il atteint environ 1
milliard de dollars. On est donc loin du compte. Si les pays en développement viennent à Paris en
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nécessaires ? », mardi 9 septembre au Forum mondial Convergences
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2015 pour souscrire l’accord, la communauté internationale devra débloquer des financements »
(Tosi Mpanu-Mpanu).
L’engagement du secteur privé pour le climat
Les grandes entreprises ont aussi mis en œuvre des politiques spécifiques. GDF-SUEZ s’est par
exemple engagé avec la Banque mondiale dans la finance carbone avant même le protocole de Kyoto,
et a créé son propre fonds de 10 millions d’euros. Par ailleurs, l’entreprise a lancé en 2014 le plus
important green bond (obligations vertes) émis à ce jour par une entreprise, pour 2,5 milliards
d’euros. « Il s’agit d’une contribution importante à la transition énergétique, puisque les fonds
collectés seront dirigés vers des projets liés aux énergies renouvelables ou à l’efficacité énergétique »
(Christine Fedigan).
De son côté, la Société Générale a réarticulé sa politique de développement. « La Société Générale se
fixe des contraintes et refuse de financer les projets qui ne respectent pas une contribution positive à
la problématique climatique » (Séverin Cabannes). Elle a notamment développé sous l’égide des
Nations unies une méthodologie de finance à impact positif sur l’environnement
Mutualisation des ressources, courage politique et partage des risques
Les sommes considérables à investir dans la lutte contre le changement climatique sont pour l’instant
prises en charge aux deux tiers par le secteur privé et les financements mixtes sont de plus en plus
fréquents. Une mutualisation des moyens sur laquelle l’Agence Française de Développement se
mobilise. « Outre son rôle de financeur, l’AFD entend avoir un rôle catalytique d’entraînement sur la
transformation des politiques publiques et sur les financements privés et publics, internationaux et
nationaux ». La finance publique doit « prendre des risques que les autres ne pourraient pas
assumer ». L’objectif est d’ouvrir des marchés et rediriger les flux de financement des investissements
économiques actuels, par exemple dans le secteur de l’énergie ou du transport, vers des
investissements « verts ». (Pierre Forestier).
Aller efficacement vers la transition énergétique, c’est aussi prendre des décisions politiques. « Il est
fondamental de créer des incitations vertueuses et de détruire les incitations pernicieuses. Pour ce
faire, il faut mettre fin à certaines subventions au niveau des carburants fossiles». Il faut aussi « avoir
le courage d’aborder clairement « la question hautement politique des sources innovantes de
financement », telles que la taxe sur les transactions financières. (Tosi Mpanu-Mpanu).
Enfin, pour financer l’agenda climat, la participation de tous les acteurs est nécessaire : le secteur
privé, les investisseurs institutionnels, les gouvernements mais aussi la société civile. Impliquer ceux
qui définissent les politiques monétaires et les règlements bancaires » est une réflexion en cours
(Pierre Forestier). « Tous les pays doivent progressivement prendre part à l’effort et à l’ambition de
réduction » des émissions (Christine Fedigan). Certes, les pays développés et les émergents, doivent
réduire leurs émissions, mais il faut garder à l’esprit que les économies en train de croitre sont les
futurs émetteurs (Pierre Forestier).
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Compte rendu révisé des débats
Introduction
Anne-Cécile Bras, journaliste à RFI
La finance constitue un sujet crucial qui suscite de vives tensions, notamment au sein des négociations
internationales. Elle fera partie des sujets traités lors du sommet climat organisé par Ban Ki-moon le
23 septembre à New-York. Il est impératif de poser dès aujourd'hui des jalons pour s’assurer de
parvenir à un accord en 2015 à Paris.
La finance climat : un enjeu global
Pierre Forestier, responsable de la division changement climatique de l’Agence française de
développement
La finance climat va de pair avec l’investissement climat. La question du changement climatique passe
par un investissement climat. Financer le climat consiste à investir économiquement pour impacter
positivement la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La finance climat vise, par le biais de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, à réduire
l’importance des changements climatiques futurs. Le changement climatique est de toute façon à
l’œuvre, mais il impactera différemment les pays en fonction de leur capacité d’adaptation.
Contrairement à ce qui apparaît dans les négociations internationales, la finance climat ne
constitue pas un objet en soi. En outre, elle ne peut pas se penser isolément des autres
investissements économiques. Les investissements économiques de toutes natures sont concernés par
ce sujet qui recoupe les questions énergétiques (aussi bien en termes de sobriété que de nature : moins
d’énergies fossiles, plus d’énergies renouvelables), les questions d’infrastructures, d’industrie,
d’équipements et de services, soit l’ensemble de nos économies.
Le climat est intrinsèquement lié à la possibilité qu’ont certaines ressources naturelles, comme la
forêt et les sols, de séquestrer des tonnes de carbone. Et la communauté internationale est de plus
en plus encline à valoriser économiquement ces services rendus par la nature.
La finance climat se concentre sur les investissements ayant des bénéfices en termes
d’adaptation, d’atténuation ou de séquestration.
Des objectifs chiffrés
Anne-Cécile Bras
La Banque mondiale a estimé l’ampleur des besoins pour financer la lutte contre le changement
climatique. Où en est-on de ce défi et de l’objectif fixé ?
Pierre Forestier
Faire des estimations se révèle compliqué puisqu’il est question d’un changement fondamental de
l’économie globale, aussi bien en termes de transition énergétique qu’écologique. Les estimations
sont impressionnantes puisqu’elles concernent surtout les économies émergentes et développées,
à savoir des économies qui pèsent, et ce dans une perspective de transformation économique
globale.
Les besoins d’investissements en matière de réduction de gaz à effet de serre s’élèveraient à environ
1 500 milliards de dollars par an, et à environ 500 milliards pour l’adaptation.
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Les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale et l’AFD, mais aussi les financeurs privés, tendent
à communiquer de plus en plus sur leurs financements en matière de climat. L’ensemble des acteurs
doit être partie prenante de cet effort.
Côté public, les chiffres avancés tournent autour d’une centaine de milliards de dollars investis chaque
année par les financeurs, les banques de développement internationales et les banques de
développement du Sud qui sont les principaux contributeurs publics sur ces questions
d’investissements avec des co-bénéfices climat.
Côté privé, les financeurs institutionnels et les banques, comme la Société Générale, contribuent à
hauteur d’environ 200 milliards de financements avec co-bénéfices climat.
Ces estimations ont beau être colossales, elles représentent une infime partie de l’ensemble des
besoins.
Les spécificités de la finance climat
Anne-Cécile Bras
Le défi est immense, d’autant plus que la finance climat n’est pas une finance comme les autres.
Tosi Mpanu-Mpanu, expert en développement durable et finance climatique qui a présidé le
Groupe Afrique des négociateurs (GAN) au sommet de Durban (2011)
En effet, avec des instruments financiers purs, l’investisseur s’attend à dégager un bénéfice
économique et commercial. Mais lorsqu’on investit dans le cadre de la finance climat, l’optique est
différente puisqu’il est difficile de faire une évaluation concrète des réalisations.
Au niveau environnemental, le résultat peut se chiffrer en tonnes de carbone réduites. Mais comment
évaluer la biodiversité dans une forêt préservée ? Comment évaluer un écosystème sauvé grâce à une
digue ? Comment évaluer une récolte sauvée grâce à une agriculture plus résiliente ? On se trouve face
une dimension plus qualitative que quantitative.
Au niveau philosophique, nombre de pays en développement estiment que la finance carbone doit
s’exprimer en flux depuis les pays développés vers les pays en développement, ces derniers n’étant pas
responsables du problème climat qui leur a été imposé. Les pays en développement reprochent aux
pays développés de s’être enrichis en s’accaparant la majeure partie de l’espace atmosphérique, et
estiment qu’ils doivent compenser les émissions des pays pauvres. Certes, mais il faut sortir de cette
dichotomie. En vingt ans, le monde a changé. Aujourd’hui, nombre de pays en développement sont
plus prospères que d’autres pays développés. Par ailleurs, un fort potentiel existe pour des
financements Sud-Sud.
Aujourd’hui, le financement climat peut se faire à travers quatre flux :
- les financements publics internationaux,
- les financements privés internationaux,
- les financements publics nationaux (beaucoup de pays en développement se dotent désormais
d’un fonds climat, appelé aussi Fonds vert),
- les financements privés nationaux.
Il faut trouver un équilibre entre ces quatre flux.
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