Au moins 15% des cas de cancer qui apparaissent chaque année dans le monde peuvent être attribués aux infections virales, bactériennes ou parasitaires (6,7). Les trois quarts de ces cas sont observés dans les pays en voie de développement. Les localisations les plus fréquentes sont les cancers du col de l’utérus, les cancers primitifs du foie, et les cancers de l’estomac. Parmi ces trois localisations le cancer primitif du foie pourrait être largement réduit par la vaccination des enfants contre l’hépatite B et par la prévention de la transmission de l’hépatite C. Dans les pays développés la morbidité et la mortalité dues au cancer du col de l’utérus sont contrôlées par le dépistage utilisant le frottis cervical. D’autres modes de dépistage, qui pourraient être plus efficients dans les pays en voie de développement, sont en cours d’essai. La mise au point d’un vaccin vis-à-vis du virus HPV peut ouvrir une ère nouvelle dans la stratégie de prévention des cancers du col. Hélicobacter pylori (HP) est une bactérie impliquée comme co-facteur dans les cancers de l’estomac. HP crée une infection de l’estomac (gastrite) dont la prévalence est encore élevée dans de nombreux pays, mais qui diminue avec l’amélioration de l’hygiène alimentaire, en particulier celle des enfants. Les cancers qui apparaissent chez les sujets atteints de SIDA peuvent être prévenus par la prévention du SIDA et par son traitement, même si le virus HIV n’est qu’un co-facteur créant les conditions pour que d’autres virus oncogènes, tel que le virus herpes 8, induisent une transformation maligne. 168 Les infections Les infections 169 Les virus de l’hépatite Les virus papilloma (HPV) Helicobacter pylori et cancer Cancer chez les patients atteints du SIDA Virus d’Epstein-Barr Recommendations pour les ONG 170 Les infections La responsabilité de facteurs synthèses pour plus de détails, infectieux dans l’apparition de ici nous discuterons seulement certains cancers a été démon- les moyens de prévention; l’esti- trée, et la réalité de ces associa- mation des proportions de cancer tions a été confirmée par des attribuables aux infections a été groupes d’experts internationaux faite pour différentes parties du dans le cadre du programme du monde (6,7); nous l’avons appli- Centre International de recher- qué à l’incidence et à la mortalité ches sur le Cancer (CIRC) sur de l’année 2000, les résultats l’évaluation des risques carcino- sont présentés dans le tableau 1. gènes chez l’homme (1,2,3,4,5). Le lecteur peut se reporter à ces Code Européen: les poins relatifs aux infections N° 11: Participer aux campagnes de vaccination contre l’hépatite B. N° 8: A partir de 25 ans les femmes doivent accéder au dépistage des cancers du col de l’utérus. Le dépistage doit se faire dans le cadre de programmes assurant le contrôle des procédures, suivant les recommandations européennes. Les infections F. Xavier Bosch1, Silvia Franceschi2, René Lambert2, Josepa Ribes1 et Paola Pisani2 1 Institut Català d’Oncologia, Barcelone, Espagne 2 Centre International de Recherche sur le Cancer, Lyon, France 171 Tableau 1 Agents infectieux associés au cancer, type de cancer et nombre de cas annuels dans les pays à économie riche et pauvre et leur possibilité de prévention Siège et type de cancer Carcinome hépatique Agents infectieux HBV, HCV Carcinome de l’estomac, Lymphome de type MALT Hélicobacter pylori Incidence annuelle1 Pays riches Pays pauvres (%) évitables 106 000 457 000 45, 852 333 000 543 000 50 Col de l’utérus, vulve et autres organes génitaux externes HPV 16, 18, 31, 33 100 000 385 000 100 Sarcome de Kaposi* HIV–HH8 8 600 330 000 100 Lymphome non Hodgkinien* HIV–EBV 2 200 33 000 100 Lymphome de Burkitt, et autres Lymphomes EBV 264 000 558 000 ? Carcinome indifférencié du naso-pharynx EBV 5 000 41 000 ? MALT: Mucosa Associated Lymphomas Tissue, HBV: Hépatite B virus, HCV: Hépatite C virus, HPV: Human Papilloma virus, HIV: Human Immunodéficiency virus, HH8: Human Herpes virus 8, EBV: Epstein-Barr virus. * Chez les malades sidéens: UNAIDS 2000, [9] 1 Ferlay et al, GLOBOCAN 2000 [8] 2 % évitable pays riche, pays pauvre Les virus de l’hépatite en Amérique du Nord et dans le Nord et l’Ouest de l’Europe (10). 172 L’évidence scientifique L’identification du virus C (HCV) La démonstration du rôle de en 1989 a permis de montrer l’hépatite B chronique dans la qu’il était aussi responsable d’un genèse des cancers primitifs du nombre substantiel de carci- foie date des années 1970 (1). nomes Environ 5% de la population L’infection à HCV est moins fré- d’Europe centrale et d’Europe de quente que celle à HBV mais a l’Est sont porteurs d’une hépa- une plus grande tendance à tite chronique, alors que cette induire une infection chronique prévalence est seulement de 1% pouvant créer une cirrhose et primitifs du Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe foie. cancer. vaccination (15,16). La diffusion minés par les aflatoxines (HBV) Environ 80% des patients infec- un lente de cette mesure et le profil ou la consommation d’alcool à tés développent une infection économique des pays qui l’ont l’origine de cirrhose (HCV). La chronique. La prévalence des introduite dans leur politique suppression de l’exposition à ces porteurs d’infection chronique en vaccinale démontre que le coût facteurs peut aussi permettre de Europe est généralement infé- du vaccin est un des principaux réduire l’incidence des cancers rieure à 2% (11). Dans le monde, déterminants de sa trop faible du foie. 75 à 80% des cancers primitifs utilisation. du foie peuvent être attribués à En conclusion la prévention des une infection chronique à HBV Augmenter la couverture vacci- cancers du foie associés aux ou HCV, mais en Europe ces pro- nale pour diminuer la mortalité virus HBV et HCV peut être portions varient de 4 à 58% pour liée au virus HBV demande de réalisée en promulguant la vacci- l’HBV et de 12 à 72% pour l’HCV. nouvelles recherches pour créer nation anti-HBV et les mesures L’infection par HBV ou HCV est un vaccin plus stable à la cha- de précaution dans la pratique rarement acquise à la naissance leur et si possible multivalent et médicale, dans l’utilisation des en Europe, la transmission se demande aussi des efforts écono- drogues et dans les pratiques fait par contact sexuel, usage de miques d’aide aux pays pauvres sexuelles. drogues en IV, transfusion san- (17). Les virus papilloma (HPV) guine ou autres procédures invasives non stériles (12). Il n’y a pas de vaccin contre le virus HCV. Des recherches sont Evidence scientifique Interventions efficaces en cours, mais le caractère A l’aube du 21e siècle, les can- Le vaccin anti-HBV a été mis au mutant du virus ralentit les pro- cers invasifs du col de l’utérus point dans les années 1980. La grès. Actuellement la prévention occupent la deuxième place dans vaccination est le meilleur moyen doit reposer sur les moyens per- la fréquence des cancers de la de prévenir l’infection à HBV mettant d’éviter la transmission femme et représentent 4% des puis qu’elle induit une protection sanguine. Ainsi sont concernées cas de cancers dans les pays les dans 95% des cas et c’est actuel- toutes les pratiques médicales plus développés contre 15% dans lement le seul vaccin ayant comme la chirurgie, les interven- les pays en développement (19). démontré son efficacité dans la tions médicales et dentaires avec Les données les plus récentes prévention de cancers humains. effraction, l’injection de produits montrent que quasiment tous les Cette efficacité a été observée à sanguins, de drogues en IV et cancers du col sont liés à un des Taiwan (13) et en Corée (14). l’information en particulier des types de virus papilloma (HPV), L’OMS et la banque mondiale jeunes sur la nécessité de rap- (20). Environ 40 types d’HPV ont considèrent cette vaccination ports sexuels protégés (18). été identifiés au niveau des voies comme le moyen le plus efficace génitales et au moins une dou- pour réduire la morbidité due à D’autres facteurs, associés à ces zaine ce virus. En 1996, environ 80 virus, augmentent le risque de d’oncogéniques, sont à haut pays ont inclus cette vaccination carcinome hépatique comme la risque dans leur programme national de consommation d’aliments conta- associés avec la progression de parmi car eux, qualifiés significativement Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe Les infections secondairement 173 lésions vers des cancers invasifs récemment. Un essai de vaccin A l’exception des condylomes du col. De nombreuses recher- (HPV 16 L1 VLP) contre placebo a génitaux (causés essentiellement ches, dans ces dix dernières montré une efficacité de 100% par des virus non oncogènes de années, ont identifiés les types dans la prévention des infections type 6 et 11), l’infection est d’HPV (3), responsables de 60 persistantes et des dysplasies asymptomatique. Il n’y a pas à 80% des carcinomes invasifs et (CIN:Cervico Intra-épithéliale vraiment de certitude sur le rôle les mécanismes favorisant la Néoplasie) de grade 1 à 3 (21). de l’utilisation de protection de persistance de l’infection. La Deux autres vaccins contre les type condom vis-à-vis de l’infec- possibilité de réaliser une pré- HPV 16 et 18 ensemble sont tion à HPV (22), ceci en raison de vention primaire est donc impor- actuellement testés en phase III. problèmes anatomiques et de certaines pratiques sexuelles, tante. De nombreux types d’HPV l’infection par l’HPV s’étendant bénignes du col, ce qui com- Efficacité des interventions plique beaucoup la réalisation de L’infection à HPV est très fré- condom. Seule la circoncision vaccins à spectre large. Malgré quente: actuellement environ 5 à semble apporter une diminution ces difficultés des résultats très 40% des femmes et des hommes du risque infectieux pénien et, prometteurs ont été publiés adultes sont porteurs du virus. en conséquence, une réduction sont associés aux dysplasies au-delà de la zone protégée par le du risque de cancer du col de Prévention des cancers primitifs du foie ( Hépatocarcinome) l’utérus (23). • Immuniser les enfants contre l’HBV. Une alternative possible pour la • Augmenter la sécurité des produits sanguins, dérivés plasmatiques, organes et tissus transplantés et des dons de sperme par le screening viral de ces produits. prévention est d’essayer d’agir • Augmenter la sécurité des processus de stérilisation médicaux, chirurgicaux et dentaires. sur les facteurs influençant la persistance de l’infection ou la transformation néoplasique des lésions cervicales. Dans le cadre • Eduquer les professionnels de médecine non traditionnelle et de rituel (acupuncture, scarification, circoncision) et ceux délivrant certains services (tatouage, piercing). des connaissances actuelles ces • Réduire les expositions professionnelles des soignants par leur formation. immunitaire (SIDA) (3), la multi- • Mettre en place des services permettant l’information et l’utilisation de seringues stériles par les utilisateurs de drogues en IV. parité (24), l’utilisation prolongée • Informer et Conseiller les jeunes sur les risques de certaines pratiques sexuelles et d’injections non stériles. facteurs sont dépression de contraceptifs hormonaux (25), le tabagisme (26), et certaines autres infections sexuellement transmises • Dépister les femmes enceintes porteuses d’HCV. la comme l’herpes (HSV2), les trichomonas et les • Informer, conseiller sur les risques liés à la consommation d’alcool, dénormaliser l’usage abusif. clamydiae (27, 28). Les vaccins • Mettre en place des contrôles pour éviter les contaminations alimentaires par aflatoxines. cependant la meilleure chance contre les virus HPV restent de contrôler l’infection par ces virus. Le vaccin doit être admi- 174 Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe nistré avant l’infection, idéale- ment réduire les coûts et aug- de campagnes de dépistage de ment dans l’enfance. Cependant menter la couverture vaccinale. masse nécessite d’importantes les essais actuels portent sur les Ceci inclut la réalisation d’un ressources tant humaines que jeunes femmes afin de pouvoir vaccin oral et stable qui ne matérielles et surtout l’accès obtenir nécessitera pas la conservation pour tous les sujets à tests posi- au froid tifs aux examens diagnostiques coûteuse, frigidaire..), et qui et au traitement (cf. chapitre pourra être fabriqué par les Dépistage). Un accès au diagnos- pays à ressources limitées. tic et au traitement restreint à résultats assez Les informations manquantes froid (chaîne du Beaucoup de questions, vis-à-vis une partie de la population rend de l’efficacité et de la rentabilité En parallèle de ces recherches les efforts de dépistage totale- des vaccins anti-HPV se posent l’intérêt, dans le cadre du dépis- ment inutiles (32). encore. tage, d’associer au frottis clas- • On ne sait pas bien quels sont sique le test de la présence d’HPV En conclusion, la prévention pri- les éléments du système immu- est en cours d’étude (29, 30). maire des cancers du col de l’uté- nitaire humain qui jouent un Mais, à l’heure actuelle, il n’a pas rus sera possible dans l’avenir par rôle important dans l’infection été démontré que le test de la vaccination anti-HPV des popu- à HPV. recherche de l’HPV puisse rem- lations; à l’heure actuelle, l’action • Les essais, s’ils permettent placer le frottis cervico-vaginal la plus efficace est la détection d’obtenir des réponses quant à dans le dépistage des lésions du des lésions précancéreuses et leur l’efficacité des vaccins sur col de l’utérus (cf. chapitre sur le traitement. Des programmes de l’infection dépistage). dépistage de masse adaptés aux à HPV, peuvent conduire à traiter inutilement conditions économiques et socio- des infections bénignes et sans Dans les pays «riches», les pro- culturelles de chaque pays doi- risque. grammes de dépistage par le vent être promus. • Les essais pour démontrer frottis et le traitement des lésions l’efficacité sur les lésions du col pré-cancéreuses et des cancers dans les populations à haut ainsi découverts ont permis de Helicobacter pylori (HP) et cancer risque vont prendre beaucoup diminuer fortement l’incidence et Le rôle d’HP dans le développe- d’années et, par conséquent, la mortalité des cancers du col. ment des cancers digestifs a devraient être commencés le Mais ces programmes se sont souvent été considéré, mais il plus vite possible. Mais ces révélés trop onéreux pour la n’est retenu actuellement que études sont coûteuses et ne plupart des régions à risque pour les cancers de l’estomac. seront probablement pas finan- élevé et faible revenu. Depuis 25 ans, en Europe, l’incidence des carcinomes gastriques cées par l’industrie pharmaceutique que ces marchés n’in- Des procédures alternatives sont décroît d’environ 5% par an téressent pas. actuellement testés dans divers aussi bien chez les femmes que • Au-delà de l’innocuité et de pays (31) afin d’évaluer leur rap- chez l’efficacité des vaccins, il est port coût/efficacité. Cependant, Portugal, en Grèce en Italie et aussi nécessaire d’étudier com- et de toute façon, l’organisation dans la majorité des pays de l’Est les hommes sauf Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe au Les infections des rapidement (5 ans environ). 175 où la décroissance est plus Les autres co-facteurs identifiés Interventions efficaces récente et nettement moindre. sont, d’une part une alimenta- Deux types d’intervention peu- HP parait aussi jouer un rôle tion riche en sel et en nitrates vent être envisagés: d’une part le dans la progression de lym- qui favorise la formation dans dépistage de l’infection à HP et phomes non Hodgkiniens primi- l’estomac de carcinogènes (nitro- son traitement par des antibio- tifs mais qui ne représentent que samines) contribuant à la pro- tiques, d’autre part une vaccina- 5% des tumeurs de l’estomac. gression la tion anti-HP. La première option muqueuse vers une transfor- semble être la moins réalisable L’évidence scientifique mation maligne et, d’autre part, car elle oblige à traiter une La bactérie HP qui colonise l’esto- une susceptibilité spécifique de grande partie des populations de mac a été isolée en 1982 pour la certaines personnes. A l’opposé tous âges. Une étude australien- première fois. L’infection est une consommation élevée de ne de simulation a conclu qu’un ubiquitaire et largement répan- fruits et de légumes réduit le tel programme (dépistage de HP due à travers le monde (2). Dans risque (33). et traitement) donnerait moins des lésions de la plupart des cas la primo-infec- 176 de résultat que de laisser se tion se situe dans l’enfance par Un élément, actuellement étudié poursuivre le déclin spontané de contamination orale et persiste est le rôle des divers types d’HP, l’incidence tel qu’il se produit en général sans symptôme; la certains pouvant induire plus depuis 15 ans. transmission est favorisée par la que d’autres des lésions d’atro- promiscuité, le manque d’hygiène phie de la muqueuse, condition La possibilité de ne réaliser cette et la pauvreté. Dans certains cas essentielle pour le développement option que chez les sujets âgés, cette infection se traduit par ultérieur de cancer gastrique. Les afin d’être plus «rentable» a été l’apparition de gastrite chro- types les plus pathogènes pour réfutée car, avec l’âge, la plupart nique, d’ulcère duodénal et, chez l’ulcère duodénal et le cancer des sujets à risque présentent un nombre encore plus petit gastrique ont été caractérisés: ce déjà une atrophie muqueuse d’individus, d’un cancer gas- sont ceux qui présentent les allè- irréversible, risque majeur de trique voir d’un lymphome à cel- les vacA, cagA (34-35) et les allè- cancer. L’action sur l’infection lule B (MALT: Mucosa Associated les iceA (36-37). L’hypothèse n’aurait donc plus d’impact sur Lymphoid Tissue). Cette bactérie selon laquelle seuls certains l’apparition du cancer (42). Des est donc considérée comme un types de la bactérie seraient car- vaccins efficaces sur l’animal ont carcinogène humain (2), mais, cinogènes expliquerait l’absence été développés mais aucun d’en- contrairement aux virus décrits de corrélation géographique entre tre eux n’a encore été testé chez plus est la prévalence de l’infection et l’in- l’homme. «faible». Ainsi peu des sujets cidence des cancers gastriques infectés vont développer un can- (38-39). Cependant une diminu- Lorsque l’on considère toutes les cer gastrique ou un ulcère du tion conjointe de l’incidence des interventions duodénum et il semble clair cancers gastriques et de la préva- l’élimination de l’infection à HP, maintenant qu’il s’agit seulement lence de l’infection à HP a été rap- on doit toujours se souvenir que d’un des facteurs contribuant au portée dans plusieurs études (40- cette bactérie colonise l’estomac mécanisme de la carcinogenèse. 41). de l’homme depuis au moins haut, l’association efficaces Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe dans 100’000 ans et a évolué en Conclusion sont quelques fois l’élément symbiose avec l’espèce humaine Un programme de prévention révélateur du SIDA chez les depuis cette période. Si seule- n’est encore justifié que dans les sujets HIV-positifs qui ont un ment quelques-uns des variants pays où le risque de cancer de risque de développer cette patho- génétiques sont pathogènes, les l’estomac reste élevé. L’approche logie 100 fois plus grand que la caractéristiques de l’hôte jouent la plus appropriée est la modifi- population générale (44). aussi un rôle dans l’évolution cation des habitudes alimen- L’immunosuppression pathologique de l’infection (35). taires et/ou l’éradication de HP. par le virus HIV-1 est le facteur causée Une meilleure connaissance de La priorité doit être donnée au qui facilite le rôle cancérigène du ces interactions pourrait aboutir moyen de conservation alimen- virus herpes 8, appelé virus à l’identification de groupes taire aussi bien au niveau des associé au SK et qui est un des sensibles, porteurs de germes structures industrielles (chaîne facteurs étiologiques de tous les pathogènes et qui bénéficieraient du froid, réduction du salage), SK associés ou non au SIDA. Les d’un traitement antibiotique. que dans les habitats individuels LNH sont le deuxième type de (réfrigérateur). L’éducation sur cancers associés au SIDA, en Une chimioprévention des can- une alimentation équilibrée et particulier les formes extra-gan- cers de l’estomac par divers sur l’hygiène à la préparation glionnaires. Ils se développent types de supplémentation a été des mets peut compléter un généralement proposée: β-carotène, rétinol, α- programme global. évolués de SIDA et sont une des tocophérol et vitamines, la vita- Pour les lymphomes de type causes les plus fréquentes de mine C entre autres. Deux étu- MALT, la faible incidence de la décès chez les sidéens. Les des conduites en Europe, l’une maladie ne justifie pas la mise en autres tumeurs que l’on retrouve avec le β-carotène, l’autre avec dans cas place d’un vaste programme de plus l’α-tocophérol, n’ont pas montré prévention. Le diagnostic précoce malades atteints de SIDA sont d’efficacité sur l’incidence des des pré-cancéreuses les lymphomes hodgkiniens, les cancers de l’estomac. Cependant permet un traitement efficace cancers du col de l’utérus pour les cancers de l’estomac dimi- par l’élimination de l’infection. les femmes, les cancers ano- lésions nuent fortement dans de nomsieurs décennies (43). Des modi- chez les rectaux et les carcinomes du Cancer chez les patients atteints de SIDA fications alimentaires – plus de foie. Pour tous ces cancers des agents étiologiques viraux ont été identifiés. Mais, aucun de ces fruits et de légumes, moins de Evidence scientifique virus ne représente une cause sel, et une conservation plus Le cancer est une complication unique suffisante pour induire hygiénique par le froid – s’adres- grave du SIDA. C’est l’augmenta- un cancer; l’immunosuppression sant en particulier aux jeunes tion d’incidence des sarcomes de due au HIV semble être le co- enfants, ont entraîné une dimi- Kaposi (SK) et des lymphomes facteur déclenchant leur action. nution et un retard à la primo- non Hodgkiniens (LNH) qui, aux infection qui a sûrement contri- USA, a attiré l’attention d’un lien Interventions efficaces bué à la diminution des cancers possible entre ces cancers et le La prévention primaire de ces de l’estomac. SIDA. Les sarcomes de Kaposi cancers repose en partie sur la Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe Les infections breuses populations depuis plu- fréquemment les 177 prévention de l’infection à HIV: de type indifférencié fréquent pays à bas risque voyaient dispa- sécurité des produits sanguins et dans raître l’excès de risque dès plasmatiques, stérilisation des Chine du Sud, Afrique du Nord la matériels médicaux, dentaires et et Esquimaux (5). Pour ces revanche, lorsque des sujets chirurgicaux, programmes édu- tumeurs les co-facteurs impli- jeunes, originaires d’un pays à catifs pour prévenir les toxico- qués sont, outre l’immunodéfi- bas risque, vivaient, un certain manies ou les pratiques sexuel- cience, une alimentation dans temps (une année ou plus) dans les à risque. l’enfance contenant des taux une zone à haut risque, leur certaines populations: génération. personnel En élevés de nitrosamines (conser- risque La prévention est aussi liée au vation par le sel en Chine ou (48). Il n’existe pas de vaccin traitement du SIDA: dans les éco- mijotage prolongé en Afrique du contre l’EBV testé chez l’homme. nomies riches autant l’incidence Nord (47) et une prédisposition des sarcomes de Kaposi que génétique qui permet au virus celles des lymphomes chez les qui normalement infecte les sujets HIV positifs a nettement lymphocytes B d’infecter les diminué avec l’utilisation large cellules épithéliales voisines. augmentait Recommandations pour les ONG Dans la prévention des infections virales ou autres associées aux des anti-rétroviraux (45-46). En Virus d’Epstein Barr résumé, sous certaines conditions d’immunodéficience, de prédisposition génétique, cancers: • Diffuser les informations sur les liens existant entre infec- Evidence scientifique d’alimentation contaminée dans Les lymphomes de Burkitt afri- l’enfance, l’EBV peut être carci- • Promouvoir la vaccination anti- cains, une petite proportion de nogène; ceci reste cependant une HBV des enfants en la faisant ceux qui apparaissent ailleurs, et complication rare de l’infection. introduire dans la liste des environ 70% des lymphomes La méconnaissance des inter- hodgkiniens (LH) de l’enfant sont actions existant entre l’infection • Promouvoir les recherches de associés au virus d’Epstein Barr persistante et la réponse immu- développement de vaccin, en (EBV) (7). L’immunosupression nitaire complique le développe- particulier vis-à-vis de l’HPV, est aussi un élément important ment d’un vaccin contre ce virus. • Réclamer la mise en place de tion et cancer, vaccins obligatoires, procédures de screening viral dans la carcinogénicité du virus. 178 deuxième L’infection à EBV est ubiquitaire Interventions efficaces dans la préparation des pro- et dans la plupart des cas sur- Aucune étude n’a démontré que, duits sanguins, plasmatiques, vient dans l’enfance. Générale- soit des modifications alimen- ment, de taires, soit un traitement de la • Réclamer le respect des stan- façon latente et ne donne lieu a déficience immunitaire, ait pu dards dans la stérilisation des aucun signe clinique, parfois elle modifier l’incidence des cancers équipements médicaux, den- se traduit par une mononucléose liés à l’EBV. Cependant, il a été infectieuse. L’EBV est également observé, pour les tumeurs du • Informer sur les risques liés à reconnu comme à l’origine de naso-pharynx, que les migrants des pratiques telles que le cancer du naso-pharynx (cavum) d’une zone à haut risque vers un tatouage, le piercing, l’acu- l’infection persiste tissus, spermatozoïdes… taires, chirurgicaux… Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe scarifications • Aider à la mise en place tribales, la circoncision, et les de programmes d’échange de réclamer une législation et des seringues chez les utilisa- contrôles, teurs de drogues en intravei- • Informer et éduquer les profes- neuses, les • Faire mettre en place des risques professionnels liés à contrôles sur les contamina- ces infections, tions alimentaires et sur la sionnels de santé sur • Organiser des actions d’éduca- composition des plats cuisinés tion, de conseil, d’aide au sevra- (sel), et promouvoir l’utilisation ge sur les différentes toxicoma- de chaînes du froid au niveau nies y compris l’alcool et sur les industriel et privé. pratiques sexuelles à risque, en • Promouvoir la prévention et la particulier pour les adolescents prise en charge thérapeutique et les jeunes adultes, de l’infection par le VIH (SIDA). Autres virus associés au cancer • D’autres virus comme l’HTLV1 (Human T-cell Lymphotropic virus type I) et peut-être aussi le type II, sont la cause de cancers hématologiques très rares: les leucémies ou lymphomes à cellules T, qui n’apparaissent que dans les zones où la prévalence de l’infection est élevée. L’hygiène sexuelle, et dans la période périnatale et dans les pratiques médicales est la seule option possible en prévention primaire. Prévention des cancers: Stratégies d’actions à l’usage des ONG européennes - Un manuel de l’UICC pour l’Europe Les infections puncture, 179 Bibliographie 1. International Agency for Research on Cancer. IARC monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol 59, Hepatitis viruses. Lyon: IARCPress, 1995. 2. International Agency for Research on Cancer. IARC monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol 61, Schistosomes, liver flukes and Helicobacter pylori. Lyon: IARCPress, 1994. 3. 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