On le trouve dans certains aliments : les abats (cœur,
foie, rognon), la viande de bœuf, le soja, la sardine, le
maquereau, les céréales complètes et les légumineuses,
les fruits oléagineux (noix, noisettes, cacahuètes), les
épinards, les huiles végétales, les algues.
233
Les mitochondries sont au centre du métabolisme énergétique via le cycle de Krebs qui
permet de transformer les nutriments en adénosine triphosphate (ATP).Le but étant
la production de liaisons riches en énergie,utilisables dans les besoins usuels de
l’organisme et lors des sollicitations plus intenses comme les efforts musculaires
liés à la pratique du sport. Ce sont les médecins du sport qui ont été les premiers
à se soucier de cette organelle intracellulaire, véritable centrale de production
énergétique. Les mécanismes de fonctionnement des mitochondries sont mieux
connus. Le Coenzyme Q10 qui intervient au niveau du cycle énergétique de Krebs
mérite une attention particulière du fait de son implication dans les mécanismes dapparition
des crampes musculaires sous traitement hypocholestérolémiant par statines.
Paule Nathan, nutritionniste-endocrinologue, Paris.
Rappel d’énergétique musculaire(1)
La contraction musculaire dépend de la possibilité de la
transformation de l’adénosine triphosphate (ATP) en
adénosine diphosphate (ADP) qui libère de l’énergie
par libération de liaisons à haute énergie.
Lors d’un effort bref, l’organisme va puiser son énergie
dans les molécules d’ATP présentes au niveau muscu-
laire. Mais, la concentration du muscle en ATP étant fai-
ble, il est nécessaire et indispensable que l’ATP soit
resynthétisée afin de rendre possible la prochaine
contraction grâce à la phosphocréatine. C’est ce qui se
passe dans les premières secondes de l’exercice physi-
que. On dit que le début d’un effort se passe en anaé-
robie, car ces deux mécanismes peuvent fonctionner en
l’absence d’oxygène. Le rendement est faible, l’énergie
produite est peu importante et il se forme un déchet
l’acide lactique.
Comme les réserves musculaires sont faibles, si l’effort
se poursuit, le muscle devra trouver d’autres sources
d’ATP et de phosphagène. C’est le rôle des différents
nutriments utilisés par le muscle de reconstituer ces
stocks de liaisons énergétiquement riches : notamment
le rôle des glucides, lipides mais aussi des protéines.
On dit que l’effort s’effectue en aérobie par l’intermé-
diaire du cycle oxydatif de Krebs. C’est une voie à haut
rendement. (2) (Fig. 1 et 2)
Le coenzyme Q10
Le Coenzyme Q10 (CoQ10), encore appelé vitamine
Q, est un transporteur d’hydrogène qui présente la par-
ticularité d’être liposoluble. On l’appelle aussi ubiqui-
none du fait de son “ubiquité”, c’est-à-dire son omnipré-
sence dans presque toutes les cellules de l’organisme.
On le rencontre dans les membranes biologiques lipidi-
ques comme la membrane interne de la mitochondrie.
80 % du CoQ10 présent dans l’organisme est appor
par l’alimentation, 20 % est lié à la synthèse endogène
(3). La voie biochimique de synthèse est commune avec
celle du cholestérol, dont l’une des enzymes clefs est le
HMG-CoA.
N u t r i t i o n s & Endocrinologie • Décembre 2009 • Hors série Cardiologie 233
Le point sur…
Mots clés :
Coenzyme Q10, Statines,
ATP, Mitochondries, Cycle de Krebs,
Crampes, Métabolisme énérgétique
Statines et Coenzyme Q 10
F i g u r e 1 - 3 voies d’utilisation des macronutriments pour
la production d’énergie. (d’après [2])
Un rôle clé dans le métabolisme
énergétique (4)
Ce transporteur d’électron est un cofacteur mitochon-
drial majeur. Il agit au niveau de la chaîne respiratoire
mitochondriale appelée cycle de Krebs, centre de
conversion des aliments en énergie. Il sert de coenzyme
à au moins 3 enzymes mitochondriales essentielles
pour la production d’ATP. Ainsi, tous les processus phy-
siologiques qui exigent une dépense énergétique ont
besoin de CoQ10. Il est donc présent dans tout l’orga-
nisme : foie, le rein, le cœur, les tissus des organes du
système immunitaire...
Le CoQ10 permet la production d’énergie nécessaire
pour que les cellules expriment leur spécificité comme
par exemple : la contraction musculaire pour le muscle
squelettique, la production des neuromédiateurs et le
circuit de l’information pour les cellules neuronales, les
fonctions d’épuration pour celles du rein. Si ce métabo-
lisme énergétique est déficient du fait d’une carence en
Coenzyme Q10, ce sont les capacités essentielles de
l’équilibre de l’organisme qui peuvent être compromi-
ses avec l’apparition de troubles de la production
d’énergie et de lésions cellulaires. Le risque étant, selon
le type d’organe impliqué, le développement d’une sar-
copénie, d’un syndrome de fatigue chronique ou de
crampes.
Par ses propriétés antioxydantes, au même titre que les
vitamines A et C, le CoQ10 corrige les réactions chimi-
ques d’oxydation résultantes des fonctions de l’orga-
nisme et à l’origine de la formation délétère de radi-
caux libres. Par cette fonction anti-oxydante, il protège
les protéines de la membrane mitochondriale et de
l’ADN cellulaire (3). Il aurait un rôle dans la protection
de la vitamine E contre les radicaux libres et dans sa
régénération.
Un équilibre essentiel
Le déficit en Coenzyme Q10 peut être lié à une prise
alimentaire insuffisante, une diminution de sa biosyn-
thèse comme semble-t-il en cas de décompensation car-
diaque, du fait d’effets secondaires de traitements qui
par exemple agissent au niveau de la HMG-CoA, ou
lors de besoins accrus comme les situations d’hypermé-
tabolisme. Comme la concentration tissulaire du
CoQ10 diminue avec l’âge, on peut se poser la ques-
tion de l’imputabilité de cette baisse sur le développe-
ment des troubles cardiovasculaires lors de l’avance en
âge. Mais la déplétion est-elle cause ou conséquence ?
Des travaux récents montrent qu’une alimentation plus
riche en CoQ10 ou un apport exogène (5) peuvent
entraîner un bénéfice sur les fonctions cardiovasculaires
et musculaire, la fatigue. Mais attention tout ceci ne doit
être envisagé que sous contrôle médical.
Effets des statines sur le CoQ10
Comme le rappelle Nawarskas (6) du département de
pharmacie de l’université du Nouveau-Mexique, les sta-
tines inhibent de manière compétitive la conversion de
l’HMG-CoA en mévalonate, un précurseur du cholesté-
rol et du CoQ10. Plusieurs études ont montré que quelle
que soit la statine, on note lors de son emploi une
baisse du taux plasmatique du CoQ10 que ce soit chez
le sujet normal ou le sujet hypercholestérolémique. En
revanche, des doutes subsistent quant à l’effet des stati-
nes sur les concentrations tissulaires en CoQ10. Il fau-
drait savoir si cette carence pourrait être responsable
d’une altération du fonctionnement de la chaîne respi-
ratoire mitochondriale avec comme conséquence une
fragilisation des tissus. Mais il est indéniable que le trai-
tement par statines est bénéfique sur la morbimortalité
des patients hypercoléstérolémiques présentant une
pathologie cardiovasculaire.
En 1997, Mortensen et son équipe de l’université de
Copenhague, (7) ont étudié 45 patients hypercholesté-
rolémiques qui ont été randomisés dans un essai en
N u t r i t i o n s & Endocrinologie • Décembre 2009 • Hors série Cardiologie
234
Le point sur…
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F i g u r e 2 - Différentes sources d’énergie pour la
contraction musculaire. (d’après [2])
N u t r i t i o n s & Endocrinologie • Décembre 2009 • Hors série Cardiologie 235
double aveugle afin d’être traités avec des doses crois-
santes soit par de la lovastatine (20-80 mg/jour) ou par
de la pravastatine (10-40 mg /jour) sur une période de
18 semaines. Ils ont mesuré les taux sériques de la
CoQ10 parallèlement au niveau de cholestérol à l’in-
clusion sous placebo et pendant le traitement actif. Ils
ont montré une baisse significative du taux sérique du
CoQ10 avec un effet dans le groupe pravastatine et
une baisse plus importante dans le groupe lovastatine.
En 2004, les chercheurs de l’équipe du département de
neurologie de l’université de Columbia à New York (8)
ont étudié le taux de CoQ10 avant et après traitement
par l’atorvastatine, 80 mg /jour à 14 et 30 jours. Ils
concluent que l’exposition, même brève, à l’atorvasta-
tine entraîne une diminution marquée de la concentra-
tion sanguine de Q 10. Pour eux, l’inhibition de la syn-
thèse du CoQ10 pourrait expliquer les effets les plus
fréquemment rapportés lors du traitement par les stati-
nes, et expliquer l’intolérance et les myalgies.
Une étude de Ghirlanda et al (9) Argent MA, Langsjoen
PH, Szabo S, et al. Effet de l’atorvastatine sur la fonc-
tion ventriculaire gauche diastolique et la capacité de
la coenzyme Q10 pour inverser cette dysfonction. Am
J Cardiol. 2004 Nov 15; 94 (10) :1306-10.
en double aveugle, contrôlée contre placebo, a mis en
évidence une diminution des taux plasmatiques de
CoQ10 chez des volontaires sains, traités durant 1
mois, par simvastatine ou pravastatine (20mg/j). Ils ont
aussi noté une baisse chez des patients hypercholesté-
rolémique après un traitement de 3 mois.
Répercussions de l’abaissement
du CoQ10 suite au traitement
par statines
Du fait de son rôle dans la production énergétique au
sein des mitochondries, la diminution des taux de
Coenzyme Q10 peut avoir un effet délétère dans la
production énergétique. De Pinieux et al (10) ont étudié
60 patients porteurs d’une hypercholestérolémie. Par
comparaison, les patients sous statines présentaient des
Le point sur…
concentrations sériques en CoQ10 significativement
plus faibles, ainsi qu’une perturbation du test de dys-
fonctionnement mitochondrial évalué sur le rapport lac-
tate sur pyruvate. Ces résultats sembleraient indiquer
que les statines favorisent le dysfonctionnement mito-
chondrial. C’est ce dernier mécanisme qui pourrait être
à l’origine des effets secondaires des statines, à savoir
les myalgies et les myopathies.
Conclusion
Le traitement par statines est indispensable voire obliga-
toire pour les sujets à haut risque cardiovasculaire soit
pour une prévention primaire du fait d’une hypercholes-
térolémie par exemple ou une prévention secondaire
après un accident cardiovasculaire. Lorsque le patient
se plaint de crampes, et si les enzymes témoins d’une
possible rhabdomyolyse ne sont pas perturbés, le traite-
ment par statines est changé pour une autre molécule.
Si les crampes (sans augmentation des CPK) se renou-
vellent lors de la prise de chaque statine, il faut se poser
la question de la baisse du Q10 dans l’imputabilité de
survenue des crampes. Certains patients se plaignent
de ces manifestations quel que soit le type de statine et
dans ce cas le traitement par statine risque d’avoir une
mauvaise observance ou être remplacé par un fibrate
même si l’on sait que les résultats sont moins bons à
terme chez ces patients. Ainsi, après avoir recherché
les possibles causes de crampes comme les carences en
eau, en magnésium, calcium, vitamine D et vérifié l’in-
tégrité de la fonction thyroïdienne pourquoi ne pas
essayer une substitution par la CoQ10 pour améliorer
le confort de ces patients. Certains laboratoires la dose
mais il n’y a pas de remboursement par la sécurité
sociale. Des études plus approfondies seraient néces-
saires. On peut aussi proposer à ces patients de
consommer des aliments qui en comportent comme les
fruits oléagineux (noix, noisettes, cacahuètes) ou les
légumineuses (haricot, fève, lentille, pois chiche, soja...)
de toute façon bénéfiques sur ce terrain.
1 . Creff A.F, Berard L. Manuel pratique de l’alimentation du sportif.
Masson. 1980.
2 . Mac Ardle W, Katch F, Katch V. Exercice physiology. Energy, nutrition
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3 . Malchair P, Van Overmeire L, Boland A, Salmon E, Pierard, Seutin V. Le
coenzyme Q10 : biochimie, physiopathologie de sa carence et intérêt
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60 :1 : 45-51.
4 . Basdevant A, Laville M, Lerebours M. Traité de nutrition clinique de
l’adulte. Médecine-Sciences Flammarion, Paris 2001. pp 495.
5 . Mortensen SA. Overview on coenzyme Q10 as adjunctive therapy in
chronic heart failure. Rationale, design and end-points of “Q-symbio”—a
multinational trial. The Heart Centre, Medical Department B, Copenhagen
University Hospital, Denmark. Biofactors. 2003;18 (1-4):79-89.
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HMG-CoA reductase inhibitors and coenzyme Q10. Cardiol Rev. 2005
Mar-Apr;13(2):76-9.
7 . Mortensen SA, Leth A, Agner E, Rohde M. Dose-related decrease of
serum coenzyme Q10 during treatment with HMG-CoA reductase inhibi-
tors. Mol Aspects Med. 1997;18 Suppl:S137-44.
8. Argent MA, Langsjoen PH, Szabo S, et al. Effet de l’atorvastatine sur la
fonction ventriculaire gauche diastolique et la capacité de la coenzyme
Q10 pour inverser cette dysfonction. Am J Cardiol. 2004 Nov 15; 94
(10) :1306-10.
9 . Ghirlanda G, Oradei A, Manto A, et al. Institute of Internal Medicine,
Catholic University Medical School, Rome, Italy. Evidence of plasma
CoQ10-lowering effect by HMG-CoA reductase inhibitors: a double-blind,
placebo-controlled study. J Clin Pharmacol. 1993 Mar; 33(3):226-9.
1 0 . De Pinieux G, Chariot P, Ammi-Saïd M, et al. Groupe de Recherche
en Pathologie Neuromusculaire (ER 269), Faculté de Médecine de Créteil,
Hôpital Henri Mondor, France. Lipid-lowering drugs and mitochondrial
function: effects of HMG-CoA reductase inhibitors on serum ubiquinone
and blood lactate/pyruvate ratio. Br J Clin Pharmacol. 1996 ;42 (3):333-
7.
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