JANVIER/FÉVRIER 2005 Volume 3, numéro 1 Ophtalmologie MC Conférences scientifiques COMPTE RENDU DES CONFÉRENCES SCIENTIFIQUES DU DÉPARTEMENT D’OPHTALMOLOGIE ET DES SCIENCES DE LA VISION, FACULTÉ DE MÉDECINE, UNIVERSITÉ DE TORONTO Les complications de la blépharoplastie – Partie 1 PAR JAM E S O E STR E IC H E R , M.D., FRCPC Les personnes qui envisagent la possibilité d’une chirurgie esthétique sont de plus en plus nombreuses. Les femmes et les hommes, quel que soit leur âge, leur profession ou leur niveau socio-économique, désirent maintenir une « persona » jeune et optimiser leur apparence. L’incidence de la chirurgie esthétique des paupières augmente de façon exponentielle, celle-ci étant réalisée par de nombreuses spécialités différentes. Cependant, lorsque des complications apparaissent, c’est à l’ophtalmologiste que l’on fait appel. Étant donné la myriade de complications possibles, il est essentiel de comprendre les problèmes qui peuvent se présenter et le traitement disponible et conseillé. Le Dr James Oestreicher, un chirurgien plasticien canadien de renom, a couvert ce thème intégralement et en raison de la complexité du sujet, sa présentation a été divisée en deux parties. Dans ce numéro d’Ophtalmologie – Conférences scientifiques, nous présentons la partie 1 et dans le prochain numéro, nous présenterons la partie 2. Jeffrey Hurwitz, rédacteur, Ophtalmologie – Conférences scientifiques La « blépharoplastie » est une intervention visant à modifier la forme, l’apparence ou la configuration des paupières, comme l’indique sa racine latine. En général, l’objectif est de restaurer des contours jeunes en réséquant les excès cutanés, graisseux et musculaires et en raccourcissant les structures de soutien, telles que les tendons canthaux et occasionnellement et plus important encore, en corrigeant des anomalies associées comme le ptosis, le ptosis du sourcil, l’entropion, l’ectropion ou la rétraction des paupières. Les complications peuvent être mineures ou sérieuses, mais sont probablement considérées d’un point de vue opposé par le chirurgien et le patient1,2. La confiance et la communication sont essentielles, comme dans toute relation entre médecin et patient, mais elles sont peut-être encore plus importantes pour une intervention de chirurgie esthétique totalement facultative associée à des attentes et à des normes élevées. L’assurance du chirurgien (qui ne devra pas cependant être excessive) et son expérience sont essentielles pendant la période postopératoire. La plupart des patients ont simplement besoin d’être rassurés. Cependant, certaines complications peuvent nécessiter une intervention « en parallèle » si le problème (habituellement une asymétrie) ne se résout pas. Le chirurgien doit connaître l’histoire naturelle de certains aspects postopératoires, en gardant à l’esprit comment la chirurgie s’est déroulée. Il doit éviter de subir la pression des patients anxieux ou exigeants qui le pousserait à une correction prématurée, tout en assurant à ceux-ci qu’ils pourront bénéficier d’une correction efficace en temps voulu dans le futur. Autrement dit, le chirurgien doit être à l’écoute de ses patients, mais placer leur intérêt au premier plan. Ce faisant, la confiance établie avant l’intervention se maintiendra pendant la période postopératoire critique (figure 1). Évaluation préopératoire Lors de la consultation initiale (et ultérieurement, si nécessaire), on encourage les patients à exprimer leurs désirs et leurs préoccupations au sujet de l’apparence esthétique et fonctionnelle de leurs paupières. Il est important que la consultation soit privée et de disposer d’un miroir à main d’une taille appropriée. Si les patients ne peuvent pas décrire ou démontrer les modifications et le résultat final qu’ils attendent, il incombe au chirurgien de faciliter la discussion ou de présenter des alternatives jusqu’à ce qu’il parvienne à un parfait accord avec son patient – sinon, l’intervention ne doit pas être réalisée. Il est important de s’enquérir des préoccupations de chaque patient, car celles-ci peuvent varier considérablement. À titre d’exemples, les patients peuvent avoir une aversion particulière pour les rides « de la patte d’oie » au coin des yeux ou peur de la cécité, d’un regard « fixe » ou des yeux ronds (très communs) ou le désir de ne plus avoir les yeux enfoncés (une Disponible sur Internet à : www.ophtalmologieconferences.ca FACULT Y OF MEDICINE Un i v e r s i t y o f To r o n t o Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision Jeffrey Jay Hurwitz, M.D., Rédacteur Professeur et président Martin Steinbach, Ph.D. Directeur de la recherche The Hospital for Sick Children Elise Heon, M.D. Ophtalmologiste en chef Mount Sinai Hospital Jeffrey J. Hurwitz, M.D. Ophtalmologiste en chef Princess Margaret Hospital (Clinique des tumeurs oculaires) E. Rand Simpson, M.D. Directeur, Service d’oncologie oculaire St. Michael’s Hospital Alan Berger, M.D. Ophtalmologiste en chef Sunnybrook and Women’s College Health Sciences Centre William S. Dixon, M.D. Ophtalmologiste en chef The Toronto Hospital (Toronto Western Division and Toronto General Division) Robert G. Devenyi, M.D. Ophtalmologiste en chef Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision Faculté de médecine Université de Toronto 60 Murray St. Bureau 1-003 Toronto (Ontario) M5G 1X5 Le contenu rédactionnel d’Ophtalmologie – Conférences scientifiques est déterminé exclusivement par le Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médicine, Université de Toronto. préoccupation fréquente chez les jeunes patients) et la crainte d’une longue période de récupération ainsi que de la douleur peropératoire et périopératoire. Le chirurgien doit également reconnaître les attentes irréalistes, par ex. les patients qui ne veulent aucun pli sur la paupière supérieure, les patients qui après l’intervention (même s’ils donnent déjà l’impression d’une surcorrection) désirent encore une « amélioration », ceux qui planifient de reprendre des activités professionnelles très exigeantes le jour suivant l’intervention et d’autres qui prévoient un voyage pendant la première semaine de l’intervention. Les patients qui considèrent la chirurgie esthétique comme un produit et non comme un acte médical avec les risques associés qu’il comporte ne devraient pas être opérés. Alors que certains patients irréalistes peuvent être éduqués et ultérieurement opérés en toute confiance, cela n’est pas le cas pour d’autres3. Le chirurgien doit demander systématiquement au patient s’il souffre d’une maladie cardiaque ou de la thyroïde, d’hypertension, de diabète, de diathèse hémorragique, d’allergies de même que s’il prend des médicaments et s’il a tendance à la formation de cicatrices kéloïdes. Les patients doivent arrêter de prendre de l’aspirine, des anticoagulants, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, de la vitamine E, du Gingko et d’autres plantes médicinales jusqu’à trois semaines avant l’intervention, si possible. Le chirurgien doit rechercher la présence éventuelle de maladies ophtalmiques et périoculaires en établissant les antécédents et en effectuant un examen ophtalmologique complet. L’examen doit inclure une évaluation de la vision, de la motilité, du strabisme, de l’asymétrie orbitaire ou palpébrale, des yeux secs, du ptosis, de la rétraction des paupières, de l’exophtalmie, de la hauteur du pli palpébral, de la laxité de la paupière, de l’exposition sclérale inférieure, de l’entropion, de l’ectropion, du ptosis des sourcils et de l’asymétrie. Un examen à la lampe à fente et le test de Schirmer sont nécessaires selon l’opinion de cet auteur. La quantité de peau en excès ou le degré de prolapsus de la graisse rétro-oculaire, la position des glandes lacrymales et l’importance des rides de la patte d’oie au coin des yeux et de l’hernie graisseuse médiale sont des éléments importants lors de la planification de l’intervention. Des facteurs importants à évaluer au niveau des paupières inférieures sont l’excès de peau, les fines rides, le prolapsus de la graisse (quantité et localisation), les poches malaires, la laxité de la paupière, l’exposition sclérale et les caractéristiques pigmentaires. Les caractéristiques faciales raciales, ethniques ou congénitales du patient doivent être notées et examinées, afin de déterminer ce qui doit être modifié, le cas échéant. D’anciennes photos sont utiles, en particulier pour déterminer la configuration du pli palpébral supérieur lorsque le patient était jeune. De nombreuses personnes n’ont jamais eu une grande paupière supérieure (elles ont toujours eu une paupière assez courte) et la hauteur de leur pli palpébral est de 7 mm et non de 10 mm. C’est habituellement une erreur de modifier la nature des paupières supérieures de façon trop radicale, à moins que ce souhait et que l’apparence postopératoire éventuelle soient expliqués en détail. Le patient doit bien comprendre que les anciennes photos ne représentent pas une garantie ou même un objectif, mais servent plutôt de guide. Lorsque l’on planifie l’intervention, il faut déterminer notamment si elle doit être réalisée sur les paupières supérieures ou inférieures ou sur les quatre. La technique (lame en acier vs laser au CO2, blépharoplastie inférieure transconjonctivale vs externe) doit être déterminée ainsi que les interventions additionnelles. Celles-ci incluent la réparation du ptosis du sourcil (transblépharoplastie interne, directe, coronaire ou endoscopique), la réparation du ptosis, la suspension de la glande lacrymale, l’agrandissement de la paupière et le resserrement de la paupière inférieure ou canthopexie latérale (externe). Une autre décision importante est l’excision cutanée au niveau de la paupière inférieure ou le resurfaçage au laser (ou aucune des deux interventions). Cet auteur privilégie la blépharoplastie au laser CO2 avec une approche transconjonctivale. Le resurfaçage cutané au laser CO 2 est utile dans les cas d’excès de peau et de poches (chez les patients ayant des types de peau appropriés). L’élévation chirurgicale des sourcils est surappréciée et excessive. La résection de la graisse au niveau des paupières inférieures est préférable au repositionnement de la graisse. L’élévation de la partie médiane du visage est une intervention risquée et surappréciée. Complications Hémorragie orbitaire avec perte de vision Cette complication se situe en haut de la liste des complications pour tous les chirurgiens, bien que statistiquement, la plupart n’en feront jamais l’expérience. On estime que l’incidence est de 1 cas pour 2000 à 1 cas pour 25 0004. Les facteurs de risque comprennent bien sûr l’hypertension, l’utilisation d’anticoagulants ou d’agents antiplaquettaires, une intervention chirurgicale compliquée et prolongée et la réintervention sur les tissus cicatriciels. L’étiologie est une forme de syndrome de loge, l’orbite étant limitée par quatre parois osseuses et la cloison orbitaire jouant le rôle de compartiment. Lors d’une hémorragie aiguë, la pression intraorbitaire augmente soudainement et l’apport de sang au nerf optique est supprimé. Par conséquent, toute augmentation concomitante de la pression intraoculaire est secondaire et son traitement n’influencera pas le résultat. L’utilisation du laser CO2 a probablement réduit l’incidence de cette complication, étant donné qu’il coagule tout en excisant et évite une traction excessive due au clampage de la graisse avant la cautérisation et la résection. La reconnaissance de cette complication est essentielle, tout comme une réponse rapide. Le chirurgien notera l’exophtalmie, la motilité réduite, la tension orbitaire accrue et habituellement, une hémorragie associée. Le patient souffrira d’une douleur asymétrique et sa vision sera réduite. Les protecteurs oculaires utilisés pour le laser (lentilles de contact sclérales métalliques) bloquent la vision et doivent être retirés Figure 1 : Complications de la blépharoplastie – la lagophtalmie A. La paupière inférieure de ce patient montre un ectroption cicatriciel avec cicatrisation lamellaire médiane causant la rétraction de la paupière après une blépharoplastie. Le patient souffre de lagophtalmie symptomatique sévère avec une apparence disgracieuse. B. Lagophtalmie importante. Le patient souffre d’une kératite d’exposition symptomatique, malgré la lubrification importante et la fermeture de la paupière à l’aide d’un ruban adhésif la nuit. pour évaluer l’acuité visuelle. Le patient peut identifier la présence d’une hémorragie postopératoire s’il a été correctement informé de la possibilité d’une douleur inhabituelle et asymétrique, d’une vision réduite ou d’une exophtalmie. Il faut indiquer au patient de vérifier la vision de chacun de ses yeux individuellement. Des dispositions doivent être prises avec les urgences pour qu’une évaluation et une intervention rapide puissent être réalisées5. Il est essentiel que le patient reçoive rapidement un traitement. Le contrôle des points hémorragiques évidents, le cas échéant, est important. Cependant, la libération rapide de la pression orbitaire par l’ouverture de la plaie, la canthotomie latérale et la cantholyse inférieure et/ou supérieure sont essentiels. Le chirurgien doit accéder postérieurement dans l’orbite, descendre la paroi latérale et traverser les plaies pour atteindre les hématomes profonds et relâcher la pression. Si cette intervention est effectuée dans le plan de la paroi latérale et dans le plan de l’aponévrose du muscle releveur et du muscle droit inférieur (parallèles à ces structures), le risque de lésions importantes des structures orbitaires est faible. Une hémorragie orbitaire franche avec exophtalmie, un globe oculaire gelé et la perte de vision nécessitent des mesures audacieuses. Les agents osmotiques systémiques (mannitol) et les corticostéroïdes sont des traitements d’appoint, mais ne remplacent pas le relâchement rapide de la pression. Une décompression osseuse réelle – soit au chevet du patient par le biais du plancher inféro-médial ou de façon plus complète dans la salle d’opération – est rarement nécessaire. Les médicaments antiglaucomes ou le drainage de la chambre antérieure sont des traitements visant l’occlusion de l’artère rétinienne centrale et non l’hémorragie orbitaire. L’examen de tomodensitométrie axiale des orbites est important, mais uniquement après que le traitement ait été administré. Un hématome profond cloisonné n’est identifié que rarement. Habituellement, on voit une traînée de sang C. Paupière inférieure du même patient montrée en A et B après le redrapage de la peau de la paupière inférieure (la greffe cutanée n’est pas nécessaire) ainsi que l’élévation de la paupière inférieure et l’élimination de la cicatrice par une greffe de muqueuse prélevée sur le palais dur. L’ectropion ou la rétraction ont été essentiellement éliminés de même que la lagophtalmie. et de l’air qui sont plus probablement les signes d’un traumatisme chirurgical. Malheureusement, après 1 à 6 heures de perte totale ou quasi-totale de la vision, il est improbable que le traitement soit efficace. Jusqu’à 24 heures, on peut utiliser la cantholyse, la libération de la pression (si l’orbite est encore tendue) et la corticothérapie. Cependant, après cette période, on peut infliger un traitement excessif au patient et l’exposer à des complications additionnelles avec très peu de perspective d’amélioration. Après 24 heures de traitement par des corticostéroïdes à des doses pour « traumatisme rachidien » (solu-médrol 30 mg/kg en bolus pendant 5 minutes suivi de 5,4 mg/kg par heure) sans réponse, le traitement doit être arrêté, possiblement après un deuxième examen d’imagerie. Étant donné que le temps est un facteur essentiel, il faut reconnaître que la canthotomie/cantholyse et la libération de la pression au chevet du patient ne doivent pas être réalisées obligatoirement par un chirurgien oculo-plasticien. Tous les ophtalmologistes devraient pouvoir traiter sans problème une hémorragie orbitaire par une canthotomie et une cantholyse. L’hospitalisation du patient après le traitement est recommandée, avec une surveillance étroite de l’acuité visuelle, l’élévation de la tête, des compresses d’eau glacée et l’administration de corticostéroïdes intraveineux jusqu’à ce que la vision soit stable pendant 24 heures et qu’un examen de tomodensitométrie axiale ait été réalisé. Les corticostéroïdes peuvent être arrêtés soudainement s’ils ont été administrés pendant moins de 3 jours, même à des doses extrêmement élevées. Des antibiotiques topiques et systémiques sont utilisés pour les plaies ouvertes, et la réparation des plaies est planifiée de façon non urgente dans un délai de 1 à 2 semaines, si elles ne se referment pas avant. Le personnel hospitalier ou le patient doit surveiller la stabilité de la vision qui s’est améliorée pendant 1 à 3 jours après l’arrêt du traitement. Ecchymose superficielle ou hématome Tout patient ayant subi une blépharoplastie présentera une ecchymose superficielle et dans une certaine mesure, un hématome ; l’ecchymose n’est donc pas réellement une complication, mais plutôt un effet secondaire escompté. Cependant, si elle est excessive, elle peut prolonger la période de rétablissement et entraîner une infection, une cicatrisation et une pigmentation de la peau. L’utilisation du laser CO2 minimisera l’ecchymose, de même que le fait de ne pas utiliser de façon continue des médicaments ayant des effets anticoagulants, le contrôle de l’hypertension et le fait d’éviter tout traumatisme postopératoire, de se pencher ou de faire des efforts. Il est important pour le chirurgien d’effectuer la cautérisation avec minutie, soit en défocalisant le laser CO 2 soit en effectuant une cautérisation bipolaire. Dans ce cas précisément, l’obsession du chirurgien d’assurer un champ opératoire sec sera bénéfique pour le patient. Le traumatisme résultant de la cautérisation est moins important que le traumatisme d’une ecchymose prolongée après l’intervention. Le patient peut accélérer son rétablissement en prenant quelques mesures simples. Il doit se reposer en surélevant sa tête à au moins 45 à 60o. Il doit appliquer continuellement sur ses yeux des compresses d’eau glacée pendant 3 jours (excepté lorsqu’il mange ou dort). Les patients se rétabliront plus vite lorsque les compresses sont appliquées pratiquement constamment pendant la première nuit. Les poches de glace ou les masques glacés sont trop lourds et froids et peuvent endommager les tissus de la paupière ou entraîner la dehiscence de la plaie. Selon des rapports anecdotiques, l’arnica (une plante médicinale favorisant la cicatrisation) par voie orale avant et après l’intervention contribue à réduire l’hématome lorsqu’elle est prise à des doses normales. Lésions oculaires De toute évidence, la blépharoplastie est réalisée très près du globe oculaire et il existe une possibilité de lésions. Le risque est accru chez les patients présentant une exophtalmie, comme ceux atteints de maladie de la thyroïde entraînant une atteinte oculaire ou présentant une boursouflure importante ou en saillie liée à un glaucome. Des lésions du globe oculaire peuvent survenir avec le laser CO 2 , un scalpel en acier ou des injections locales d’anesthésiques. Les protecteurs oculaires utilisés pour laser sont essentiels avec le laser CO 2, mais la lubrification oculaire doit être suffisante pour éviter l’abrasion cornéenne lorsque qu’ils sont insérés et retirés. Le laser doit toujours être dirigé loin du globe oculaire même lorsque les protecteurs sont en place. La mesure de l’acuité visuelle et l’examen à la lampe à fente sont essentiels lors de la première consulta- tion postopératoire (presque toujours le jour suivant l’intervention) pour exclure une lésion oculaire et documenter son absence. La lubrification oculaire et de la plaie avec un onguent antibiotique ophtalmique après l’intervention est très importante pour prévenir la dégradation cornéenne, la sécheresse oculaire et le chémosis conjonctival. En effet, la plupart des patients présentent initialement une légère lagophtalmie due à l’effet de l’anesthésique local sur le muscle orbiculaire, qui cause une enflure et une raideur de la paupière. Un cercle vicieux peut s’installer par lequel la conjonctive chémotique sèche car elle est enflée, puis devient enflée car elle est sèche. Cela peut également entraîner la formation d’un dellen cornéen ou la cornée sèche peut se dégrader de novo. Les patients ne doivent pas conduire pendant une semaine du fait de leur vision trouble causée par l’utilisation d’un onguent. Dans le contexte d’une blépharoplastie, les abrasions cornéennes non infectées sont traitées idéalement avec une lentille-pansement. Cela permet le soulagement rapide des symptômes, une guérison rapide, la surveillance de la vision et l’on évite la pression sur les plaies causée par un pansement. Cependant, l’utilisation d’une lentille de contact nécessite des visites quasi-quotidiennes chez le chirurgien jusqu’à ce que l’abrasion soit guérie et que la lentille soit retirée. Toute lésion réelle du globe oculaire doit faire l’objet d’un traitement approprié d’urgence par un ophtalmologiste. Diplopie Fort heureusement, la diplopie après la blépharoplastie est extrêmement rare. La forme la plus fréquente est causée lorsque pendant l’intervention, on ajoute à l’anesthésique local une injection directe de graisse lorsque la conjonctive (paupière inférieure) ou la peau (paupière supérieure) est ouverte. La diffusion de l’anesthésique local est plus rapide et plus étendue, ce qui affecte d’autres structures, telles que les nerfs crâniens. Le petit oblique et le muscle releveur doivent être identifiés (et préservés) durant l’intervention, afin de s’assurer qu’ils n’aient pas subi de lésions. La diplopie se manifeste habituellement sous une forme suggérant l’extravasation d’un anesthésique local (p. ex. une paralysie partielle du troisième ou du sixième nerf). Si cela est une source de préoccupation, le patient doit rester sous observation jusqu’à la présence de signes d’amélioration. Malgré l’utilisation d’un mélange de lidocaïne et de marcaine, cette forme de diplopie disparaît toujours le jour suivant. La lésion du petit oblique ou moins fréquemment d’autres muscles extraoculaires est rare. Un saignement excessif est un signe de lésion imminente du muscle. Le chirurgien doit stopper le saignement mais en même temps, éviter une cautérisation excessive ou un autre traumatisme Ophtalmologie Conférences scientifiques du muscle. Le petit oblique divise le coussinet adipeux inférieur médial du coussinet adipeux inférieur central et il devrait donc être facilement identifié et protégé. C’est également un bon moyen d’assurer que le coussinet adipeux médial n’ait pas été « oublié » lors de la résection de l’excès de graisse. La diplopie qui persiste après le premier jour disparaîtra souvent avec des exercices de mouvements des yeux ou de fusion s’il n’y a pas de déficit important. Occasionnellement, l’assistance d’un collègue spécialisé dans le strabisme peut être très utile si le déficit persiste. Enfin, certains patients développent une paralysie des nerfs crâniens non liée à l’intervention chirurgicale quelques semaines ou quelques mois après celle-ci, par hasard uniquement. Ces patients doivent faire l’objet d’examens et être suivis normalement pour ce type d’affections. Ptosis Il est assez fréquent que les patients qui subissent une blépharoplastie supérieure présentent divers degrés de ptosis le jour après l’intervention. Le chirurgien expérimenté qui a identifié et préservé le muscle releveur et l’aponévrose durant l’intervention ne paniquera pas. L’œdème de la paupière et l’œdème du muscle releveur sont des causes temporaires fréquentes de ptosis. L’aponévrose du muscle releveur se situe dans la zone de la résection de l’excès de graisse durant une blépharoplastie supérieure et il est naturel d’observer occasionnellement une dysfonction peu de temps après l’intervention. Cependant, il existe plusieurs mises en garde. Le chirurgien doit connaître l’anatomie de son patient pour établir une distinction entre la cloison et le muscle releveur. La cloison doit être ouverte si l’on doit réséquer un excès de graisse, mais non le muscle releveur. Les deux fusionnent sur la partie inférieure de la paupière supérieure et il est donc conseillé au chirurgien non expérimenté d’ouvrir la cloison plus haut dans une zone où il existe une bonne barrière de graisse pré-aponévrotique sousjacente pour protéger le muscle releveur. La cloison fusionne avec l’arcade marginale orbitaire et donc, si on effectue une traction, elle se resserre lorsque l’on place un doigt sous le sourcil. De même, elle ne bougera pas lorsqu’on la saisit et que l’on demande au patient de regarder en haut, mais le muscle releveur sera comme « une truite qui tire sur une canne à pêche ». De plus, lorsque la graisse préaponévrotique est saisie et que les attaches de la cloison sont divisées, on peut tirer l’aponévrose superficielle du muscle releveur avec celle-ci. C’est pourquoi il est important de prendre des précautions pour libérer la graisse du muscle releveur sous-jacent, étant donné que ce dernier peut être endommagé par inadvertance. De même, lorsqu’on utilise le laser CO 2 pour libérer les lobules graisseux, il est nécessaire d’utiliser une « butée », habituellement un coton- tige pour absorber l’énergie du laser transmise et éviter les lésions des tissus sous-jacents (p. ex. le muscle releveur, le muscle de Müller, la conjonctive et le globe oculaire). Le même principe s’applique à la résection de l’excès de graisse au niveau de la paupière inférieure pour protéger le petit oblique. Si l’on observe une lacération du muscle releveur, elle doit être réparée si elle cause un ptosis. Il peut être nécessaire de réduire la sédation du patient, afin d’effectuer une évaluation précise de la hauteur de la paupière ; il est également utile d’asseoir le patient bien droit. En l’absence de lacération du muscle releveur, un ptosis postopératoire persistant fait habituellement l’objet d’un suivi de 3 mois avant sa réparation, étant donné que dans la majorité des cas, il disparaîtra durant cette période. L’exception est le patient qui a fait l’objet d’une blépharoplastie combinée à une réparation du ptosis par l’avancement de l’aponévrose du muscle releveur qui est de toute évidence sous-corrigée après environ une semaine. La plaie peut être facilement ouverte et le fil de suture du muscle releveur qui a glissé peut être assez facilement remplacé. Cependant, une autre option est d’attendre la fin des trois mois et d’utiliser la technique de Fasanella-Servat postérieure, évitant ainsi l’ouverture complète de la plaie antérieure. Cette opération est rapide, prévisible et évite la surcorrection et des anomalies de la cicatrisation. Le fait d’éviter la souscorrection ou la surcorrection dans la réparation du ptosis combinée à la blépharoplastie est un sujet de discussion en soi. Une dissection soigneuse, la sédation légère, des plans de tissus secs nets et le mise en place délicatement du fil de suture sont des facteurs importants. Cependant, les patients doivent être informés qu’il existe un risque certain de réintervention dans ces cas plus complexes. Dehiscence de la plaie Même un traumatisme postopératoire mineur peut entraîner la dehiscence de la plaie si le patient est malchanceux. L’infection et un sommeil agité peuvent être des facteurs de risque supplémentaires. On préfère les sutures cutanées avec du prolène 6-0 (qui peut imbriquer le muscle releveur ou les tissus prétarsiens pour la formation d’un pli). Le prolène est inerte et se noue proprement, ce qui est utile pour la fermeture précise d’une plaie. Les fils de suture résorbables de la paupière supérieure, dans la peau ou enfouies, entraînent un risque de réaction tissulaire ou de dehiscence. Les fils de soie dans les plaies de la blépharoplastie supérieure sont moins satisfaisants. La guérison des incisions au laser CO 2 nécessite 7 jours ; par conséquent, les fils de suture sont retirés le 7e ou le 8e jour. Une suture à points continus en prolène, avec plusieurs renforcements interrompus, est utile. La gêne que procure le retrait de la suture est minimisée par l’utilisation d’une pince de bijoutier et de ciseaux de Vannas. Ophtalmologie Conférences scientifiques L’incision conjonctivale faite dans la blépharoplastie transconjonctivale ne nécessite jamais de sutures. Celles-ci causent plus de mal que de bien. Il est souvent nécessaire de resserrer la paupière inférieure au moment de la blépharoplastie. Si le recours à la technique de prélèvement d’une bande tarsienne complète6,7 est nécessaire, le patient est prévenu d’éviter de tirer ou de dormir sur la paupière, afin d’éviter la dehiscence. Des points de suture profonds en prolène 5-0 (tarse au périoste) et des points de suture cutanés en soie 6-0 sont utilisés, les points de suture en soie étant enlevés après 7 à 9 jours. Une légère dehiscence peut être traitée par des antibiotiques topiques ou oraux, mais une dehiscence complète nécessite un débridement et une réparation rapide pour éviter la rétraction de la paupière inférieure et la formation d’une cicatrice. Une laxité palpébrale légère est traitée par une forme de plicature latérale du tendon canthal lors de la blépharoplastie inférieure. Dans ce cas, la dehiscence est moins fréquente et plus légère et par conséquent, elle peut habituellement être traitée par un traitement de soutien. Nous poursuivrons l’examen des complications de la blépharoplastie dans la partie 2 dans le prochain numéro d’ Ophtalmologie – Conférences scientifiques . D’autres problèmes tels que les anomalies pigmentaires, l’épiphora et la gêne oculaire, la surcorrection de la paupière supérieure, la surcorrection et la rétraction de la paupière inférieure, l’asymétrie et la blépharoplastie des asiatiques seront examinés. Références 1. McCord CD Jr, Shore JW. Avoidance of complications in lower lid blepharoplasty. Ophthalmology 1983;90:10391046. 2. Tenzel RR. Complications of blepharoplasty. Clin Plast Reconstr Surg 1981;8:797-802. 3. Wilkins RB. Evaluation of the blepharoplasty patient. Trans Am Acad Ophthalmol 1978;85:703-704. 4. Hass AN, Penne RB, Stefanyszyn MA, Flanagan JC. Incidence of postblepharoplasty orbital hemorrhage and associated visual loss. Ophthal Plast Reconstr Surg 2004;20:426-432. Réunion scientifique à venir 13 au 15 avril 2005 World Cornea Congress V Washington, DC Renseignements : Meeting Services Tél. : 866 614-5502 Fax : 877878-3388 Courriel : [email protected] Site web : www.ascrs.org Université de Toronto Département d’Ophtalmologie et des Sciences de la vision Événements à venir 3 mars 2005 PPI – Dr Kerry Bowman, Toronto, ON Ethics of advertising 7-8 mars 2005 Jack Crawford Day – Hospital for Sick Children 17 mars 2005 PAUSE DE MARS 7 avril 2005 PPI – Dr Paul Edward, Detroit, Michigan Diabetic Retinopathy 14 avril 2005 PPI – Dr David Zee, Baltimore, Maryland Congenital nystagmus – mechanism and treatment 28 avril 2005 PPI – Dr Steve Baker, Victoria C.-B. Management of Orbital infection 5 mai 2005 PPI – à préciser 19 mai 2005 Réunion combinée de l’Université de Toronto et de TOS Note : La réunion du PPI se tiendra cette année à l’Hôpital St Michael, 30 Bond Street, Toronto – Paul Marshall Lecture Theatre, B1 – Queen, Entrée Queen Street (près de Second Cup) 5. Goldberg RA, Marmor MF, Shorr N, et al. Blindness following blepharoplasty: two case reports, and a discussion of management. Ophthalmic Surg 1990;21:85-89. Les avis de changement d’adresse et les demandes d’abonnement pour Ophtalmologie – Conférences Scientifiques doivent être envoyés par la poste à l’adresse C.P. 310, Succursale H, Montréal (Québec) H3G 2K8 ou par fax au (514) 932-5114 ou par courrier électronique à l’adresse [email protected]. Veuillez vous référer au bulletin Ophtalmologie – Conférences Scientifiques dans votre correspondence. Les envois non distribuables doivent être envoyés à l’adresse ci-dessus. Poste-publications #40032303 6. Anderson RL, Gordy DD. The tarsal strip procedure. Arch Ophthalmol 1979;97:2192-2196. 7. Jordan DR, Anderson RL. The lateral tarsal strip revisited: The enhanced tarsal strip. Arch Ophthalmol 1989;107: 604-606. La version française a été révisée par le professeur Pierre Lachapelle, Montréal. L’élaboration de cette publication a bénéficié d’une subvention à l’éducation de Novartis Ophthalmics © 2005 Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto, seul responsable du contenu de cette publication. Édition : SNELL Communication Médicale Inc. avec la collaboration du Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto. MDOphtalmologie – Conférences scientifiques est une marque de commerce de SNELL Communication Médicale Inc. Tous droits réservés. 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