De l`exercice du pouvoir entre parents et professionnels dans le

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Bonnefoy, Christine
De l'exercice du pouvoir entre parents et
professionnels dans le cadre de la protection de
l'enfance:études des conditions d'exercice du
pouvoir, entre contrainte et négociation, quelle
place pour le conflit
dir.: Bernard Vallerie. Rhône-Alpes: Collège
coopératif Rhône-Alpes, 2007, 149 p.
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INTRODUCTION GENERALE
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Les structures de protection de l’enfance, celles qui ont en charge la protection des
enfants en danger ou en risque de l’être à la suite de maltraitance, abus ou carences
éducatives graves, ont pendant très longtemps exercé leurs missions auprès de l’enfant
sans associer la famille au travail éducatif mis en place. La famille était considérée
comme défaillante, incompétente, toxique, responsable des troubles de l’enfant et c’est
donc par la séparation et l’éloignement du milieu familial que l’évolution de l’enfant
était envisagée.
Les années 80 marquent un véritable changement dans le système de protection, la
question du droit des usagers et de leur participation aux interventions sociales est en
débat.
Le rapport Bianco Lamy participe pleinement de cette ouverture. Il pointe en effet de
graves dysfonctionnements dans le système de protection de l’enfance et met en
évidence l’exclusion de la famille. Il en découlera le premier texte législatif portant sur
le droit des usagers. C’est la loi de 1984, dite loi « Dufoix » qui reconnaît pour la
première fois des droits aux familles – droit d’être informées, associées, accompagnées
au cours de la procédure. La famille devient responsable et non plus coupable et les
parents sont invités à participer au projet de leur enfant.
Ces nouvelles conceptions sont soutenues par les recherches menées en psychologie
autour du processus d’attachement. Bowlby, Spitz et Winnicott mettent en évidence
l’importance des premières relations mère/enfant dans le développement de l’enfant et
dénoncent les graves dommages qui résultent d’une séparation précoce et prolongée. Le
traumatisme de la séparation et la question du lien ne peuvent plus être ignorés.
Ce nouveau courant théorique et législatif interroge les conceptions traditionnelles et
demande aux institutions de repenser leurs pratiques.
La place de la famille dans le secteur de la protection de l’enfance, qui plus est dans les
structures d’hébergement, est donc une question très récente au regard de l’histoire de
ce secteur.
C’est dans un premier temps, à partir de notre1 parcours et de notre pratique
professionnelle que naît notre questionnement de recherche. Dans un second temps,
1 Nous utiliserons le nous de majesté qui grammaticalement s’accorde en genre et non en nombre.
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nous l’ouvrirons pour construire une problématique qui concernera plus globalement le
secteur dans son entier.
En 1987 nous obtenons notre diplôme d’état d’éducatrice spécialisée et nous
travaillerons onze ans en structures d’hébergement (Institut Médico Psycho
Pédagogique, Maison d’Enfants à Caractère Social et Foyer Départemental de
l’Enfance) auprès d’enfants et d’adolescents en difficultés sociales, familiales,
psychologiques. L’action éducative est centrée sur l’enfant et aucun dispositif
d’accompagnement n’est proposé aux familles dans les différents établissements
nous exercerons nos fonctions. Lors de notre premier poste, en deux ans, nous ne
rencontrerons aucun parent. Au cours de notre deuxième expérience, les rencontres avec
les parents sont toujours informelles (départ et retour de week-end) et la dimension
familiale est absente du projet éducatif de l’enfant. Durant les six années d’intervention
au foyer départemental de l’enfance dans le cadre d’un groupe d’accueil d’urgence pour
adolescents, nous ne rencontrerons qu’exceptionnellement les parents, toujours pour des
raisons précises lorsqu’ il s’agit de « recadrer »2 une prise en charge.
En 1998, l’équipe dont nous faisons partie se voit confier le projet de création d’une
structure de milieu ouvert pour les jeunes de 11 à 15 ans sur le modèle du S.A.S.E.P.
(Service d’Actions Sociales et Educatives de Proximité) outil spécifique au département
de la Savoie créé pour la première fois en 1993. Ce dispositif, inscrit dans le cadre de la
prévention, se positionne dans une alternative entre le placement traditionnel et les
mesures d’A.E.M.O (Action Educative en Milieu Ouvert). L’intervention éducative
repose sur un accueil séquentiel, hors hébergement des adolescents et sur l’idée d’un
contrat entre la famille et le service. Pas de mesure de contrainte, une adhésion de la
famille, des objectifs et des modalités d’intervention fixés en concertation avec la
famille. Les jeunes sont accompagnés par l’équipe éducative sur le plan personnel,
scolaire, social (accueil en soirée en dehors des temps scolaires) et un travail familial se
met en place avec pour support des entretiens familiaux réguliers.
Cette expérience nouvelle vient interroger nos postures éducatives et notre identité
professionnelle, il ne s’agit plus de faire ou penser à la place de la famille mais bien de
construire avec elle les orientations de travail la concernant. Nous passons d’une
2 Recadrer entendu dans le sens de rappeler la règle, la loi à l’enfant ou au parent qui la transgresse.
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pratique éducative de plus de 10 années centrée sur l’enfant ou l’adolescent qui exclue
les parents à la prise en compte et la reconnaissance de la famille dans l’exercice d’une
mesure d’intervention sociale. Sans confondre un cadre de travail en milieu ouvert, hors
hébergement, hors contrainte judiciaire et une situation de placement ordonné par le
juge des enfants, il nous semble que notre double appartenance – dispositif de
prévention d’une part et structure de placement d’autre part – vient enrichir le regard et
le point de vue que nous portons sur cette question de la place des familles.
Parallèlement à notre fonction d’éducatrice spécialisée exercée au S.A.S.E.P., nous
remplissons au sein du foyer départemental de l’enfance une mission de coordonnatrice
du travail avec les familles. A ce titre nous participons à un dispositif d’entretiens
familiaux, nous animons un groupe de pilotage chargé de promouvoir une réflexion
institutionnelle sur ce thème et nous proposons des actions de formation autour du
travail avec les familles.
Au foyer de l’enfance, la notion de danger qui conduit au placement et à la séparation
est liée à des fonctionnements familiaux qui ne permettent plus à l’enfant de se
développer de manière suffisamment positive en raison de situations de maltraitance
physique et ou psychologique, carence éducative ou violence familiale.
Des enfants de un jour à treize ans sont ainsi accueillis, en grande majorité sur décision
judiciaire, pour être protégés, sécurisés et accompagnés au quotidien par l’équipe
éducative (moniteur éducateur, éducatrice de jeunes enfants, auxiliaire de puériculture).
Une équipe médico-psychologique propose également un suivi spécifique en fonction
des difficultés repérées.
Les parents conservent l’autorité parentale et leur droit de visite ou d’hébergement est
fixé par l’ordonnance du juge des enfants en fonction du caractère de danger qui a
motivé le placement.
Inscrit dans une nécessaire évolution, en lien avec les changements théoriques et
législatifs, le foyer départemental de l’enfance entend développer une réflexion sur la
place des familles dans la mesure de placement.
Cet engagement est porté par un contexte politique et juridique. Sur le plan politique en
effet, le conseil général de la Savoie entend positionner la famille au cœur des
fondements de l’action sociale. Le schéma départemental 2005-2010 réalisé
conjointement avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse, la Caisse d’Allocations
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