1
UNIA 2015-16 conférence n°3
Le retour de la monarchie (1815-1848)
Cette période 1815-1848 revêt indéniablement une certaine unité :
- sur le plan politique externe, c'est l'équilibre établi au niveau européen par le traité
de Vienne (1815).
Durant toute cette période, la France reste isolée, sous le contrôle des grandes
puissances européennes associées dans la Sainte Alliance.
- sur le plan politique interne, c'est une monarchie censitaire, qui consacre la
suprématie politique de la classe des notables aisés.
Pourquoi ? Parce que, après la chute de l'Empire, il va être facile de démontrer qu'une
République risque de tomber dans le despotisme.
Par conséquent, pour l'instant toute nouvelle expérience républicaine semble exclue.
Il s'agira donc d'établir un régime politique équilibré, un régime :
- garantissant les libertés conquises en 1789
-mais évitant les dérapages tant de l'exécutif que du législatif.
C'est à dire trouver un compromis entre le principe d'autorité, hérité de l'Ancien Régime et le
principe de liberté légué par la Révolution.
Mais cette Restauration va en fait se réaliser par étapes, et dans des conditions
ambiguës et mouvementés.
Un petit rappel est nécessaire, et donc un petit retour en arrière = au cours de l'hiver
1814 les armées des monarchies européennes ont envahi la France et les quatre grandes
puissances (Angleterre, Autriche, Prusse, Russie) s'accordent pour détruire l'Empire issu de la
Révolution et enlever à la France toutes ses conquêtes territoriales (la ramener à ses frontières
de janvier 1792).
Bien entendu les royalistes français vont s'appuyer sur la victoire militaire des
monarchies étrangères pour restaurer la monarchie en la personne de premier frère de
Louis XVI, qui régnera sous le nom de Louis XVIII.
Quels sont les événements qui le conduisent au pouvoir ?
Dès que les alliés entrent à Paris (31 mars 1814) le sénat impérial vote la déchéance de
l'Empereur (2 avril) qui abdique quelques jours plus tard (6 avril).
Le jour même 6 avril 1814, le sénat appelle au trône Louis XVIII avec le titre de
Roi des français à condition qu'il prêté serment à la constitution que le Sénat vient d'établir.
De quelle constitution s’agit-il ? Le projet de constitution sénatoriale du 6 avril
1814 entend rétablir une "véritable monarchie" mais une monarchie limitée par les lois, et
instituée par la volonté du peuple.
Il ne s'agit pas dans l'esprit du Sénat d'une restauration de la monarchie d'Ancien
Régime, mais bien de créer une nouvelle monarchie. Ce projet de constitution s'inspire autant
des principes de 1789 (souveraineté nationale) que du modèle anglais.
2
Seulement, les projets de Louis XVIII sont bien différents et il l'indique lors d'une
déclaration du 2 mai 1814 (Déclaration de Saint-Ouen) = refusant le projet du Sénat, il
proclame qu'il a été "rappelé au trône de ses pères par l'amour de son peuple" = cette
référence au peuple est un rejet implicite de la reconnaissance de la nation et du principe de
souveraineté nationale.
La monarchie qu'entend rétablir Louis XVIII est bien une monarchie patriarcale et de
droit divin = il est roi par succession dynastique, par un droit qui lui est propre et non par la
volonté de la Nation.
C'est bien une monarchie absolue, sans partage, détentrice de tous les pouvoirs (la
seule garantie qu'il est prêt à accorder étant celle d'une constitution. Autrement dit
Louis XVIII entend bien fixer seul les conditions de la restauration et de l'apaisement du pays.
La restauration sera donc monarchique, mais de 1814-1815 à 1848, la France connaît
en fait deux régimes séparés par la Révolution de 1830.
La restauration monarchique (1815) repose sur une charte octroyée par la seule
volonté royale, un roi qui est un Bourbon, de la même branche que Louis XVI. Cette première
période est donc placée sous le signe d'un royalisme traditionaliste, une vraie restauration
monarchique.
La monarchie de Juillet partir de 1830) est d'emblée plus libérale = elle repose
sur une charte (14 août 1830) qui est issue d'un compromis entre la nation et le Roi (issu de la
branche d'Orléans).
Voyons dans quelles conditions se réalise cette Restauration
Revenons un instant après la première chute de Napoléon, en mars 1814, les alliés
signent donc le traité de Paris, qui met un terme à la guerre et qui ramène la France aux
frontières de 1792.
Puis, très vite, ils évacuent le pays sans lui imposer ni indemnité de guerre ni
occupation militaire.
Par conséquent, si Louis XVIII s'est largement appuyé sur le soutien des monarchies
étrangères, il à présent seul pour apaiser le pays et fonder les bases du nouveau régime.
Le fondement essentiel du nouveau gime, c'est la charte octroyée le 4 juin 1814,
rapidement élaborée et appliquée sans être discutée, négociée ou votée par quiconque.
Les termes "charte" et "octroyée" sont importants = ils signifient que la charte n'est pas
issue d'un pacte constitutionnel, d'une négociation entre le roi et la Nation, mais qu'elle est
concédée par le bon vouloir du roi à ses sujets.
En contrepartie, le roi reconnaît un certain nombre de droits individuels parmi
lesquels on retrouve les grands principes de 1789 =
- liberté (liberté de conscience, de culte, liberté de la presse),
- égalité (égalité civile, fiscale, égalité d'accès aux fonctions publiques)
- propriété (irrévocabilité de la vente des biens nationaux),
- promet même une amnistie générale (absence de poursuites contre les régicides de
1793) - conservation certains acquis du régime napoléoniens = le code civil, de la gion
d'honneur et de la noblesse d'Empire.
Mais Trois remarques tout de même :
3
- Ces droits ne sont plus des droits naturels (les hommes ne sont plus égaux en
droits, ils sont égaux devant la loi), ils sont, eux aussi une concession du souverain.
- D'ailleurs, il prend des mesures en contradiction avec ces principes :
- il rétablit la noblesse d'Ancien Régime (contraire à l’égalité),
- il fait du catholicisme la religion d'Etat (ce qui restreint la liberté religieuse)
- il s'empresse de réglementer la presse (ce qui restreint la liberté d'opinion).
- De même, il n'est pas question d'établir le suffrage universel. Le droit de
suffrage n'est pas inhérent à la qualité d'homme. Le suffrage, c'est une fonction sociale
qui dépend de ses capacités = la fortune apparaissant comme le meilleur gage
d'aptitude intellectuelle et de maturité politique, le suffrage sera censitaire.
Pour être électeur, il faut être âgé de 30 ans et être assez fortuné, à telle
enseigne que le nombre des électeurs ne dépassera jamais les 100 000 pour toute la
France (un électeur pour 300 habitants). Pour être éligible il faut être âgé de 40 ans et
posséder une véritable fortune ce qui réduit à 20 000 le nombre des éligibles.
Je vous propose d’étudier rapidement comment sont organisés les pouvoirs publics et
comment sont mises en place les nouvelles institutions.
a/ L’organisation des pouvoirs publics
Pour ce qui est de l'exécutif, il est confié au roi qui constitue l'organe prépondérant =
le roi seul détient la puissance exécutive. Il nomme et révoque librement ses ministres qui ne
sont pas responsables devant les chambres.
Outre les prérogatives classiques de l'exécutif (pouvoir réglementaire, chef des armées,
déclaration de guerre, traités) il participe largement au travail législatif =
C'est à lui qu'appartient l'initiative des lois (les chambres ne peuvent que le supplier de
proposer un projet) et c'est lui qui a la sanction des lois (elles ne deviennent valables que par
son acceptation = il a un droit de veto absolu).
Pour ce qui est du pouvoir législatif, le parlement, à l'imitation des institutions
anglaises est formé de deux chambres (chambre haute et chambre basse) :
Une chambre des pairs, nommés par le roi, à vie ou à titre héréditaire. Cette chambre
haute traduit le caractère aristocratique du régime.
Une chambre des députés élus pour cinq ans (renouvelables par cinquième chaque
année) au suffrage censitaire.
Mais elle n'est pas indépendante du roi, puisqu'elle doit attendre de lui sa convocation.
Il peut en outre la dissoudre à condition d'en convoquer une nouvelle dans les trois mois = on
ne peut imaginer une emprise plus forte sur le législatif.
NB / Bien que n'étant pas une véritable assemblée démocratique (parce qu'elle n'est pas
directement en contact avec la masse populaire), elle donne au régime une allure beaucoup
plus libérale que celle qu'il avait sous l'Empire.
Pour ce qui est de ses attributions, elles se ramènent au vote de la loi et de l'impôt,
mais dans ces domaines son avis conforme est nécessaire = c'est ce qui fait la différence entre
ce régime (monarchie limitée) et la monarchie absolue (où le roi n'était pas lié par les avis
qu'on lui donnait).
Ceci étant, en l'absence de responsabilité ministérielle, c'est à dire en l'absence de
moyens aux mains du législatif pour peser sur l'exécutif, on ne peut pas parler de séparation
souple des pouvoirs, et ce régime n'est donc pas un régime parlementaire.
4
b/ La mise en place des nouvelles institutions
Elle se fait dans des conditions bien particulières, qui sont le reflet du contexte
politique de la situation de Louis XVIII :
Qui est Louis XVIII ? c'est un veuf sans enfants, imbu de sa personne et de sa
naissance, mais tout de même assez fin sur le plan politique.
Comme son frère, Louis XVI dont il est le cadet, il s'est enfui en juin 1791, mais lui a
réussi son évasion et les épreuves de l'exil ont modéré ses idées.
En 1814, il a soixante ans, c'est vieil homme fatigué qui souhaite un retour à la
tradition (il établit l'étiquette de la cour d'avant 1789) mais en même temps l'apaisement et la
réconciliation.
Mais il est également influencé par sa famille et par les émigrés qui reviennent en
grand nombre au bout de 25 ans d'exil animés d'un esprit de rancune et parfois de vengeance.
Ils multiplient les menaces contre les acquéreurs de biens nationaux, les défis, les
provocations. Certains sont intégrés dans l'armée à de hautes fonctions.
De même, se multiplient les cérémonies commémoratives de l'ancien régime (transfert
des restes de Louis XVI à St Denis). Le clergé est encore plus virulent = il manifeste
violemment sa rancœur.
En raison des excès des nostalgiques de l'Ancien Régime, la première restauration
(avril 1814 à mars 1815) est placée sous le signe de la déception et du mécontentement et
d'une certaine hostilité de la part du peuple vis à vis de nobles et des prêtres.
Un rappel de la chronologie est peut-être nécessaire, parce qu’elle est assez
complexe.
Je disais donc, une certaine déception ressentie par les Français lors de la première
restauration = Et lors de son évasion, Napoléon va d'ailleurs essayer de tirer parti de cette
situation, et, choisissant bien son itinéraire il soulève l'enthousiasme des populations.
A l'annonce du retour de Napoléon, le roi constitutionnel prend la fuite le 19 mars
1815. Juste à temps. L'empereur arrive à Paris le lendemain, et inaugure une éphémère
restauration impériale (les cent jours).
A l'issue de cette aventure rocambolesque et tragique, Napoléon abdique le 22 juin
1815 et le 8 juillet, Louis XVIII est de retour à Paris.
Mais il ne s'agit pas simplement de refermer une parenthèse : l'épisode des cent jours
n'est pas sans effets. 3 conséquences.
- Les monarchies européennes qui se sont une nouvelle fois coalisées pour battre
Napoléon, estiment que la confiance accordée à la France a été trompée et qu'il faut la
châtier. La France subit une rectification de frontières (et perd ainsi Nice et la Savoie) ; une
indemnité de guerre lui est imposée s'élevant à 700 millions de francs.
- A la suite de la défaite de Waterloo la terreur blanche se répand dans diverses
régions méridionales et dans la vallée du Rhône =
De quoi s’agit-il ? Une terreur inversée = les royalistes s'en prennent aux anciens
révolutionnaires jacobins, aux acquéreurs de biens nationaux et aux fonctionnaires impériaux
5
= beaucoup sont molestés certains exécutés. Ceux qui s'en sortent sont ceux qui ont su
retourner leur veste à temps.
Les cents jours ont révélé un nouveau caractère du monde politique = la girouette (les
humoristes publient même des « dictionnaires des girouettes »).
- C'est dans cette atmosphère de règlement de comptes qu'ont lieu les élections
législatives d'août 1815.
A une écrasante majorité (350 sur 402 députés) elles conduisent à la chambre des
hommes neufs, royalistes convaincus et ardents, plus royalistes que le roi qu'on appellera les
"ultraroyalistes" partisans de la répression.
C'est cette chambre qui vote une série de lois terroristes qui mettent en place un
système de terreur légale.
Après cette phase de terreur légale, le roi, considérant qu'il dispose maintenant de
moyens de répressions suffisants pour décapiter les nostalgiques de l'Empire, et souhaitant
apaiser et réconcilier le pays, procédera à la dissolution la chambre ultraroyaliste en
septembre 1816.
Le régime est prêt pour évoluer vers le parlementarisme, et c’est cette évolution qui
marque toute la vie politique de la Restauration.
Que peut-on retenir justement de la vie politique sous la Restauration ?
La charte est assez évasive sur les relations entre exécutif et législatif, mais, nous
l’avons dit, l'absence de responsabilité ministérielle interdit de parler de système
parlementaire pour le nouveau régime.
C'est en fait la pratique politique qui va compléter voire transformer le régime et le
faire évoluer vers le parlementarisme. Dans quelles conditions précisément ?
Le roi n'est pas totalement hostile à ce que la chambre exerce un contrôle sur le
gouvernement, et la pratique va instaurer un contrôle par divers moyens : Trois moyens :
- l'adresse est une déclaration votée par la chambre en réponse au discours du trône
par lequel le roi ouvre la session parlementaire = elle devient un véritable acte politique qui
permet de faire connaître son sentiment sur la politique du gouvernement.
- les citoyens pouvaient adresser des pétitions à l'une ou l'autre assemblée, des
pétitions qui sont souvent relatives au fonctionnement des certains services publics et qui
mettent en cause les ministres concernés.
A leur occasion les chambres discutaient et établissaient un rapport approuvant ou
critiquant la politique du ministre et demandant des éclaircissements sur sa politique.
- la discussion du budget offre une occasion de passer au crible l'action du
gouvernement et d'apprécier le bien-fondé des dépenses de l'Etat.
Elle se transforme souvent en une suite d'interpellations, qui portent beaucoup moins
sur les crédits demandés que sur la confiance qu'inspire le ministre qui les demande.
Par ailleurs, si en théorie ces prodés de contrôle ne comportent aucune sanction (le
principe c'est l'irresponsabilité ministérielle) on constate que ce n'est pas le cas en pratique =
le ministre qui n'a pas l'approbation du parlement doit soit se retirer spontanément soit
être renvoyé par le roi.
1 / 13 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !