DOSSIER L6 LES GRECS ET LA MER CLASSIQUE ET HELLENISTIQUE 2015

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M. PRÊTEUX
L6HI0218
PARIS IV-SORBONNE
ANNEE 2015/2016
LES GRECS ET LA MER
époques classique et hellénistique
(490- 31 av. J.-C.)
Restitution de l'épave du Kyrénia (IVe siècle)
TD : Mardi 13h30 -15h30 et 15h30-15h30, salle Le Verrier en Sorbonne
1
PROGRAMME DES COURS
COURS 1
COURS 2
COURS 3
ATHENES DE LA TERRE A LA MER
Introduction : Les Grecs et la mer au temps de la révolte de l'Ionie
et de la première guerre médique
۩ p. 8 : la politique maritime de Thémistocle (dossier de
textes)
9
LA FLOTTE ATHENIENNE PENDANT LES GUERRES
FEVRIER
MEDIQUES
۩ p. 9 : le prétendu décret de Thémistocle
۩ p. 10 : la bataille de Salamine (Hérodote, dédicade de
Delphes)
16
L'ARCHE ATHENIENNE : REPENSER LA
FEVRIER
THALASSOCRATIE
۩ p. 11-12 : flotte et tribut dans l'archè athénienne
(Thucydide, listes d'aparchè)
۩ p. 13 : Athènes et la Ligue de Délos au temps de Cimon
(Plutarque)
2
FEVRIER
COURS 4
23
FEVRIER
DEVELOPPEMENT D'UNE MARINE ET MUTATIONS
SOCIALES : la démocratie des rameurs""
۩ p. 14 : les rameurs à Athènes : marine et démocratie
(Plutarque, Vieil Oligarque)
۩ p. 15 : la marine : une affaire de métier (Thucydide)
COURS 5
8 MARS
L'ORGANISATION DU PORT DU PIREE
۩ p. 16 : les comptes de l'arsenal du Pirée (document
épigraphique)
۩ Dissertation : Athènes et le Pirée : cité bicéphale
COURS 6
COURS 7
15 MARS
22 MARS
LA LUTTE SUR MER PENDANT LA GUERRE DU
PELOPONNESE
۩ p. 17-18 : le départ de l'expédition en Sicile en 415
(Thucydide)
۩ p. 219: Lysandre et Cyrus : le financement de la flotte
(Plutarque)
FAIRE FACE A L'ECHEC DE LA FLOTTE
۩ p. 20 : l'échec de l'expédition d'Egypte (Thucydide)
۩ p. 21 : le procès des Arginuses de 406 (Xénophon)
COURS 8
29 MARS
COURS 9
5 AVRIL
COURS 10
12 AVRIL
LA DIFFICILE MAITRISE DE LA MER PAR LES ATHENIENS
AU IVe SIECLE
۩ p. 22 : les Athéniens, leurs stratèges et le financement de la
guerre (Démosthène)
۩ p. 23 : la triérarchie (Apollodore, Contre Polyclès)COMPTERENDU D'ARTICLE A RENDRE
LE RAVITAILLEMENT D'ATHENES
۩ p. 24 : Athènes et les rois du Pont (document épigrapique)
۩ p. 25: la pénurie d'Athènes en céréales (Démosthène)
LES NOUVELLES FORMES DU COMMERCE MARITIME
2
۩ p. 26 : le monopole athénien sur les matériaux (Vieil
Oligarque, décret de Kéos)
۩ p. 27: le prêt à la grosse aventure (Démosthène)
EXPOSES ECRITS A RENDRE
COURS 11
3 MAI
COURS 12
10 MAI
LES MARINES DE L'EPOQUE HELLENISTIQUE
۩ p. 28 : la marine des Lagides (Athénée, Deipnisophistes)
۩ p. 29-30 : le navire de Hiéron de Syracuse (Athénée,
Deipnisophistes)
ALEXANDRIE D'EGYPTE
۩ p. 31 : Alexandrie d'Egypte, cité entre terre et mer (Arrien,
Anabase, Strabon, Géographie)
۩ p. 32 : le phare d'Alexandrie (épigramme de Poseidipppos sur le
phare d'Alexandrie, monnaies)
COURS 13
17 MAI
COURS DE REVISION DU PARTIEL
EXERCICES A REALISER DANS LE CADRE DU CONTRÔLE CONTINU
1/ UN EXPOSE, noté sur 20 points
Commentaire de document à l'oral en TD (durée maximum de 20 minutes)
Pour les étudiants ayant déjà présenté un exposé oral lors du premier semestre, il est possible
de rendre un commentaire de document par écrit.
Document du commentaire à prendre au choix parmi les documents marqués
dossier de TD.
۩
dans le
Commentaire écrit à rendre au plus tard le 12 AVRIL.
2/ COMPTE-RENDU D'UN ARTICLE, noté sur 20 points
article : STRAUSS B. S., "Perspectives of the death of the Fifth-century Athenian seamen",
dans : VAN WEES Hans (Ed.), War and violence in ancient Greece, London, 2000, p. 261283. (article mis à disposition sur Moodle, avec le questionnaire)
compte-rendu à réaliser en français en 4 pages maximum à rendre le 29 MARS
PARTIEL A L'ECRIT AU DEUXIEME SEMESTRE
3
BIBLIOGRAPHIE
MANUELS
CORVISIER, Jean-Nicolas, Les Grecs et la mer, Les Belles Lettres, Paris, 2008, 427 p.
SUR LA GUERRE DU PELOPONNESE
BETTALI, M., « La guerre du Péloponnèse », dans BRULE, Pierre, OULHEN, Jacques (dir.),
La guerre en Grèce à l’époque classique, Presses Universitaires de Rennes, 1999,
DELAVAUD-ROUX et alii, Guerres et sociétés, Atlande, 1996.
KAGAN, Donald,
- The Outbreak of the Peloponnesian War, 1969, 420 p.
- The Archidamian War, 1974, 392 p.
- The Peace of Nicias and the Sicilian Expédition, 1981, 393 p.
- The Fall of the Athenian Empire, 1987, 455 p.
MEIGGS, Russel, The Athenian Empire, 1972
SAINTE-CROIX, GEM de, The Origins of the Peloponnesian War, 1972, 444 p.
SUR LE IVe SIECLE
BRULE, Pierre, DESCAT, BRUN, LAMBOLEY, LE BOHEC, OULHEN, Le monde grec
aux temps classiques, tome 2, le IVe siècle, PUF, Paris, 2004
CARLIER, Pierre, Le IVe siècle grec, Seuil, Paris, 1995. Voir pp. 11-110 ; 169-274.
CARLIER, Pierre, éd., Le IVe siècle av. J.C. Approches historiographiques, 1996.
HANSEN, M., La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Belles Lettres, Paris,
1993.
WILL, Edouard, MOSSE, Claude, GOUKOWSKY, Paul, Le monde grec et l’orient, tome II,
Le IVe siècle, PUF, Paris, 1988. Voir notamment pp. 15-54 ; 97-189.
NAVIRES ET NAVIGATION
BASCH, Lucien, Le musée imaginaire de la marine antique, Athènes, 1987, 525 p.
CASSON, L., Les marins dans l'antiquité, (1959), trad. fr. 1961 (ouvrage de vulgarisation)
CASSON, L., Ships and seamanship, in the Ancient World, 1971 (ouvrage avec 200 planches)
CASSON, L., Sea and seafaring in ancient times, 1994
MORRISON, J.S., WILLIAMS, R.T., Greek oared Ships, 900-322 B.C., Cambridge, 1968.
MORRISON, J.S. COATES, J.F. The Athenian Trireme, Cambridge Univ. Press, 1986
MORRISON, J.S. COATES, J.F. Greek and Roman oared warships, Oxbow Books, 1996
POMEY, Pierre (éd), La navigation dans l’antiquité, Edisud, 1997.
ROUGE, Jean, La marine dans l'antiquité, PUF, 1975, 215 p.
LA PUISSANCE MARITIME DES CITES
PAGES, J., Recherches sur les thalassocraties antiques: l'exemple grec, Economica, 2001
BERTHOLD, R.M., Rhodes in the Hellenistic Age, Ithaca, 1984
GABRIELSEN, Vincent, The naval aristocracy of hellenistic Rhodes, 1997
GABRIELSEN, Vincent et alii, Hellenistic Rhodes : Politics, Culture and Society, Aarhus,
1999
JACQUEMIN Anne, « La marine », dans : PROST Francis (éd.), Armées et sociétés de la
Grèce classique : aspects sociaux et politiques de la guerre aux Ve et IVe s. av. J.-C.,
Paris, 1999, p. 223-239. (
4
ATHENES ET LA MER
AMIT, M., Athens and the sea. A Study in athenian seapower, Bruxelles, 1965
JORDAN Borimir, The Athenian navy in the classical period : a study of athenian naval
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MORENO, Alfonso, Feeding the Democracy, The Athenian Grain-Supply in the Fifth and
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LA GUERRE SUR MER
KINZL, Konrad. H. (éd.), A Companion to the classical greek World, Blackwell, 2010
voir notamment Johen W.I. Lee, Warfare in the Classical Age, 10. Naval Warfare, p.
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DE SOUZA, Philip, Ancient naval warfare, UCL Press, 1999
GUILLERM, Alain, La marine de guerre antique, Paris, 1993.
PAGES, J., Recherches sur la guerre navale dans l'Antiquité, Economica, 2000
RODGERS William Ledyard, Greek and Roman naval warfare : a study of strategy, tactics
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(réimpression de l’édition de 1937)
TAILLARDAT Jean, « La trière athénienne et la guerre sur mer aux Ve et IVe siècles », dans
: VERNANT Jean-Pierre (éd.), Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris-La
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FINANCER LA GUERRE SUR MER
FIGUEIRA, Thomas, The Power of Money, 1998
FLAMENT, Christophe, Une économie monétarisée : Athènes à l’époque classique (440338), Peeters, 2007
GABRIELSEN, Vincent, Financing the Athenian fleet : public taxation and social relations,
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GABRIELSEN Vincent, « Naval warfare : its economic and social impact on ancient Greek
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KALLET-MARX Lisa, Money, expense and naval power in Thucydides’ History 1-5.24,
Berkeley, 1993.
van WEES, Hans, Ships and silver, taxes and tribute : a fiscal history of Archaic Athens,
2013
SUR LES ECHANGES
Ouvrages généraux :
BRESSON, Alain, La cité marchande, 2000
BRESSON, Alain, L'économie de la Grèce des cités, A. Colin, 2 vol., 2007 et 2008.
ARCHIBALD, Z.H., DAVIES, J.K., GABRIELSEN, V., Making, Moving and Managing.
The New World of ancient Economies 323-31 B.C., Oxford, 2005.
PARAGEORGIADOU-BANIS, Charikleia, GIANNIKOURI, Angeliki (éds.), Sailing in
the Aegean. Readings on the economy and trade routes, Melethemata, 53, 2008, 256 p.
VELISSAROPOULOS, Julia, Les nauclères grecs, 1980.
5
6
7
LA POLITIQUE MARITIME DE THEMISTOCLE
Document 1 : Hérodote, V, II, 144
Une autre proposition de Thémistocle l’avait emporté auparavant (avant l’interprétation des
oracles du mur de bois), bien à propos ; c’était au moment où les Athéniens, disposant de
sommes importantes dans le trésor public, qui leur venaient des mines du Laurion, devaient
recevoir dix drachmes par adulte. Thémistocle persuada les Athéniens de renoncer à cette
distribution pour construire avec ces sommes deux cent navires en vue de la guerre, c’est-àdire la guerre contre Egine.
Document 2 : Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 93.
Thémistocle les décida aussi à achever les constructions du Pirée (on les avait commencées
auparavant, lors de la magistrature qu'il avait exercée pour un an à Athènes) : il trouvait
l'endroit heureusement conformé, avec ses trois ports naturels, et pensait qu'eux-mêmes,
devenus marins, se trouvaient en bonne passe pour acquérir de la puissance. Il fut, en effet, le
premier à oser dire qu'il fallait s'attacher à la mer, et tout de suite il travailla à préparer
l'empire. On donna au mur, selon ses avis, une largeur qui se voit aujourd'hui encore du côté
du Pirée : deux chariots se croisaient pour apporter les pierres, et il n'y avait à l'intérieur ni
gravier ni terre, mais de grandes pierres assujetties et taillée régulièrement, reliées entre elles,
à l'extérieur, par du fer avec du plomb fondu. La hauteur, elle, fut pour finir à peu près moitié
moindre qu'il ne projetait. Il voulait en effet, par l'importance et l'épaisseur du mur, tenir en
respect les menaces ennemies, et il pensait que quelques hommes - les plus inaptes- suffiraient
pour monter la garde, tandis que le reste embarquerait sur la flotte. Car la flotte était l'objet de
ses plus grands soins : il voyait, je pense, que pour les forces du Roi, une arrivée par mer était
plus propice que par terre. Il pensait donc que le Pirée présentait plus d'utilité que la ville
haute, et il répétait souvent aux Athéniens, si jamais ils cédaient à un assaillant sur terre, de
gagner le port, et avec leur flotte de faire face contre tous.
Document 3 : Aristote, Constitution des Athéniens, 22, 7
Deux ans après, sous l'archontat de Nicomédès (483 a. C. n.), les mines de Maronéia furent
découvertes, et l'exploitation eut bientôt rapporté cent talents à l'État. Quelques-uns
proposaient de distribuer cet argent au peuple ; Thémistocle s'y opposa, et, sans dire l'emploi
qu'il comptait faire de cette somme, il conseilla de la prêter aux cent plus riches Athéniens, à
raison d'un talent à chacun. Si le peuple approuvait l'emploi, la dépense serait portée au
compte de la ville ; sinon les emprunteurs devraient restituer l'argent. A ces conditions, il
obtint de disposer de la somme, et fit construire une trière à chacun des cent : c'est avec cette
flotte que les Athéniens combattirent les Barbares à Salamine.
Document 4 : Plutarque, Thémistocle, 4, 1
Et tout d’abord, comme les Athéniens avaient l’habitude de se répartir le produit du Laurion,
qui venait des mines d’argent, il fut le seul à oser se présenter devant le peuple pour proposer
qu’il fallait renoncer à la distribution de ces sommes pour construire des trières en vue de la
guerre contre Egine.
8
LE PRETENDU DECRET DE THEMISTOCLE (480)
Stèle de marbre découverte non loin de Trézène (Argolide).
Les lacunes de l'inscription sont indiquées par [ ].
Dieux!
Il a plu au Conseil et au peuple.
Thémistocle fils de Néoclès du dème de Phréarroi a proposé.
Que la cité soit confiée à Athéna protectrice des Athéniens et à tous les autres dieux pour
qu'ils protègent et défendent le territoire (chôra) du Barbare. Que tous les Athéniens et les
étrangers (xénoi) qui résident à Athènes soient installés à Trézène avec femmes et enfants
[sous la protection de ... ?], fondateur (archégetès) du territoire. Que les vieillards et les
troupeaux soient installés à Salamine. Que les trésoriers et les prêtres restent sur l'acropole
pour veiller aux biens des dieux. Que tous les autres Athéniens et les étrangers ayant l'âge
requis embarquent sur les deux cents navires préparés pour cela et repoussent le Barbare pour
leur propre liberté et pour celle des autres Grecs, avec l'aide des Lacédémoniens, des
Corinthiens, des Eginètes, et de tous ceux qui voudront partager le danger. Que les stratèges
désignent à partir de demain deux cents triérarques, un pour chaque vaisseau, parmi ceux qui
possèdent une propriété et une maison à Athènes, ont des enfants légitimes et sont âgés de
moins de cinquante ans, et qu'ils les répartissent par le sort parmi les vaisseaux. Qu'ils
enrôlent également dix fantassins embarqués (epibatai) par vaisseau parmi ceux qui ont entre
vingt et trente ans, ainsi que quatre archers. Que l'assistance (hypèresiai) soit répartie par le
sort sur les vaisseaux, seulement lorsque les triérarques auront été désignés au sort. Que les
stratèges enregistrent les autres par navire sur des tablettes blanchies, les Athéniens à partir
des registres du recrutement, les étrangers parmi ceux qui ont été inscrits auprès du
polémarque. Que l'on inscrive ceux qui ont été répartis par corps de cent dans les deux cents
navires et que l'on indique pour chaque corps (taxis) le nom de la trière, du triérarque et de
l'assistance, afin que chaque corps voie dans quelle trière il sera embarqué. Lorsque tous les
corps auront été répartis et tirés au sort parmi les trières, que le Conseil fasse procéder à
l'embarquement et que les stratèges fassent un sacrifice propitiatoire à Zeus Tout-Puissant
(Pankratès), à Athéna, à la Victoire (Nikè) et Poséidon Protecteur (Asphaleios). Lorsque les
équipages auront été embarqués, que cent d'entre eux partent en renfort au cap Artémision
d'Eubée, et que les cent autres croisent autour de Salamine et du reste de l'Attique et protègent
le territoire. Afin que l'ensemble des Athéniens repousse dans la concorde (homonoia) le
Barbare, que ceux qui ont été chassés pour dix ans se rendent à Salamine et y restent jusqu'à
ce que le peuple décide quelque chose à leur égard. Quant à ceux qui ont subi la privation de
leurs droits civiques (atimie) [... ?]
9
LA BATAILLE DE SALAMINE (Hérodote, Enquêtes, VIII, 83-96)
83
Les Grecs jugèrent enfin dignes de foi les affirmations des Téniens, et ils se
préparèrent à la bataille imminente. L'aurore parut et les chefs réunirent les soldats;
l'allocution que prononça Thémistocle fut, entre toutes, excellente : il la consacra tout entière
à mettre en parallèle ce qu'il y a de plus noble et de plus vil dans la nature et la condition de
l'homme, il exhorta les Grecs à choisir toujours le parti le plus noble et, son discours achevé,
donna l'ordre de monter sur les vaisseaux. (...)
84
Les barbares les attaquèrent aussitôt. Les Grecs commençaient tous à reculer et à se
rapprocher du rivage, mais un Athénien, Ameinias de Pallène, avança et se jeta sur un navire
ennemi; comme il restait accroché à son adversaire et qu'ils ne pouvaient ni l'un ni l'autre se
libérer, les autres navires grecs vinrent à la rescousse et la mêlée s'engagea. (...)
85
Les Athéniens avaient en face d'eux les Phéniciens, placés du côté d'Eleusis et du
couchant; les Lacédémoniens étaient en face des Ioniens, placés du côté du levant et du Pirée.
Ceux-ci furent peu nombreux à faiblir volontairement comme Thémistocle le leur avait
demandé; le plus grand nombre n'en fit rien. Je puis donner les noms de plusieurs capitaines
qui capturèrent des vaisseaux grecs, mais je n'en ferai rien, sauf pour Théomestor fils
d'Androdamas e Phylacos fils d'Histiée, deux Samiens : je mentionne ici leurs noms parce que
Théomestor, en récompense, fut fait tyran de Samos par les Perses, et Phylacos fut inscrit sur
la liste des "Bienfaiteurs du Roi", et Xerxès lui octroya un domaine immense. (...)
87
Je ne saurai parler de tous les combattants Grecs ou Barbares, et dire en détails ce que
fit chacun d'eux, mais à propos d'Artémise voici ce qui lui valut encore plus d'estime de la
part de Xerxès : (...) Xerxès qui observait la bataille, remarqua, dit-on, ce navire qui en
attaquait un autre, et quelqu'un près de lui s'exclama : "Vois-tu, maître, comme Artémise sait
bien se battre, et comment elle a coulé l'un des vaisseaux ennemis?" (...)
95
Aristide fils de Lysimaque, l'Athénien dont j'ai parlé un peu plus haut comme
l'homme le plus vertueux qui fût, agit ainsi pendant que la mêlée se déroulait à Salamine :
avec un certain nombre des hoplites postés sur le rivage de Salamine, qui étaient Athéniens, il
débarqua sur l'île de Psytallie et ils massacrèrent jusqu'au dernier les Perses établis sur l'îlot.
(...)
97
Lorsque Xerxès eut mesuré sa défaite, il craignit qu'un Ionien ne proposât aux Grecs, à
moins que l'idée ne leur en vint spontanément, de faire voile vers l'Hellespont pour y couper
ses ponts de bateaux; il eut peur d'être enfermé en Europe et d'y trouver sa perte, et il se
résolut à fuir.
Document : Dédicaces des Athéniens à Delphes
Huit fragments d'une grosse base calcaire provenant du trésor des Athéniens à Delphes,
regravée au IVe ou au IIIe siècle, en imitant la graphie archaïque
"Les Athéniens ont offert à Apollon les prémices du butin pris sur les Mèdes à la bataille de
Marathon."
Dédicace du portique des Athéniens (480-470)
"Les Athéniens ont dédié le portique ainsi que l'armement et les ornements de proue pris à
l'ennemi."
10
FLOTTE ET TRIBUT DANS L'ARCHE ATHENIENNE
Les Athéniens reçurent l’hégémonie du consentement des alliés en raison de leur haine
à l’encontre de Pausanias ; ils établirent quelles cités devaient fournir contre le barbare de
l’argent ou des navires. Le prétexte était de ravager le territoire du Roi en représailles pour les
torts subis. Les Athéniens créèrent une nouvelle fonction : les hellénotames pour percevoir le
tribut (c’est ainsi que fut appelé l’apport en argent). Le premier tribut fut fixé à 460 talents, le
trésor était à Délos et les réunions se tenaient au sanctuaire.
A la tête des alliés d’abord autonomes et délibérant en commun, les Athéniens firent
bien des progrès dans la guerre et la maîtrise des affaires entre les guerres médiques et celleci, ils furent en lutte contre le barbare et leurs propres alliés en révolte. (…)
Les Athéniens assiégèrent d’abord Eion sur le Strymon tenue par les Mèdes,
commandés par Cimon fils de Miltiade. Ils la prirent et asservirent la population. Ensuite, ils
prirent l’île de Skyros habitée par les Dolopes et y établirent eux-mêmes une colonie. Contre
les Carystiens, sans impliquer les autres Eubéens, ils firent la guerre et dans le temps
aboutirent à un accord. Après cela, ils firent la guerre aux Naxiens qui avaient fait défection et
les assiégèrent. Ce fut la première cité asservie contrairement au statut. Par la suite, il en fut
de même pour les autres à chaque occasion.
Entre autres raisons, les défections les plus importantes tenaient aux déficiences à
fournir tribut et navires et, en certains cas, à la désertion. C’est ce que les Athéniens géraient
avec rigueur et se rendaient odieux à des gens ni accoutumés ni disposés à endurer les
contraintes qu’ils leurs infligeaient. De toute manière, les Athéniens ne commandaient plus à
la satisfaction des alliés ni ne faisaient campagne sur un pied d’égalité. Ils avaient plus de
facilité à ramener les dissidents. De cette situation, les alliés eux-mêmes étaient responsables :
refusant de faire campagne pour ne pas quitter leur maison, la plupart d’entre eux étaient
frappés d’une taxe pour un montant équivalent aux navires à fournir. Pour les Athéniens, la
flotte s’accroissait avec les dépenses payées par les alliés, ces derniers en cas de révolte
partaient en guerre dépourvus d’armement et d’expérience.
Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 96-99.
11
12
ATHENES ET LA LIGUE DE DELOS AU TEMPS DE CIMON
(Plutarque, Vie de Cimon, 6-8 et 11)
6
Mais la générosité de Cimon surpassa même l’antique hospitalité et bienfaisance des
Athéniens ; 7 car leur ville est fière d’avoir répandu en Grèce la semence de la nourriture, et
elle apprit aussi aux hommes, qui l’ignoraient, à irriguer les champs avec l’eau des sources et
à faire du feu ; mais Cimon, en transformant sa maison en un prytanée commun aux citoyens
et en laissant les étrangers goûter et prendre dans ses domaines les prémices des fruits mûrs et
tout ce que les saisons apportent de bon avec elles, ramena en quelque sorte dans la vie
humaine la communauté des biens que la fable situe au temps de Cronos. 8 Ceux qui
prétendaient malignement que c’était là flatter la foule et agir en démagogue étaient réfutés
par la nature de sa politique, qui était aristocratique et laconisante. Il était, en effet, avec
Aristide, l’adversaire de Thémistocle, qui exaltait à l’excès la démocratie, et plus tard il
combattit Ephialte, qui, pour plaire à la multitude, voulait abolir le Conseil de l’Aréopage. Il
avait beau voir tous les autres, sauf Aristide et Ephialte, se gorger de ce qu’ils prenaient au
trésor public, il se montra jusqu’à la fin incorruptible et inaccessible aux présents, ne faisant et
ne disant jamais rien qui ne fût gratuit et désintéressé. »
11
Les alliés continuaient à payer le tribut, mais ne fournissaient plus les hommes ni les
vaisseaux dont le nombre avait été stipulé. Ils étaient las de tant d’expéditions, et, la guerre
n’ayant plus pour eux d’utilité, ils n’avaient désormais qu’un désir : cultiver leurs terres et
vivre en paix. Comme les barbares étaient partis et ne les inquiétaient plus, ils négligeaient
d’équiper des navires et d’envoyer des soldats. Les stratèges athéniens autres que Cimon
voulaient les contraindre à le faire ; ils traînaient en justice et punissaient ceux qui manquaient
à leurs obligations, rendant ainsi l’hégémonie pesante et odieuse ; Cimon, lors de ses
commandements, s’engagea dans la voie opposée : il ne faisait violence à aucun Grec, mais,
prenant de l’argent et des vaisseaux vides à ceux qui ne voulaient pas servir, il les laissait,
séduits par les délices du repos, vaquer à leurs affaires particulières et devenir, par mollesse et
imprévoyance, eux qui étaient auparavant des hommes belliqueux, de pacifiques laboureurs et
commerçants. Quant aux Athéniens, au contraire, Cimon les faisait embarquer tour à tour et
en grand nombre, et les aguerrissait par des expéditions, si bien qu’en peu de temps, grâce à la
solde et à l’argent qu’il tirait des alliés, il les rendit maîtres de ceux qui, précisément, les
payaient.
13
14
LA MARINE : UNE AFFAIRE DE METIER
DOCUMENT 1 : Extrait du discours du roi Archidamos aux Spartiates (hiver 432)
" J'ai moi-même, Lacédémoniens, fait l'expérience de la guerre en de multiples occasions, et
je vois, parmi vous, ceux de ma génération dans le même cas : cela empêche qu'on en désire
la venue, soit par inexpérience, comme il pourrait arriver au plus grand nombre, soit pour
l'estimer bonne et sans danger. Or, celle dont vous discutez aujourd'hui ne serait pas de petite
importance; et c'est ce dont vous vous aviseriez, à calculer les choses raisonnablement. En
face de gens du Péloponnèse, et qui sont nos voisins, nos moyens d'action sont équivalents, et
nous pouvons promptement diriger des attaques sur tous les points. Mais, avec un peuple dont
le territoire est loin, qui, en outre, a entre tous l'expérience de la mer et se trouve entre tous
bien muni de tout le reste: richesse, privée et publique, flotte, cavalerie, armements
d'infanterie, réserves d'hommes sans égales dans aucun autre pays grec pris isolément, et qui
joint à tout cela de nombreux alliés tributaires - comment, vis-à-vis d'un tel peuple, soulever
une guerre à la légère, et sur quoi compter pour céder à la précipitation sans être préparés? Sur
la flotte? La nôtre est la moins forte, et, pour nous exercer ou nous équiper contre eux, il
faudra du temps. Alors sur l'argent? Notre infériorité, ici, est encore plus grande: la
collectivité n'en a pas, et nous ne sommes pas prêts à en verser sur nos biens privés. Peut-être,
oui, va-t-on se rassurer à l'idée que, pour l'infanterie et pour les effectifs, nous venons avant
eux, ce qui permet de faire des incursions pour ravager leurs terres. Mais, des terres, ils en ont
bien d'autres dans leur empire (archè), et ils feront venir par mer ce qu'il leur faut. Tenteronsnous alors de mettre la dissidence chez leurs alliés? C'est encore avec des forces maritimes
qu'il faudra les soutenir, puisqu'ils sont, en général, insulaires. Quelle sorte de guerre feronsnous donc? A moins de prendre la supériorité maritime ou de supprimer les revenus qui
alimentent leur marine, nous connaîtrons surtout des échecs.
Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 80-81.
DOCUMENT 2 : Extrait du discours de Périclès au Athéniens (hiver 432)
Quant aux conditions de la guerre et aux ressources des deux partis, nous ne serons pas les
moins forts : c'est ce dont vous devez vous rendre compte en écoutant point par point. Les
Péloponnésiens en effet travaillent eux-mêmes la terre et n'ont de fortune ni individuelle ni
collective; avec cela, ils ne connaissent pas les guerres qui durent et se passent outre-mer, car
la pauvreté ne leur permet que de brèves actions les opposant entre eux. Les gens de cette
espèce ne peuvent ni fournir des équipages ni envoyer fréquemment en campagne des troupes
de terre, quand il leur faut tout à la fois se tenir loin de chez eux et dépenser sur leurs
ressources, enfin que, par surcroît, la mer leur est interdite. (...)
Au surplus, il ne faut pas non plus craindre de leur part l'établissement de positions pour
contrôler le pays, ni la marine. (...) Quant au simple poste, s'ils en font un, ils peuvent causer
quelque dommage à une partie du pays par des incursions ou la désertion d'esclaves, mais cela
ne parviendra pas à nous empêcher d'aller par mer établir chez eux des positions fortifiées et
de nous y défendre avec la flotte, qui fait notre force. Car notre expérience du domaine
maritime nous en donne, malgré tout, une plus grande sur terre, que celle du continent de leur
en donne à eux en matière maritime. Et la connaissance de la mer ne leur viendra pas
aisément. Vous-mêmes, en vous y entraînant dès l'époque des guerres médiques, vous ne
l'avez pas encore épuisée : comment donc, un peuple qui n'est pas maritime, mais paysan, et à
qui, en plus, il ne sera même pas permis de s'entraîner, étant donné que nous aurons toujours
de nombreux vaisseaux formant barrage, pourrait-il faire rien qui compte? (...)
Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 141-142.
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LE PIREE. CONTRAT DE L'ARSENAL, DIT LA SKEUOTHEQUE DE PHILON
(347/6)
M.C. HELLMANN, Choix d'inscriptions architecturales grecques, n° 12.
Stèle de marbre trouvée au Pirée, près du port de Zéa
Dieux. Contrat de l'arsenal en pierre pour les agrès suspendus, (rédigé) par Euthydomos fils
de Démétrios de Mélitè, et par Philon fils d'Exékestidès d'Eleusis. (Il y a lieu de) construire un
arsenal pour les agrès suspendus à Zéa, commençant au propylon à la sortie de l'agora,
lorsqu'on s'approche par l'arrière des hangars à bateaux couverts d'un même toit, long de 4
plèthres, large de 55 pieds murs compris. Après avoir creusé le terrain jusqu'à une profondeur
de trois pieds à partir du point le plus élevé et avoir déblayé le reste, que l'on fasse les
fondations sur le sol ferme et qu'on les installe avec une surface également droite partout, au
niveau. Que l'on fasse aussi les fondations pour les piliers en laissant un espace de 15pieds à
partir de chaque mur, y compris l'épaisseur du pilier, en comptant dans chaque rangée 35
piliers et en laissant au milieu de l'arsenal un passage pour le public, d'une largeur de 20 pieds
entre les piliers. Que l'on donne une épaisseur de 4 pieds aux fondations, en posant les pierres
alternativement en long et en large.
Que l'on édifie les murs et les piliers de l'arsenal en pierre d'Aktè. (...)La hauteur des murs
sera de 27 pieds à partir de l'assise de réglage. (...). On y posera des linteaux en marbre
pentélique longs de 10 pieds, d'une largeur égale à celle des murs et d'une hauteur
correspondant à deux assises, après avoir élevé des jambages en marbre pentélique ou de
l'Hymette, et avoir posé des seuils en marbre de l'Hymette. On posera au-dessus des linteaux
une corniche avec un débord de 3 demi-pieds. Et l'on fera des fenêtres tout autour, dans tous
les murs, à l'endroit de chaque entraxe (...) et l'on adaptera dans chaque fenêtre des volets de
bronze bien ajustés.
Au-dessus des portes, sur les trumeaux, on posera à l'intérieur un plafond de pierre, en marbre
de l'Hymette. Quant aux vantaux des portes de l'arsenal, qu'on les installe en les ajustant bien
dans les baies, avec un placage de bronze à l'extérieur. A l'intérieur, on dallera tout le sol avec
des pierres bien ajustées les unes aux autres, et avec une surface travaillée à l'horizontale,
unie. Dans chaque entrecolonnement on fera une barrière avec deux pierres de champ hautes
de 3 pieds, et l'on posera entre elles une grille mobile munie d'une clé. On fera aussi au milieu
les planchers d'entresol sur lesquels reposeront les agrès. (...) On fera aussi des tablettes
transversales sur lesquelles reposeront les ceintures des navires et le reste des agrès, le long de
chacun des deux murs, au nombre de deux en hauteur. (...) On fera aussi des échelles pour
monter sur les tablettes, ainsi que des coffres pour les voiles et les garnitures blanches, au
nombre de 134, fabriqués d'après le modèle. On les posera à raison d'un contre chaque pilier
et un dans l'espace en face. (...) Afin qu'il y ait aussi de la fraîcheur dans l'arsenal, que l'on
laisse, en montant les murs de l'arsenal, des interstices entre les joints des carreaux, là où
l'architecte l'ordonne.
Tout cela, les entrepreneurs l'exécuteront suivant le contrat, d'après les mesures et le
modèle qu'aura expliqué l'architecte, et chacun livrera son ouvrage dans les délais conformes
à l'adjudication.
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LA PENURIE DE CEREALES A ATHENES
DOCUMENT 1 :
Vous le savez, j'imagine. Plus que tout autre pays au monde, nous sommes importateurs de
blé. Or, à la quantité de blé qui nous arrive de tous les autres marchés, celle que le Pont nous
envoie est sensiblement égale. Cela se comprend. Outre que le blé abonde en cette contrée,
Leucôn, qui en est le souverain, a conféré la franchise aux négociants qui l'importent à
Athènes et, par la voix du héraut, les vaisseaux à destination de votre pays sont autorisés à
charger les premiers. Ainsi, l'immunité qu'il a reçue (l'atélie) ne s'applique qu'à lui-même et à
ses enfants, tandis que celle qu'il vous a conférée est générale. Et considérez quelle en est
l'importance. Ce prince perçoit un droit du trentième sur les exportations de blé. La quantité
de blé qui, qui de son pays nous arrive ici, peut être évaluée à 400 000 médimnes, chiffre
qu'on peut vérifier sur le registre des sitophylaques. Par conséquent, sur 300 000 médimnes, il
nous en remet d'abord 10 000, et sur les 10 000 qui restent, 3 000, ou à peu près. Et il est si
éloigné de nous retirer cette faveur, qu'ayant fondé un nouvel emporion à Théodosia, qui, au
dire des marins, ne le cède en rien à celui de Bosporos, là aussi il nous a conféré la franchise.
Entre tant d'autres services encore que vous ont rendus ce prince lui-même et ses ancêtres, je
ne retiendrai que celui-ci : il y a deux ans, au cours d'une disette universelle, il vous envoya
une quantité de blé non seulement suffisante à vos besoins, mais telle qu'il vous resta un
bénéfice de 15 talents, dont Callisthénès eut l'administration.
Démosthène, Contre Leptine, 31-33.
DOCUMENT 2 :
le plaignant, Androclès, cherche à récupérer de l'argent prêté à un marchand qui devait
ramener du blé du Pont.
"Lis plutôt la loi elle-même au tribunal, pour qu'il en connaisse les termes précis.
LOI
Il est interdit à tout Athénien, à tout métèque résidant à Athènes et à toute personne soumise à
leur tutelle de prêter de l'argent sur un navire qui ne transporterait pas à Athènes du blé ou, en
général, les marchandises désignées par le contrat. En cas de contravention, la dénonciation
sera produite et la confiscation de l'argent poursuivie devant les épimélètes de l'emporion dans
les mêmes formes qui sont prescrites pour le navire et le blé. Le créancier n'aura pas d'action à
raison du prêt qu'il a consenti pour une autre destination que celle d'Athènes, et aucun
magistrat ne pourra en introduire une."
Démosthène, Contre Lacritos, 51.
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LE MONOPOLE ATHENIEN SUR LES MATERIAUX
ATHENES ET LES MATERIAUX STRATEGIQUES
Seuls les Athéniens sont capables de posséder les richesses des Grecs et celles des Barbares.
Car, si une cité est riche en bois propres aux constructions maritimes, où pourra-t-elle les
exporter si elle ne s'entend pas avec le peuple qui est maître de la mer? Si elle est riche en fer,
ou en cuivre ou en lin, à qui vendra-t-elle ses produits si elle ne s'entend pas ave le peuple qui
est maître de la mer? Or ces mêmes produits sont aussi les matériaux qui servent à construire
mes bateaux. D'un pays le bois, d'un autre le fer, d'un troisième le cuivre, de celui-ci le lin, de
celui-là la cire. Ajoutons que si nos rivaux veulent transporter ces produits ailleurs qu'à
Athènes, ou ils en seront empêchés par nous ou ils n'emprunteront pas la voie de la mer.
Quant à moi, Athénien, sans me donner aucune peine, je fais venir du continent tous ces
produits par la voie de la mer. Mais aucune autre cité n'en possède deux à la fois. La même
contrée m'a pas et les bois et le lin; car celle qui est fertile en lin est un pays plat et sans forêts.
Le cuivre et le fer ne viennent pas de la même cité; d'une manière générale, on ne trouve pas
deux ou trois produits à la fois dans la même cité. L'un se trouve ici, l'autre ailleurs.
Le Vieil Oligarque, dit le Pseudo-Xénophon, Constitutions des Athéniens, II, 11-12.
LE MONOPOLE D'ATHENES SUR L'OCRE ROUGE DE KEOS (vers 362)
Théogénès a fait la proposition : qu'il plaise au conseil et au peuple des Korésiens, à propos
des déclarations des envoyés des Athéniens, de décider que l'exportation de l'ocre en direction
d'Athènes se fera comme par le passé; pour que soient en vigueur les décrets passés
antérieurement par les Athéniens] et les Korésiens au sujet de l'ocre, que celui-ci soit exporté
sur le navire que désigneront les Athéniens et sur aucun autre navire, que les producteurs
paient aux armateurs-navigants un nolis de une obole par talent. Si quelqu'un exporte par un
autre navire qu'il soit passible de [...]; que l'on transcrive ce décret sur une stèle de pierre et
qu'il soit exposé dans le sanctuaire d'Apollon et que la loi soit en vigueur comme par le passé;
que la dénonciation ait lieu auprès des astynomes qui feront rendre sentence au tribunal dans
un délai de trente jours; que celui qui a révélé ou dénoncé (la fraude) reçoive [la moitié ?]; si
le dénonciateur est esclave, s'il l'est des exportateurs, qu'il soit libre et qu'il reçoive les trois
quart, s'il appartient à quelqu'un d'autre, qu'il soit libre [et qu'il reçoive ...?]; qu'il y ait
transfert du procès à Athènes également pour celui qui a révélé ou dénoncé; si les Athéniens
prennent d'autres décrets au sujet de la surveillance de l'ocre, ils auront force de loi dès qu'ils
seront parvenus de Korésos; que les producteurs paient la taxe du cinquantième aux
percepteurs du cinquantième; que l'on convie pour le lendemain les Athéniens à un repas
d'hospitalité au prytanée.
Traduction M. AUSTIN, P. VIDAL-NAQUET, Economies et sociétés en Grèce
ancienne, 1972, n°84, p. 322-323.
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LA MARINE DES LAGIDES
Document 1 : Athénée, Deipnosophistes, V, 203c-204b
Ptolémée Philadelphe fut plus riche que nombre de rois. Il apportait le plus grand soin à se faire
honneur de tout ce qu'il entreprenait, et parvint ainsi à se procurer une marine infiniment plus
nombreuse que celle de tous les autres souverains. Il eut aussi les plus grands vaisseaux. Voici l’état
de sa marine : Deux vaisseaux de trente files de rameurs, un de vingt, quatre de treize, deux de douze,
quatorze de onze, trente de neuf, trente-sept de sept, cinq de six, dix-sept de cinq, et le double en
vaisseaux depuis quatre files jusqu'à trois et demie ; sans compter ceux qu'il envoyait aux îles, dans les
villes de sa domination en Lycie, et qui montaient à plus de quatre mille. Il serait inutile de parler ici
du nombre considérable de livres qu'il avait rassemblés, de ses bibliothèques, des savants qu'il
réunissait dans le musée, puisque ce sont des choses encore très connues ;
37. mais puisque j'ai parlé de marine, entrons dans quelques détails à ce sujet. Les vaisseaux que
Ptolémée Philopator avait fait construire, méritent aussi d'être connus. Voici donc ce que Callixène en
dit, livre I de son Histoire d'Alexandrie.
Philopator fît construire un vaisseau à quarante files de rameurs, long de deux cents quatre-vingts
coudées, ayant de large trente-huit coudées entre les deux chemins latéraux. Jusqu'à l’acrostolion il
avait quarante-huit coudées, et depuis les aphlastes de la poupe jusqu'à la partie à la mer, cinquantetrois coudées. Il portait quatre gouvernails. Les rames des thranites ou des rameurs supérieurs étaient
longues de trente-huit coudées : c'étaient les plus longues; mais on en avait garni de plomb le manche
qui arrivait dans l'intérieur du vaisseau, ce qui le rendait faciles à manier sur les apostis par le grand
poids qu'elles avaient ainsi à l'intérieur.
Ce vaisseau avait, deux poupes et deux proues ; sept éperons ou rostres, dont l'un avançait audelà des autres qui étaient moins allongés. Quelques-uns se portaient même vers les épotides. La
hauteur du vaisseau était partagée en douze étages (ou galeries tournantes), chacun de six cents
coudées de circuit : tout y était dans la plus exacte proportion. Les ornements n’y avaient été épargnés
d'aucun poste. On voyait à la poupe et à la proue des figures de douze coudées : du reste, il n’y avait
pas de place qui ne fût couverte de différents dessins formés en cire de diverses couleurs, et le contour
de la partie des rames qui était dans le vaisseau, était orné de lierre et de thyrses en relief. La quantité
des agrès et des ustensiles qu'exigeait ce vaisseau était immense; cependant il y en avait suffisamment
à toutes les parties où les manœuvres l’exigeaient.
Ptolémée fit essayer ce vaisseau avec plus de trois mille rameurs ; quatre cents matelots
exécutaient les manœuvres : outre cela ; il y avait trois mille huit cent cinquante hommes de guerre sur
le pont, sans compter le nombre assez considérable de ceux qui étaient sous les gradins des rameurs,
dans les différents étages, afin de pourvoir aux vivres. (...)
Document 2 : Athénée, Deipnosophistes, V, 203f-204f
Ptolémée Philopator fit aussi construire un vaisseau pour aller sur le Nil, et le nomma
Thalamègue. Il avait un demi-stade de long, et trente coudées dans sa plus grande largeur. Sa hauteur,
y compris celle du pavillon, était à peu près de quarante coudées. Il n'avait ni la forme des vaisseaux
longs, ni celle des vaisseaux ronds, mais une singulière, et propre au service que pouvait en permettre
la profondeur du Nil. En effet ; le fond en était plat et large; mais le vaisseau bombait dans son: corps:
On en avait suffisamment élevé les plats-bords, surtout à la proue, mais de manière que le bordage eût
une courbure saillante et rentrante, d'une forme agréable.
Ce vaisseau avait deux proues et deux poupes, et l’on avait beaucoup élevé les accastillages
d'avant et d'arrière, à cause de la houle qui est souvent très forte sur le Nil. Au centre du vaisseau,
étaient les salles à manger, les chambres à coucher, et toutes les commodités dont on avait besoin. Il
régnait le long de trois côtés du bordage, deux galeries l'une sur l'autre pour se promener : elles
n'avaient pas moins de cinq plèthres d'étendue en tournant. L'inférieure était construite en forme de
péristyles.
L'auteur poursuit par la description de ce qui constitue un véritable palais flottant
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LE NAVIRE DE HIERON DE SYRACUSE
Athénée, Deipnosophistes, V, 206d-209e
Je crois ne pas devoir passer sous silence le vaisseau qu'Hiéron II, roi de Syracuse, fit construire
sous l'inspection d'Archimède. Moschion a écrit, à ce sujet, un ouvrage sur lequel je suis tombé
dernièrement, et je l'ai lu avec attention. Voici donc ce qu'il écrit :
« Diocleides d'Abdère fut admiré pour l’hélépolis, que Démétrius fît avancer sous la ville de
Rhodes, afin d'en battre les murs; Timée, pour le bûcher élevé à Denys, tyran de Sicile; Hiéronyme,
pour l'appareil du char sur lequel on transporta le corps d'Alexandre; Polyclète, pour la lampe qu'il fit
au roi Persée ; mais Hiéron, Roi de Syracuse, qui témoigna aux Romains une amitié sans réserve, ne
causa pas moins d'admiration et d'étonnement, par le zèle avec lequel il s'occupa des temples et des
gymnases. Il aimait aussi beaucoup à faire construire des vaisseaux, particulièrement de ceux qui
servaient au transport des blés : or, je vais faire mention d'un de ces bâtiments. Quant aux bois de
construction, il s'en procura, du mont Etna, une provision avec laquelle on aurait pu construire
soixante galères. Après avoir fait venir ces provisions, savoir, les bois pour les chevilles, les couples,
les bordages et autres matières nécessaires, tant de l'Italie, que de la Sicile, il fit venir, pour les
cordages, du sparte d'Espagne, du chanvre et du kitlos des pays qui bordent le Rhône ; et de plusieurs
autres contrées, toutes les autres choses qui étaient nécessaires. Il rassembla aussi des charpentiers de
marine et autres artisans.
Alors il mit à la tête de tous ces ouvriers Archias de Corinthe, constructeur, et lui recommanda
de pousser tous les travaux. Hiéron était lui-même présent à tout pendant le jour. Le bordage fut élevé
à moitié de sa hauteur en six mois, et à mesure que les planches étaient clouées sur les membres, et
calfatées, on les doublait de feuilles de plomb. Trois cents charpentiers étaient continuellement
occupés à travailler les bois, sans compter les aides qui les servaient. Hiéron voulut que cette partie du
vaisseau fût lancée à l'eau telle qu'elle était, et qu'il fût achevé lorsqu'il y serait. Comme on s'occupait
beaucoup des moyens de mettre cette seule partie à flot, Archimède, ce célèbre mécanicien, l'y mit lui
seul, en faisant agir peu de personnes.
En effet, il en vint à bout, moyennant une vis qu'il imagina; et c'est à lui qu'on est redevable de
cette invention. L'autre moitié du bordage fut pareillement achevée en six mois ; les planches furent
attachées avec des clous de cuivre, dont les uns pesaient dix mines, d'autres moitié plus, qu'on avait
passés dans des trous faits avec des tarières, pour maintenir ces planches sur la membrure : outre cela,
les clous étaient serrés sur le bordage par des lames de plomb, sous lesquelles on avait mis des étoupes
imbibées de poix. Lorsqu'on eut achevé les dehors, on fit les ouvrages internes.
Ce vaisseau était, par sa disposition, propre à recevoir vingt files de rameurs, et avait trois
coursiers, dont l'inférieur conduisait au lest, et à la cargaison proprement dite : on y descendait par de
nombreux gradins. L'autre coursier avait été pratiqué pour ceux qui voulaient entrer dans les différents
appartements : le troisième était pour le quartier des militaires. Les appartements du coursier du milieu
y étaient, de chaque côté, appuyés sur le serrage du vaisseau : ils étaient destinés aux hommes, et au
nombre de trente, ayant chacun quatre lits : celui des marins contenait quinze lits, et trois chambres à
coucher à trois lits pour les gens mariés. Ils avaient leur cuisiné le long (ou du côté) de la poupe.
Les planchers de tous ces compartiments étaient couverts de toutes sortes de pierres de rapport,
formant une marqueterie, et sur lesquelles on avait merveilleusement représenté toute la fable de
l'Iliade: on voyait aussi les mêmes choses représentées aux ciels et sur les portes.
Sur l'étage supérieur étaient un gymnase et des galeries, pratiquées dans de justes proportions
avec la grandeur du vaisseau. On avait fait dans le contour de ces promenades, et avec un art
admirable, des planches de fleurs, dont les côtés étaient bordés en terre cuite, ou en lames de plomb : il
y avait, en outre, des berceaux de lierre blanc et de vignes, dont les racines tiraient leur nourriture de
tonneaux remplis de terre, et étaient abreuvées de l'humidité nécessaire, de la même manière que les
parterres. Or, ces berceaux ombrageaient les promenades.
Il y avait ensuite un aphrodisium carrelé en agates et en autres pierres des plus belles qu'on voit
en Sicile. Les parois, la couverture de la pièce étaient de bois de cyprès; on en avait embelli les portes
de dessins et de reliefs, tant en ivoire qu'en thyia,.et de figures de vases à boire d'un travail achevé
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: déjà on arrivait à une salle académique à cinq lits; les parois et les portes étaient travaillées en buis :
il y avait une bibliothèque. Sur le toit se présentait un cadran solaire fait à l’imitation de l’Héliotrope
d'Achradine. On y voyait aussi une salle de bain à trois lits; trois chaudières servaient à faire chauffer
l'eau; le bassin même du bain contenait cinq métrètes, et était revêtu de pierres de Taormine, de
différentes couleurs.
On avait aussi fait plusieurs pièces pour les épibates et pour ceux qui gardaient les pompes;
outre cela, il y avait dix écuries de chaque côté du bardage, et l'on avait pratiqué le long des mêmes
côtés des pièces pour les fourrages des chevaux, et pour les équipages et ustensiles des cavaliers et des
valets. On avait fait à la proue, avec des planches, de l'étoupe et de la poix, un réservoir contenant
deux mille métrètes d'eau, et fermant à clef. A côté de ce réservoir, était un vivier fait de planches,
garni de lames de plomb, et pareillement fermé. On l'avait rempli d'eau de mer, et les poissons s'y
entretenaient bien.
(... description des superstructures du navires)
Ce vaisseau avait quatre ancres de bois et huit de fer. Le mât de misaine et le mât d'artimon
avaient été facilement trouvés; mais on eut de la peine à trouver le premier (le grand hunier). Ce fut un
Porcher qui le découvrit dans les montagnes de l'Abruzzes. [Philéas, mécanicien de Taormine, l'amena
à la mer. Quoique la sentine eût une extrême profondeur, un seul homme la vidait moyennant la vis
sans fin qu'Archimède inventa. Ce vaisseau se nommait d'abord le Syracusain; mais Hiéron, l'envoyant
en Egypte, changea ce nom en celui d’Alexandrin.
Ce prince avait plusieurs moindres bâtiments qui suivaient ce vaisseau. Le premier était une
flûte portant trois mille talents pesant, et n'allant qu'à rames. Après elles marchaient plusieurs barques
et esquifs, de la charge de quinze cents talents. Il y avait dessus beaucoup de monde, outre celui dont
j'ai parlé. Six cents autres hommes, toujours prêts à la proue, n'attendaient que le commandement. Un
tribunal, formé du patron, du commandant et du capitaine de la proue, connaissait des délits, et jugeait
selon les lois de Syracuse.
On avait chargé sur ce vaisseau soixante mille médimnes de bled, dix mille pots de salines de
Syracuse ; vingt mille talents de viandes, et vingt mille autres de différentes choses, sans y comprendre
les vivres de tout l'équipage.
Hiéron ayant appris que des ports de Sicile, les uns ne pouvaient recevoir ce vaisseau, les autres
étaient trop dangereux, résolut de l'envoyer à Alexandrie, au roi Ptolémée, d'autant plus qu'on
manquait alors de bled en Egypte ; ce qu'il fit aussi. Le vaisseau fut donc conduit à Alexandrie, où on
l'entra dans le port à la remorque. Archimèle, poète épigrammatique, ayant fait une épigramme sur ce
vaisseau, Hiéron lui envoya mille médimnes de froment, et les fit transporter jusque dans le Pirée, à
ses frais.
Voici l'épigramme :
« Qui a placé sur le globe terrestre cet énorme vaisseau? Quel souverain l'a fait aborder ici avec
des cordages à l'épreuve de tout? Comment le bordage a-t-il été attaché sur les couples? avec quelle
hache a-t-on taillé la membrure pour en former le ventre? Ses flancs, également vastes, ressemblent à
ceux des cimes de l'Etna, ou à quelqu'une des Cyclades que la mer Egée renferme dans son sein. Ce
sont sans doute les géants qui ont voulu se frayer ainsi une route pour arriver aux cieux. En effet, ses
hunes touchent aux astres, et il a son triple thoracion dans les vastes nuages. Les cordages des ancres
qui le retiennent, sont aussi gros que ceux avec lesquels Xerxès enchaîna le détroit de Sestos et
d'Abydos. L'inscription nouvellement gravée au-dessous du couronnement de sa proue, indique celui
qui a mis à flot cette quille : elle nous apprend que c'est Hiéron, ce souverain de Sicile, et originaire de
la Doride, pour envoyer à la Grèce et aux îles ce riche vaisseau chargé de vivres:[ mais toi, Neptune,
conserve-le sur tes flots bouillonnants. »
J'omets ici volontiers la trirème sacrée sur laquelle Antigone vainquit les généraux de Ptolémée,
près de Leucolla, promontoire de l'île de Coos; car cette galère, dont il fit l'hommage à Apollon, n'était
pas le tiers, ni même le quart de ce grand vaisseau, nommé le Syracusain, ou l’Alexandrin.
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ALEXANDRIE D’EGYPTE, CITE ENTRE TERRE ET MER
LA FONDATION D’ALEXANDRIE (hiver 332/1)
Arrivé à Canope et ayant fait le tour en bateau du lac Maréotis, il débarqua là où est
située la ville d’Alexandrie, dont il est l’éponyme. Il lui sembla que l’emplacement convenait
admirablement à la fondation d’une ville, et que cette ville serait prospère. Alors il fut pris du
désir de réaliser ce projet, établit lui-même le plan de la cité, l’endroit où il faudrait y
construire l’agora, le nombre des sanctuaires et pour quels dieux : les dieux grecs, mais aussi
Isis l’Egyptienne ; et où devait être placé le rempart entourant la ville. Dans cette perspective,
il offrit un sacrifice, et les présages furent nettement favorables. 2 Voici ce qu’on raconte à ce
propos et que je ne trouve pas, personnellement, invraisemblable : Alexandre voulait laisser
aux ouvriers le tracé des fortifications mais ils n’avaient rien pour le marquer sur le sol ; l’un
d’eux eut alors l’idée de rassembler de la farine que les soldats transportaient dans des
récipients et de la répandre sur le sol, là où le roi montrait le tracé ; c’est ainsi qu’il avait
matérialisé le cercle des fortifications qu’Alexandre voulait donner à la cité. 2 En y
réfléchissant, les devins, et surtout Aristandre le Telmissien, qui passait pour avoir fait
maintes fois des prédictions justes à Alexandre, dirent que la ville serait prospère, et
particulièrement pour les fruits de la terre ».
Arrien, Anabase, III, 1, 5 à 2, 2. Trad. P. Savinel, éd. De Minuit.
LES AVANTAGES DU SITE D’ALEXANDRIE D’APRÈS STRABON
Comme Alexandrie et ses environs constituent la part principale et la plus riche du sujet, c’est
par là qu’il convient de commencer. Le littoral, si l’on navigue vers l’ouest, de Péluse jusqu’à
la bouche Canopique, mesure à peu près 1300 stades1 de longueur. C’est là ce que nous avons
nommé la « base » du Delta ; de là à l’île de Pharos, il y a 150 stades de plus. Pharos est une
île de forme oblongue, très rapprochée du rivage et constitue avec lui un port à deux
ouvertures. La pointe même de l’île est un rocher battu de tous côtés par les flots et portant
une tour faite en pierre blanche, admirablement construite, à plusieurs étages, du même nom
que l’île. Sostrate de Cnide, ami des rois, l’a dédiée au salut des navigateurs comme le signale
l’inscription. Et en effet, comme la côte était dépourvue d’abri, basse de chaque côté, et
bordée de récifs et de bas-fonds, il fallait à ceux qui venaient du large un signal élevé et
brillant qui pût guider favorablement leur course vers l’entrée du port. La bouche de l’ouest
forme un second port, celui d’Eunostos, qui s’étend en face du port fermé et artificiel. Le port
dont l’accès se situe du côté de la tour de Pharos mentionnée plus haut est le Grand Port ; et
les deux autres ports lui sont contigus au fond de la baie, n’étant séparés de lui que par une
digue appelée l’Heptastade. Lorsqu’Alexandre visita l’endroit et vit les avantages du site, il
décida de fortifier la ville avec le port. Les écrivains rappellent, comme un signe de bonne
fortune qui s’attacha depuis à la ville, un incident survenu pendant le tracé des lignes des
fondations. Tandis que les architectes étaient en train de marquer avec de la terre blanche la
ligne de l’enceinte, la terre blanche vint à manquer. Le roi arriva dans ce moment ; ses
intendants fournirent alors une partie de la farine préparée pour la nourriture des ouvriers et
c’est avec elle que les rues furent tracées en plus grand nombre. Ce fait, dit-on, fut interprété
comme un heureux présage.
Strabon, Géographie, XVII, 1, 6. Trad. P. Charvet et J. Yoyotte.
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LE PHARE D'ALEXANDRIE
ALEXANDRIE. Epigramme de Poseidippos sur le Phare (vers 280 av.J.-C.)
M.Chr. HELLMANN, Inscriptions architecturales grecques, n°46.
Ce salut des Grecs, ce veilleur de Pharos, ô seigneur Protée,
Sostrate de Cnide, fils de Dexiphanès, l'a érigé :
car en Egypte tu n'as pas pour postes de guet des hauteurs sur des îles,
non, au ras de l'eau s'étend la baie qui accueille les navires.
Voilà pourquoi, debout toute droite, découpe le ciel
une tour visible à d'innombrables stades
pendant le jour; la nuit, bien vite au milieu des vagues, le marin
verra le grand feu qui, au sommet, brûle,
et il pourra alors courir droit sur la Corne du Taureau, et il ne saurait manquer d'atteindre
Zeus Sauveur, ô Protée, celui qui navigue de ce côté.
figure 1 : Monnaies d'Alexandrie. Epoque romaine. (règnes d'Antonin le Pieux et de Commode)
figure 2 : Le phare d'Alexandrie. Aquarelel de Jean-Claude Golvin d'après les vestiges archéologiques.
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