Le présent document rassemble les actes du séminaire international que la Commission du génie
Biomoléculaire (CGB) a tenu le 28 novembre 2003 afin de débattre des impacts
environnementaux de la culture de colza tolérant à un herbicide.
Dans le cadre d'une saisine du 26 juin 2003, le ministère chargé de l'agriculture (Direction
générale de l'alimentation) a demandé à la Commission du génie biomoléculaire de faire le point
sur les nouvelles connaissances acquises en matière de flux de gènes chez le colza, ainsi que sur
l'identification des risques pour l'environnement liés à la mise en culture à grande échelle de
variétés de colzas génétiquement modifiés tolérantes à un herbicide.
Dans le cadre d'une précédente saisine, la Commission du génie biomoléculaire (CGB) s'était
attachée à conduire un travail d'évaluation des risques pour l'environnement liés à la mise en
culture à grande échelle de colzas génétiquement modifiés tolérants à un herbicide.
Ce travail d'évaluation a permis à la Commission du génie biomoléculaire de rendre un avis, le
16 février 2001, dans lequel elle concluait à l'absence de risque écologique direct
(développement de plantes invasives per se) lié à la présence d'un gène de tolérance à un
herbicide chez le colza (ou une espèce apparentée) mais soulignait la nécessité d'acquérir des
connaissances complémentaires sur les points suivants :
les effets que produiraient des sources de pollen de taille supérieure à celles qui ont permis de
générer les informations disponibles sur la dispersion du pollen de colza ;
la dispersion du pollen à longue distance et notamment le rôle du transport par les insectes ;
une meilleure caractérisation des hybrides interspécifiques (en particulier, les amphidiploïdes)
pour une meilleure compréhension de la dynamique des espèces ;
l'impact des îlots de colza persistant, y compris ceux qui résulteraient d'échappement de
graines dans les étapes de transport, sur la pollinisation de colzas avoisinants, ainsi que la
dynamique de ces îlots (persistance, extension, ...).
La Commission du génie biomoléculaire avait, par ailleurs, considéré que des expérimentations à
grande échelle devraient être menées afin de valider les modalités de gestion envisagées et
destinées à limiter les effets directs et indirects des repousses de colza dans le cas d'une
tolérance à un herbicide.
Enfin, la Commission du génie biomoléculaire préconisait d'engager une réflexion globale
sur l'analyse approfondie de l'impact écologique de nouvelles pratiques de désherbage, basées
sur l'utilisation d'herbicides totaux.
Le séminaire de travail scientifique avait donc pour objectif de synthétiser les résultats
accumulés au cours des trois dernières années sur chacun des points évoqués ci-dessus, d'en tirer
des enseignements en ce qui concerne l'éventuelle mise en culture de colzas tolérants à un
herbicide et d'engager une réflexion plus générale sur les impacts indirects et l'évolution des
stratégies de désherbage liée à l'utilisation d'herbicides non sélectifs.
A la suite du séminaire, la CGB a rendu un nouvel avis, en février 2004, dont le lecteur trouvera
le contenu sur le site interministériel sur les OGM (www.ogm.gouv.fr).
Marc Fellous Antoine Messéan
IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT DES CULTURES DE COLZA GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉ TOLÉRANT À UN HERBICIDE
COMMISSION DU
Génie BIOMOLÉCULAIRE
pages2,3
QUANTIFICATION DU FLUX
DE GÈNES À L'ÉCHELLE DU
PAYSAGEDANS DU COLZA
OLÉAGINEUX
GEOFF SQUIRE ET GAVIN RAMSAY
SCRI, DUNDEE, ECOSSE
La majeure partie du travail que nous
allons présenter a été effectuée en Ecosse,
où est basé notre groupe. Cependant, les
expériences décrites à la fin de la
présentation s'étendent à d'autres régions
du Royaume-Uni.
I. Contexte du colza
oléagineux au Royaume-Uni
Le paysage de nos zones d'étude est typique des
paysages agricoles d'Europe, y compris ceux dans
lesquels le colza oléagineux (Brassica napus) est
commun. Depuis 1993, nous étudions la distance à
laquelle les gènes se dispersent, la fréquence et
l'incertitude de la pollinisation, ses causes et la durée de
vie de la graine dans le sol. Au vu de ces connaissances,
pouvons-nous dire que la coexistence de différentes
sortes de colza oléagineux est possible ?
Notre présentation étudie cette question et se compose
de trois sections : en premier lieu, une brève description
du contexte du colza oléagineux au Royaume-Uni, puis
une étude du flux de gènes régionale, utilisant
principalement des plantes mâle-stériles, enfin, les
travaux récents sur le flux de gènes de l’étude Farm
Scale Evaluation (FSE), une expérience importante que
Les Firbank décrira ultérieurement. Ces travaux sur le
flux de gènes de l’étude FSE n'ont pas été publiés ni
présentés. Les résultats préliminaires restent provisoires.
Bien que le colza soit cultivé au Royaume-Uni depuis de
nombreux siècles, nous ne sommes pas certains de
l'identité exacte des premières semences. Après avoir
fluctuée en termes de région et de localité pendant de
nombreux siècles, sa part de la surface arable totale a
augmenté dans les années 1970 de 10 à 13 % chaque
année. La culture de colza engendre des populations
férales ou spontanées, qui constituent des mauvaises
herbes dans les rotations céréalières. Le colza est une
des rares espèces à être devenue une nouvelle espèce du
stock semencier agricole au cours du XX° siècle. Au
Royaume-Uni, la majeure partie du colza pousse dans
l'est du pays et les travaux dont je vais parler sont basés
dans la zone arable nord.
FIGURE 1. CARTE D'UN PAYSAGE AGRICOLE, DE 10 X20 KM, REPRÉSENTANT DES CHAMPS DE COLZA OLÉAGINEUX SEMÉ EN AUTOMNE (JAUNE) ET AU
PRINTEMPS (ORANGE) ET DE POPULATIONS FÉRALES DE BORD DE ROUTE (POINTS). A GAUCHE SE TROUVE LE MODÈLE SUR UN AN, ÀDROITE, LA
COUVERTURE CUMULÉE APRÈS QUATRE ANS.
IDISPERSION DU POLLEN
SUR DE LONGUES DISTANCES
ET RÔLE DES INSECTES
COMMISSION DU
Génie BIOMOLÉCULAIRE
Comme en France, le colza oléagineux (mauvaise herbe)
se trouve dans deux types d'habitat : celui qui se situe
dans la zone labourée du champ, où il est qualifié de
“spontané” et interagit avec la gestion et les autres
mauvaises herbes, et celui qui se trouve à l'extérieur de
la zone labourée, en bordures de chemin et dans les
déchets de sol (DEFRA, 1999). Dans notre région, on
trouve des individus qui fleurissent à n'importe quel
mois de l'année, certains présentant des aspects vivaces
typiques du chou sauvage, Brassica oleracea. Il sera
hybridé avec des parents sauvages proches, qui sont
rares en Ecosse.
En arrière-plan de cette recherche, nous avons réalisé
des enquêtes sur le stock semencier dans les années
1980, le Scottish Agricultural College a fait de très
nombreux contrôles dans les années 1990 et, depuis
1993, nous avons dirigé notre propre zone d'étude, où se
déroule la majeure partie de nos travaux sur le flux de
gènes et le colza oléagineux (mauvaise herbe) (Squire et
al., 1999).Nous avons noté que Brassica napus était un
composant tout à fait mineur du stock semencier arable
avant 1980 mais qu'il devenait à présent plus fréquent et
plus répandu, avec une densité typique de 100 m2, et
qu'il possède une persistance à long terme en tant que
spontané (Squire et al., 2003).
Des exemples de modèles de champ dans une partie de
notre zone d'étude de Tayside en 1993, montrent le colza
oléagineux et les populations férales des bords de route
à floraison hivernale ou précoce et celui semé au
printemps à floraison plus tardive (Figure 1). En raison
de la rotation, la zone de terre où a été semé le colza
oléagineux pendant quatre ans, jusqu'en 1996, est
passée à environ 25 % de la surface totale. La majeure
partie de ces champs aurait contenu des populations
spontanées en champ. Il y avait typiquement une
population férale de bord de route par kilomètre de
route. Cette fréquence est bien inférieure à celle
observée dans une étude menée en France (voir
Lecompte et al.). Il serait instructif de comparer ces deux
zones d'étude. Malgré le fait que les variétés changent
constamment, en utilisant des filtres phénotypiques et
des techniques moléculaires, il a été possible de prendre
une empreinte des variétés dont étaient issues les
férales. A la fin des années 1990, nous avons pu séparer
environ 25 variétés (Charters et al., 1996) et montrer
que, alors que la plupart des populations disparaissaient
au bout d'un ou deux ans, certaines férales de bord de
route duraient au moins 10 ans, en conservant toujours
l'empreinte de variétés de culture qui n'étaient plus
semées (DEFRA, 1999 ; Squire et al., 2000).
I
Dispersion du pollen sur de longues
distances et rôle des insectes
FIGURE 2. POLLINISATION DE PLANTES DE COLZA MÂLE-STÉRILES, MESURÉE COMME POURCENTAGE DES OVULES FORMANT DES GRAINES, SUR TROIS
SAISONS À UN INTERVALLE DE DISTANCES DU CHAMP LE PLUS PROCHE. LEGRAPHIQUE REPRÉSENTE DES DONNÉES LISSÉES. UNPOINT DE DONNÉES
SUPPLÉMENTAIRE À 26 KM A ÉTÉ OMIS POUR DES RAISONS DE CLARTÉ (VOIR RAMSAY ET AL., 2003).
II. Mesures de flux de gènes
régional utilisant des
plantes mâle-stériles
Notre objectif dans les études de flux de gènes était de
mesurer le pourcentage de croisement par du pollen
extérieur dans les champs et les populations férales, et
de définir les rôles du vent et des insectes. Pour une
observation à grande échelle, nous devons utiliser un
moyen rapide pour détecter le flux de gènes. Cependant,
nous confirmons également les événements rares en
utilisant un diagnostic moléculaire du gène ou de la
variété. Au début des années 1990, on supposait que la
pollinisation par le vent était la forme dominante de
transmission et que le flux de gènes était plutôt localisé.
Pour réaliser une enquête approfondie sur le flux de
gènes dans le paysage, nous avons commencé à utiliser
des plantes mâle-stériles ayant poussé en pot et placées
dans la campagne pendant une période d'environ 14
jours. Après les avoir récupérées, nous avons vérifié que
nous n'échantillonnions que les semences qui étaient
issues des événements de pollinisation lorsque les
plantes étaient sur le site. Gérer un important réseau de
plantes mâle-stériles était un défi : un groupe en
particulier, qui était brouté par des cervidés, dut être
protégé par une clôture.
Notre premier groupe de résultats était basé sur trois
saisons de culture. Les plantes mâle-stériles se
composaient de Brassica napus alors que les cultures
environnantes étaient B. napus et B. rapa. Avec des
plantes mâle-stériles, on peut compter le nombre de
fleurs fertilisées ou le pourcentage d'ovules. Lorsque la
distance augmente, en raison d'une faible fréquence de
pollinisation, seul un petit nombre d'ovules tendent à
être pollinisés. Les plantes mâle-stériles sont utilisées
pour explorer les mécanismes des processus régionaux,
mais tendent à surestimer le flux de gènes. Lorsque l'on
utilise des plantes mâle-fertiles, les différentes sortes de
gènes entrants sont difficiles à identifier, à moins que
n'existe un marqueur distinctif. Sans un marqueur
distinctif tel qu'un trait d'OGM, il est difficile de
distinguer une auto-pollinisation d'une pollinisation
croisée.
COMMISSION DU
Génie BIOMOLÉCULAIRE
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
01000 2000 3000 4000
distance from nearest field (m)
July 1998
May 1998
July 1999
% oyules ertilised
5000
pages4,5
Notre résumé graphique (Figure 2) décrit la proportion
d'ovules pollinisés en fonction de la distance du champ
le plus proche. Nous savons où vivent les populations
férales de bord de route et restons persuadés qu'elles ne
sont pas responsables du croisement par du pollen
extérieur à une longue distance du champ le plus proche.
Généralement, avec les plantes mâle-stériles, en raison
de l'absence de leur propre source de pollen, il y a un
plus fort pourcentage de fécondation que celui attendu
de plantes mâle-stériles réceptrices. Il est intéressant de
noter que, pour chacune des trois saisons étudiées,
différents niveaux de pollinisation croisée se sont
produits des champs aux plantes mâle-stériles. Quelle
que soit la distance à laquelle se situe la plante, il est
difficile de trouver un niveau zéro. Il y a toujours une
petite quantité de fécondation. A l'évidence, nous faisons
de notre mieux, en utilisant des techniques
moléculaires, pour confirmer qu'il ne s'agit pas d'une
contamination, par exemple, de pollen présent sur nos
vêtements. Cependant, même s'il est difficile d'être
absolument certain des sources de pollinisation, nous
avons essayé d'évaluer de manière réaliste les sources
alternatives possibles pour ces événements ayant lieu à
de grandes distances (Ramsay et al., 2003). Le colza
oléagineux à floraison précoce pendant la saison de
culture hivernale (lorsque le flux de gènes était le plus
faible sur la Figure 2) a connu des conditions d'humidité
et de froid. Par conséquent, très peu d'insectes se
trouvaient dans l'air. Néanmoins, nous ne comprenons
toujours pas complètement ces variations saisonnières.
Après avoir traité les chiffres, malgré des variations,
nous avons remarqué une diminution plutôt cohérente.
Ayant recueilli de nombreux insectes, nous avons poudré
les insectes avec du pollen et les avons mis sur des
plantes mâle-stériles dans le laboratoire afin d’étudier
l'efficacité de ces insectes dans la transmission du
pollen. Nous savons que les abeilles et les bourdons sont
très actifs et que les méligèthes des crucifères peuvent
transmettre le pollen sur de grandes distances. Nous les
trouvons dans des endroits étranges et, dans certaines
conditions, ils sont efficaces pour entraîner la
pollinisation. Dans un endroit où des manifestants, sur
l'un de nos sites, avaient placé de gros ballons jaunes
pour marquer leur présence, l'agriculteur les enleva et y
trouva de nombreux méligèthes des crucifères collés à la
surface brillante.
Bien que les plantes mâle-stériles nous aient permis
d'étudier le flux de gènes régional, nous avons dû
étalonner les résultats en comparant les plantes
mâle-stériles par rapport aux plantes mâle-fertiles. Pour
ce faire, nous avons utilisé un champ d'origine différent
– une variété tolérante à un herbicide non modifiée
génétiquement – et placé les plantes mâle-stériles et les
plantes mâle-fertiles dans des configurations différentes
dans la région environnante. Pour les plantes mâle-
stériles, la pollinisation moyenne sur des distances allant
jusqu'à 800 m de la source distincte était de 0,302 (c'est-
à-dire que 30,2 % des ovules ont été fécondés). Pour les
plantes mâle-stériles recevant du pollen tolérant à un
herbicide, le chiffre était de 0,025 (2,5 % des ovules).
Ainsi, les plantes mâle-stériles étaient 12 fois plus
efficaces que les plantes mâle-fertiles en matière de
fécondation par du pollen extérieur. Nous devons
réaliser d'autres travaux de ce type pour confirmer cet
étalonnage.
Les travaux avec la source tolérante à un herbicide non
modifiée génétiquement nous ont fourni une indication
sur la variation spatiale autour de ce bloc. Parallèlement,
nous avons également utilisé des plantes mâle-stériles
en cage, inaccessibles aux gros insectes, pour estimer la
pollinisation par le vent. Selon cette méthode, nous
avons enregistré une différence significative de
pollinisation entre les plantes en cage et les plantes hors
cage. Dans notre région, les plantes en cage ont été bien
moins pollinisées que leurs équivalents hors cage. Par
conséquent, nous pensons que les abeilles, les bourdons
et les autres insectes contribuent largement au flux de
gènes. En règle générale, nous pensons qu'ils
contribuent bien plus à la pollinisation que le vent seul,
surtout sur les moyennes et longues distances.
Néanmoins, il s'agit d'une zone d'incertitude et nous
étudions toujours les processus.
Ces études ont également montré que le pollen entre
plus sur les bords que dans le centre des blocs de colza
oléagineux et qu'il y a de grandes zones de faible
pollinisation dans le centre. Ceci indique que plus le
champ récepteur est grand, moins la pollinisation
moyenne est importante. Cependant, à ce stade, nous
avions seulement étudié de petits blocs. Personne n'avait
encore estimé la pollinisation de champ entier à longue
distance dans des champs typiques de cinq à dix
hectares.
Ces études et d'autres encore indiquent que le flux de
gènes du colza oléagineux dépend de la taille et de
l'orientation des champs et des blocs. Plus la source est
grande, plus le récepteur est petit et plus la pollinisation
effectuée est importante. Nous avons tenté de condenser
nos travaux ainsi que ceux d'autres personnes, y
compris les données françaises et internationales, pour
montrer les niveaux de pollinisation croisée pouvant
apparaître : la pollinisation de blocs d'une taille
équivalente à un champ sur un kilomètre de distance par
rapport à la source n'a pu être estimée que par
extrapolation des données existantes (Ramsay et al.,
2003).
I
IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT DES CULTURES DE COLZA GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉ TOLÉRANT À UN HERBICIDE
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