APPROCHES DE L’ATTITUDE ÉTHIQUE 3
d'assurance — confiants en eux — dont l'assurance cache en fait une absence de considération
d'eux-mêmes — foi en soi.
Avoir foi en soi, c'est avoir la certitude absolue que, tels que nous sommes, nous sommes dignes
de la considération des autres ; cette certitude ne peut être fondée que sur la conscience lucide de
notre propre valeur : ce mélange de qualités et de défauts, de désirs forts et de réalisations plus
faibles, c'est cela notre valeur, c'est sur cela que notre Parole est fondée, c'est cela que notre
Parole doit dire.
Avoir une parole, s’exprimer, c’est bien dire qui nous sommes ; et pour cela, il est nécessaire
d'avoir foi en soi-même, en sa propre valeur, indépendamment du regard des autres.
Indépendamment du regard des autres ? On sent bien que, poussée à l'extrême, cette affirmation
n'est pas pensable : si les autres, tous les autres et en particulier mes parents, m'ont toujours
déconsidéré, il me sera quasiment impossible d'avoir foi en moi. Cette expression,
indépendamment du regard des autres, ne peut avoir de signification qu'au moment du choix de
l'action que je vais poser et sous réserve que d'autres m'aient auparavant considéré, qu'ils m'aient
fait ressentir que j'avais de la valeur à leurs yeux.
Un exemple simple : il faut avoir foi en soi pour rester honnête dans un environnement qui ne l'est
pas, c'est-à-dire pour avoir une parole qui contredit la parole des autres.
Mais on voit sur cet exemple qu’il y a comme un court-circuit entre « foi en soi » et « honnêteté » :
il manque un terme et c’est la deuxième condition.
Deuxième condition : avoir foi en un système de valeurs, en une vision du monde, en un Sens de
la vie (et qui peuvent faire référence ou non à une transcendance)
C'est ce système de valeurs, et lui seul, qui fonde mes choix d'existence ; pour reprendre
l'exemple précédent, c'est le sens que je donne à la vie et à ma vie qui fonde le choix de rester
honnête au milieu de personnes qui ne le sont pas : je sais pourquoi je le fais et je suis en mesure
d'argumenter mon choix vis-à-vis des autres et de moi ; avoir une Parole, c'est aussi et peut-être
d'abord, cette possibilité d'argumenter mes choix parce que je les ai posés en fonction d'une vision
du monde, d’un système de valeurs :
{foi en soi + foi en un système de valeurs} ⇒ honnêteté
Par ces deux éléments, la Personne affirme son existence (foi en soi) et sa liberté personnelle (foi
en un système de valeurs qu'elle a choisi et élaboré elle-même, même si les matériaux de cette
construction lui ont été fournis par la société dans laquelle elle vit).
Quelques remarques à ce niveau.
— Nous n'avons pas fait référence à la foi en un Dieu révélé ou, plus généralement, à la
reconnaissance d'une transcendance et nous n'en avons pas besoin. En effet, la Personne peut
affirmer sa liberté et sa responsabilité en les considérant comme des faits dont la source n'a pas à
être recherchée, voire n'existe pas ; le croyant affirme, lui, que cette liberté et cette responsabilité
lui sont données par Dieu.
— La deuxième condition implique la première : élaborer son propre système de valeurs implique
la foi en soi.
— Ces deux conditions ont des points communs : dans chacune, la foi en question est à la fois
raisonnée et irraisonnée, rationnelle et non rationnelle (ce qui ne veut pas dire irrationnelle) ; ni la
foi en soi, ni la foi en un système de valeurs ne dictent les choix d'existence : chacune fonde ces
choix mais il reste encore à les poser et ce sera, nous le verrons ci-dessous, l'attitude éthique.