Nuro 6 – Août 2013 63
L  
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 R   C
A A D
 B M D
RÉSU
n frique, le secteur agricole em-
ploie une grande partie de la popula-
tion active, mais elle est exercée par une
main-d’œuvre très peu qualife, faible-
ment structurée, mal outillée donc peu
productive. ’essor de ce secteur passe par
le renforcement des capacis de la main-
d’œuvre à accomplir les ches requises de
production et de transformation ainsi que
par le développement de l’esprit dinitia-
tive et des compétences entrepreneuriales
pouvant aider à moderniser la production.
n épublique émocratique du ongo,
les exploitations agricoles semblent être
peues comme des activités ou métiers des
pauvres. ’exploitation des terres reste à
un stade familial et/ou communautaire
pour la subsistance. éographiquement
bien situé, ce pays dispose de millier dhec-
tares de terres fertiles avec un climat ts
favorable pour une meilleure exploitation
agricole d’autosuffisance, industrielle et
d’exportation.outefois, le contexte na-
tional congolais ne favorise pas l’activi
entrepreneuriale, en particulier dans le
secteur agricole, et donc le développement
économique.
ots clés : griculture, développe-
ment, entrepreneuriat, épublique é-
mocratique du ongo
INTRODUCTION
Schumpeter () a soulig que
les entrepreneurs jouent un rôle majeur
dans la croissance économique et donc le
développement. Il a montré que la crois-
sance e le fait dinnovation, de la dif-
fusion et de lassimilation de nouvelles
64 DOUNIA, revue d'intelligence stratégique et des relations internationales
conditions d’aivité (donc du progs
technique). Lentrepreneur «innova-
teur», par son innovation, permet ainsi
une transformation dans le processus de
produion et dorganisation du travail
entraînant dans son sillage des imita-
teurs et donnant un signal aux possibi-
lités dopportunités daaires, donc de
prots. Les innovations qui se diusent
dans léconomie vont ainsi bouleverser
les modes de consommation en susci-
tant de nouveaux besoins; et les marchés
en seront alors profondément modiés.
Lenvironnement économique serait en
perpétuel changement par le déclin et
lascension sans cesse renouvelés des be-
soins à travers le processus dimitation-
innovation. D’où, le concept de deruc-
tion créatrice de linnovation, considéré
par Schumpeter et ses partisans comme
source de la croissance économique.
La littérature sur le veloppement
économique a également accordé une
certaine place à l’esprit dentreprise.
Plusieurs axes avaient été abordés, no-
tamment les conditions démergence
dans les économies sous-dévelopes
dun environnement propice à cet esprit,
les incitations au prot, la possibilité
daion d’entrepreneurs étrangers dans
une logique de transferts de connais-
sances et de savoir-faire entrepreneu-
rial. Kirzner () a noté que malgré la
richesse de ces écrits, il leur a manq
de cadres théoriques solides pour ana-
lyser les problèmes soules. Pour l’au-
teur, la queion essentielle oubliée par
léconomie du veloppement ecelle
relative à l’exience d’un appareil so-
cial qui assure lexploitation des oppor-
tunités disponibles. La réponse à cette
queion se trouve dans le marc, cet
appareil qui permet aux agents écono-
miques de prendre conscience que ces
opportunités exient et qu’elles sont
intéressantes.
Malgré ses immenses ressources na-
turelles, la République Démocratique du
Congo (RDC) e lun des pays les plus
pauvres du monde. Les populations vi-
vent dans des conditions humaines très
dures et contraées. Le pays connaît un
niveau de chômage très élevé, le travail
formel se contrae dannée en dannée
pendant que le travail informel solution
alternative pour les chômeurs pour sub-
venir à leurs besoins – explose. Dans une
interview accordée à la presse nationale le
 oobre , Joseph Kabila Kabange,
président de la RDC, souligne que «la
création demploi par la mise en place de
nouvelles unités dans lagriculture, l’in-
durie et les services s’inscrit dans sa
vision d’un Congo nouveau, comme un
axe prioritaire susceptible de résorber le
chômage galopant que connaît le pays”.
La RDC possède dimmenses terres fer-
tiles qui peuvent être exploitées an dac-
croître sa produion agricole (en se do-
tant de techniques modernes) qui eà un
niveau très faible malglaugmentation
de la population congolaise, africaine et
mondiale. Le philosophe grec Xénophon
disait que «lagriculture e la mère de
tous les arts: lorsqu’elle e bien conduite,
tous les autres arts prospèrent; mais
lorsqu’elle e négligée, tous les autres arts
déclinent, sur terre comme sur mer». En
. Il edicile de trouver un emploi «formeen RDC,
quelle que soit son niveau de qualication. Les employés
recens dans léconomie formelle repsentent , de
la population aive potentielle. L’adminiration pu-
blique enregire  des travailleurs, le seeur privé
 et les forces ares . Pendant que les établis-
sements d’enseignement surieur ne cessent d’attribuer
des diplômes à des milliers de personnes chaque année,
le marcde l’emploi quant à lui ne fait que se rétcir.
Le nombre de chômeurs e ainsi impressionnant (Ka-
mavuako-Diwavova, ).
Andrianasy Angelo Djistera & Boubacar Mamadou Diarra
Nuro 6 – Août 2013 65
le négligeant, la RDC e dépendante de
vivres importés dautres continents.
Lentrepreneuriat serait un atout pour
les aeurs économiques voyant des op-
portunités de réalisation daaires dans
le seeur agricole en le modernisant, en
inveissant dans une série de matériels
agricoles et agro-alimentaires (nouveaux
syèmes dexploitation ayant un niveau
plus performant de motorisation ou mé-
canisation) à des prix compétitifs an
de relever le dé de lamélioration de la
produivité des sols et du travail, pour
satisfaire la demande et assurer à la fois
sécurité alimentaire et revenus.
Cet article porte sur la relation
entre lentrepreneuriat et lagriculture
en RDC. Nous analysons dans une
première seion le contexte du seeur
agricole. La deuxième seion crit
lentrepreneuriat agricole en RDC. La
troisième aborde la relation entre lentre-
preneuriat et le veloppement agricole.
Nous étudions enn dans la quatrième
seion les contraintes au développe-
ment de lentrepreneuriat agricole.
1. LA SITUATION GLOBALE DU SECTEUR
AGRICOLE EN RDC
Comme dans la plupart des pays en
développement, le seeur agricole e
relativement important en République
Démocratique du Congo. Le tableau
montre que, le seeur agricole contribue
à la création dune grande partie de la
richesse nationale en RDC par rapport
à la France.
La fraion de la population aive
travaillant dans le domaine de lagricul-
ture eégalement importante en RDC.
Pendant la période -, la main-
dœuvre agricole de ce pays représente en
Lentrepreneuriat comme mécanisme de développement agricole en RDC
Agriculture Industrie Services Total
RDC 43,8 26,3 29,9 100,0
France 2,5 21,6 75,9 100,0
TABLEAU 1.
partition de la valeur ajoue par secteur d’activité (1981-2009)
TABLEAU 2.
Part de la main-d’œuvre agricole sur la population active (1981-2011)
Sources: CNUCED, auteurs
Sources: CNUCED, auteurs
Main-d’œuvre Part de la main-
d’œuvre (en %)
Secteur agricole Ensemble des secteurs
RDC 10.949.483,9 17.085.334,5 64,1
France 1.171.838,7 26.887.604,4 4,4
66 DOUNIA, revue d'intelligence stratégique et des relations internationales
moyenne plus de  de la population
aive alors qu’elle e moins de en
France (tableau ).
La produivité agricole e faible en
République Démocratique du Congo.
Le rapport entre la valeur ajoutée, la
produion du seeur agricole moins
la valeur des entrées intermédiaires, et
la population aive e une mesure de
la produivité. Nous utilisons ainsi le
rapport entre la valeur ajoutée du sec-
teur agricole (foreerie, chasse, pêche,
cultures et produion animale) et la
population utilisée de ce seeur comme
mesure de produivité. Les valeurs
ajoutées sont en dollars américains
conants de . Le tableau  présente
la produivité moyenne ainsi que son
taux de variation entre  et .
Nous conatons que la produivité
de lagriculture ets faible en RDC
par rapport à la France. Elle a également
connu une régression alors que celle de
la France a fortement progressé pendant
la même période.
2. LA DESCRIPTION DE LENTREPRENEURIAT
DU SECTEUR AGRICOLE
Un grand nombre des aeurs du
seeur agricole exercent leur métier à
un niveau artisanal pour subvenir aux
besoins alimentaires de leurs familles
ou de leurs communautés. Ces aeurs
manquent de professionnalisme selon
a voix du paysan ongolais (). Ils ont
généralement un faible niveau de qua-
lication et déquipement. Par ailleurs,
laccès des «petits paysans» au crédit e
très limité.
Le seeur agricole congolais eca-
raéripar un syème entrepreneurial
traditionnel les exploitations sont de
type familial et communautaire dont les
produions servent essentiellement à la
satisfaion des besoins alimentaires im-
médiats des propriétaires; et c’e seule-
ment le surplus résiduel qui ecommer-
cialisé. Par conséquent, les exploitations
agricoles ne sont pas gérées comme une
entreprise où lentrepreneur prend des
risques, engage ses propres ressources et
supporte des charges; et compte tenu
des risques qu’il a pris et des aes qu’il
a réalisés, il obtient un revenu résiduel
(prot) une fois qu’il a honoré tous ses
engagements.
Ces aeurs ne disposent également
daucune formation elle pour lexploi-
. Par exemple, l’utilisation d’une main-dœuvre hors
ménage, néralement payée, eune pratique très mar-
ginale dans les exploitations agricoles en RDC. Malg
la durede certaines tâches agricoles non mécanisées
le travail de la terre ree essentiellement exercé par une
main-d’œuvre familiale.
Andrianasy Angelo Djistera & Boubacar Mamadou Diarra
TABLEAU 3.
Productivité moyenne du secteur agricole (1981-2009)
RDC France
Productivité moyenne 334,3 38781,5
Taux de variation (en %) -0,1 5,7
Sources: Indicateurs du développement dans le monde, auteurs.
Nuro 6 – Août 2013 67
tation des terres qui sont transmises de
génération en génération pour une ex-
ploitation familiale ou communautaire
avec des modes de culture ts rudi-
mentaires et dépassés face au dé crois-
sant de laugmentation de la population,
donc plus de bouches à nourrir tant au
niveau local qu’international.
Les paysans n’ont pas appris à consi-
dérer leurs propriétés comme une vraie
source de revenus pouvant leur per-
mettre de sortir dun état ils sont à
la recherche permanente dautosu-
sance alimentaire à une situation
leurs propriétés deviennent des moyens
de création de richesses qui pourraient
leur assurer des revenus ables et du-
rables lorsqu’ils sont bien gérés avec des
mécanismes innovants. Ainsi, lentre-
preneuriat moderne avec des méthodes
de produion et de geion ecace et
eciente apporterait, par ce biais, des
sources de revenu, de satisfaion, d’ac-
complissement personnel et des oppor-
tunités de développement daivités
connexes dans la transformation des
produits agricoles. Plus demplois se-
raient crées et des revenus augmentés.
Dans un tel contexte, lagriculture
de la RDC ree largement extensive et
les produeurs sont rarement dans des
conditions leur permettant de xer un
objeif et à latteindre (Fraval, ).
Les entrepreneurs du seeur agricole
présentent un certain nombre de carac-
. Ecace, si son application permet datteindre, au sein
du corps de produion, le ou les objeifs, visés par
l’aeur privé à lorigine de linitiative innovante. Ef-
ciente, si l’on peut mesurer le coût de son application
(coût de produion) et s’il n’exie pas de moyen plus
économique (moins onéreux) de réaliser cet (ou ces) ob-
jeifs. Certains entrepreneurs font des études de marché
permettant de mieux analyser l’ore et la demande, de
duire les risques et daugmenter fortement la chance de
sucs (Bouquerel, , p. ).
tériiques communes pouvant expliquer
le sous-développement de leur seeur.
Cependant, laccroissement de la popu-
lation peut conituer une opportunité
de marché à approvisionner.
3. LENTREPRENEURIAT
ET LE DÉVELOPPEMENT DE LAGRICULTURE
Les entrepreneurs jouent un rôle ma-
jeur dans la création daivité et le déve-
loppement économique. Selon Facchini
(, p. ), ils soutiennent l’accroisse-
ment de la produion car ils révèlent
de nouveaux usages et/ou informent
des mauvais usages des ressources exis-
tantes. Aeurs essentiels de laivité
économique, ils disposent d’un certain
nombre de caraériiques communes,
notamment le goût du risque, la prise
dinitiative, lesprit de compétition. En
eet, la création daivité commence
par une prise dinitiative, une volonté de
relever un dé, et cela nécessite donc une
faible aversion pour le risque.
Dès , Schumpeter a mis laccent
sur la relation entre lentrepreneuriat et
la croissance, par lintermédiaire du pro-
cessus de deruion créatrice de linno-
vation (Kamavuako-Diwavova, , p.
). Pour Schumpeter, les entrepreneurs
favorisent lémergence et le dévelop-
pement de linnovation. Kirzner (,
) propose également une représen-
tation intéressante de lentrepreneur. Il
dénit les entrepreneurs comme des in-
dividus qui adoptent une poure de vi-
gilance aux opportunités de prot. Dans
lanalyse de Kirzner, lentrepreneur re-
père et exploite, par sa vigilance, des si-
tuations il peut vendre à un prix élevé
un bien ou un service qu’il peut acheter
à un pris nettement inférieur à meilleur
Lentrepreneuriat comme mécanisme de développement agricole en RDC
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