ACTUALITÉ PROFESSIONNELLE
DOSSIER
8Vendredi 19 juin 2015 |numéro 2726
PHANIE
Lointains descendants d’Hippocrate, les généra-
listes européens remettent le re de la decine
au goût du jour. Depuis une dizaine d’années, le
programme d’échanges Hippokrates permet en
effet aux internes et généralistes juniors de partir décou-
vrir l’exercice de leur profession à l’étranger. Mis en place
par l’association Vasco de Gama, branche jeune de la
Wonca, regroupement d’académies et collèges interna-
tionaux de médecine générale, il propose près de 25 des-
tinations, des pays frontaliers à la Turquie, l’Islande ou en-
core la Serbie. En France, le programme n’en est qu’à ses
débuts, le départ du premier Français remontant à la fin
des années 2000. « Depuis, neuf autres sont partis et cinq
sont sur le point de le faire », souligne Elodie Hernan-
dez, coordinatrice pour la France, ajoutant que « le pro-
gramme prend son essor depuis un ou deux ans ».
Après un premier contact à l’issue de ses ECN, en 2012,
avec l’pital londonien Saint Thomas, Alisson Lachor a re-
trouvé la capitale britannique, fin janvier. Conquise par sa pre-
mière expérience proposée par sa fac, l’universiLille II, la
jeune femme avait « s le but de l’internat prévu de repar-
tir ». Et, plus précisément, dans un cabinet de groupe afin de
couvrir la pratique de la decine de ville outre-Manche.
Renseignements pris sur Internet et auprès d’un syndicat
étudiant, elle a monté son dossier. « Ça a pris un an, Londres
étant une destination très prisée », précise-t-elle. Une observa-
tion confirmée par Elodie Hernandez qui, pour les autres points
de chute, conseille de s’y prendre 5 mois à l’avance.
Grande-Bretagne et Espagne sont très courtisées
S’il existe des listes d’attente pour la Grande Bretagne, l’Es-
pagne est également ts appréciée. Lors de sa 2eannée d’in-
ternat, Florent Herzog est ainsi parti à Madrid. Étudiant à Stras-
bourg, il a choisi de rencontrer ses homologues espagnols
car « me si ce sont nos voisins, le système de santé est tota-
lement différent ». Accueilli par le Dr Francesco, il a assisté à
chacune de ses consultations ou visites, suivi les autres pro-
fessionnels officiant dans le me centre de sanou encore
rencontré des étudiants en formation. « C’était assez varié, ça
m’a permis d’être bien imprég dans le fonctionnement », ra-
conte celui qui a observé « de très grandes divergences dans lor-
ganisation des soins et dans la relation avec le patient ». Même
s’il n’a pas eu d’activité clinique, « c’est inressant d’avoir ce
type expérience pour s’ouvrir l’esprit par rapport au système
français et réfléchir à ses changements », confie-t-il.
ÉCHANGES EUROENS
HIPPOCRATE PREND
UN COUP DE JEUNE
Programme d’échange européen, Hippokrates
propose aux internes et jeunes ralistes
d’effectuer un stage hors de leurs frontières.
Pendant une quinzaine de jours, les apprentis
praticiens découvrent ainsi des façons parfois
très différentes de pratiquer la decine.
Du roulé des consultations à l’organisation
du système de soins, cette expérience amène
tes et visiteurs à confronter leurs pratiques
professionnelles. Les moignages des jeunes
et des confres français donnent envie de se
lancer. Alors, pourquoi pas vous ?
DOSSIER RÉALISÉ PAR LUCE BURNOD >
DOSSIER PROFESSIONNEL
HIPPOKRATES
10 Vendredi 19 juin 2015 |numéro 2726
DR
« Les participants ne sont pas pour apprendre la -
decine mais pour avoir une approche de la santé publique d’un
autre pays », abonde le Dr Sophie Siegrist, installée près de Nancy.
À ses yeux, la durée du programme 15 jours nest pas
trop courte. D’autant que ces deux semaines sont prises
sur le temps de vacances des internes. Un crire qui na
pas empêc Florent Herzog de repartir en Écosse. Ni
Elsa Garros de découvrir le système américain pendant
un mois, dans le cadre de Family medicine 36, autre
programme de Vasco de Gama à vocation mondiale.
« Il faut imaginer cet échange comme un temps de forma-
tion personnelle », suggère Elodie Hernandez.
Rien à voir avec Erasmus
Le cadre court de ces échanges, mais aussi son inter-
vention tardive à la charnière de la vie étudiante et
de la vie active en font un dispositif assez différent
du ts connu Erasmus. Embme des échanges uni-
versitaires euroens, ce programme s’adresse aux étu-
diants en 2ecycle, essentiellement ceux effectuant leur
3eannée et constitue alors, sur une riode allant d’un
semestre à une ane, un premier contact avec la -
decine de soins. « Erasmus ne concerne que des stages
hospitaliers en tant qu’externe », précise Cyril Villa-
réal, parti lors de son internat dans un cabinet de Lead-
gate, commune en périphérie de Newcastle, dans le
nord de l’Angleterre. S’il reconnaît qu’ « Erasmus pro-
pose de nombreux avantages (comme) une immer-
sion prolongée dans le pays alors qu’Hippokrates ne
dure que 2 semaines », il juge ces deux modèles com-
plémentaires. « Hippokrates ajoute à la formation un
versant santé publique, explique pour sa part Sophie
Siegrist, mais ça permet aussi de découvrir de nouvelles
techniques de prises en charge ». Elle a reçu deux
Espagnoles et un Portugais, « à chaque fois des étu-
diants en 10eannée ».
Car le but premier d’Hippokrates vise à découvrir
de nouveaux modes de fonctionnement. L’idée est de
faire un pas de côpar rapport au système français
et aux acquis universitaires pour enrichir sa propre pra-
tique. Au sein du cabinet diri par le Dr Rajive Mitra,
Alisson Lachor a ainsi pu observer, aux côtés des dif-
férents acteurs de santé, « la prise en charge des patients
et l’organisation entre les médecins, qui s’occupent plu-
tôt des affections aiguës, et les infirmres cliniciennes,
chargées du suivi chronique ». « Ce stage permet de pren-
dre du recul par rapport à notre propre pratique : « même
si c’est un pays européen, les habitudes de prescrip-
tion sont différentes », affirme-t-elle. En Angleterre, elle
a notamment constaté, chez ses confrères, une écoute
plus attentive des patients et une tendance à moins
prescrire pour les « bobos du quotidien ». « Là-bas, un rhume,
c’est juste sous paracétamol », résume celle qui s’interroge s-
ormais davantage au moment de diger ses ordonnances.
Découvrir une façon différente d’exercer
Tout comme leurs homologues européens, les hôtes français
mettent un point dhonneur à montrer le système de soins dans
sa globalité. Et Sophie Siegrist ne manque pas d’ambition pour
les étudiants qu’elle reçoit au Ban Saint Martin. « Ils vien-
nent en consultations, en cours, à l’ARS », raconte cette maî-
tre de conrence à la faculté inressée par la prise en charge
des personnes âgées. « Je leur montre aussi comment se passe
la PDS, l’HAD, on visite les urgences, taille-t-elle,
on est un peu ambassadeur de notre médecine. » À
Banyuls, le Dr Pierre Frances a fait participer en
4 ans une quinzaine d’étudiants à ses activités. Visites
à domicile, consultations en cabinet, permanence mé-
dicale auprès de SDF… « Des journées très longues
car c’est un decin ts investi », sourit encore Ceci-
lia Contreras ! Aux yeux de cette raliste espagnole,
« l’immersion donne des exriences riches car elle per-
met de voir une autre façon de couvrir et rer la ma-
ladie ». « Ici, le decin accomplit des ches plus com-
plexes, il s’engage au-delà de la decine, cest un peu
aussi une assistante sociale, un psychologue, décrypte-t-
elle. En Espagne, cest beaucoup plus protocolisé ».
Celia Ponce de Leon est également pase par le cabinet
du Dr Frances, en vrier dernier. « Jai appris à connaî-
tre le système sanitaire et l’exercice libéral qui sont très
différents du modèle espagnol tout est géré par le gou-
vernement. » Liber d’organisation de la journée, ra-
pidité des examens complémentaires, liberté de choix
des patients, due des consultations… Autant de -
couvertes pour la Barcelonaise habituée aux colloques
singuliers d’une dizaine de minutes dans un pays
il n’est pas rare dattendre plusieurs mois pour une IRM.
Des expériences concluantes
Lenrichissement personnel, mtre mot du programme,
joue autant pour les visiteurs que pour leurs hôtes.
« C’était une exrience profitable pour tous les deux »,
atteste Dr Christophe Droin qui a reçu, en vrier der-
nier, Catarina Carvalho, interne portugaise. Présente
en continu aux s du néraliste instal depuis plus
de 30 ans à Marlhes, ps de Saint-Étienne, elle a as-
sisté aux consultations dans le cabinet, aux visites à
domicile, à la maison de retraite du village. « En théo-
rie, elle avait un le d’observateur mais, en pratique,
on discutait, elle me donnait son avis », indique le -
decin, enthousias par cette rencontre avec « une per-
sonne intérese par la médecine qui, lorsque la technique
de prise en charge ne correspondait pas à ses habitudes,
prenait des photos ». Et lui, au fil de discussions sur le
système de santé, la culture et la vie au Portugal, a « -
couvert un pays sans y avoir mis les pieds ! ». Une pre-
mière expérience Hippokrates si concluante qu’il « re-
commande à (ses) confrères de devenir tes ».
« Cela ouvre des perspectives », reconnaît le Dr Mat-
thieu Schuers, et permet d’avoir une vision sur la fa-
çon dont la médecine rale est enseignée dans d’au-
tres pays européens ». Un point particulièrement positif pour
ce généraliste qui enseigne à la fac de Rouen. « C’est également
une bonne chose pour les étudiants français car la formation est
très hospitalo-cente. Ça leur permet non seulement d’aller à
l’étranger mais également d’être dans un cabinet, de voir une
prise en charge, d’autres patients ». Avec ses deux confres exer-
çant en maison de san à Neufchâtel-en Bray, il a ru deux
étudiants, une Espagnole et un Italien. Si linteraction était plu-
t limie avec la première qui ne parlait pas français, « c’était
>
Catarina Carvalho et
Celia Ponce de Leon
sont venues
couvrir le
système de soins
français. Cyril
Villaréal et Alisson
Lachor sont, pour
leur part, partis
outre-Manche
tandis que Florent
Herzog a choisi
d’aller en Espagne.
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Vendredi 19 juin 2015 |numéro 2726
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maîtrisant notre langue.
La langue n’est pas une barrière
Quoi qu’il en soit, d’aucuns l’assurent, la langue n’est
pas une barrière. Enfin, presque « Les gens qui ont vrai-
ment envie de partir doivent le faire , encourage Florent
Herzog, il faut juste pouvoir communiquer en anglais
avec son maître de stage. » Pour Alisson Lachor, il convient
davoir des notions de la langue du pays d’accueil. Elle
qui admet avoir une certaine aptitude en anglais mais ne
pas parler la langue couramment se reconnaît un manque
de vocabulaire médical. « Mais ça se surmonte, balaie la
jeune Lilloise. La difficulté tenait plutôt aux différents ac-
cents, mais les Anglais ont l’habitude d’avoir des étran-
gers, ils savent s’adapter ». Aps avoir sité entre la
Pologne et le Royaume-Uni, Hassna Errami est allée, à
lautomne 2011, en Turquie ! « Avant de partir, j’ai pris
quelques cours de turc pour pouvoir comprendre les pa-
tients », convient cette géraliste marseillaise.
Parmi les 13 praticiens tes, la question linguis-
tique ne semble pas non plus poser problème. « La pre-
mre étudiante que j’ai reçue parlait français alors que
je voulais pratiquer l’anglais », s’amuse encore Pierre
Frances. Selon ses estimations, 70 % des étudiants qu’il a re-
çus se débrouillaient en français et tous parlaient au moins an-
glais ou espagnol. « Les patients sont très fiers de voir des -
decins reconnus internationalement, raconte malicieusement
Sophie Siegrist. Les consultations se font beaucoup en anglais,
mais ce n’est pas un frein car les patients sont plutôt
flattés d’être pris en charge par ces jeunes. » « Et cer-
tains patients, originaires du Portugal, ont même pu
parler avec l’interne portugais ! »
Parfois, l’expérience se prolonge sous d’autres
formes. Deux installations à proximité de son cabinet et
un article psen lors d’un congrès international. C’est
ainsi que pourrait se sumer l’expérience Hippokrates
de Pierre Frances. « J’ai toujours eu envie d’exercer à
létranger me si je ne suis pas venue avec l’intention
de m’installer, soutient Celia Ponce de Leon, mais cette
expérience en France m’a cie. » Le temps dobtenir
les papiers nécessaires pour faire reconnaître son di-
plôme espagnol obtenu en mai, la jeune femme devrait
poser ses bagages du de Banyuls dans 6 mois, tout
comme Cecilia Contreras qui compte s’installer près
de Perpignan. Une décision mûrement réfléchie qui
n’emchera pas toutefois Celia Ponce de Leon de re-
tourner un jour outre-Pyrénées. « C’est en exerçant
qu’on voit les points plus obscurs de la pratique », croit-
elle savoir. Partie « juste en stage », Hassma Errami va,
elle, s’installer en Turquie, convaincue par son expérience que
le modèle turc n’est pas si différent du système français. g
Pour le Dr Matthieu
Schuers et pour le
Dr Christophe Droin,
accueillir des
étudiants étrangers
est une expérience
profitable.
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