Mise au point
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Résultats
Neuf articles correspondaient aux critères d’inclusion de la
revue de la littérature. Ils comportaient au total 89 cas de
syndrome de loge aigu de cuisse. Toutes les études étaient
rétrospectives. Seulement 54 patients avaient eu un suivi
d’au moins 20 mois en postopératoire. L’âge moyen des
patients était de 38 ans. Quatre-vingt-dix pour cent des
patients avaient été victimes d’un traumatisme fermé, 34 %
des patients d’un accident de la voie publique tandis que
6 cas (7 %) correspondaient à un accident de deux-roues.
Quarante-quatre pour cent des patients présentaient une
fracture du fémur associée, dont 22 % étaient des fractures
ouvertes. Environ 4 % des syndromes de loge étaient secon-
daires à une compression. Dix-neuf patients sur les 89
avaient des troubles de l’hémostase, 4 patients étaient sous
traitement anticoagulant, 4 patients étaient victimes d’une
coagulation intravasculaire disséminée et 1 patient avait
comme antécédent une maladie de Willebrand. Le délai
entre le traumatisme et le diagnostic variait de 1 à 7 jours
avec une moyenne de 25 heures. Dans 56 % des cas, le délai
moyen entre le traumatisme et la fasciotomie a été de
10 heures. Quarante-sept pour cent des patients ont eu un
diagnostic clinique, 34 % une mesure des pressions
moyennes et 19 % un diagnostic clinique et une mesure des
pressions. Dans l’étude de J.T. Schwartz et al. (1), le délai
entre le traumatisme et le diagnostic variait de quelques
heures à 18 heures, tandis que le délai entre le diagnostic et
le traitement chirurgical était de 4 heures en moyenne.
Fasciotomie : une incision versus deux incisions
Six études comprenant 36 patients ont été prises en
compte dans l’analyse des voies d’abord de la cuisse car
celles-ci précisaient le nombre d’incisions réalisées.
Quatre-vingt-six pour cent des cas ont eu une seule voie
d’abord. Pour 5 patients, deux voies d’abord ont été réali-
sées afin de libérer toutes les loges musculaires de la cuisse.
Technique de fermeture
Huit études comprenant 53 cas ont précisé le mode de
fermeture réalisée. Dans 59 % des cas, la fermeture était
réalisée secondairement. Quinze pour cent des cas étaient
fermés d’emblée tandis que 26 % des cas ont nécessité la
réalisation d’une greffe de peau. Dans les cas où la fermeture
n’était pas possible dans le premier temps, le délai avant la
fermeture était d’environ 5 jours après le premier temps.
Complications
L’analyse des complications observées chez 81 patients
parmi 8 études a retrouvé une prédominance des déficits
neurologiques persistants.
Une seule étude n’a retrouvé aucune complication.
J.T. Schwartz et al. avaient retrouvé quant à eux un taux
de mortalité de 47 %. L’analyse de la littérature retrouve
comme facteur de risque principal de mortalité l’existence
d’un polytraumatisme ou d’une infection. Dans la plupart
des cas, la cause de la mort ne pouvait pas être reliée
directement à une défaillance multiviscérale. Cependant,
les traumatismes crâniens, les insuffisances rénales et les
traumatismes cardio-thoraciques semblaient jouer un rôle
majeur. Le délai entre le traumatisme et le décès n’a pas
été analysé dans la littérature, mais, généralement, le
décès semblait survenir en période postopératoire
précoce.
Discussion
Le syndrome de loge de la cuisse n’est pas aussi fréquent
que le syndrome de loge de la jambe. Dans cette revue
systématique, les auteurs ont cherché à relever les infor-
mations pratiques pour la prise en charge de cette compli-
cation sérieuse. En raison du petit nombre de cas, aucune
conclusion ne permet de dire s’il faut réaliser une ou deux
incisions, ni s’il est nécessaire de fermer en un temps ou
en deux temps. La seule donnée fiable est la prédomi-
nance des traumatismes fermés de la cuisse.
Le diagnostic du syndrome de loge est essentiellement
clinique ; en revanche, la prise des pressions est primor-
diale chez le patient sédaté. Une différence supérieure à
30 mmHg entre la pression diastolique et la pression de la
loge semble être un seuil critique dans la décision d’une
fasciotomie. La voie d’abord de la fasciotomie dépend
essentiellement du groupe musculaire atteint.
Pour F.A. Matsen et al., il serait nécessaire d’ouvrir toutes
les loges musculaires de la cuisse. Chez les patients présen-
tant une lésion médullaire, une libération de tous les
groupes musculaires est nécessaire afin de prévenir l’appa-
rition de fibrose et de contractures. Pour S.D. Tarlow et
al., une seule incision latérale permettrait de libérer les
loges antérieure et postérieure de la cuisse. Par une voie
latérale, il est possible d’aborder la loge antérieure ainsi
que les muscles de la loge postérieure. La fasciotomie des
muscles adducteurs se fait par une voie interne au travers
du septum intermusculaire interne. La fermeture se fait
généralement de manière progressive, ce qui peut prendre
un minimum de 7 jours. En cas d’impossibilité de ferme-
ture, une greffe de peau peut être nécessaire. Les
syndromes de loge de la cuisse ont un taux de complica-
tions élevé, proche de 80 %. La survenue d’infections
pourrait avoisiner deux tiers des cas. La complication
principale est l’existence de déficits neurologiques
incluant à différents degrés des troubles sensitifs ainsi que
des déficits moteurs.