Thèse

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UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
*******************
ANNEE 2008-2009
N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Gynécologie obstétrique
-----------------------Présentée et soutenue publiquement le 26 juin 2009
A la faculté de médecine de Paris VI Pierre et Marie Curie
-----------------------Par Amélie NGUYEN
Née le 26 janvier 1979 à Choisy-Le-Roi
-----------------------TITRE DE LA THESE : Pronostic des grossesses après antécédent de mort fœtale in
utero : A propos de 110 grossesses suivies à l’hôpital Saint Antoine
PRESIDENT DE THESE :
Monsieur le Professeur Emile Darai
LE CONSERVATEUR DE LA
BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
DIRECTEUR DE THESE :
Monsieur le Professeur Bruno Carbonne
Signature du Président de thèse :
Cachet de la
Bibliothèque universitaire
A Monsieur le Professeur Carbonne,
Merci d’avoir accepté de diriger cette thèse mais surtout d’avoir guidé mes pas tout le long de
mon internat. Ta patience et ta disponibilité m’ont beaucoup apporté. Je suis fière d’être ton
élève et j’éspère savoir transmettre tout ce que tu m’as appris. Merci de m’accorder ta
confiance en m’accueillant dans ton service.
A Monsieur le Professeur Darai,
Merci de me faire l’honneur de présider ce jury. Je suis très heureuse d’avoir pu profiter de
votre enseignement de qualité. Votre bonne humeur ne fait que rajouter au plaisir d’apprendre
avec vous !
A Monsieur le Professeur Mandelbrot,
Vous m’avez appris les bases de mon métier. Votre disponibilité et votre attention durant ces
6 mois m’ont beaucoup touché et apporté. Je garde pour l’excellent Professeur que vous etes
une très profonde admiration. Merci d’avoir accepté de juger le travail de votre élève.
A Madame le Docteur Vanina Castaigne-Méary,
Merci d’accepter de juger mon travail. J’ai énormément appris à tes cotés. Ton écoute et ton
soutien durant mon internat a toujours été d’un grand secours. Je suis très heureuse de
continuer à travailler avec toi.
2
A tous les médecins qui m’ont offert du temps pour l’enseignement et qui m’ont fait profité
de leur expérience, en particulier :
Dr Denis Chosidov, Dr Yan Ansquer, Pr jean-François Oury, Pr René Frydman, Pr Roman
Rouzier, Dr Vincent Villefranque et le Pr Serge Uzan.
A mes chefs de clinique pour votre attention et pour toutes ces gardes passées ensemble que
vous avez su rendre agréables :
Olivier Marpeau, pour ces deux semestres où tu auras tenté de me rendre blonde !!!
Agnès Sartor, pour être devenue une amie dont je ne serai plus me passer !
Kim Vu, Anne-Claire Donnadieu et Nadia Slim pour votre bonne humeur et votre optimisme
sans faille !
Morgan Roupret et Vincent Misrai pour votre apprentissage de l’urologie
Eric Guillo, pour tous les mokranis……….
Jean-Guillaume Feron pour avoir partagé le flou des recoupes !
A mes co-internes, qui m’ont permis de passer un internat agréable ; pour votre aide et votre
soutien :
A Charles, mon internat n’aurait pas été le même sans toi ! Pour m’avoir soutenu dans tous
mes moments de doute. J’ai eu énormément de chance de t’avoir à mes cotés pendant ces 4
années. Merci pour ta gentillesse et ton attention. Tu es une des meilleures choses que m’a
apporté mon internat…..et pourvu que ça dure !
A Grégoire, pour être toujours là et de bonne humeur…
A Emmanuelle, pour ton optimisme, ton écoute et ta fidélité,
A Hélène, Sophie, Gabrielle, Friga et Aurélie pour tous les bons moments en stage et surtout
en dehors de l’hôpital !
A tous mes co-internes et externes
3
A ma mère,
Ton amour et ta patience m’ont accompagnés à chacun de mes pas. J’ai conscience de tous les
sacrifices que tu as du faire pour me permettre de mener mes études dans les meilleures
conditions possibles. Mon admiration pour la femme si courageuse que tu es est sans limite.
Reçois par cette thèse le témoignage de ma très sincère reconnaissance.
A mon père,
Merci d’avoir été un père si tendre et si attentionné. J’espère que tu es heureux que je sois
devenu médecin comme tu le souhaitais. Je sais que tu seras à mes cotés pour ma soutenance
comme tous les jours depuis que tu nous as quitté.
A ma sœur,
T’avoir comme modèle a été pour moi une vraie chance ! Ta présence sans faille à chaque
instant est pour moi d’un grand réconfort. Notre complicité de chaque instant est une source
de bonheur intarissable.
A mon beau frère,
Merci d’être devenu un véritable grand frère pour moi. Tes conseils me sont devenus
indispensables
A mon parrain,
Merci d’avoir si bien rempli ton rôle ! Tu m’as énormément apporté et te parler est toujours
pour moi un vrai moment de bonheur.
A ma filleule,
Te voir grandir a été un vrai plaisir ! J’espère que tu seras à ma place dans quelques années…
A Sylviane et Marie,
Pour m’avoir accueilli tant de fois dans votre foyer. Tous mes séjours avec vous restent
d’excellents souvenirs!
A Paul et Louise,
Aucun soucis n’existe quand vous etes à mes cotés. Je savoure chaque instant passé à vos
cotés et attends déjà le prochain avec impatience !!!
4
A Héloise,
Pour avoir été là à tous les moments pénibles de mes études…Mais surtout pour être devenue
une amie aussi attentionnée et dynamique dont la présence est indispensable à mon équilibre.
A Anne,
A notre amitié si précieuse qui a su résister aux différentes épreuves de la vie ! et pour
m’avoir ouvert sur les autres médecines !
A Dorothée,
A tes cotés, j’ai toujours l’impression d’avoir 16 ans ! J’espère bien que nous serons toujours
là l’une pour l’autre dans des dizaines d’années……
A Marie,
Pour m’avoir fait vivre mes premières soirées et pour me donner envie d’aller souvent en
Normandie !
A Marina,
Pour ton écoute, ton soutien et ton sourire dans tous les moments de ma vie.
A Clément,
J’ai grandi à tes cotés et notre amitié a su évoluer avec nous. Merci d’être là, avec tous nos
souvenirs et tous les bons moments à venir. Et vive Montréal !
A Cyril,
Pour ton sourire « babine » qui arrive toujours au bon moment ! Je n’en serais peut être pas là
sans ton soutien au quotidien depuis la P1 !
A Amandine,
Te retrouver au quotidien est un vrai plaisir.
A Sébastien,
Pour avoir fait de moi un canard pas si boiteux ! Coin coin coin !
A Aurélien, Julie, Titoune,Sonny et Miguel,
Pour m’avoir permis de sortir de la médecine durant les moments passés à vos cotés ! Merci
pour votre soutien et votre amitié sans faille.
A Christine, Armand et Monique pour votre chaleureuse bienveillance à mon égard.
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION………………………………………………………………………….11
PREMIÈRE PARTIE: RAPPELS SUR LA MORT FŒTALE…………………………12
I) Généralités sur les pertes fœtales……………………………………………………….13
A/ Le concept de perte fœtale………………………………………………………….13
B/ La fausse couche spontanée précoce……………………………………………….14
C/ La fausse couche tardive…………………………………........................................14
D/ La mort fœtale in utero……………………………………………………………..15
II) Les étiologies de mort fœtale...........................................................................................16
A/ Etiologie vasculaire………………………………………………………………....16
1) Pathologies vasculaires placentaires…………………………………………...16
1.1 L’hématome rétroplacentaire……………………………………….16
1.2 Pré-éclampsie et éclampsie…………………………………………16
2) Thrombophilies héréditaires…………………………………………………...17
2.1 Relation entre pertes fœtale et thrombophilie……………………………17
2.2 Diagnostic biologique des thrombophilies héréditaires………………….18
a) Résistance à la protéine C activée/Facteur V Leiden……...18
b) Le déficit en protéine S……………………………………18
c) Le déficit en protéine C……………………………………19
d) Le déficit en antithrombine………………………………..19
e) Mutation G20210A du gène de la prothrombine…………..19
f) L’hyperhomocystéinémie…………………………………..20
2.3 Prise en charge d’une grossesse ultérieure en cas de thrombophilie
héréditaire (après MFIU)…………………………………………………......20
a) Thérapeutiques proposées………………………………….21
b) Modalités de suivi de la grossesse…………………………22
3) Thrombophilie acquise : le syndrome des antiphospholipides (SAPL)…………...22
3.1 Critères biologiques du SAPL…………………………………………….23
a) Diagnostic biologiques des anticoagulants lupiques……….23
b) Détection des anticorps anticardiolipides…………………..24
c) Détection des anticorps antiß2 glycoprotéine 1…………….25
d) Interprétation des résultats………………………………….25
3.2 Critères cliniques de SAPL primitif………………………………………25
3.3 Conséquences du SAPL sur la grossesse………………………………….26
a) Pertes fœtales……………………………………………….27
b) Conséquences maternelles……………………………….....27
3.4 Prise en charge d’une grossesse après mort fœtale……………………….28
a) Modalités thérapeutiques…………………………………...28
b) Surveillance de la grossesse………………………………..30
4) Lupus………………………………………………………………………………32
4.1 Lupus et perte foetale……………………………………………………..32
4.2 Prise en charge d’une grossesse après mort fœtale……………………….32
5) Anomalies placentaires dans les pathologies vasculaires………………………….33
5.1 Une artériopathie déciduale……………………………………………….33
6
5.2 Une thrombose sous choriale massive…………………………………….33
5.3 Des lésions de NIDF……………………………………………………33
B/ Etiologie malformative………………………………………………………………...34
C/ Etiologie annexielle.........................................................................................................34
1) Pathologie cordonale……………………………………………………………34
2) Anémies fœtales………………………………………………………………...34
2.1 Anémie par hémorragie foeto-maternelle……………………………….34
2.2 Anémie par allo-immunisation foeto-maternelle………………………..35
2.3 Anémie par infection à parvovirus B19…………………………………36
3) Maladie des brides amniotiques…………………………………………………37
D/ Etiologie métabolique......................................................................................................37
1) La choléstase gravidique………………………………………………………...37
1.1 Pronostic maternel……………………………………………………….38
1.2 Pronostic fœtal…………………………………………………………...38
a) Mort fœtale in utero………………………………………38
b) accouchement prématuré…………………………………39
1.3 Traitement………………………………………………………………..39
2) Le diabète………………………………………………………………………...40
2.1 Définition et fréquence…………………………………………………...40
a) Diabète de type 1…………………………………………..40
b) Diabète de type 2…………………………………………..40
c) Diabète gestationnel………………………………………..41
2.2 Diabète et mort fœtale in utero……………………………………………42
E/ Etiologie inexpliquée……………………………………………………………………..42
F/ Etiologie infectieuse............................................................................................................43
1) Introduction……………………………………………………………………….43
2) Principaux germes responsables de MFIU………………………………………..44
3) Apportde l’examen anatomopathologique………..................................................44
3.1 Données de l’examen macroscopiques……..........................................….44
3.2 Données de l’examen histologique………….......................……………...45
4) Anatomopathologie placentaire………………………………………..............…..45
4.1 Données de l’examen macroscopique……………………….....................45
4.2 Données de l’examen histologique…………………………….............…46
G/Autres causes.....................................................................................................................46
1) Tabac……………………………………………………………………………...47
2) traumatisme……………………………………………………………………….47
3) Toxiques…………………………………………………………………………..48
4) Drépanocytose…………………………………………………………………….48
4.1 Définitions et épidémiologie……………………………………………..48
4.2 Fréquence et physiopathologie des pertes fœtales……………………….48
4.3 Prise en charge de la grossesse en cas d’antécédent de MFIU…………..49
III) Diagnostic et prise en charge immédiate d’une MFIU..............................................51
A/ Diagnostic..........................................................................................................................51
B/ Prise en charge immédiate.....................................................................................51
1) Situation d’urgence......................................................................................51
2) En l’absence de situation d’urgence............................................................52
2.1 Utérus non cicatriciel.......................................................................52
2.2 Utérus cicatriciel..............................................................................53
7
IV) Conséquences psychologiques de la MFIU.........................................................54
A/ Le deuil et ses rituels...............................................................................................54
B/ Particularités du deuil périnatal............................................................................55
C/ L’accompagnement.................................................................................................56
1) L’annonce.....................................................................................................56
2) Prise en charge en salle d’accouchement.....................................................57
3) Accueil de l’enfant ......................................................................................57
4) Devenir du corps..........................................................................................58
5) Le séjour en maternité.................................................................................58
D/ Suivi ultérieur et grossesse suivante.....................................................................58
V) Grossesse après mort fœtale : données de la littérature.....................................60
A/ Etude de Robson.....................................................................................................60
B/ Etude de Heinonen..................................................................................................61
C/ Etude de Frias.........................................................................................................62
DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE SUR 110 GROSSESSES SUIVIES À SAINT
ANTOINE
I) Matériels et méthode................................................................................................64
A/ Introduction.............................................................................................................64
B/ Population................................................................................................................64
C/ Bilan étiologique.....................................................................................................65
1) Circonstances cliniques de la mort fœtale...................................................65
1.1 Contexte « vasculaire »....................................................................66
1.2 Contexte infectieux..........................................................................66
1.3 Contexte traumatique ou iatrogène..................................................66
2) Examens anatomopathologiques du fœtus et du placenta...........................67
3) Caryotype....................................................................................................67
4) Bilan de thrombophilie familiale ou acquise et d’autoimmunité................67
D/ Classification étiologique de l’antécédent de perte fœtale.................................68
1) cause vasculaire..........................................................................................68
2) cause malformative.....................................................................................69
3) cause annexielle..........................................................................................69
4) cause métabolique.......................................................................................69
5) cause inexpliquée........................................................................................70
E/ Suivi de la grossesse suivante................................................................................70
F/ Traitement préventif..............................................................................................71
1) Pas de traitement.........................................................................................71
2) Traitement par aspirine seule......................................................................71
3) Traitement par aspirine et héparine de bas poids moléculaire....................71
4) La trinitrine.................................................................................................72
5) Cas de l’hyperhomocystéinémie.................................................................72
6) Adaptation du traitement dans les pathologies vasculaires.........................73
II) Résultats................................................................................................................74
A/ Analyse par patiente.............................................................................................74
1) Caractéristiques des patientes au moment de la perte fœtale.....................74
1.1 L’age...............................................................................................74
8
1.2 La gestité.........................................................................................74
1.3 La parité..........................................................................................74
1.4 Nombre d’enfant vivant avant la mort fœtale in utero...................75
2) Caractéristiques de l’antécédent de perte fœtale....................................75
2.1 Nombre de perte fœtale..............................................................75
2.2 Etiologies ...................................................................................76
a) cause vasculaire................................................................76
b) cause annexielle...............................................................77
c) cause malformative..........................................................77
d) cause métabolique...........................................................77
e) cause indeterminée..........................................................78
2.3 Terme de la perte fœtale...........................................................78
B/ Caractéristiques de la grossesse suivante.......................................................79
1) Caractéristiques des patientes au moment de la grossesse suivante......80
2) Etiologies...............................................................................................80
3) Traitements............................................................................................81
C/ Issue des grossesses suivantes.........................................................................83
1) Récidives de perte fœtale......................................................................83
2) Poids de naissance.................................................................................87
3) Terme de naissance................................................................................88
4) Synthèse.................................................................................................89
5) Les dopplers utérins...............................................................................90
5.1 Premier trimestre........................................................................91
5.2 Deuxième trimestre....................................................................97
III) Discussion........................................................................................................103
A/ Introduction......................................................................................................103
B/ Méthodologie....................................................................................................103
1) Limites de l’étude.................................................................................103
2) Intérêts de l’étude.................................................................................104
C/ Discussion des résultats..................................................................................104
1) Description de l’antécédent de mort fœtale..........................................104
1.1 Caractéristiques des patientes...................................................104
1.2 Caractéristiques de l’antécédent de perte fœtale......................105
2) Caractéristiques des grossesses suivantes............................................107
3) Apport de l’étude des dopplers utérins................................................110
3.1 Premier trimestre.....................................................................110
3.2 Deuxième trimestre..................................................................113
CONCLUSION....................................................................................................118
ABREVIATIONS.................................................................................................120
BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................121
9
10
INTRODUCTION
La mort fœtale in utero est un évènement très traumatisant et pourvoyeur de nombreuses
questions pour le couple et pour l’obstétricien. Son diagnostic est aisé par l’échographie et sa
prise en charge obstétricale standardisée.
En revanche, l’étiologie de la mort fœtale reste indéterminée dans environ 25% des cas. Le
bilan étiologique doit bien sur être le plus exhaustif possible afin de pouvoir proposer une
prise en charge adaptée lors de la grossesse suivante.
Le fait de trouver une cause à la mort fœtale est très important à la fois pour aider au deuil de
la grossesse et surtout afin de pouvoir proposer une prévention pour la grossesse ultérieure.
En effet, pratiquement toutes les patientes victimes d’une mort fœtale in utero, souhaitent une
nouvelle grossesse après cet épisode.
Or, le pronostic des grossesses après mort fœtale est mal connu. Ces grossesses suivantes sont
toujours dominées par la crainte obsédante de la récidive.
Nous nous sommes donc intéressés au pronostic obstétrical des grossesses survenant chez des
patientes ayant au moins un antécédent de mort fœtale in utero.
Nous avons étudié de façon rétrospective 110 grossesses suivies à Saint Antoine chez 64
patientes ayant un antécédent de mort fœtale in utero au 2ème ou 3ème trimestre.
Un bilan étiologique a été réalisé de façon systématique. Le maximum d’information a été
recueilli sur l’antécédent de mort fœtale.
Un suivi adapté à l’antécédent et au déroulement de la grossesse actuelle a été mis en place.
Les objectifs de cette étude étaient de répondre à certaines questions :
-
Quel est le pronostic obstétrical de la grossesse suivante en fonction de l’étiologie ?
-
Quel est le taux de récidive de mort fœtale in utero ?
Après avoir fait un rappel sur la mort fœtale in utero, nous exposerons notre expérience au
sein de la maternité de Saint Antoine sur le pronostic de ces grossesses après mort fœtale in
utero.
11
PREMIERE PARTIE :
RAPPELS SUR LA MORT FOETALE
12
I)
Généralités sur les pertes foetales
A/ Le concept de perte foetale
« Fausse couche spontanée précoce », « fausse couche tardive », « grossesse arrêtée »,
« avortement », « œuf clair », « mort fœtale in utero »…, sous des appellations apparemment
bien identifiées règne en fait une assez grande confusion pour les patientes, et parfois même
pour le milieu médical. Pourtant le résultat final, l’échec d’une grossesse, est bien le même
pour le couple qui n’est pas toujours en mesure de préciser a posteriori l’âge gestationnel et
les circonstances exactes de l’accident. Le terme de « fausse couche » est finalement utilisé de
manière générique dans le langage courant pour la plupart de ces situations pourtant très
différentes. Lors d'une consultation qu'elle soit pré-conceptionnelle ou au début de la
grossesse suivante, il est bien rare que l'accident antérieur soit clairement identifié. Le risque
est alors de s’arrêter à ce "diagnostic" de fausse-couche, spontanément rapporté par la
patiente, sans identifier clairement le risque de récidive et les éventuelles mesures
préventives.
Pour toutes ces raisons, il nous est paru utile de préciser le concept de perte fœtale car, selon
les modalités et le terme de survenue, selon le mécanisme impliqué, les causes seront
distinctes et le bilan étiologique également. Surtout le pronostic et les modalités de prévention
d'une récidive et de surveillance de la grossesse suivante seront totalement différents.
L'absence d'identification précise de l'accident antérieur peut conduire à faire fausse route
dans la démarche diagnostique et exposer la patiente à une récidive, parfois évitable.
La perte fœtale, fut-elle au premier trimestre, est rarement un événement anodin pour la
patiente, qui a très souvent le sentiment que l’accident est banalisé par le milieu médical. Elle
nécessite au minimum un interrogatoire rigoureux pour préciser :
-
l’âge gestationnel au moment de la perte fœtale
-
la notion d’un embryon vu vivant en échographie, le déroulement de l’expulsion
(spontanée ou provoquée)
13
-
l’existence ou non d’une activité cardiaque fœtale au moment de l'expulsion
-
La notion de rupture prématurée des membranes avant l’expulsion
-
L’existence d’un contexte particulier, notamment infectieux
-
La réalisation d’examens fœtopatologiques ou bactériologiques
-
L’existence d’accidents antérieurs
-
La réalisation ou non d’un éventuel bilan étiologique et d’une consultation de synthèse
à distance de l’accident
Surtout, en l'absence d'informations précises et si possible documentées fournies par la
patiente, l'élément le plus important de l'évaluation de l'accident est le dossier médical
antérieur ou son compte-rendu.
A l'issue de cette évaluation il sera possible de préciser les modalités réelles de la perte fœtale
et éventuellement son mécanisme.
B/ La fausse couche spontanée précoce (FCS)
C’est un arrêt spontané de la grossesse avant le terme de (12-)14 semaines d'aménorrhée.
Cette définition est pratique dans notre pays car elle regroupe en fait les grossesses dont le
développement s’arrête avant l’échographie de 12 SA. Elle n’est pas universelle et, dans les
pays anglosaxons, toutes les pertes fœtales avant 24 SA sont regroupées sous le terme de
« fetal loss », ce qui rend difficile l’application des conclusions de ces séries à nos FCS
précoces. On en rapproche les œufs clairs (sac ovulaire sans structure embryonnaire visible,
avec ou sans vésicule vitelline) dont les mécanismes ne semblent pas être distincts de ceux
des fausses couches précoces.
C/ La fausse couche tardive (FCT)
Elle se définit par l’expulsion d’un fœtus vivant avant l’entrée en travail au-delà du 1er
trimestre, et avant 22 semaines d’aménorrhée ou avec un poids fœtal inférieur à 500 g. Elle se
caractérise par des phénomènes de survenue très différents de ceux des fausses couches du 1°
trimestre, avec la quasi disparition des causes chromosomiques, la nette diminution des causes
ovulaires et la forte augmentation des causes « mécaniques » utérines (malformations utérines
et béance cervicale) ainsi que des causes infectieuses.
14
Il est fondamental de distinguer d’emblée la fausse couche tardive d’une perte fœtale par un
autre mécanisme et en particulier une mort fœtale in utero dont les mécanismes de survenue
sont totalement différents et les traitements préventifs pour une grossesse ultérieure
également.
On peut en revanche en rapprocher les accouchements hyperprématurés (22-26 SA) suivis de
morts néonatales, car les mécanismes sous-jacents sont essentiellement communs et les
conséquences également.
D/ La mort fœtale in utero
Elle se définit par un arrêt d'activité cardiaque fœtale au delà de 15 semaines d'aménorrhée
avec un fœtus dont les mensurations échographiques correspondent effectivement à un terme
de plus de 15 semaines d'aménorrhée (pour les distinguer d'une grossesse arrêtée précoce
découverte tardivement). Le terme à partir duquel on parle de mort fœtale in utero est très
différent en fonction des équipes. Certaines équipes prennent 12 SA alors que d’autres
prennent 22 ou même 26 SA.
De plus, la traduction de l’expression « mort fœtale in utero » n’est pas toujours la même en
anglais. Il n’est pas toujours évident de trouver l’équivalence avec « fetal loss » ou
« stillbirth ».
Il faut donc être prudent lors d’analyse d’étude sur la mort fœtale et bien prendre note des
définitions choisies.
15
II)
Les étiologies de mort fœtale in utero
A/ Etiologie vasculaire
1) Pathologies vasculaires placentaires
1.1 L’hématome rétroplacentaire (HRP)
L’HRP se définit comme un décollement prématuré d’un placenta normalement inséré avant
l’accouchement. Son diagnostic peut être suspecté cliniquement avant l’accouchement devant
des saignements vaginaux associés à une contracture utérine, ou confirmé lors de la
délivrance par un examen macroscopique et/ou histologique du placenta.
Dans une étude suédoise [47], il existe une association significative entre HRP et autres
pathologies obstétricales : rupture prématurée des membranes avant 37 semaines
d’aménorrhée, cardiopathies congénitales, hypotrophie néonatale et accouchement prématuré,
sans qu’il soit possible de savoir s’il existe un lien de causalité, ou si toutes ces pathologies
surviennent sur un terrain commun.
La mortalité périnatale était multipliée par 20 (10,6%) au cours des grossesses compliquées
d’un HRP [47].
Sur un registre des morts fœtales relevées aux Etats-Unis entre 1995 et 1997, le risque de
MFIU en cas d’HRP était estimé à 6,1% [95].
1.2 Pré-éclampsie et éclampsie
La pré-éclampsie est définie selon la terminologie de l’American College of Obstetricians and
Gynecologists par la survenue d’une hypertension artérielle (TA>14/9) induite par la
grossesse après 20 semaines d’aménorrhée (SA), associée à une protéinurie (>0,3g/24h), et/ou
à des œdèmes. La pré-éclampsie est une pathologie qui peut atteindre tous les organes
maternels et se compliquer d’éclampsie, de troubles de coagulation (notamment HELLP
(hemolysis - elevated liver enzymes -low platelets) syndrome), d’insuffisance rénale,
d’œdème pulmonaire et d’accidents vasculaires cérébraux, voire de mort maternelle. Elle est
responsable d’une augmentation de la mortalité fœtale estimée à 3,5 pour mille entre 24
semaines d’aménorrhée et l’accouchement [95].
16
L’éclampsie est définie par la survenue de convulsions en association avec des symptômes de
pré-éclampsie, en l’absence de pathologie neurologique concomitante. L’éclampsie est une
des complications les plus graves de la pré-éclampsie. Dans l’étude anglaise de Douglas et al.
décrivant 383 cas, elle est survenue avant l’accouchement dans 38% des cas, pendant le
travail dans 18% des cas et en post-partum dans le 44% restant. La majorité des convulsions
(70%) sont survenues malgré un suivi médical régulier de la grossesse et moins d’une
semaine après le dernier examen par un médecin ou une sage-femme (85%). L’éclampsie a
entraîné une mort maternelle, fœtale in utero et néonatale dans respectivement 1,8%, 2,2% et
3,4% des cas.
2) Thrombophilies héréditaires
La thrombophilie est caractérisée par une augmentation du risque de thrombose, ou par des
anomalies biologiques prédisposant à ces thromboses. Ces facteurs de risque peuvent être
héréditaires, acquis ou mixtes. La recherche de thrombophilies héréditaires, difficiles à
réaliser et à interpréter, sera détaillée ici après avoir rappelé les relations mises en évidences
entre ces anomalies biologiques et les pertes fœtales.
2.1 Relation entre thrombophilie et pertes fœtales.
Le bon déroulement d’une grossesse nécessite un système vasculaire utéro-placentaire
efficace. Sachant que ce système peut être compromis par des troubles de l’hémostase de type
thromboembolique, il semble probable que la présence d’une thrombophilie maternelle
augmente le risque de pertes fœtales (fausse-couche et mort fœtale in utero).
Plusieurs études ont prouvé l’augmentation du risque de pertes fœtales (fausse couche et
mort fœtale) chez les patientes présentant une thrombophilie. En 2003, une méta-analyse de
Rey et al. a regroupé 21 de ces études évaluant le lien entre pertes fœtales et thrombophilie
[75]. Malgré une hétérogéneité parfois importante entre les études, il est retrouvé une
augmentation du risque de perte fœtale associée aux thrombophilies. Lors d’une étude castémoin sur 1384 patientes, Preston et al., [72] trouve un taux significativement plus élevé de
perte fœtale chez les patientes ayant une thrombophilie. Par ailleurs, dans une étude
rétrospective à propos de patientes ayant eu une mort fœtale inexpliquée après 27 semaines
d’aménorrhée, Many et al., [57] met en évidence un taux de thrombophilie héréditaire de
45% contre 15 % dans le groupe témoin. De même, Martinelli et al., [60] retrouve un taux 3
17
fois plus élevé de thrombophilie héréditaire chez des patientes ayant eu une mort fœtale après
20 semaines d’aménorrhée.
2.2 Diagnostic biologique des thrombophilies héréditaires
a) La résistance à la protéine C activée/ facteur V Leiden
Décrite en 1993 par Dahlback, la résistance à la protéine C activée apparaît
actuellement comme un facteur fréquent de thrombose veineuse puisqu’elle est retrouvée chez
20 à 40% des sujets présentant des thromboses veineuses à caractère familial, et chez moins
de 5% des sujets témoins. Cette anomalie de la coagulation est liée à une mutation dans le
gène du facteur V. Cette mutation, ou facteur V Leiden, empêche la protéine C activée de
reconnaître un site de clivage du facteur V activé, ce qui fait disparaître un des mécanismes de
limitation de la génération de thrombine. La mutation est retrouvée dans au moins 90% des
résistances plasmatiques à la protéine C activée. A l’état hétérozygote, le facteur V Leiden est
présent chez 2 à 5 % des sujets caucasiens.
Plusieurs études ont étudié l’association entre perte fœtale (fausse couche précoce et
mort fœtale utero) et présence d’un facteur V Leiden chez la mère. Ces différentes études
mettent en évidence une augmentation du risque de fausse couche précoce et de mort fœtale
chez les patientes porteuse d’un facteur V Leiden [34, 62] . Cette association est d’autant plus
importante chez les patientes pour lesquelles aucune cause de mort fœtale n’a été retrouvée.
b) Le déficit en protéine S
La fréquence dans la population générale de déficit en protéine S est estimée de 0.2 à
1 %.
L’affirmation de ce déficit est très difficile car ce dosage est très sensible aux conditions
préanalytiques et que les valeurs usuelles de la protéine S sont extrêmement variables en
fonction du sexe, de l’age et des performances analytiques des tests employés.
Au cours de la grossesse normale, le taux de protéine S diminue, parfois dès le premier
trimestre. Un déficit en protéine S ne pourra donc être affirmé qu’à 2 mois après la grossesse,
en l’absence de traitement oestroprogestatif. Preston et al., [72] trouve un taux
18
significativement plus élevé de « perte fœtales » chez les patientes présentant un déficit en
protéine S.
c) Le déficit en protéine C
La fréquence dans la population générale de déficit est estimée de 0.2 à 0.4 %.
La recherche du déficit en protéine C se fait tout d’abord par un dosage de son activité
fonctionnelle par méthode chromogénique ou par méthode coagulante, sachant que cette
dernière peut donner des résultats normaux en cas de déficit en protéine C associé à un
anticoagulant lupique. Si l’activité fonctionnelle est diminuée, un prélèvement de contrôle est
demandé. Le dosage immunologique n’est pas nécessaire en routine.
Preston et al., [72] trouve un taux significativement plus élevé de « perte fœtales » chez les
patientes présentant un déficit en protéine C. Cependant la fréquence très faible de cette
anomalie rend les études « significatives » difficiles à réaliser.
d) Le déficit en antithrombine
Ce déficit est très rare dans la population générale.
La recherche du déficit en antithrombine se fait tout d’abord par un dosage de son
activité fonctionnelle par une méthode amidolytique. Si l’activité fonctionnelle est <80 % un
prélèvement de contrôle est effectué. En cas de confirmation d’une activité fonctionnelle < 80
%, un dosage immunologique permettra de définir s’il s’agit d’un déficit de type 1
(quantitatif) ou de type 2 (qualitatif). Il est ensuite important de préciser les anomalies de type
2 car certaines anomalies à l’état hétérozygote dans le domaine de liaison à l’héparine, sont
associées à un risque thromboembolique beaucoup plus faible que les déficits quantitatifs ou
les déficits qualitatifs sur le site fonctionnel.
L’évaluation du lien entre ce déficit et le risque de mort fœtale est difficile compte tenu
de sa rareté.
e) Mutation G20210 A du gène de la prothrombine
Cette anomalie ne peut être mise en évidence que par des tests de génétique moléculaire. En
effet, même si cette mutation est associée à une augmentation des taux plasmatiques de
19
prothrombine (facteur 2), les importantes variations physiologiques de ce facteur rendent cette
mesure plasmatique inutilisable à l’échelle individuelle.
f) Hyperhomocystéinémie
Des enquêtes épidémiologiques récentes suggèrent que l’hyperhomocystéinémie est un
facteur de risque de thrombose artérielle et veineuse.
La plupart des études ne retrouvent pas de lien entre cette anomalie et un risque augmenté de
pertes fœtale.
D’autre part, l’intérêt de cette anomalie est le fait que l’hyperhomocystéinémie est corrigible
par une supplémentation en vitamines B9 et B12.
Les patientes chez qui il est découvert cette anomalie devront donc recevoir une
supplémentation par folates et vitamine B12 tout au long de leur grossesse.
2.3
Prise en charge d’une grossesse ultérieure en cas de thrombophilie
héréditaire
La thrombophilie a été définie comme un état prédisposant à une fréquence accrue
d’accidents thromboemboliques. Elle regroupe des facteurs de risque cliniques (antécédents
personnels ou familiaux) et biologiques (présence d’anticardiolipides ou d’anticoagulant
circulant, déficit en antithrombine, protéine C ou S, résistance à
la protéine C activée
mutation du gène de la prothrombine, hyperhomocystéinémie) d’importance variable. Ces
accidents thromboemboliques peuvent concerner le réseau veineux maternel ou les vaisseaux
placentaires [78].
Il existe peu d’études ayant étudié la prise charge des patientes ayant une thrombophilie
biologique associée à un antécédent de « perte fœtale » et désirant une nouvelle grossesse.
Cependant, chez ces patientes, surtout lorsqu’il existe un retard de croissance et/ou des signes
d’insuffisance placentaire à l’examen foetopathologique, un traitement anticoagulant pourra
être proposé. Le traitement anticoagulant ne sera maintenu que durant la grossesse et le postpartum.
20
a) Thérapeutiques proposées
Les études randomisées mettant en évidence le bénéfice d’un traitement lors des
grossesses ultérieures sont rares. Cependant, le traitement associant héparine de bas poids
moléculaire à dose préventive forte, associée à de faibles doses d’aspirine est le traitement le
plus souvent recommandé dans la littérature.
Dans une étude randomisée portant sur 160 femmes avec au moins une perte fœtale
après 10 SA et la présence d’un marqueur biologique de thrombophilie (mutation du facteur V
ou II ou déficit en protéine S), Gris et al. [36] démontre la supériorité de l’héparine sur
l’aspirine. Dans cette série, le taux de naissance vivantes est de 86,25% dans le groupe
enoxaparine (40mg /j) versus 28,75% dans le groupe aspirine (100mg/j).
Au regard de notre expérience et de celle d’autres équipes, nous proposons chez les
patientes avec thrombophilie ayant :
-
au moins un antécédent de mort fœtal in utero (MFIU), surtout avec retard de
croissance intra-utérin,
-
ou au moins 2 fausses couches précoces (FCP),
un traitement associant l’aspirine et une HBPM comme dans le syndrome des
antiphospholipides.
L’aspirine est utilisée à la dose de 100 à 160 mg/j, en préconceptionnel ou dès le test
de grossesse positif, sans contrôle du temps de saignement. Elle est poursuivie jusqu’à 35 SA.
L’HBPM est utilisée à doses préventives fortes (par exemple 4000 UI/j d’enoxaparine), sans
contrôle de l’activité anti-Xa. La numération des plaquettes est réalisée 2 fois par semaine
pendant les 3 premières semaines puis une fois par mois. Ce traitement est débuté dès le début
de la grossesse et est poursuivi jusqu’à l’accouchement avec une fenêtre thérapeutique de
quelques heures pour l’accouchement.
Ce traitement a fait la preuve de son innocuité chez la mère et le fœtus. Une série
publiée de 486 grossesses sous traitement n’a mis en évidence aucune complication
maternelle ou fœtale imputable au traitement [84].
En cas d’hyperhomocystéinémie, nous prescrivons une association de vitamine B9
(10mg/j) et de vitamine B12 (250 microgrammes/j) et nous vérifions la normalisation de
l’homocystéinémie sous ce traitement, idéalement avant le début de la grossesse.
21
b) Modalités de suivi de la grossesse
Le suivi de la grossesse sera orienté vers le dépistage précoce des complications vasculaires
maternelles (phlébites) mais surtout placentaires (RCIU, pré-éclampsie). Ce suivi est clinique,
biologique et échographique.
Cliniquement, les patientes sont vues en consultation très précocement dans la grossesse pour
ré-expliquer l’intérêt et les modalités du traitement, et vérifier les numérations plaquettaires.
Elles sont éduquées à reconnaître les premiers signes de phlébite (douleurs du mollet) et à
consulter immédiatement. La pression artérielle est surveillée avec des mesures rapprochées
dès que les chiffres s’élèvent, et une hospitalisation pour prise tensionnelle régulière et recueil
des urines sur 24h pour dépister une pré-éclampsie au moindre doute.
Biologiquement, la protéinurie est recherchée à la bandelette à chaque consultation et dosée
sur 24 heures dès qu’elle est positive. Les plaquettes sont contrôlées régulièrement, comme
décrit plus haut.
Echographiquement, en plus des examens morphologiques habituels, ces patientes bénéficient
d’une échographie pour biométrie fœtale tous les mois. En cas d’apparition d’un RCIU, la
surveillance clinique et échographique est rapprochée, conduisant en cas de forme sévère à
une surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) en ambulatoire ou en hospitalisation.
Les dopplers utérins sont réalisés dès 12 SA.
L’accouchement est programmé vers 39 SA chez toutes les patientes sous HBPM, plus tôt s’il
existe un RCIU ou une pathologie maternelle. La dernière injection d’anticoagulant a lieu la
veille du déclenchement. Les prostaglandines sont utilisées en cas de col défavorable. Le
traitement par HBPM est repris juste après l’accouchement, et poursuivi pendant 6 semaines.
3) Thrombophilie acquise : le syndrome des antiphospholipides (SAPL)
Le syndrome des antiphospholipides est une affection thrombophilique récemment reconnue.
Il a été initialement individualisé au sein même du lupus érythémateux disséminé :la fausse
sérologie syphilitique positive qu’on retrouve chez 10 à 20 % des lupiques, traduit en effet la
présence d’anticorps anti cardiolipides.
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est une affection auto-immune qui associe des
manifestations cliniques, principalement thromboemboliques et obstétricales, à la présence
d’anticorps antiphospholipides [41].
22
On distingue deux types de SAPL :
-
Le SAPL « primitif » qui désigne des manifestations cliniques (thromboembolique,
neurologiques et obstétricales) imputables à la présence d’anticorps antiphospholipides
sans autre maladie auto-immune.
-
Le
SAPL
« secondaire »
ou
« associé »
à
d’autres
maladies
auto-
immunes (principalement à un lupus érythémateux disséminé).
L’existence d’une SAPL au cours d’une grossesse est une situation à risque de pertes
fœtales et de complications obstétricales : FCS, MFIU, RCIU d’origine vasculaire. Certaines
complications maternelles sont également plus fréquentes au cours de la grossesse :
complications thromboemboliques, prééclampsie et HELLP syndrome.
3.1 Critères biologiques du SAPL
Malgré leur spécificité médiocre, le diagnostic biologique du SAPL défini par les critères
internationaux de Sapporo en 2006 [64] repose sur la détection des anticorps
antiphospholipides. Leur recherche met en œuvre à la fois des tests de coagulation et des tests
immunologiques de type ELISA [74,103].
Les anticoagulants circulants ou « lupiques » détectés par méthodes de coagulation et les
antiphospholipides détectés par méthodes immunologiques constituent des entités distinctes.
Leur taux de recouvrement dans le SAPL n’est que de 60% environ.
a) Diagnostic biologique des anticoagulants « lupiques »
C’est dans les années 70 que l’on détecta chez certains patients atteints de lupus systémique
un allongement du temps de céphaline activée, que ne peut corriger l’adjonction de plasma
normal, et qui apparaît donc la conséquence d’un facteur inhibiteur. Ce facteur anticoagulant
circulant ou « anticoagulant lupique » correspond en fait à un groupe d’auto-anticorps liant et
inhibant in vitro des complexes phospholipidiques pro-coagulant, singulièrement la partie
phospholipidique de la prothrombinase. Il est apparu que cet « anticoagulant circulant »
n’entraînait pas de syndrome hémorragique mais au contraire des manifestations
thrombotiques.
La mise en évidence des anticoagulants lupiques ne peut pas être réalisé dans tous les
laboratoires. D’autre part, l’héparine et les anti vitamines K rendent difficiles l’interprétation
23
des résultats. C’est pourquoi, il est préférable, dans la mesure du possible de réaliser ces tests
en dehors de tout traitement anticoagulant.
Pour affirmer la présence d’un anticoagulant lupique, il faut réaliser un ensemble de tests
répartis en 3 étapes : dépistage, mélange et confirmation. En cas de positivité, il faudra le plus
souvent ajouter une quatrième étape qui correspond à l’élimination de l’association de
l’anticoagulant lupique avec un déficit en un facteur spécifique de la coagulation pouvant être
responsable d’un syndrome hémorragique.
Pour affirmer l’absence d’anticoagulant lupique, il faut également mettre en œuvre plusieurs
tests. L’absence d’anticoagulant lupique ne peut être affirmée qu’après la mise en évidence
d’au moins deux tests de dépistage basés sur des principes différents normaux.
b) Détection des anticorps anti-cardiolipides
Le test utilisé est un test ELISA indirect très classique et les conditions de sa réalisation ont
été optimisées. Cependant, il reste encore mal standardisé et les discordances entre les
différents coffrets (commerciaux ou maison) ne sont pas rares. De nombreux facteurs
interviennent dans la sensibilité et la spécificité du test : nature de l’antigène, saturation des
plaques, étalonnage, valeur seuil…L’antigène utilisé est essentiellement le cardiolipide
(extrait à partir de cœur de bœuf ou de synthèse) mais son degré d’oxydation intervient dans
la réactivité des sérums. En effet, les anticorps reconnaîtraient des néo-épitopes présents sur le
cardiolipide oxydé ou générés par la formation de complexes, entre des produits de
dégradation du phospholipide oxydé et des protéines comme la ß2GP1. Cependant, une
préparation fortement oxydée peut donner des résultats faussement positifs. La quantité de
ß2GP1 apportée par le tampon de saturation ou de dilution des échantillons peut également
différer selon les trousses. Les résultats sont exprimés de façon quantitative à partir de
standards de Harris produits par l’université de Louisville. Une unité GPL (isotype IgG) ou
MPL (isotype IgM) correspond à une concentration d’aCL de 1 Bg/mL. Cependant, il existe
une grande variabilité d’un lot à l’autre expliquant que des taux variables d’anticorps puissent
être détecté pour un même sérum selon la trousse utilisée. Or, des différences dans la
quantification des aCL peuvent avoir pour conséquence des différences dans le diagnostic et
la prise en charge thérapeutique des patients. De nouveaux standards utilisant des anticorps
monoclonaux sont en cours d’étude mais leur utilisation n’est pas encore recommandée.
Enfin, la valeur seuil est un élément supplémentaire de variations entre les trousses
puisqu’elle varie de 5 à 23 unités GPL ou MPL.
24
Seuls les titres moyens ou élevés des isotypes IgG et IgM font partie des critères de Sapporo,
l’isotype IgG étant le plus fortement associé au risque de SAPL. L’isotype IgL est plus rare et
le plus souvent associé à l’IgG.
c) Détection des anticorps anti ß2 glycoprotéine 1
La ß2GP1 a d’abord été considérée comme un simple co-facteur. En fait, elle serait la
véritable cible antigénique des aCL dans les maladies auto-immunes. Les antiß2GP1 sont
détectés par ELISA utilisant comme antigène de la ß2GP1 humaine purifiée directement fixée
sur la plaque préalablement irradiée. La recherche des antiß2GP1 pose les mêmes problèmes
de standardisation que les aCL, et l’utilisation d’anticorps monoclonaux comme standard est
encouragée. Ces anticorps sont plus spécifiques que les aCL et peuvent être présents de façon
isolée dans 3 à 10% des SAPL dont ils viennent d’être inclus dans les critères.
d) Interprétation des résultats
Les résultats positifs doivent être interprétés avec beaucoup de prudence. En effet, certains
problèmes méthodologiques sont observés et les anticorps antiphospholipides peuvent être
positifs dans de nombreuses pathologies (SAPL mais également connectivites, infections,
pathologies tumorales, prise médicamenteuse…). Un premier résultat positif nécessite d’être
contrôlé à au moins 12 semaines d’intervalle. Chez les patientes lupiques, il a été observé que,
parmi tous les tests biologiques, la présence d’anticoagulant lupique est le seul facteur de
risque indépendant de thrombose artérielle ou veineuse [39]. Dans le contexte obstétrical, une
étude [35] portant sur des femmes ayant des pertes fœtales spontanées récidivantes
inexpliquées a montré que les différents anticorps (LA, IgG anti- 2GPI, IgM anti-PE) étaient
présents de façon isolée dans la plupart des cas (LA 58%, anti-PE 73%, anti- 2GPI 70%). Les
tests immunologiques et les tests d’hémostase loin d’être redondants et sont donc
complémentaires.
3.2 Critères cliniques de SAPL primitif
Ils sont indispensables au diagnostic de SAPL, car les anomalies biologiques précédemment
décrites peuvent être retrouvées fortuitement, sans aucune manifestation clinique.
25
Les critères diagnostiques du syndrome des antiphospholipides ont été établis dans la
conférence de consensus de Sapporo (tableau 1) [64].
Tableau 1 : Critères diagnostiques du syndrome des antiphospholipides (d’après la conférence
de Sapporo)
Le diagnostic est retenu quand au moins un critère clinique et un critère biologique sont
présents
Critères cliniques
1 Thrombose
vasculaire
Critères biologiques
artérielle
ou -
Anticoagulant circulant de type lupique
veineuse de tout tissu ou organe (sauf détecté au moins 2 fois à 12 semaines
thrombose veineuse superficielle)
2 Accident gravidique
d’intervalle
-
Anticardiolipines de classe IgG ou IgM à
- Un ou plusieurs décès in utero au-delà taux élevés (>40 UGPL ou MPL) détectés au
moins 2 fois à 12 semaines d’intervalle
de 12 SA
- Au moins 3 fausses couches spontanées -
au moins 2 fois à 12 semaines d’intervalle
avant 12 SA
-
Antiß2GP1 de classe IgG ou IgM détectés
Un ou plusieurs accouchements
prématurés avant 34SA en raison d’une
prééclampsie ou d’une insuffisance placentaire
(pathologie vasculaire placentaire)
3.3 Conséquences du SAPL sur la grossesse
Le SAPL est responsable d’une altération de la circulation foeto-maternelle dont les
conséquences peuvent être précoces (fausses couches précoces) ou plus tardives, provoquant
alors un tableau de « pathologie vasculaire placentaire ». Cette entité regroupe toutes les
complications obstétricales, maternelles ou fœtales, secondaires à une ischémie placentaire :
retard de croissance intra-utérin, mort fœtale in utero, pré-éclampsie, hématome rétroplacentaire, HELLP syndrome. Actuellement, ce sont surtout les complications fœtales qui
sont retenues dans le diagnostic de SAPL, mais les patientes ayant un SAPL confirmé sont
également à risque de développer des complications maternelles.
26
a) Pertes foetales
Chez les femmes dont le déroulement de la grossesse est normal, le taux d’anticorps
antiphospholipides positifs est inférieur à 2 %. Par contre, pour certaines complications de la
grossesse, ce taux est beaucoup plus élevé, jusqu’à 20 % chez des patientes testées pour des
pertes fœtales répétées, et de plus d’un tiers chez les patientes ayant un lupus érythémateux
systémique.
Les pertes fœtales imputables aux APL incluent des fausses couches précoces (FCP) et des
morts fœtales in utero plus tardives. Le mécanisme physiopathologique commun aux
complications obstétricales serait la survenue de thromboses placentaires.
Les fausses couches précoces sont beaucoup plus fréquentes que les MFIU, en revanche, dans
les publications , les chances de naissances vivantes au cours de la grossesse suivante
semblent beaucoup plus grandes en cas d’antécédents de fausse couche précoce seulement
qu’en cas d’antécédent de MFIU tardive (80% versus 55% respectivement [4]).
Les complications vasculaires de la grossesse sont fréquentes au cours du SAPL. Leur
évolution peut parfois aboutir à une mort fœtale. Cependant, lorsque les moyens de
surveillance adaptés sont mis en œuvre, l’extraction fœtale peut le plus souvent être réalisée
avant une issue fatale. Une pathologie vasculaire sévère ayant un retentissement sur la
croissance foetale est donc considérée comme un élément du SAPL, même si elle n’a pas
abouti à une perte foetale.
Les
critères
habituellement
admis
pour
entreprendre
une
recherche
d’anticorps
antiphospholipides en cas de pathologie vasculaire gravidique sont :
- la précocité de sa survenue (en pratique avant 34 SA)
- son caractère récidivant au cours de grossesses successives.
Les anticorps antiphospholipides peuvent exceptionnellement traverser le placenta avec un
risque de formation de thromboses parfois fatales chez le fœtus ou le nouveau né.
b) Conséquences maternelles
Il ne semble pas exister de modification significative de la fréquence des thromboses au cours
de la grossesse chez les patientes ayant des anticorps antiphospholipides sans antécédent de
27
thrombose [52]. En revanche, en cas d’antécédent, le risque de récidive est très important du
fait de l’état d’hypercoagulabilité que représente la grossesse.
Au cours du post-partum également, le risque de thrombophlébite des membres inférieurs est
plus élevé. Toutes sortes d’autres complications thromboemboliques ont été rapportées :
embolie pulmonaire, thrombophlébite pelvienne ou cérébrale, accidents vasculaires cérébraux
ischémiques, ou encore ischémie voire infarctus myocardique. Le risque est particulièrement
élevé au cours de cette période, y compris pour des patientes préalablement asymptomatiques.
La thrombopénie maternelle est une constatation fréquente chez les patientes enceintes ayant
un SAPL. Elle est rarement très profonde et régresse habituellement spontanément au décours
de la grossesse.
3.4 Prise en charge d’une grossesse après mort fœtale
La prise en charge d’une grossesse après mort fœtale ou fausses couches à répétition, chez
une patiente ayant un syndrome des antiphospholipides, est bien standardisée. En effet,
plusieurs études démontrent la supériorité du traitement associant l’aspirine et l’héparine,
avec un grand nombre de grossesse étudiées et une innocuité prouvée du traitement [22].
a) Modalités thérapeutique
Choix des traitements
Les traitements habituellement utilisables dans les traitements des maladies autoimmunes (corticoïdes, immunodépresseurs, immunoglobulines…..) n’ont pas fait preuve de
leur efficacité sur les complications obstétricales du SAPL. Par exemple, le traitement par
corticoïde n’est pas utilisé car il n’a pas été démontré de supériorité par rapport à un
traitement anticoagulant, et que le traitement par corticoïde entraîne plus de complications
28
telles que hypertension ou diabète maternels, rupture prématurée des membranes,
accouchement prématuré et chorioamniotite [50,53,91].
Les objectifs thérapeutiques dans les SAPL sont de réduire les risques d’accidents
obstétricaux (FCP, MFIU, retard de croissance, pré-éclampsie, hématome rétro-placentaire) et
thrombotiques obstétricaux. De nombreux traitements ont été proposés (aspirine, héparine,
corticoïdes, immunoglobulines, plasmaphérèse) [8,96,97], et le seul traitement dont
l’efficacité a été démontrée par des essais randomisés est l’association d’aspirine et
d’héparine de bas poids moléculaire [21,42,46,73,100]. C’est donc le traitement de référence
des pertes fœtale liées au SAPL.
Dans une revue systématique de 12 études thérapeutiques randomisées sur le SAPL
obstétrical, Lassere et Empson [51] insistent sur la faible puissance de ces études, l’absence
de bras sans traitement et l’hétérogénéité des populations étudiées (principalement due aux
problèmes de définitions cliniques et biologiques). Ils recommandent malgré tout également
l’association aspirine + héparine.
Les mêmes auteurs ont participé à la rédaction de recommandations pour la Cochrane
Database et concluent que l’association héparine + aspirine réduit de 54% le taux de pertes
fœtales dans le SAPL [22].
Modalités d’administration
Elles sont variables d’une équipe à l’autre. Nous décrivons ici celles qui sont
pratiquées à l’hôpital Saint Antoine.
Aspirine :
L’aspirine est administrée par voie orale à la dose de 100 à 160 mg/jour. Les seules
contre-indications sont l’allergie documentée à l’aspirine, qui est très rare, et l’existence d’un
ulcère gastroduodénal évolutif. Le traitement est débuté idéalement en période préconceptionnelle, surtout en cas d’antécédents de fausses couches très précoces, sans contrôle
du temps de saignement. Il est interrompu vers 35 SA.
Héparine :
Nous utilisons l’enoxaparine, héparine de bas poids moléculaire, à la dose de 4000
UI/j en une injection sous cutanée quotidienne quel que soit le poids de la patiente. Ce
traitement étant à dose isocoagulante, il n’y a aucun intérêt à doser l’activité anti Xa. Ce
traitement est débuté dès le test de grossesse positif (même si le produit n’a pas l’AMM au
premier trimestre de la grossesse) et est poursuivi tout au long de la grossesse. Il est
interrompu vers 39 SA, avant en cas de pathologie, pour permettre le déclenchement du
29
travail. Il est repris aux mêmes doses après l’accouchement, quel que soit son mode, et
poursuivi pendant 6 semaines.
Effets indésirables du traitement
Ce traitement a peu de complications décrites, en dehors d’une publication anonyme
relatant un décès maternel par hémorragie cérébrale à 9 SA [3]. Dans une série de 486
grossesse sous aspirine et héparine, Sanson et al. [84] ne décrivent aucune complication
maternelle ou fœtale imputable au traitement.
Toutefois, la surveillance des plaquettes reste recommandée.
En cas de nécessité d’une amniocentèse, l’aspirine est arrêtée 8 jours avant le geste et
l’héparine la veille de l’intervention. Les 2 traitements sont repris le lendemain de la ponction.
Si le travail débute avant le déclenchement, ou si une pathologie nécessite une extraction
fœtale d’urgence, l’analgésie péridurale peut être réalisée si l’aspirine est arrêtée depuis au
moins 8 jours et l’héparine depuis 24 heures.
b) Surveillance de la grossesse
En l’absence d’études randomisées visant à évaluer les meilleures pratiques cliniques, les
mesures de surveillance préconisées ci-après sont pour la plupart pragmatiques et susceptibles
de variations entre différentes équipes.
Les objectifs de la prise en charge sont d’évaluer le risque de récidive, de surveiller la
croissance fœtale et le bien être fœtal en général afin d’envisager si nécessaire, une naissance
prématurée.
Période préconceptionnelle
Lorsqu’une patiente a subi une ou plusieurs fœtales et que le diagnostic de SAPL a été
posé, elle doit être revue en consultation idéalement avant de débuter une nouvelle grossesse.
Elles reçoivent de l’acide folique et le traitement par aspirine est débuté. Le traitement par
héparine est débuté lors du test de grossesse positif. L’ordonnance d’HBPM ainsi que la
surveillance des plaquettes peuvent être remis en consultation afin de ne pas prendre de retard
lors du test de grossesse positif.
Premier trimestre
Il est préférable de voir rapidement les patientes lorsqu’elles débutent une nouvelle
grossesse. Pour repérer rapidement une grossesse extra-utérine qui pourrait être plus
30
dangereuse sous anticoagulant, un dosage des ßHCG pourra être réalisé 2 fois par semaine
lors du dosage des plaquettes pendant les 3 premières semaines de traitement. Les patientes
sont ensuite vues précocement en échographie, pour s’assurer du siège intra-utérin et de
l’évolutivité de la grossesse.
Les dopplers utérins peuvent être réalisés dès 12 SA ; ils ont une bonne valeur prédictive
négative s’il n’y a pas de notchs bilatéraux [6,85,99].
Deuxième trimestre
Le traitement par aspirine et héparine est poursuivi. L’examen clinique vérifie la
hauteur utérine, la pression artérielle et l’absence de protéinurie. Un examen échographique
mensuel permet de surveiller la croissance fœtale, les dopplers utérins et la quantité de liquide
amniotique. En cas de retard de croissance intra-utérin ou d’oligoamnios, le repos est
préconisé.
Troisième trimestre
La surveillance clinique et échographique se poursuit. En cas de RCIU, on instaure une
surveillance du rythme cardiaque fœtal, voire quand le retard de croissance est sévère, une
hospitalisation et une cure de corticoïdes si le terme est inférieur à 34 SA. Il faut être
particulièrement attentif au dépistage d’une prééclampsie, par surveillance tensionnelle
rapprochée, et parfois la prescription de bandelettes permettant de dépister la protéinurie.
L’aspirine est arrêtée vers 35 SA, plus tôt s’il existe des anomalies faisant craindre un
accouchement prématuré.
L’accouchement est programmé entre 37 et 39 SA selon les cas, avant en cas de
pathologie. La dernière injection d’héparine est faire le matin, la veille du déclenchement ou
de la maturation par prostaglandines, selon l’état du col.
Postpartum
L’héparine est reprise à dose iso-coagulante pour une durée de 6 semaines (et est débutée
environ 6 heures après l’accouchement). Le traitement par héparine ne contre-indique pas
l’allaitement. Il faut continuer à surveiller la tension artérielle et rechercher un HELLP
syndrome au moindre doute.
31
4) Le lupus
4.1 Lupus et perte fœtale
Le lupus érythémateux disséminé est une maladie systémique d'origine auto-immune qui
comporte des manifestations cliniques extrêmement polymorphes, cutanéo-viscérales,
évoluant par poussées, associées à la présence d'auto-anticorps dirigés contre les constituants
du noyau cellulaire. Il atteint fréquemment la femme jeune, ce qui rend sa rencontre au cours
de la grossesse non exceptionnelle.
La grossesse chez une femme lupique doit être considérée comme une grossesse à haut risque
même si, depuis quelques années, une meilleure connaissance de la pathogénie de la maladie,
ayant abouti à des indications thérapeutiques mieux établies, permet d'autoriser quasi
systématiquement la grossesse et d'en espérer un pronostic le plus souvent favorable.
Les mécanismes des pertes fœtales au cours du lupus sont divers : poussée de lupus chez la
mère avec possibilité d’atteinte rénale grave ; passage des anticorps maternels chez le fœtus
avec possibilité de myocardite ou de bloc auriculo-ventriculaire (éventualité rare évaluée à
1,5% des grossesses anti-SSA+) ; vasculopathie placentaire favorisée par les anticorps
antiphospholipides ; avortements auto-immuns.
Une complication classique est la myocardite fœtale qui concerne une petite fraction des
grossesses lupiques. Un facteur de risque est la présence d’anticorps anti-SSA(Ro)+ [10] mais
la fréquence des événements cardiaques fœtaux chez les porteuses d’anti-SSA est très faible,
de l’ordre de 1 à 2%. L’expression peut en être un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) fœtal ou,
plus grave, un arrêt cardiaque [18].
4.2 Prise en charge d’une grossesse après perte fœtale
La prise en charge de ces patientes doit être multidisciplinaire et idéalement
préconceptionnelle.
Le traitement corticoïde sera majoré délibérément dès le début de la grossesse. La
prednisone, qui ne passe pas le placenta, est le corticoïde de référence. Elle est
systématiquement couplée à une supplémentation en vitamine D et en calcium et à un régime
hyposodé, hypoglucidique et hypocalorique. Si elle est indispensable, la prise
d’hydroxychloroquine est autorisée durant la grossesse. De la même manière, le
32
cyclophosphamide pourra être poursuivi s’il est indispensable à l’équilibre du lupus, car une
poussée lupique pendant la grossesse est le facteur de risque principal de perte fœtale [14].
Les patientes recevront de l’aspirine dès le début de la grossesse. En cas d’anticorps
antiphospholipides associés, on ajoutera une dose quotidienne d’héparine de bas poids
moléculaire.
5) Anomalies placentaires dans les pathologies vasculaires
L’examen anatomopathologique du placenta peut apporter des informations
importantes pour la classification étiologique de la MFIU.
Certaines anomalies placentaires peuvent fortement orienter vers une cause vasculaire.
5.1 Une artériopathie déciduale
Elle est responsable de lésions des artères utéro-placentaires difficiles à mettre en évidence
mais évoquées devant des infarctus multiples, un hématome rétroplacentaire et des signes
histologiques d’hypoxie/ischémie : villosités petites, espaces intervilleux collabés, excès
d’amas nucléaires périvillositaires.
5.2 Une thrombose sous choriale massive :
Tuméfaction volumineuse faisant saillie sur la plaque choriale ou des thromboses
intervilleuses multiples et/ou volumineuses réalisant une anémie fœtale par hémorragie foetomaternelle.
5.3 Des lésions de nécrose ischémique avec dépôts de substance
fibrinoïde (NIDF)et/ou des dépôts de fibrine périvillositaire
Ils sont souvent associés principalement en région centrale mais peuvent s’étendre sur toute
l’épaisseur du placenta réalisant une diminution importante des échanges et entraînant un
RCIU. La NIDF a une signification encore plus péjorative lorsqu‘elle est située en région
basale (maternal floor infarction) car il existe un risque de récurrence certain. Ces anomalies
ont été rapportées dans le syndrome des antiphospholipides [86]. La NIDF est souvent
associée à des lésions de VUE (villitis of unknown etiology) en dehors de tout contexte
33
infectieux et à des lésions d’intervillite chronique de mauvais pronostic [82]. Certains ont
évoqués une cause immunologique à ces lésions, ce qui expliquerait le risque élevé de
récurrence. Un bilan maternel doit être envisagé ; il conduira peut être à instaurer un
traitement préventif à la prochaine grossesse.
B) Etiologie malformative
Les malformations fœtales représentent entre 10% [38,94] et 18% des causes de morts
fœtales ; ce taux reste stable depuis ces 50 dernières années.
Les malformations les plus fréquentes sont les anomalies du système nerveux central (75%),
et les malformations cardio-vasculaires. Moins fréquemment on retrouve des malformations
gastro-intestinales, génito-urinaires et du squelette.
Une anomalie chromosomique doit être recherchée en fonction de la malformation.
C) Etiologie annexielle
1) Pathologie cordonale
Des anomalies funiculaires peuvent entraîner le décès du fœtus : cordon très long, grêle avec
un excès de spiralisation et des zones de striction/dilatation. Cette cause de décès ne doit être
retenue que s’il existe des signes évidents d’arrêt de la circulation fœtale (thromboses
organisées à l’histologie), associés à des signes d’hypoxie fœtale et l’absence évidente d’autre
étiologie [68]. Il est fréquent de trouver lors de l’examen systématique après un accouchement
eutocique un circulaire, des nœuds sur le cordon, un cordon très étroit au niveau de l’ombilic ;
il faudra faire la preuve de leur rôle dans la MFIU [92]. L’insertion vélamenteuse est plus
souvent responsable de décès néonatal par hémorragie de Benkiser que de MFIU. La présence
d’une artère ombilicale unique ne peut être mise en cause dans la MFIU que lorsqu’il n’existe
une anomalie majeure associée, comme une tumeur du cordon.
2) Anémies fœtales
2.1 Anémie par hémorragie foeto-maternelle (HFM)
Cette situation rare est malheureusement découverte le plus souvent à l’occasion d’une mort
fœtale in utero. Le diagnostic est confirmé par la positivité du test de Kleihauer (frottis
34
sanguin maternel dans lequel on met en évidence des hématies fœtales). Ce test permet une
quantification approximative du volume de l’hémorragie à partir du ratio [hématies
foetale/hématies maternelles]. La présence d’une hématie fœtale pour 10 000 hématies
maternelles correspond au passage de 0,5 mL de sang fœtal. Un test de Kleihauer positif à 20
hématies fœtales pour 10 000 hématies maternelles par exemple, correspond à un volume de
sang fœtal de 10ml.
Dans 82 % des cas, aucun facteur de risque n’est retrouvé [30]. Cependant, toutes les
manoeuvres obstétricales peuvent provoquer ou aggraver une HFM. Les situations à risque les
plus évoquées dans la littérature [45,56] et par l’ American College of Obstetricians and
Gynecologist (A.C.O.G.) sont : l’accouchement (par voie basse ou par césarienne),
l’interruption volontaire ou médicale de grossesse, les fausses couches spontanées, les
complications obstétricales (métrorragies, menace d’accouchement prématuré, placenta
praevia, grossesse extra-utérine, mort foetale in utero, hématome rétroplacentaire), les
traumatismes (chirurgies pelviennes ou abdominales, traumatisme pelvien ou abdominal…),
les explorations obstétricales (révision utérine, amniocentèse, ponction de sang foetal, biopsie
du trophoblaste…), les manoeuvres obstétricales (cerclage du col, réduction embryonnaire,
version par manoeuvre externe).
Dans quelques rares cas, cette HFM peut être découverte à l’occasion de signes d’anémie du
fœtus et quelques cas ont pu bénéficier d’une transfusion in utero.
2.2 Anémie par allo-immunisation foeto-maternelle
Au cours de la grossesse, le passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle est
fréquent, d’autant plus fréquent et quantitativement important que l’âge gestationnel avance.
Le passage d’hématies fœtales est maximum au moment du travail et de l’accouchement.
L’allo-immunisation la plus fréquente concerne l’antigène Rh D. Lorsqu’une femme Rh D
négatif est enceinte d’un enfant Rh D positif, le passage d’hématies fœtales entraîne la
synthèse d’anticorps dirigés contre l’antigène rhésus D. D’autres antigènes érythrocytaires
peuvent être concernés, par ordre décroissant de fréquence : Kell, c; C, E…
Il est rare (mais non impossible) que l’allo-immunisation ait des conséquences graves au
cours de la première grossesse car le taux d’anticorps est généralement faible lors de
l’immunisation primaire. En revanche lorsqu’il existe une deuxième exposition aux antigènes
érythrocytaires fœtaux (le plus souvent lors de la grossesse suivante), la réaction immunitaire
secondaire (réactivation) peut être explosive avec augmentation massive du taux d’anticorps.
35
Nous prendrons pour exemple type l’immunisation anti-Rh D qui est la plus fréquentes mais
aussi l’une des plus graves.
Les anticorps anti-érythrocytaires de type IgG passent la barrière placentaire et vont entraîner
une hémolyse fœtale responsable de l’anémie. Le plus souvent la notion d’agglutinines
irrégulières positives est connue dès le début de la grossesse, ce qui permet l’identification
des anticorps (antiRh-D ou autres) et leur quantification. La quantification peut se faire par le
titrage des anticorps et surtout pour les anticorps dirigés contre les antigènes du système
rhésus, par le dosage pondéral des immunoglobulines.
Deux situations peuvent se rencontrer :
-
Premièrement l’allo-immunisation est connue et fait l’objet d’une surveillance
spécifique à la recherche des premiers signes d’anémie foetale.
-
Deuxièmement l’allo-immunisation est découverte devant des signes échographiques
d’anémie fœtale majeure (anasarque) ou à l’occasion d’une MFIU.
La connaissance d’une telle situation d’incompatibilité sanguine materno-fœtale justifie une
surveillance spécialisée. En cas d’allo-immunisation RhD, il est possible de connaitre le
groupe RhD du foetus soit à partir de la connaissance du phénotype Rh du conjoint, s’il est
négatif, soit surtout à l’aide du génotypage Rh D fœtal sur sang maternel. Ce test non invasif
est réalisable vers 10-15 semaines d’aménorrhée avec une excellente fiabilité dans quelques
laboratoires en France. En cas de négativité confirmée du rhésus D fœtal le risque d’anémie
est nul et la surveillance normale de la grossesse peut être instaurée. En cas de positivité, il
existe une situation d’incompatibilité sanguine materno-fœtale et la surveillance spécialisée
doit être poursuivie.
2.3 Anémie par infection virale à parvovirus B19
Dans la très grande majorité des cas, cette anémie est découverte de manière fortuite à un
stade sévère devant des signes d’anasarque à l’échographie.
Beaucoup plus rarement elle est découverte lors de la surveillance d’une infection maternelle
par le parvovirus B19. Cette infection peut dans quelques cas être symptomatique : fièvre +
éruption, justifiant la réalisation d’une sérologie. Plus souvent la sérologie est réalisée dans un
contexte de comptage chez un enfant de l’entourage (médecine scolaire).
En cas d’anasarque foetale, la prise en charge est actuellement beaucoup plus rapide grâce à la
fiabilité de l’accélération des vélocités sanguines à l’artère cérébrale moyenne qui permet de
rapporter immédiatement l’anasarque à une anémie foetale. Dans ce contexte, l’attitude
36
actuellement admise consiste à réaliser un abord sanguin foetal afin de confirmer l’anémie et
de réaliser une transfusion sanguine in utero, sans attendre la confirmation de l’infection par
le parvovirus, ce qui entraînerait un retard supplémentaire à la prise en charge.
3) La maladie des brides amniotiques (MBA)
La maladie des brides amniotiques (MBA) est un ensemble de malformations congénitales
complexes, intéressant principalement les membres, mais aussi la région crânio-faciale et
l’axe thoraco-abdominal. Deux théories principales physiopathologiques s’opposent : la
rupture précoce de l’amnios (théorie exogène) conduirait à la formation des brides fibreuses,
qui seraient elles-mêmes responsables par strangulation des malformations observées ; la
théorie endogène privilégie une origine vasculaire, les brides n’ayant alors aucun rôle causal.
Le pronostic de la maladie dépend de la gravité des malformations. Une interruption médicale
de grossesse est généralement proposée en présence de sévères malformations crânio-faciales
et viscérales, alors que les malformations isolées de membres sont accessibles à un traitement
chirurgical à la naissance.
D) Etiologie métabolique
1) La cholestase gravidique
La choléstase gravidique est la plus fréquente des hépatopathies gravidiques des femmes
normotendues. Sa prévalence est de l’ordre de 5 pour 1000 naissances [81]. Elle se manifeste
essentiellement par un prurit généralisé qui peut être très intense avec des lésions de grattage.
Ce prurit est isolé sans fièvre ni hépatalgie. Un ictère est présent dans 10 à 20 % des cas.
L’augmentation des acides biliaires définissant la cholestase est toujours présente.
Les aminotransférases (ASAT et ALAT) sont les tests hépatiques de routine le plus souvent
perturbés : leur augmentation peut atteindre jusqu’à 30 fois la normale. Les gammaglutamyltransferrases sont normales. Il n’existe pas d’insuffisance hépatique : le facteur V est
toujours normal.
37
1.1 Pronostic maternel
Il est toujours bon à court terme et la mortalité maternelle est nulle. La seule complication
maternelle redoutée est l’hémorragie de la délivrance par hypovitaminose K, lorsque la
cholestase est sévère en particulier lorsqu’il y a un ictère ou en cas de traitement par la
cholestyramine. Cette complication peut être prévenue par l’administration parentérale de
vitamine K en cas de diminution du taux de prothrombine.
1.2 Pronostic foetal
Il est dominé par deux principales complications : la mort foetale in utero (MFIU) et
l’accouchement prématuré.
a) La mort foetale in utero
La MFIU est d’autant plus redoutée qu’elle peut survenir brutalement à terme en l’absence de
tout signe de gravité : rythme cardiaque foetal (RCF), mouvements foetaux actifs et score
biophysique de Manning normaux, concentration des acides biliaires inférieure à 40 μmol/l,
foetus eutrophe [54,87]. La fréquence de la MFIU varie selon les études de 0 à 7% [5] mais la
majorité des auteurs l’évalue actuellement entre 1 à 2% [76]. Cette disparité retrouvée dans la
littérature, s’explique en partie par la difficulté de démontrer pour chaque patiente que c’est
bien la choléstase intrahépatique gravidique qui est responsable de la MFIU [87,88]. La
présence de méconium dans les bronches ou les artérioles d’un foetus mort in utero dans un
contexte de cholestase intrahépatique gravidique permet de fortement suspecter cette dernière
comme responsable de la MFIU [23,49,69]. Par ailleurs, la cholestase intrahépatique
gravidique est aussi associée à des taux anormalement élevés d’anomalies du RCF (22ŕ41
%) et de liquide amniotique méconial (27 %) au cours de l’accouchement [23,49].
La physiopathologie de la MFIU et des conséquences sur le foetus pendant le travail reste
inconnue. Il ne semble pas que l’on puisse incriminer une insuffisance utéroplacentaire
chronique comme cause de MFIU puisque les foetus dont la mère est atteinte de cholestase
intrahépatique gravidique sont eutrophiques et ont un Doppler ombilical normal [104].
Lors de la cholestase intrahépatique gravidique, il existe une augmentation du taux d’acides
biliaires dans le liquide amniotique [37], le sang fœtal [48] et le liquide méconial [80]. Or
différentes études animales et expérimentales ont démontré que les acides biliaires pouvaient
38
être responsables d’effets délétères pour le foetus : ils induisent une vasoconstriction des
veines de la plaque choriale du placenta [89]; majorent le risque de passage de méconium
dans le liquide amniotique chez le foetus de brebis lui-même responsable de vasoconstriction
aiguë des veines du cordon ombilical [2]; altèrent l’activité contractile des cardiomyocytes
chez le rat suggérant qu’une augmentation des acides biliaires dans le sang foetal pourraient
entraîner une MFIU brutale par arythmie cardiaque [102]. De plus, le transport des acides
biliaires du foetus vers la mère au niveau du placenta est diminué lors d’une cholestase
intrahépatique gravidique, responsable d’une accumulation potentielle toxique d’acides
biliaires dans le sang fœtal [55]. L’ensemble des ces observations suggère que certains acides
biliaires jouent un rôle crucial dans la survenue des MFIU lors d’une cholestase
intrahépatique gravidique. Ces données expérimentales ont été corroborées par les récents
travaux cliniques de Glantz et al. qui montrent que le risque de complications foetales
(accouchement prématuré, asphyxie néonatale, liquide méconial) est d’autant plus important
que la concentration maternelle en acides biliaires est élevée. Il augmenterait de 1 à 2 % par
μmol/l additionnel d’acides biliaires et deviendrait significatif pour une concentration
supérieure ou égale à 40 μmol/l [31].
b) L’accouchement prématuré
Sa fréquence varie de 19 à 60 % selon les études [23,31,76,102]. Cette variabilité s’explique
par une hétérogénéité des populations étudiées. En effet, la sévérité de la cholestase, la
fréquence des grossesses multiples, des prématurités spontanées et induites, des pathologies
associées (infection urinaire, hypertension artérielle) et le type de traitement institué varient
d’une étude à l’autre. Cette prématurité reste aujourd’hui mal élucidée mais il est probable
qu’elle soit liée aux acides biliaires. On peut émettre l’hypothèse que de façon similaire à
l’infection materno-foetale, la mise en travail prématuré est un mécanisme protecteur
permettant de soustraire le foetus à la toxicité des acides biliaires [87].
1.3 Traitement
Lorsque le diagnostic est fortement probable, tout traitement non indispensable pour la mère
doit être interrompu. Aucune tocolyse ne se justifie : elle peut majorer la cholestase, elle n'a
pas fait la preuve de son efficacité. Au contraire, respecter la prématurité après maturation
pulmonaire foetale par la dexaméthasone paraît mettre à l'abri des éventuelles complications
39
périnatales
[58].
Dans
l'état
actuel
des
connaissances,
l'introduction
de
l'acide
ursodésoxycholique (450 mg/j) peut s'envisager si le prurit est intenable ou si la cholestase
gravidique est à révélation précoce (avant 34 semaines d'aménorrhée). On peut en effet en
attendre un bénéfice fœtal même si celui-ci n'a pas été démontré. L'administration
intramusculaire de 10 mg de vitamine K est à faire dès que le diagnostic est évoqué pour
éviter la chute des facteurs de coagulation vitamine K dépendant. Lors de la consultation du
post-partum à 6 semaines de l'accouchement, la normalisation du bilan hépatique est à
contrôler ; c'est elle et elle seule qui viendra confirmer rétrospectivement le diagnostic de
cholestase gravidique [59].
2) Le diabète
Le diabète maternel est une cause connue depuis longtemps de mort fœtale in utero (MFIU)
[17] et c’est une des raisons pour lesquelles cette pathologie intéresse les obstétriciens. Si le
risque d’accident de fin de grossesse est bien connu chez les femmes diabétiques
insulinodépendantes, la prévention des fausses-couches précoces (FCP) et le diagnostic du
diabète gestationnel (DG) ne sont pas universellement réalisés.
2.1 Définitions et fréquence
a) Diabète de type 1
Anciennement nommé diabète insulinodépendant (DID), il s’agit d’une insuffisance
pancréatique entraînant un défaut de sécrétion d’insuline. Les formes familiales sont
fréquentes. En l’absence d’insulinothérapie, survient une acidocétose conduisant au décès.
Chez la femme en âge de procréer, la fréquence du diabète insulinodépendant est de l’ordre de
0,5%, avec des diabètes parfois sévères ayant débuté dans l’enfance ou l’adolescence. Il s’agit
de femmes connaissant généralement bien le maniement de l’insuline, mais dont les
grossesses, plus ou moins bien prises en charge, ont pu aboutir à une ou plusieurs pertes
fœtales.
b) Diabète de type 2
Anciennement nommé diabète non insulinodépendant (DNID), il est défini par une glycémie
à jeun supérieure ou égale à 6,2 mM (1,30 g/l), contrôlée à 2 reprises à 2 mois d’intervalle
(ANAES 2000). Il est le plus souvent du à une insulinorésistance, et sa fréquence augmente
40
avec l’âge des patients, les antécédents familiaux, certaines origines ethniques et l’indice de
masse corporelle. Il est traité par des mesures diététiques, parfois associées à des
antidiabétiques oraux ou, en cas d’échec, à une insulinothérapie.
c) Diabète gestationnel (DG)
Le diabète gestationnel (DG) se définit comme "un diabète ou une intolérance au glucose
apparus ou découverts pendant la grossesse" [29]. Il survient lorsque les cellules bêtapancréatiques de la femme enceinte ne peuvent produire suffisamment d'insuline pour
compenser l'inulinorésistance physiologique au cours de la grossesse [44]. Sa prévalence,
comprise entre 1 et 6% selon les études [70] est très variable en fonction de l'origine raciale,
est en constante augmentation, notamment en raison de l'élévation de l'âge moyen des femmes
enceintes. Malgré de nombreuses conférences internationales depuis les années 1980, aucun
consensus n'a été établi sur les tests de dépistage, la définition des valeurs pathologiques, ni
sur le traitement. En France, il est recommandé de le dépister chez toutes les femmes
enceintes entre 26 et 30 SA, car seulement 2/3 des femmes porteuses de DG ont des facteurs
de risques reconnus [101]. Il existe 2 types de démarches pour diagnostiquer le DG, aucune
n’ayant fait la preuve de sa supériorité :
-
le test de dépistage de O’Sullivan, proposé par le National Diabetes Data Group :
glycémie 1h après la prise orale de 50g de glucose. Si elle est supérieure à 7,2 mM (1,30
g/l), un test diagnostique doit être réalisé par une hyperglycémie provoquée par voie orale
(HGPO) avec mesures de la glycémie à jeun puis 1h, 2h et 3h après la prise orale de 100 g
de glucose. Le diagnostic de DG est posé s’il y a au moins 2 valeurs pathologiques sur 4 à
l’HGPO, chaque laboratoire donnant ses normes en fonction du test utilisé .
-
Celui proposé par l'OMS, que nous avons choisi car il permet de faire dans le même temps
un diagnostic et un dépistage par une glycémie à jeun et une glycémie deux heures après
la prise orale de 75 grammes de glucose. De nombreux auteurs ont adopté ce test de
dépistage, plus simple que celui du NDDG car posant le diagnostic en un temps, ce qui
permet une meilleure observance. Les valeurs seuils sont très débattues dans la littérature,
fixées pour notre équipe et pour d’autres à 5,5mM (1 g/l) à jeun et 7,7 mM (1,4 g/l) en
post charge.
41
2.2 Diabète et mort fœtale in utero
Si le diabète de type 1 est un facteur de risque reconnu de mortalité prénatale [20], il est plus
difficile d’évaluer précisément le risque de MFIU au cours du DG, car sa prévalence est
beaucoup plus faible. Toutefois, une étude suédoise a montré indirectement l’influence du DG
sur le taux de MFIU [1]. Les auteurs ont en effet montré que, dans une population où le
dépistage du DG est systématiques, les femmes faisant un DG ont un taux de MFIU de 14,9
pour mille au cours de leurs grossesses antérieures contre 6,5 pour mille dans une population
non diabétique (OR=1,56 [1,12-2,19]).
Les mécanismes de ces MFIU ne sont pas clairement identifiés et sont probablement
multiples. Les accidents métaboliques maternels, et notamment les acidocétoses sévères,
provoquent souvent une MFIU. Les malformations, plus fréquentes en cas de diabète de type
1 mal équilibré, peuvent être létales. L’hypertrophie du septum interventriculaire cardiaque
fœtal est un facteur de risque de MFIU[43], sans que des troubles de la conduction cardiaque
aient pu être mis en évidence chez ces fœtus. Il semble s’agir plutôt d’un marqueur de
l’organomégalie qui est le reflet d’un retentissement sévère du diabète sur le fœtus.
Enfin, les MFIU sont plus fréquentes lorsqu’il existe un retard de croissance intra-utérin
(RCIU) associé, voire une pré-éclampsie et/ou un hématome rétroplacentaire, dont la
fréquence est augmentée chez les femmes diabétiques.
Dans une étude anglaise s’intéressant aux femmes diabétiques de type 1 ou 2, Verheijen
retrouvait comme facteur de risque de MFIU l’insulinothérapie avant la grossesse et la race
asiatique. Pour les femmes traitées par insuline avant la grossesse, il n’y avait pas de
différence de taux de MFIU selon le type de diabète [98].
En ce qui concerne le DG, il a fallu une étude australienne portant sur 79 000 grossesses avec
dépistage systématique (dont 4595 enfants nés de mère avec DG) pour mettre en évidence une
augmentation de la mortalité périnatale avec un odds ratio de 1,53 [1,13-2,06] [7].
E) Etiologie inexpliquée
Une mort fœtale est dite « inexpliquée » lorsque après avoir récupéré les éléments de la mort
fœtale et avoir fait un bilan étiologique exhaustif, aucune cause n’est mise en évidence.
Les taux sont très variables en fonction des bilans effectués et des critères étiologiques aux
alentours de 30-40% [38-32].
42
Pour les patientes il est souvent très difficile à admettre qu’aucune cause n’a été retrouvée.
F) Etiologie infectieuse
1) Introduction
Les infections maternelles, bactériennes, virales, parasitaires ou fungiques peuvent se
transmettre pendant la grossesse et ainsi provoquer une infection fœtale dont les conséquences
peuvent être graves (fausse couche tardive ou mort fœtale in utero). Une étiologie infectieuse
est responsable de 10 à 25 % des morts fœtales in utero dans les pays développés en fonction
des séries.
La transmission se fait selon deux voies principales :
- la voie ascendante, la plus fréquente : elle est due à une contamination du liquide amniotique
entraînant des lésions inflammatoires qui sont responsables d’une rupture prématurée des
membranes. Cette rupture peut également être primitive. Certains facteurs favorisent ce mode
de transmission : stérilet, cerclage, béance du col, métrorragies, anomalies de configuration
placentaire. C’est la voie de transmission habituelle pour les bactéries appartenant à la flore
nosocomiale vaginale. Cette voie concerne beaucoup plus rarement les infections virales
(herpès, CMV) et fungiques.
- La voie transplacentaire hématogène, lors d’une septicémie maternelle : la contamination se
fait à partir du sang maternel de la chambre intervilleuse, et atteint la circulation fœtale. Elle
concerne
essentiellement
les
virus,
les
parasites
et
quelques
bactéries
(listéria
monocytogènes).
Pour un certain nombre de raisons, la relation entre une infection maternelle et la mort fœtale
n’est pas claire.
Tout d’abord, le fait de trouver des signes d’infection lors de l’examen anatomopathologique
du fœtus et/ou du placenta ne prouve pas que l’infection soit la cause de la mort fœtale.
De même, une sérologie positive ne prouve pas que l’infection soit à l’origine de la mort
fœtale.
Enfin, certains organismes qui sont connus pour pouvoir causer des morts fœtales, comme les
parvovirus ou ureaplasma urealyticum sont difficiles à mettre en évidence.
43
2) Principaux germes responsables de MFIU
Les principaux germes pouvant entraîner une MFIU sont :
- Bactéries : Listériose, Syphillis
- Virus : Rubéole, Cytomégalovirus, parvovirus B19
- Parasites : Toxoplasmose, Paludisme
Ces différentes infections seront recherchées dans le bilan de MFIU sur point d’appel
clinique.
3) Apport de l’examen foeto-pathologique
Un examen foetopathologique complet sur un fœtus adressé à l’état frais sera pratiqué selon le
protocole habituel. Des prélèvements seront effectués, à visée bactériologique ou
virologique :
- pour examen bactériologique : fragment pulmonaire en indiquant le contexte, certaines
bactéries nécessitant un milieu de culture spécifique ;
- pour examen virologique : fragment tissulaire (poumon, foie,myocarde, rein) :ils seront
adressés immédiatement au laboratoire ou après congélation et conservation à Ŕ 80°C, selon le
contexte.
Tous les viscères doivent être prélevés pour examen histologique, sans oublier le tube
digestif. L’examen neuropathologique macroscopique et histologique doit être dans tous les
cas pratiqué.
3.1 Données de l’examen macroscopique
Certains éléments macroscopiques non spécifiques permettent d’évoquer une pathologie
infectieuse : des anomalies posturales pouvant évoquer une exposition à un oligoamnios par
rupture des membranes, une odeur fétide du fœtus, une hépato-splénomégalie, des poumons
de poids supérieur aux normes.
D’autres signes peuvent orienter vers une étiologie particulière :
44
- une éruption cutanée et rarement des micro-abcès viscéraux évoquent une infection
bactérienne à listeria monocytogène ;
- Un RCIU et/ou une anasarque peuvent évoquer une infection virale à CMV ;
- Une anasarque et/ou une pâleur cutanée orientent vers une infection virale à parvovirus B19.
3.2 Données de l’examen histologique
En cas d’infection bactérienne, les éléments inflammatoires sont principalement des
polynucléaires neutrophiles, retrouvés essentiellement dans les lumières respiratoires ou
digestives où les bactéries sont rarement visualisées. L’examen bactériologique systématique
sur prélèvement pulmonaire met rarement en évidence l’agent infectieux, d’autant plus si une
antibiothérapie a été instaurée.
En cas d’infection virale, les infiltrats inflammatoires sont plus volontiers constitués
d’éléments mononuclés.
Quelques lésions histologiques sont toutefois spécifiques : il s’agit surtout de la mise en
évidence :
de micro-abcès viscéraux en cas d’infection à listeria
d’inclusions nucléaires virales
de kystes toxoplasmiques
de spores et filaments mycéliens en cas d’infection à candida albicans
4) Anatomopathologie placentaire
Le placenta doit être adressé à l’état frais. Des prélèvements doivent être adressés aux
laboratoires compétents selon le contexte.
4.1 Données de l’examen macroscopique
Certains signes macroscopiques non spécifiques peuvent orienter vers une étiologie
infectieuse. Il peut s’agir d’une odeur fétide, d’une anomalie de configuration du placenta, de
membranes libres, épaisses, sales, jaunâtres, d’une plaque choriale ivoire, d’un aspect friable
du placenta à la coupe.
45
Certains signes toutefois peuvent être plus spécifiques d’une étiologie :
des micro-abcès évoquent plus particulièrement une listériose
des aches blanc-jaunatres sur le cordon évoquent une mycose
un placenta hydropique évoque une infection à parvovirus B19 ou CMV
4.2 Données de l’examen histologique
En cas d’infection bactérienne, l’aspect est celui d’une chorioamniotite aigue : on observe des
polynucléaires neutrophiles dans les membranes libres et la plaque choriale, pouvant atteindre
la paroi des vaisseaux allanto-choriaux et le plafond de la chambre intervilleuse. L’examen
foeto-placentaire va aisément confirmer le diagnostic, si l’agent pathogène est mis en
évidence à l’examen direct.
En cas d’infection virale, l’infiltrat est essentiellement constitué d’éléments
mononuclés.
G) Autres étiologies
1) Tabac
Le tabagisme représente un facteur de risque important. Dans l’étude suédoise de Kyrklund et
al. [47], le risque relatif de survenue d’un HRP était de 2,2 [2,0-2,5] chez les patientes fumant
plus de 10 cigarettes par jour par rapport à une population non fumeuse. Pour Mortensen et al
au Danemark [67], le risque relatif était de 1,99 [1,72-2,30]. L’étude américaine de Misra et
al. montre également une augmentation du risque de 40% par année de tabagisme avant la
grossesse [63].
46
2) Traumatisme
Cause rare, parfois évidente dans le cadre d’un accident de la voie publique, parfois
moins si la femme a été victime de violences. La mort fœtale peut survenir par traumatisme
direct ou décollement placentaire.
3) Toxiques
Parmi les médicaments incriminés dans la survenue de MFIU, nous citerons les drogues
dures (cocaïne et notamment le crack) qui peuvent entraîner un décollement placentaire par
vasoconstriction brutale et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ceux-ci peuvent
provoquer une mort fœtale au 3° trimestre de la grosses par fermeture prématurée du canal
artériel ou toxicité rénale. Toute intoxication maternelle aigue peut être responsable de MFIU
en cas de défaillance maternelle.
Les hématomes rétroplacentaires surviennent plus
fréquemment chez les patientes consommatrices de cocaïne [24], et apparaissent
essentiellement en fin de grossesse. Le risque estimé est variable selon les auteurs et semble
surtout lié aux facteurs de vulnérabilité associés. La principale cause de mort foetale in utero
est l’hématome rétro placentaire qui complique de 2 % [66] à 18 % des grossesses [61] de
patientes consommatrices de stupéfiants, au premier rang desquels se trouve la cocaïne. Cette
complication
reflète
l’effet
vasoconstricteur
et
hypertenseur
des
toxiques,
tout
particulièrement du crack et de la cocaïne. Les mécanismes physiopathologiques par lesquels
la cocaïne et le crack, vasoconstricteurs et hypertenseurs, sont responsables d’hématomes
rétroplacentaires et de mort foetale in utero sont mal connus. Ils pourraient résulter d’une
production accrue de prostaglandines par le placenta avec une modification du ratio
thromboxane/prostacycline, ou d’une vasoconstriction des vaisseaux utérins et ombilicaux
[65]. Le foetus est de plus soumis à un stress lié à l’alternance des phases de surdosage et de
manque. Le pronostic foetal et néo-natal dépend du délai de consultation, du terme de la
grossesse, de l’hypotrophie foetale et des complications associées.
47
4) Drépanocytose
4.1 Définition et épidémiologie
La drépanocytose est une maladie génétique liée à une mutation sur un gène de
l’hémoglobine, aboutissant à la synthèse d’une hémoglobine anormale dite S, moins affine
pour l’oxygène. Lorsque cette mutation est homozygote (SS), la maladie est symptomatique,
caractérisée par des crises hémolytiques aiguës et vaso-occlusives, souvent favorisées par un
facteur déclenchant (stress, infection, douleur, froid ……..). La fréquence de ces
complications et l’espérance de vie des patients sont variables en fonction du niveau de soins,
ce qui rend les résultats de la littérature très inhomogènes.
4.2 Fréquence et physiopathologie des pertes foetales
La fréquence des pertes fœtales est significativement augmentée lorsque la femme est
porteuse d’une drépanocytose homozygote. Cette augmentation concerne aussi bien les
fausses-couches que les morts in utero [71].
Les données de la littérature sont relativement peu nombreuses pour une pathologie aussi
fréquente. En dehors de séries monocentriques d’effectif faible, trois grandes cohortes ont été
suivies, avec des modes de recrutement différents, ce qui explique la disparité des résultats.
Une étude jamaïcaine publiée par Poddar et al [71] a étudié rétrospectivement 664
grossesses chez 297 femmes drépanocytaires homozygotes, suivies dans un centre
spécialisé pour la prise en charge de cette pathologie. Cette étude s’est étendue sur 25
ans (1959-1984), ce qui crée des disparités inévitables dans le traitement et la
surveillance des patientes.
Une étude multicentrique américaine publiée par Smith et al [93] a comparé le
pronostic obstétrical de 320 grossesses chez 155 drépanocytaires homozygotes, avec
celui de grossesses témoins. L’étude est plus restreinte dans le temps (1979-1986),
mais a regroupé les données de 19 centres, avec une prise en charge non homogène.
Une autre série jamaïcaine plus récente [90] a cherché à éviter ces biais de recrutement
en exploitant une base de données qui inclut les patientes drépanocytaires depuis leur
naissance (à partir de 1973), en appariant à 2 témoins de même sexe nés au même
moment, avec une électrophorèse de l’hémoglobine normale. Les patientes ayant eu au
48
moins une grossesse ont été sélectionnées dans ce registre, ce qui représente 94
grossesses chez 52 femmes, comparées à 157 grossesses chez 68 contrôles.
Dans ces trois publications, les auteurs distinguent, comme dans toute la littérature
anglosaxonne, les types de pertes fœtales selon qu’elles ont eu lieu avant ou après 24 SA.
Le taux de pertes fœtales avant 24 SA est très variable selon les séries, variant entre 12 et
35 %. Le mécanisme physiopathologique n’est pas connu. La majorité de ces pertes fœtales
(80% pour la série de Serjeant et al. ) ont lieu avant 12 SA [90]. Dans cette série où le recueil
des données semble le plus exhaustif, 12 patientes drépanocytaires n’ont eu aucune grossesse
évolutive et certaines ont eu des fausses-couches spontanées (FCS) à répétition (3 patientes
avec 2 FCS, 2 avec 3 FCS et une avec 5 FCS). Le caractère très précoce de ces accidents rend
leur prévention difficile, car souvent les femmes ne rencontrent pas d’obstétricien. Leur
fréquence est probablement sous-estimée dans les autres publications, où le recrutement a lieu
dans les services d’obstétrique.
La drépanocytose homozygote augmente le risque de mort fœtale in utero. Toutefois, ces
résultats sont à interpréter avec prudence, car la prise en charge médicale est souvent peu
importante. En effet, dans les 2 séries jamaïcaines [71,93], aucun échange érythrocytaire n’est
pratiqué pendant la grossesse, des transfusions étant réalisées uniquement en cas d’anémie
et/ou de crise vaso-occlusive sévères. Dans la série récente de Serjeant et al. , 18% des sujets
et 41% des contrôles n’ont eu aucun suivi pendant la grossesse.
La physiopathologie de ces morts fœtales n’est pas toujours connue, même si l’occlusion
vasculaire artérielle distale, caractéristique de cette maladie, semble pouvoir provoquer des
infarctus placentaires. Dans la série de Serjeant et al., deux sont survenues sans cause
reconnue, une lors d’une crise vaso-occlusive, deux dans le cadre d’une pré-éclampsie sévère
et une reliée à une circulaire serrée du cordon.
A noter dans ces deux séries une mortalité maternelle non négligeable, entre 1 et 3 %
[71,90,93].
4.3 Prise en charge d’une grossesse en cas d’antécédent de perte fœtale
Un programme transfusionnel est instauré systématiquement à partir du 5° mois de grossesse,
parfois plus tôt s’il existe des antécédents de pertes fœtales précoces. Les transfusions (ou
exsanguino-transfusions) sont répétées à une fréquence variable selon les patientes, pour
49
essayer de maintenir un
taux d’hémoglobine supérieur à 9 g/dL avec un pourcentage
d’hémoglobine A correct.
50
III)
Diagnostic et prise en charge immédiate d’une mort fœtale in utero
A/ Diagnostic
Il peut être suspecté cliniquement devant une disparition des mouvements actifs, et sera
toujours confirmé échographiquement.
B/ Prise en charge immédiate
L’évacuation utérine doit parfois être réalisée de manière urgente, en particulier dans les cas
d’HRP avec troubles de coagulation. Les possibilités d’obtention d’un accouchement par voie
basse doivent néanmoins être privilégiées dans la mesure du possible afin de faciliter les
suites immédiates, tant sur le plan physique que psychologique, et de préserver le pronostic
obstétrical ultérieur
En l’absence de situation d’urgence, l’accouchement par voie basse doit être la règle sauf
situation exceptionnelle et il faut parfois savoir résister à une demande irrationnelle
d’évacuation utérine par césarienne par les parents désemparés ou les mères qui se sentent
dans l’incapacité de supporter de porter en elles un enfant mort.
1) Situation d’urgence
L’HRP s’accompagne presque constamment de troubles de coagulation à type de CIVD plus
ou moins sévère. Dans tous les cas, le bilan initial doit comporter un bilan d’hémostase
minimum incluant TP, TCA, NFS-plaquettes, D-dimères, fibrinogène et dosage des facteurs
de coagulation en cas d’allongement du TCA et/ou d’abaissement du TP. Chaque anomalie
éventuelle doit faire l’objet d’une correction en étroite collaboration avec l’anesthésiste :
apport de plasma frais décongelé, correction d’une anémie, transfusion de plaquettes en cas de
taux < 50000/mm3...
L’accouchement par les voies naturelles peut être envisager même en cas de CIVD modérée
et/ou corrigée par la réanimation à condition que la durée du travail soit suffisamment courte.
On appréciera donc les conditions locales et la vitesse de dilatation cervicale. Lorsque le col
est effacé, le travail est généralement rapide dans ce contexte d’hypertonie utérine. Une
perfusion d’ocytocine ou de prostaglandines est parfois nécessaire pour accélérer le travail.
Devant une dilatation insuffisante ou trop lente, ou encore devant une aggravation de la
51
CIVD, il peut n’y avoir d’autre solution que de recourir à une césarienne. Généralement, les
troubles de coagulation s’amendent rapidement après l’expulsion.
2) En l’absence de situation d’urgence
Le bilan doit toujours comporter un bilan d’hémostase de base à la recherche de troubles de
coagulation qui restent l’exception en cas de MFIU récente et en l’absence d’HRP. Les
modalités habituelles de déclenchement reposent sur l’utilisation de mifépristone (Mifégyne )
suivie de prostaglandines. Les doses et les délais peuvent être modifiés en fonction de
circonstances telles que l’âge gestationnel, une éventuelle surdistension utérine et surtout
l’existence d’un utérus cicatriciel.
2.1 Utérus non cicatriciel
Le protocole le plus couramment employé repose sur l’utilisation séquentielle de 600 mg de
mifépristone (soit 3 comprimés de Mifégyne ) par voie orale, suivie 36 à 48 heures plus tard
de l’administration intra-vaginale de misoprostol. Les doses de misoprostol peuvent être
modulées en fonction de l’âge gestationnel, en particulier à cause du risque de rupture utérine
plus important en cas de distension utérine. À titre d’exemple, nous utilisons une dose de 400
mcg (2 comprimés) de misoprostol toutes les quatre heures au deuxième trimestre. Au
troisième trimestre, nous utilisons des doses réduites à 1 comprimé toutes les 4 heures. La
même réduction peut être appliquée en cas de surdistension utérine par hydramnios ou
grossesse multiple.
Les durées habituelles moyennes du travail sont de 6 à 10 heures, soit légèrement inférieures à
celles observées en cas de déclenchement sur foetus vivant à l’entrée en travail [10]. Il
persiste néanmoins un taux d’échecs à 24 heures du début du misoprostol proche de 5%.
Après l’expulsion, une révision utérine digitale doit être effectuée. En cas de difficultés, nous
préférons le recours à une extraction des débris placentaires à la pince à faux germes sous
contrôle échographique plutôt que l’utilisation d’une curette ou d’une canule d’aspiration qui
comporte un plus grand risque de perforation utérine et surtout de lésions endométriales
responsables de synéchies[10].
52
2.2 Utérus cicatriciel
Dans ce cas, le risque de rupture utérine doit être systématiquement pris en compte. Les
principaux aménagements sont :
-
la diminution systématique, au moins de moitié, des doses de misoprostol, qui peuvent
aller jusqu’à se rapprocher de celles utilisées par certaines équipes pour le
déclenchement du travail à terme sur foetus vivant (soit 50 mg intravaginal toutes les 4
heures).
-
L’utilisation systématique de laminaires naturelles ou synthétiques (Dilapan ), posées
la veille du déclenchement.
-
Eventuellement, l’application d’un délai plus important, jusqu’à 72 heures, entre
l’administration de mifépristone et l’utilisation de prostaglandines. En effet, Cabrol et
al. [10] ont montré que le taux d’entrée en travail après mifépristone seul était élevé,
proche de 60% à 72h en cas de MFIU alors qu’il n’est que de 20% lorsque le foetus
est vivant.
53
IV)
Conséquences psychologiques de la mort fœtale in utero [52]
La naissance d’un enfant mort a toujours fait peur. Cette peur a fait naître des légendes et
des croyances comme celle où l’âme des enfants morts nés errent dans des lieux déserts et
jettent des mauvais sorts dans leur famille. Les anciens n’avaient pas tout à fait tort. La
multiplicité et la gravité des complications du deuil périnatal sont suffisamment importantes
pour que nous nous attardions sur la prise en charge de ces morts in utero.
La mort fœtal in utero est un accident brutal et inattendu, un traumatisme inacceptable.
Cette confrontation directe avec la mort a rarement fait l’objet de formation tant à la faculté
que dans les divers services où nous avons pu passer durant l’internat pour nous permettre
d’aborder ce sujet avec délicatesse et efficacité, d’une part pour nous protéger, d’autre part
pour venir en aide aux couples.
Pour nous, soignants, il s’agit essentiellement de faire preuve d’une extrême vigilance
dans l’annonce de la mort d’un enfant et dans l’accompagnement des parents. La réussite
repose avant tout sur un travail d’équipe qui met en jeu les compétences et l’écoute des
obstétriciens, infirmières, psychologues, sages-femmes et anesthésistes.
L’objectif est d’aider les familles à faire le deuil de l’enfant dans les meilleures
conditions afin qu’ils puissent continuer à vivre, certes marqués par cette épreuve mais sans
entamer un deuil pathologique.
A/ Le deuil et ses rituels
La théorie du deuil est un élément capital du fondement de l’accompagnement
psychologique des pertes fœtales, fausses-couches et/ou morts fœtales. Le travail de deuil
peut être classé en quatre phases :
-
première phase : c’est le stade de la sidération, refus de la réalité. Cette phase peut
durer de quelques heures à quelques jours. Elle se caractérise par un aspect
d’incrédulité et un ralentissement psychomoteur. Si cette situation persiste, elle peut
aboutir au déni de la réalité ;
54
-
deuxième phase : c’est le moment de la nostalgie ; c’est ici que vont s’exprimer de
nombreuses émotions : colère, tristesse, peur, culpabilité. Cette phase peut durer
plusieurs semaines. Les pleurs y sont présents et importants ;
-
troisième phase : la désorganisation ; elle est accompagnée de sentiments de désespoir.
Il est important ici de bien voir que nous ne sommes pas face à un état dépressif ;
-
quatrième phase : enfin c’est le temps de l’acceptation de la réalité, du
réinvestissement social ; il s’agit d’une réorganisation de la vie en l’absence de la
grossesse et de l’enfant.
L’évolution du deuil est longue et dure plusieurs années. Les « dates anniversaires »
provoquent régulièrement des réactivations de toutes ces phases.
L’évolution classique du deuil pathologique se caractérise par l’arrêt du processus à l’une
ou l’uatre de ces phases. Les facteurs de risque sont le type de perte subie, les circonstances
qui l’entourent, la personnalité du survivant et ses relations avec le disparu et enfin, la qualité
du soutien social. L’installation des symptômes pathologiques se retrouve plus volontiers
lorsque les relations avec le disparu étaient ambivalentes, la mort brutale ou mal gérée par les
soignants. Plusieurs de ces facteurs de risque sont présents dans le deuil périnatal.
B/ Particularités du deuil périnatal
La mort d’un enfant à la naissance ou in utero est suivie d’un deuil difficile.
Contrairement au deuil « classique », qui succède à la mort d’un être proche, le deuil
périnatal, lui, se rapporte à un être « non né » et avec lequel aucun souvenir n’a encore pu être
construit. Il s’agit en quelque sorte d’un non-évènement. L’enfant imaginaire est brutalement
désinvesti par les parents. Il faut qu’à la place de cet enfant, il y ait autre chose que le « rien »
sinon son image liée à sa brève existence fantasmatique, peut revenir tel un fantôme. Les
éléments du deuil pathologique sont alors réunis.
Le deuil périnatal peut être considéré comme un problème de santé publique devant la
fréquence et la gravité des complications qu il entraîne : une étude de Rousseau montre que
chez les mères ayant vécu une mort fœtale in utero, la fréquence du deuil pathologique est de
55
24%, celle de la relation pathologique mère-enfant de 37,9% et celle de la mésentente
conjugale de 17,2%.
C/ L’accompagnement
D’après l’étude des facteurs de risque d’évolution vers un deuil pathologique, des
dispositifs thérapeutiques d’accompagnement des familles destinés à favoriser l’évolution du
deuil périnatal se sont développés en Europe. La valeur pratique de ces dispositifs a été
confirmée par la satisfaction de la plupart des mères. La satisfaction des parents pour les soins
reçus serait d’ailleurs le facteur prédictif le plus constant d’une évolution favorable du deuil.
1) L’annonce
Dans le cadre d’une mort fœtale, les parents sont à mille lieues d’imaginer qu’ils vont
se trouver confrontés à une terrible nouvelle.
La mort fœtale in utero est souvent ressentie comme un échec par l’équipe médicale et
en particulier par celui qui a la lourde tache de l’annoncer. Ce sentiment d’échec
s’accompagne en général d’un aveu d’impuissance, du désarroi de n’avoir « rien vu venir »,
de l’injustice d’échouer et d’un sentiment intense de compassion.
L’annonceur qui est en première ligne se trouve au pied du mur, acculé, il ne peut fuir
devant ses responsabilités. C’est lui qui va recueillir les premières réactions de la mère et du
père. Il sera le témoin privilégié de ce grand moment de désespoir dont l’explosion peut
revêtir des aspects très divers.
Après l’annonce, il faut « laisser du temps au temps ». La sidération anxieuse, le choc
émotionnel entraîne la précipitation, le souhait d’en finir tout de suite. Il est inimaginable pour
une femme d’accoucher d’un enfant mort. Son souhait est souvent d’être anesthésiée,
césarisée, de ne rien voir et de repartir au plus vite pour oublier ce cauchemar.
Lorsque les mots sont prononcés, les parents sont sous le choc, étourdis, comme
assommés. Il faut leur laisser le temps de retrouver leurs esprits. Il leur faudra ensuite assumer
la nouvelle, l’intérioriser et prendre la mesure de sa réalité.
Des explications sur le déroulement de la suite de la grossesse seront données peu après
l’annonce du décès. Il s’agira d’expliquer de façon concrète ce qui va se passer sur le plan
technique.
56
2) Prise en charge en salle d’accouchement
Il est important que la femme soit suivie au maximum par la même équipe en salle de
naissance afin de ne pas multiplier les intervenants et d’éviter à la femme de devoir raconter
son histoire plusieurs fois.
3) Accueil de l’enfant
Les parents sont prévenus au cours des différents entretiens avant la naissance
qu’ils pourront voir et toucher leur enfant décédé au moment de la naissance. La répétition de
cette proposition par tous les intervenants permet aux couples de pouvoir changer d’avis,
d’entendre ce qui n’aurait pas été entendu précédemment. Après le temps de l’intégration de
la proposition par les premiers intervenants de voir, toucher ou prendre dans ses bras leur
enfant, la crainte d'être face à quelque chose de monstrueux peut s'estomper. De même, en
fonction du terme de la perte fœtale, il sera proposé de donner un prénom, d’organiser des
funérailles, de donner une tombe à l’enfant et de l'inscrire sur le livret de famille. En effet,
depuis 1970, plusieurs études ont souligné l’importance de proposer sans imposer de montrer
le corps de l’enfant mort-né à sa mère pour vaincre l’incrédulité qui existe lorsqu’elle ne voit
pas le corps, ainsi que pour donner une identité, conférer un statut d’enfant au fœtus. Le
souvenir réel favorisera le travail de deuil ; ainsi certaines équipes ont noté une régression du
nombre de deuils pathologiques ou une diminution de l’insatisfaction des mères et des
relations pathologiques mère-enfant avec les enfants suivants depuis que la présentation et le
toucher du corps sont proposés. Lorsqu’on leur laisse le choix, les parents décident dans la
majorité des cas de voir leur enfant. Les mères qui n’ont pas vu leur enfant le regrettent
souvent à postériori. Enfin d’autres propositions, jamais obligatoires, peuvent être faites aux
parents : possibilité d’habiller l’enfant, de lui écrire une lettre, d’organiser un rituel d’adieu.
L’équipe prendra des photos, voire, comme dans certains centres, simplement donner
un bracelet de naissance, les empreintes des mains et des pieds. Si le couple ne désire pas
dans un premier temps avoir les photos, celles-ci seront conservées dans le dossier médical
afin de pouvoir répondre dans un second temps à une éventuelle demande du couple.
Mais surtout n'oublions jamais que les parents ont besoin d’exprimer leur culpabilité,
leur honte, leur désespoir, leur colère, leur angoisse. Car c’est la seule manière de soulager et
57
de faire évoluer favorablement le deuil. Dans tous les cas, il faut laisser le temps au temps,
même si la situation semble urgente ; il est capital que le temps s’écoule, le travail de deuil
suivra son cours et les différentes étapes pourront ainsi se faire au rythme de chaque couple.
4) Devenir du corps
L’organisation des funérailles est une étape important dans le processus de deuil car
la tombe permet « l’enracinement dans la vie » et le départ pour des projets futurs. Le corps
d’un fœtus mort existe. Il doit pouvoir représenter autre chose qu’un déchet anatomique. C’est
grâce à la circulaire du 30 novembre 2001, que l’enfant mort-né à partir de la 22° semaine
d’aménorrhée peut être reconnu et exister à part entière dans l’histoire familiale.
Le rôle de l’équipe soignante est d’informer le couple sur ses droits (inscription
possible sur le livret de famille dans un délai de 3 jours, congé maternité, congé paternité) et
de les aider dans leurs démarches administratives.
5) Le séjour en maternité
Après l’accouchement, la durée de l’hospitalisation est souvent brève. Cette période
doit être mise à profit pour préparer le couple à un retour à domicile sans enfant. Des
consultations avec des psychologues spécialistes doivent être systématiquement proposées.
Le médecin qui a suivi la grossesse doit venir voir la patiente en suite de couche car
son absence est considérée comme une fuite. D’après Rousseau [83], le soutien de
l’obstétricien choisi pour la surveillance de la grossesse est le facteur qui diminue le pus le
risque relatif d’insatisfaction maternelle. Les formes de soutien les plus appréciées sont
l’écoute attentive, les explications de la cause du décès et les conseils en prévision d’une
grossesse ultérieure. Il importe de prendre conscience de cette attente des mères et d’y
répondre de manière compétente et adéquate pour prévenir l’apparition des complications de
deuil.
D/ Suivi ultérieur et grossesse suivante
Il est classique de dire que la survenue rapide d’une nouvelle grossesse peut interrompre le
processus mental obligatoire du deuil et expose dans certains cas à des perturbations.
58
L’enfant à venir risque alors d’être l’enfant de remplacement, mais là encore il n’y a pas de
loi ni de règle générale. Dans notre pratique, nous avons pu constater que certaines femmes
après une perte fœtale ont eu le désir d’une nouvelle grossesse très rapidement. Nous avons
alors eu un certain nombre d’entretiens et nous avons pu constater que cet enfant n’était pas
un enfant de remplacement. L’important, durant ces consultations, était de permettre la
verbalisation sous-jacente du désir de cette nouvelle grossesse et surtout, en parallèle, de voir
si la perte de l’enfant avait pu prendre une place dans la trajectoire familiale et donc exister
dans la filiation.
Mais la perte fœtale provoque toujours des émotions violentes ; cet ébranlement de la
psyché nécessite une attention sans faille. L’alliance médicopsychologique permet une
complémentarité et un soulagement pour tous. Ces protocoles, aujourd'hui bien rodés, servent
de véritables "balises" à deux niveaux : soit pour aller au devant des parents les plus fermés,
soit pour l'accompagnement des soignants qui le demandent.
Cette "réanimation psychique", par la pluridisciplinarité de l’équipe, est ressentie par
tous comme ce qui leur a permis de sortir "la tête de l'eau". Cette empathie ainsi manifestée
leur est bénéfique. Chaque maillon de l'équipe aura donc permis d'éviter l'enkystement
traumatique. Sans oublier que se taire et écouter est parfois la meilleure façon d'aider le
couple.
59
V) Grossesses après mort fœtale : données de la littérature
Quelques études [27,38,79] ont étudié les grossesses survenant après un antécédent de mort
fœtale in utero.
Ces études sont difficilement comparables car les critères d’inclusion sont très différents
d’une étude à l’autre.
Tout d’abord le terme de la mort fœtale. Comme nous l’avons rappelé en première partie, le
terme pour définir une mort fœtale n’est pas établi de manière consensuelle. Par ailleurs, la
« définition » de mort fœtale ne correspond pas toujours à la même chose. En effet, le terme
anglo-saxon de « stillbirth » n’est pas forcément l’équivalent de notre terme de mort fœtale.
Notre définition correspond à une découverte échographique d’un arrêt d’évolutivité de la
grossesse à l’échographie ; il exclue donc les fausses couches tardives. Pour certaines équipes
les fausses couches tardives qui surviennent le plus souvent dans un contexte de béance
cervicale ou d’infection, correspondent également à une « stillbirth ». Le fait que les
étiologies de ces évènements soient de physiopathologie totalement différente, rend difficile
la comparaison des différentes séries avec la notre.
A/ Etude de Robson [79]
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective. Dans un premier temps, Robson a recherché
toutes les patientes qui ont présenté une MFIU inexpliquée entre 1986 et 1995. En Australie,
il existe un registre de données qui enregistre toutes les naissances (à partir de 20 SA ou dont
le poids est supérieur à 400 grammes) et où les causes des morts fœtales sont précisées.
Robson a retrouvé 224 patientes qui avaient un antécédent de MFIU inexpliquée. Ont été
exclues les MFIU attribuées à des anomalies fœtales, des pathologies maternelles chroniques,
des hémorragies ante-partum, des infections materno-fœtales, des traumatismes fœtaux, des
retards de croissance intra-utérins, des ruptures prématurées des membranes, des hémorragies
foeto-maternelles et des anasarques foeto-placentaires. Les MFIU lors des grossesses
multiples ont aussi été exclues.
Robson a ensuite étudié les grossesses suivantes chez 224 femmes. Il a exclu les grossesses
multiples. Il a comparé ces grossesses à un groupe témoin apparié selon l’année de naissance
des enfants, en excluant les primipares et les patientes avec un antécédent de MFIU. Chaque
grossesse étudiée a été appariée à 10 naissances vivantes.
Les résultats de l’étude montrent une augmentation du risque de métrorragies pendant la
grossesse, d’intolérance au glucose ou diabète gestationnel, de rupture prématurée des
60
membranes et d’accouchement prématuré. Il existe aussi une augmentation du risque de
souffrance foetale, de poids de naissance inférieur à 2500 et 1500 grammes, de prématurité de
moins de 37 SA et de moins de 32 SA.
Il n’est pas retrouvé d’augmentation du risque de récidive de MFIU, ni de retard de
croissance, ni d’anomalies congénitales.
Il existe certaines limites dans cette étude. En effet, seules les MFIU après 20 SA ont été
enregistrées.
De plus, les valeurs de p sont considérées comme significatives à partir de 0,15 alors
qu’habituellement le seuil de significativité est de 0,05.
Les différentes données ont été établies à partir d’un registre de données qui enregistre toutes
les naissances et leurs complications. Les grossesses suivantes n’ont donc pas été suivies par
les mêmes équipes et la prise en charge n’a donc pas été standardisée. De même, il n’a pas été
précisé le bilan étiologique réalisé pour chaque patiente. Le fait de classer une mort fœtale
« inexpliquée » a donc forcément été établi sur des critères différents en fonction des équipes.
B/ Etude de Heinonen [38]
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective. Entre janvier 1990 et décembre 1997, il a été
recherché, parmi les patientes qui ont accouché, celles qui ont un antécédent de MFIU à partir
de 24 SA ou de poids supérieur à 500 grammes.
La cause de la MFIU est déterminée par un bilan comprenant un examen anatomopathologique du fœtus et du placenta, un caryotype fœtal, une recherche d’anticoagulants
lupiques et d’anticorps antiphospholipides, d’agglutinines irrégulières, des sérologies virales
(rubéole, toxoplasmose, CMV, parvovirus B19, herpès) et une recherche de diabète. Les
grossesses multiples ont été exclues.
Ont été exclues les MFIU dont les étiologies sont liées au diabète (gestationnel et prééxistant), à une toxémie gravidique, une alloimmunisation et à une anomalie utérine.
Après application des critères d’exclusion de l’étude, 92 patientes ont été retenues. Il a ensuite
comparé leur grossesse à celles de 11818 patientes qui ont accouché pendant cette même
période, qui n’avaient pas d’antécédent de MFIU et dont les grossesses étaient mono fœtales.
Les grossesses suivant une MFIU ont un protocole de surveillance plus rapproché qui débute
2 semaines avant l’age gestationnel « anniversaire » de la MFIU. Il comprend un
enregistrement du RCF et une mesure échographique de l’index amniotique. En cas de
résultats pathologiques (RCF non réactif ou index amniotique < 50 mm), une épreuve à
61
l’ocytocine ou un profil biophysique de Manning sont réalisés. Si ces tests sont pathologiques,
il est discuté un déclenchement ou une césarienne
Il est retrouvé chez les patientes avec un antécédent de MFIU, un taux significativement plus
élevé de : age maternel avancé, grande multiparité, délai depuis la précédente grossesse
inférieur à 12 mois, obésité, infertilité et diabète gestationnel.
Lors des grossesses suivant une MFIU, les résultats de Heinonen et al. montrent une
augmentation significative de la survenue d’hématome rétroplacentaire, de diabète
gestationnel, d’accouchement avant 37 SA et d’enfants de poids inférieur à 2500 grammes.
L’étude de l’accouchement montre une augmentation du taux de césarienne et de
déclenchements. Il ne retrouve pas d’augmentation des extractions instrumentales.
Il n’a pas été observé de récidive de MFIU.
C/ Etude de Frias [27]
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective. Cet essai a étudié la grossesse suivant
immédiatement une mort fœtale chez 230 patientes. La mort fœtale avait eu lieu à un terme
supérieur à 12 semaines. Le seul bilan réalisé de façon systématique à toutes les patientes était
la recherche d’anticoagulant de type « lupique » et la recherche d’anticorps anticardiolipides.
Les patientes chez qui ce bilan était positif ont été exclues.
Le reste du bilan étiologique et le traitement instauré étaient « au choix du clinicien ».
Les résultats sont : 28% de mort fœtale in utero, 43% de fausse couche spontanée précoce et
27% de naissance vivante.
Les patientes traitées par aspirine ont un taux de naissance vivante supérieur aux patientes ne
recevant pas de traitement (p=0,01).
Cette étude donnait un très mauvais pronostic pour les grossesses après mort fœtale. Mais il
faut souligner que 75% des antécédents de mort fœtale ont eu lieu entre 10 et 12 semaines, qui
est un terme où l’on parle plus souvent de fausse couche précoce qui répondent à d’autres
mécanismes que les morts fœtales.
Par ailleurs le bilan ainsi que la prise en charge thérapeutique ne sont pas du tout standardisés,
ce qui ne peut aboutir à une prise en charge optimale de la grossesse suivant
62
Deuxième partie :
DEROULEMENT ET ISSUE DES GROSSESSES APRES UN EPISODE DE MFIU.
EXPERIENCE DE SAINT ANTOINE SUR 110 GROSSESSES.
63
I)
MATERIELS ET METHODE
A) Introduction
Le pronostic des grossesses après mort fœtale n’est pas très bien connu. Les différentes séries
qui existent sont souvent assez peu précises sur les étiologies des morts fœtales, sur les bilans
réalisés et sur les traitements instaurés. Nous avons donc voulu étudier une population pour
qui la prise en charge au niveau étiologique et au niveau de la prise en charge de la grossesse
suivante, était standardisée. En effet nous n’avons étudié que des grossesses suivies à Saint
Antoine. Nous avons ainsi tenté d’établir quel groupe de patientes présentait plus de récidive
ou de complications. Nous avons également étudié la pertinence des traitements instaurés
pendant la grossesse.
B) Population
La maternité de Saint Antoine propose une consultation destinée aux patientes ayant des
antécédents de fausses couches à répétition et/ou de mort fœtale in utero. Lors de cette
consultation nous avons pu référencer 64 patientes avec au moins un antécédent de mort
fœtale au 2° ou 3° trimestre.
Ces 64 patientes avaient eu au moins une perte fœtale au deuxième ou troisième trimestre (à
Saint Antoine ou dans une autre maternité), à l’exclusion des fausses-couches spontanées
tardives, c’est à dire :
soit, le plus souvent, une mort fœtale in utero au-delà de 15 SA lors
-
d’une grossesse précédente
-
soit, parfois, une interruption médicale de grossesse au-delà de 15
SA, avant un terme de viabilité fœtale, pour un RCIU majeur et précoce qui aurait
inévitablement conduit à une MFIU ou un décès néonatal précoce.
Pour les IMG, le poids de naissance et l’examen fœto-pathologique ont permis de valider les
données ayant conduit à proposer l’IMG. Toutes les IMG pour RCIU concernaient des
étiologies vasculaires pour lesquelles il existait en outre une préoccupation maternelle,
compte tenu du risque d’apparition d’une pré-éclampsie ou d’un HELLP syndrome dans ce
contexte. Cette situation concerne 6 patientes dont les caractéristiques sont résumées dans le
tableau 2.
64
Tableau 2 : Indications des interruptions médicales de grossesses
Terme
Indication maternelle de l’IMG
Indication fœtale de l’IMG
Patiente n°1
25
HELLP syndrome
RCIU majeur
Patiente n°2
28
HELLP syndrome
RCIU majeur
Patiente n°3
26
RCIU majeur
Patiente n°4
24
RCIU majeur
Patiente n°5
31
RCIU et agénésie partielle
du septum lucidum
Patiente n°6
23
RCIU majeur
Les patientes étaient vues en consultation soit en pré-conceptionnel, soit en tout début de
grossesse.
Nous avons voulu étudier les grossesses suivies à Saint Antoine chez ces patientes ayant un
antécédent de mort fœtale ou d’IMG selon les critères cités précédemment.
Il a été suivi 110 grossesses chez ces 64 patientes.
C) Bilan étiologique
Il a été réalisé chez ces patientes un bilan étiologique ayant pour but de trouver la cause de la
mort fœtale in utero et d’adapter la prise en charge de la grossesse suivante en fonction de
l’étiologie éventuellement identifiée.
1) Circonstances cliniques de la mort fœtale
La mort fœtale in utero avait pu avoir lieu dans un autre hôpital que l’hôpital Saint Antoine.
Nous avons donc systématiquement contacté par courrier le centre ou avait eu lieu le suivi de
la grossesse pour obtenir :
le contexte clinique (HTA, protéinurie, RCIU, syndrome fébrile, métrorragies…)
les examens complémentaires biologiques et bactériologiques réalisés
65
l’examen foetopathologique et l’anatomopathologie du placenta éventuellement
réalisés.
Parfois, aucun document ne nous a été transmis par les médecins en charge de la précédente
grossesse. Dans ce cas, l’interrogatoire de la patiente était poussée afin d’obtenir le plus de
renseignements cliniques possibles sur l’évolution au cours de la grossesse et du post partum.
A partir de ces éléments collectés dans le dossier médical, nous avons cherché à identifier
différents contextes étiologiques comme suit :
1.1 Contexte « vasculaire »
Nous avons donc recherché certains éléments évocateurs de cause vasculaire :
tableau
maternel
de
pré-éclampsie
(hypertension
artérielle
et
protéinurie)
Anomalies du bilan vasculo-placentaire
Tableau de HELLP syndrome
Tableau clinique d’hématome rétroplacentaire
1.2 Contexte infectieux
Nous avons recherché dans l’anamnèse :
une fièvre maternelle
des éléments anamnésiques évocateurs d’une rupture prématurée des
membranes
une éruption cutanée maternelle
On recherche dans le bilan biologique, les résultats de : NFS, CRP,
prélèvement
vaginal,
hémocultures,
ECBU,
sérologies
parvovirus
B19,
rubéole,
toxoplasmose, CMV….
1.3 Contexte traumatique ou iatrogène
contexte de traumatisme abdominal
prélèvement ovulaire ou de sang fœtal récent
66
tout autre geste invasif
le résultat du test de Kleihauer qui peut orienter vers une hémorragie
foeto-maternelle
2) Examens anatomopathologiques du fœtus et du placenta
L’autopsie fœtale est certainement un examen fondamental qui doit être proposé lors de toute
perte fœtale. Il permet d’identifier de nombreuses causes de mort fœtale en mettant en
évidence : des malformations fœtales, des signes d’anémie, des signes d’infection, un retard
de croissance…
3) Caryotype
Un caryotype fœtal est indispensable afin de pouvoir proposer au couple un conseil génétique
éclairé lorsqu’il existe une pathologie évocatrice d’anomalie chromosomique : une ou des
malformations externes et/ou internes, une dysmorphie faciale, un RCIU ou des antécédents
de malformation ou de perte fœtale. Néanmoins, au moment de la découverte d’une MFIU,
une amniocentèse n’est pas toujours proposée et les caryotypes sur prélèvement fœtal ou
placentaire après l’expulsion sont grevés d’un taux d’échec de culture élevé. En pratique,
l’information concernant le caryotype était très fréquemment manquante, y compris dans les
antécédents de MFIU dans un contexte malformatif.
4) Bilan de thrombophilie familiale ou acquise et d’auto-immunité
Comme il a été développé dans la première partie, la présence d’une thrombophilie est
associée à une augmentation du taux de pertes fœtales de type vasculaire. Lorsque
l’antécédent évoquait ou permettait d’affirmer une étiologie vasculaire, mais aussi dans les
situations où le décès paraissait inexpliqué, un bilan de thrombophilie était réalisé. En
revanche, lorsque la cause de la mort fœtale était clairement identifiée et non vasculaire
(malformatif, hémorragie foeto-maternelle, pathologie funiculaire ou infectieuse…) nous
n’avons pas considéré ce bilan nécessaire.
67
Le bilan réalisé à Saint Antoine comprenait :
dosage des protéines C et S
dosage de l’antithrombine
recherche de la mutation Leiden du facteur V, éventuellement précédée
d’une recherche de résistance à la protéine C activée
recherche de la mutation G20210A du gène de la prothrombine
dosage de l’homocystéine
recherche d’anticorps antiphospholipides (thrombophilie acquise) :
1.
anticorps anticardiolipides de type IgM et IgG,
2.
antiß2GP1,
3.
anticoagulant circulant
Sachant que certains de ces tests (en particulier le dosage de la protéine S) sont
perturbés pendant la grossesse, ce bilan était réalisé au moins 3 mois après la grossesse
précédente.
D’autre part, une recherche de facteur antinucléaire était facilement proposée et
systématiquement en cas de signe clinique évocateur de lupus.
D) Classification étiologique de l’antécédent de mort fœtale
Nous avons finalement classé les différentes étiologies de mort fœtale en 5 grandes
catégories : vasculaire, annexiel, malformatif, métabolique et inexpliqué.
1) Cause vasculaire
La mort fœtale était étiquetée « vasculaire » si au moins un des critères suivants était présent:
tableau maternel de pré-éclampsie (hypertension artérielle et protéinurie)
Anomalies du bilan vasculo-placentaire
Tableau de HELLP syndrome
Tableau clinique d’hématome rétroplacentaire
68
Echographie
obstétricale
(retard
de
croissance)
et
dopplers
utérins
pathologiques
Retard de croissance intra-utérin (échographique et confirmé par le poids de
naissance) avec dopplers utérins pathologiques
Anatomopathologie placentaire montrant des signes de pathologie vasculaire
Etiologie « possiblement vasculaire » : à partir des éléments précédemment décrits,
nous avons considéré comme probable une étiologie vasculaire devant : une HTA isolée, un
RCIU isolé….
Etiologie « certainement vasculaire » : cette étiologie était retenue avec quasi
certitude pour les patientes ayant présenté : soit une prééclampsie, soit un HELLP syndrome,
soit un HRP, soit un placenta « vasculaire » à l’examen anatomopathologique, soit un RCIU
dysharmonieux associé à un doppler utérin pathologique.
Le fait de retrouver une thrombophilie acquise ou héréditaire lors du bilan ne suffit à lui seul à
définir une MFIU comme « vasculaire ». Sur le plan pratique, nos patientes qui présentaient
une thrombophilie, présentaient toutes un autre critère les faisant classer comme vasculaire.
2) Cause malformative
La mort fœtale était dite de cause malformative lorsqu’il existait soit à l’échographie, soit
à l’examen foetopathologique du fœtus, des malformations pouvant être responsables d’une
mort fœtale in utero (par exemple cardiopathie, anomalies cérébrales sévères…).
3) Cause annexielle
La mort fœtale était considérée d’étiologie annexielle en cas de mise en évidence d’une
pathologie funiculaire patente (nœud, striction serrée) ou d’une anomalie de configuration du
placenta (grossesse extra-choriale) ou encore en cas d’hémorragie foeto-maternelle
authentifiée par un test de Kleihauer franchement positif (>30 hématies fœtales/
10000 hématies maternelles)
4) Cause métabolique
Cette catégorie comporte principalement les morts fœtales liées à une choléstase gravidique.
Un diabète était systématiquement recherché.
69
5) Cause inexpliquée
Lorsque tout le bilan cité précédemment a été réalisé et qu’il est normal, la mort fœtale était
dite « inexpliquée ». A noter, certains cas ont été classés inexpliqués par défaut lorsque les
données médicales concernant l’antécédent étaient manquantes et que les données
anamnestiques de la patiente ne permettaient aucune orientation plausible.
E) Suivi de la grossesse suivante
Nous n’avons inclus dans cette étude que les grossesses dont le suivi complet avait lieu à
l’hôpital Saint Antoine. Ce suivi était standardisé pour ces patientes et comportait :
Une échographie du 1° trimestre avec réalisation des dopplers utérins
Une
échographie
mensuelle
comportant :
biométries,
dopplers
ombilicaux et utérins
Une échographie morphologique au 2° et 3° trimestre
Consultation médicale mensuelle
Au 3° trimestre, surveillance hebdomadaire de la pression artérielle,
recherche de protéinurie, plus ou moins enregistrement du rythme cardiaque fœtale
en fonction du contexte de la mort fœtale et de l’évaluation de la grossesse.
Un suivi psychologique était proposé aux patientes tout au long de la
grossesse
Ce suivi « type » adapté en particulier aux antécédents vasculaires, pouvait être allégé en
fonction de l’étiologie de la MFIU (exemple, antécédents d’hémorragie foeto-maternelle ou
de cause ovulaire) ou au contraire renforcé en cas de constatation d’anomalies lors du suivi
(par exemple, anomalies des dopplers utérins, apparition d’un RCIU ou d’une hypertension
artérielle…)
70
F) Traitement préventif
Une fois le bilan étiologique réalisé, un traitement préventif est proposé aux patientes.
1) Pas de traitement
Nous n’avons pas trouvé de justification à proposer un traitement préventif en cas de cause :
inexpliquée
malformative
ovulaire
métabolique
2) Traitement par aspirine seule
Un traitement préventif par aspirine à dose antiagrégante était proposé lorsque la cause de la
mort fœtale était vasculaire mais que les bilans de thrombophilie et immunologique étaient
négatifs.
Le traitement comprenait alors de l’aspirine à la dose de 100 à 160 mg/jour, en
préconceptionnel ou dès le test de grossesse positif. Il n’était pas réalisé de contrôle du temps
de saignement. Le traitement était poursuivi jusqu’à 35 SA.
3) Traitement par aspirine et héparine de bas poids moléculaire (HBPM)
Un traitement associant aspirine et HBPM était prescrit chez les patientes dont la mort fœtale
avait une cause vasculaire et dont le bilan de thrombophilie était anormal.
Ce traitement comprenait de l’aspirine à la dose de 100 à 160 mg/j et des HBPM à dose
préventive forte (par exemple 4000UI/j d’enoxaparine). Le traitement par HBPM était débuté
dès le test de grossesse positif et était poursuivi tout au long de la grossesse et pendant 6
semaines en suite de couche. Une fenêtre thérapeutique pouvait être réalisée pour permettre
une anesthésie loco-régionale au moment de l’accouchement. Une surveillance des plaquettes
était instaurée pendant la durée du traitement par HBPM.
71
4) La trinitrine
Il n’existe pas d’études étudiant l’efficacité de la trinitrine en cours de grossesse. Dans le cas
de la sclérodermie, il a été reporté des cas de grossesse avec un déroulement favorable lors de
l’instauration d’héparine et de trinitrine [12]. Nous n’avons utilisé ce traitement que chez les
patientes ayant des récidives ou des complications précoces et qui recevaient déjà de
l’aspirine et de l’héparine.
Les différentes prises en charge thérapeutiques en fonction du terrain sont résumées dans le
tableau 3.
Tableau 3: prise en charge thérapeutique en fonction de l’étiologie de l’antécédent de perte
fœtale
Contexte clinique
Traitement
- Malformatif
- Inexpliqué
- Métabolique
AUCUN
- Ovulaire
- Vasculaire sans thrombophilie
ASPIRINE
- Vasculaire avec thrombophilie ou SAPL
ASPIRINE + HBPM
+/- trinitrine
5) Cas de l’hyperhomocysténémie
Chez deux patientes, il a été diagnostiqué une hyperhomocystéinémie lors du bilan
étiologique. Il a donc été instauré un traitement substitutif par vitamine B9 (10 mg/j) et
vitamine B12 (250 microgrammes /j). Un contrôle de la normalisation de l’homocystéinémie
a été effectué à distance de la mise en route du traitement et avant le début de la grossesse
suivante.
72
6) Adaptation du traitement dans les pathologies vasculaires
Nous avons exposé plus haut, les indications des traitements par aspirine seule ou par
association aspirine + HBPM en cas d’antécédent vasculaire. Cependant, nous pouvions être
amenés à revoir ce traitement « à la hausse » dans certaines situations :
Echec du traitement utilisé (récidive)
Constatation en cours de grossesse de dopplers utérins très pathologiques (notch
bilatéral et/ou IR > 80%) ou de RCIU très précoce.
Dans ce contexte, les différents paliers de traitement étaient donc :
aspirine seule
aspirine + HBPM
aspirine + HBPM + trinitrine
73
II) RESULTATS
Les données issues des dossiers ont été analysées selon deux modalités : une analyse « par
patiente », étudiant les caractéristiques des patientes avec antécédent de perte fœtale, et une
analyse « par grossesse », décrivant toutes les grossesses suivies dans notre service après
antécédent de perte fœtale.
A/ Analyse « par patiente »
Nous avons étudié 64 patientes. Lorsqu’elles avaient plusieurs antécédents de mort fœtale,
nous nous sommes placés au moment de la dernière mort fœtale.
1) Caractéristiques des patientes au moment de la perte foetale
Les caractéristiques des patientes étudiées sont rapportées dans le tableau 4.
Tableau 4 : Caractéristiques des patientes au moment de la perte fœtale
MOYENNE
ECART-TYPE
EXTREMES
AGE (ans)
28,5
4,8
19-42
GESTITE
1,9
1,2
1-5
PARITE
0,7
1
0-4
ENFANT VIVANT
0,6
1
0-4
1.1 L’age
L’age moyen au moment de la mort fœtale etait de 28,5 ans, avec un écart type de 4,8 et des
extrêmes à 19 et 42 ans.
1.2 La gestité
La gestité moyenne était de 1,85 ± 1,18. On observe que pour la majorité des patientes (36
patientes sur 64 soit 56%), la perte foetale est survenue lors de la première grossesse.
1.3 La parité
Nous avons compté comme parité, un accouchement, une MFIU ou IMG survenus après 22
SA. La parité moyenne était de 0,68 ± 1.
74
Le taux de primipare lors du premier épisode de mort fœtale était de 60%.
1.4 Nombre d’enfants vivants avant la MFIU
Nous avons vu précédemment que la mort fœtale était survenue lors de la première grossesse
chez 38 patientes. Des patientes avaient donc eu des grossesses avant cet évènement. Nous
avons étudié le nombre d’enfants vivants moyen par femme avant la perte foetale ; il est de
0,625 +/- 1. La répartition est détaillée dans le tableau 5.
Tableau 5 : Nombre d’enfants vivants au moment de la perte foetale
Pas d’enfant vivant
42 (66%)
1 enfant vivant
12 (19%)
2 enfants vivants
4 (6%)
3 enfants vivants
4 (6%)
4 enfants vivants
2 (3%)
2) Caractéristiques de l’antécédent de perte foetale
2.1 Nombre de pertes foetales
Nous avons suivi 64 patientes qui avaient toutes au moins un antécédent de perte foetale.
Certaines patientes avaient plusieurs antécédents (cf tableau 6).
Tableau 6 : Nombre de perte fœtale par patiente
Nb de MFIU/IMG*
1
60
2
2
3
2
*IMG pour RCIU majeur
75
A noter, que pour les patientes ayant eu plusieurs antécédents de MFIU, la cause était la
même pour chacun des évènements.
Sur les 4 patientes ayant eu plusieurs (2 ou 3) antécédents de mort fœtale in utero avant son
suivi à saint Antoine, aucune n’a récidivé lors de la grossesse suivie à Saint Antoine.
2.2 Etiologies
Les différentes étiologies de perte fœtale et leur répartition sont résumées dans le tableau 7.
Pour les patientes ayant plusieurs antécédents de perte fœtale, l’étiologie était la même pour
les différents antécédents d’une même patiente. C’est pourquoi, le tableau 7 résume les
étiologies de perte fœtale par patiente.
Tableau 7 : étiologies des pertes fœtales (n=64)
Vasculaire
38 (60%)
Avec thrombophilie
Sans thrombophilie
Annexielle *
10 (15,5%)
Malformatif
4 (6%)
Métabolique **
1 (1,5%)
Inexpliqué
11 (17%)
23 (60%)
15 (40%)
* étiologie annexielle = pathologie funiculaire, anomalie de configuration du placenta
ou HFM
** étiologie métabolique = diabète ou choléstase
a) Cause vasculaire
Dans notre population, l’antécédent de perte foetale a été étiqueté « vasculaire » dans 60% des
cas. Chez ces patientes, il a été retrouvé une thrombophilie acquise ou familiale chez 60% des
cas.
Les différents thrombophilies se répartissaient ainsi : 14 syndromes des antiphospholipides
(dont 2 patientes ayant également un lupus), 6 patientes avec un déficit en protéine C ou S,
une patiente présentant une mutation Leiden du facteur V hétérozygote, et 2 patientes
76
présentant une hyperhomocystéinémie. Aucune patiente n’avait de mutation G20210A du
facteur 2. (cf tableau 8)
Tableau 8: Répartition des différentes thrombophilies parmi les patientes ayant une anomalie
au sein de ce bilan.
Type de thrombophilie
Nombre de patientes
Syndrome des antiphospholipides
14
Déficit en protéine C ou S
6
Mutation du facteur V Leiden
1
Hyperhomocystéinémie
2
b) Cause annexielle
Parmi les 10 patientes pour lesquelles une étiologie annexielle a été retenue, il avait été
retrouvé à l’examen foetopathologique : 6 causes funiculaires (striction ou autre anomalie du
cordon) avec bilan négatif, 2 hémorragies foeto-maternelles confirmées par un test de
Kleihauer fortement positif, 1 maladie des brides amniotiques et 1 placenta extra-chorial.
c) Cause malformative
Quatre morts fœtales avaient une origine malformative probable. Pour la première patiente, il
a été retrouvé à l’examen foetopathologique, une thrombose de la veine cave inférieure et une
artère ombilicale unique. Pour la seconde patiente, il existait aux différentes échographies,
une hydrocéphalie majeure, cette patiente n’a pas souhaité la réalisation d’un examen
foetopathologique. Pour la troisième patiente, le fœtus avait une hernie diaphragmatique. Pour
la quatrième patiente, l’examen foetopathologique avait mis en évidence de multiples
malformations oculaires. Le caryotype était normal.
d) Cause métabolique
77
Une patiente a eu une mort fœtale dans un contexte de cholestase gravidique. Cette patiente a
eu en tout 4 grossesses (une avant et deux après la mort fœtale) et elle a eu une cholestase
gravidique à chaque grossesse.
e) Cause indéterminée
Le taux de mort fœtale de cause indéterminée reste élevé (17%) malgré un bilan étiologique
complet.
2.3 Terme de la perte foetale
Tableau 9 : terme de la perte foetale
15 - 28 SA
35 (50%)
28-37 SA
16 (23%)
≥37 SA
19 (27%)
78
Graphique 1: Répartition du terme des pertes foetales
TERME DE LA MFIU
20
18
16
14
nombre de 12
pertes
10
foetales
8
6
4
2
0
Série1
15-19 19-24 24-28 28-33 33-37 37-41
semaines d'aménorrhées
Parmi nos 64 patientes, nous avons pu recueillir 70 antécédents de MFIU, certaines patientes
ayant eu plusieurs morts fœtales. Les MFIU se répartissent équitablement entre le 2ème et le
3ème trimestre. Surtout, on peut noter que plus de la moitié des MFIU survenues au 3ème
trimestre se sont produites au cours du 9ème mois de grossesse (entre 37 et 42SA). Ce dernier
mois de grossesse est celui où le risque de MFIU par unité de temps est le plus élevé comparé
à tous les autres âges gestationnels (graph. 1).
B/ Caractéristiques des grossesses suivantes (résultats « par grossesse » suivie)
Nous avons pu suivre 110 grossesses réparties chez 64 patientes ayant au moins un antécédent
de MFIU. Nous avons étudié chaque grossesse de façon indépendante.
79
1) Caractéristiques des patientes au moment de la grossesse suivante
Tableau 10: Caractéristiques des patientes au moment de la grossesse suivante
moyenne
Ecart-type
extrêmes
Age
30
4,75
21-43
Gestité
3,5
1,4
2-7
Parité
2,2
1,27
0-6
Nombre de MFIU/IMG
1,1
0,49
1-3
Nb d’enfant avant MFIU
0,6
1,02
0-4
Tableau 11 : Nombre de grossesses vivantes obtenues entre la mort fœtale et la grossesse
suivie
Nombre de naissances vivantes entre la mort
fœtale et la grossesse suivie
0
66
1
28
≥2
16
2) Etiologies de l’antécédent de perte foetale
Sur les 110 grossesses suivies nous avons étudié pour chaque grossesse l’étiologie de
l’antécédent de perte fœtale. La répartition est reportée dans le tableau 12.
80
Tableau 12 : étiologie de l’antécédent de perte fœtale lors de la grossesse suivante
ETIOLOGIES
Nombre (%)
Vasculaire avec
41 (37%)
thrombophilie
Total vasculaires :
61%
Vasculaire sans
27 (24%)
thrombophilie
Annexielle
16 (15%)
Malformatif
5 (4,5%)
Métabolique
2 (1,5%)
Indeterminée
19 (17%)
3)Traitements
Tableau 13 : Traitement instauré lors de la grossesse suivante en fonction de l’étiologie de la
perte foetale
Traitements
étiologie
Vasculaire avec
Aucun
Aspirine
Aspirine+
Aspirine+HBPM+
HBPM
trinitrine
0
1
37
3
0
12
11
4
12
1
6
0
8
7
1
0
2
0
0
0
3
2
0
0
25 (23%)
23 (21%)
55 (50%)
7 (6%)
thrombophilie
N = 41
Vasculaire sans
thrombophilie
N = 27
Inexpliquée
N = 19
Annexielle
N = 16
Métabolique
N=2
Malformatif
N=5
TOTAL
81
Lorsque l’étiologie de la mort fœtale était vasculaire et que le bilan mettait en évidence une
thrombophilie, toutes les patientes ont reçu un traitement lors de la grossesse suivante :
37 patientes ont été traitées par héparine de bas poids moléculaire à dose
préventive à dose préventive et aspirine
1 patiente a été traitée par aspirine seule ; ce cas s’est présenté pour une
patiente qui avait une hyperhomocystéinémie. L’hyperhomocystéinémie
ayant été « corrigée » grâce à une supplémentation vitaminique B
poursuivie durant toute la grossesse, nous n’avons pas jugé nécessaire de
traiter cette patiente par héparine de bas poids moléculaire et aspirine.
3 patientes ont été traitées par aspirine, héparine de bas poids moléculaire
et trinitrine.
Lorsque l’étiologie de la mort fœtale était vasculaire mais que le bilan de thrombophilie était
négatif, toutes les patientes ont reçu un traitement lors de la grossesse suivante :
12 patientes ont été traitées par aspirine seule.
11 patientes ont été traitées par héparine de bas poids moléculaire à dose
préventive et aspirine sur les critères précédemment définis (Cf matériels et
méthodes).
4 patientes ont été traitées par aspirine, héparine de bas poids moléculaire
et trinitrine.
Malgré l’absence de thrombophilie, certaines patientes n’ont pas reçu uniquement de
l’aspirine. En effet en cas d’échec du traitement lors d’une précédente grossesse (récidive) ou
lors de la constatation en cours de grossesse de dopplers utérins très pathologiques ou d’un
RCIU très précoce, un traitement supplémentaire a été ajouté (héparine puis éventuellement
trinitrine).
Lorsque l’étiologie de la mort fœtale était indéterminée, la plupart des patientes n’ont pas reçu
de traitement préventif (12/19). Néanmoins, 6 ont reçu un traitement par association
d’aspirine et d’HBPM. Il s’agissait, comme pour les pathologies vasculaires, de patientes
ayant des anomalies sévères des dopplers utérins ou de la croissance fœtale. Parfois, lorsque
la première consultation avait eu lieu en tout début de grossesse sans évaluation préalable, un
traitement était instauré en attendant les résultats du bilan étiologique de la MFIU. Après
82
récupération du bilan, en l’absence de cause vasculaire identifiée, le traitement était alors
interrompu.
C/ Issues des grossesses suivantes
1) Récidives de pertes foetales
Sur 110 patientes ayant déjà vécu une MFIU, cinq seulement ont eu une récidive de mort
fœtale (4,5%). La très grande majorité des femmes ayant eu une MFIU ont donc eu un enfant
vivant lors de la grossesse suivante (95,5%).
Nous avons tenté d’identifier les facteurs associés au risque de récidive de MFIU. D’une part
en décrivant en détail l’histoire clinique de ces patientes et d’autre part en détaillant les
étiologies des MFIU récidivantes.
Histoire clinique des cas de MFIU ayant récidivé à Saint Antoine
- Madame Di.
Cette patiente a eu 5 grossesses :
1996 : La patiente a eu une mort fœtale in utero à un terme de 25 SA. Il n’a pas été retrouvé
de contexte clinique particulier. L’examen anatomopathologique n’a pas pu être retrouvé. Le
bilan étiologique mettait en évidence un syndrome des antiphospholipides primitif avec des
anticorps anticardiolipides à 25 UGPL.
1998 (Saint Antoine) : La patiente a été traitée dès le début de grossesse par aspirine et
héparine de bas poids moléculaire. Devant la survenue d’un RCIU sévère de nature
83
vasculaire, elle a été césarisée à 28 SA et a donné naissance à un enfant de 800gdont
l’évolution a été favorable.
2000 (Saint Antoine) : La grossesse a été à nouveau menée sous aspirine et héparine de bas
poids moléculaire. La patiente a accouché à 32 SA dans un contexte de prééclampsie d’un
enfant de 1530g (RCIU).
2003 (Saint Antoine) : La patiente a été traitée par aspirine et héparine de bas poids
moléculaire. Elle présentait au terme de 28 SA et 5 jours, un retard de croissance très sévère.
Une amniocentèse a été proposée mais non souhaitée par la patiente. Devant la sévérité du
retard de croissance, la forte probabilité de MFIU spontanée et le risque de pathologie
vasculaire maternelle sévère, une interruption médicale de grossesse a été proposée et
acceptée par la patiente. L’examen anatomopathologique du foetus et la réalisation d’un
caryotype sur placenta a finalement mis en évidence une trisomie 21.
- Madame C.
Cette patiente a eu 7 grossesses.
1985 : Un accouchement par césarienne d’un enfant eutrophe à terme.
1988 : Un accouchement par césarienne à terme d’un enfant eutrophe.
Entre 1988 et 1999 : Deux fausses couches spontanées précoces.
1999 : La patiente a eu une MFIU à 17 SA. L’examen anatomopathologique mettait en
évidence une anomalie funiculaire qui ne paraissait pas en première approche une explication
totalement convaincante de la MFIU. Un bilan étiologique a alors été réalisé. Il a mis en
évidence une hyperhomocystéinémie.
2000 : Durant cette grossesse, la patiente recevait une supplémentation vitaminique par
vitamine B9 et B12 ainsi qu’un traitement préventif par aspirine et héparine de bas poids
moléculaire. La grossesse s’est déroulée normalement et la patiente a été césarisée à terme
d’un enfant eutrophe.
2002 (Saint Antoine) : La patiente a débuté une nouvelle grossesse sous supplémentation
vitaminique et aspirine. Le traitement par aspirine et héparine n’a pas été mis en route dès le
début de grossesse et la patiente a été adressée à Saint Antoine à 18 SA pour une MFIU.
L’examen anatomopathologique mettait de nouveau en évidence une anomalie cordonale
(cordon long et torsadé), le fœtus était eutrophe et l’examen placentaire normal.
84
- MadameDa.
Cette patiente a eu 3 grossesses.
1995 : La patiente a présenté une MFIU au terme de 35 SA. Le fœtus avait un RCIU et
l’examen anatomopathologique du placenta a mis en évidence des lésions vasculaires. Le
bilan de thrombophilie et d’autoimmunité réalisé était normal.
1998: La patiente a débuté une nouvelle grossesse sous aspirine et héparine de bas poids
moléculaire. A 29 SA la patiente a été transférée en niveau 3 pour pré-éclampsie sévère,
RCIU et doppler ombilical pathologique. Elle a été césarisée et a donné naissance à un enfant
de 980 g qui était bien portant.
2002 (Saint Antoine) : La patiente a débuté une nouvelle grossesse sous aspirine et héparine
de bas poids moléculaire. A 27 SA, le fœtus présentait un RCIU ( 8° percentile) avec des
dopplers ombilicaux très pathologiques. Elle a alors été transférée en niveau 3. L’évolution
défavorable a fait poser l’indication d’une extraction fœtale. La patiente a refusé la
césarienne. Elle a présenté alors à 28 SA une nouvelle MFIU.
- Madame R.
Cette patiente a été enceinte 5 fois
Elle a eu pour ces 3 premières grossesses, 3 fausses couches spontanées précoces.
Un bilan de thrombophilie et d’autoimmunité a été réalisé ; il était normal.
85
2005 : La patiente a débuté une grossesse sous aspirine et héparine de bas poids moléculaire.
A 18 SA, elle a présenté une MFIU dans un contexte de RCIU.
2006 ( Saint Antoine) : La patiente a débuté une grossesse sous aspirine, héparine de bas
poids moléculaire et trinitrine. Elle a présenté un nouvel épisode de MFIU à 20 SA.
Il n’a donc pas été obtenu de naissance vivante pour cette patiente qui n’a pas tenté pour
l'instant de nouvelle grossesse.
-
Madame L.
1999 : Une mort fœtale a été constatée à 28 SA dans un contexte de retard de croissance.
1999 (Saint Antoine) : Une deuxième grossesse est débutée sous aspirine puis est ajouté de
héparine de bas poids moléculaire. Elle a présenté un retard de croissance très sévère très
précocement qui a conduit à une IMG à un terme de 18 SA.
Le bilan de thrombophilie et d’autoimmunité s’est révélé négatif.
2001 (Saint Antoine) : Une nouvelle grossesse est débutée sous aspirine et HBPM. Un retard
de croissance très sévère a conduit à une IMG à un terme de 24 SA.
2003 (Saint Antoine) : Une nouvelle grossesse est débutée. Devant le caractère récidivant, il
est décidé de traiter la patiente par aspirine, HBPM et trinitrine.
L’examen anatomopathologique des placentas lors des 3 IMG a mis en évidence des lésions
clairement vasculaires.
Il n’a donc pas été obtenu de naissance vivante pour cette patiente.
Les patientes ayant eu une récidive se répartissent sur 3 étiologies de mort fœtale : annexielle,
vasculaire avec thrombophilie et vasculaire sans thrombophilie. Chez ces patientes, 2
patientes n’ont jamais eu d’enfant vivant alors que 3 patientes ont eu un enfant vivant après
leur première mort fœtale, ce sont donc des récidives non systématiques. Le tableau 14
montre la répartition de ces différentes situations en fonction de l’étiologie de la mort fœtale.
86
Tableau 14: Taux de récidive non systématique en fonction de l’étiologie de l’antécédent de
perte foetale
Etiologie de l’antécédent
Récidive sans enfant vivant
Récidive non systématique
N =2
N=3
Vasculaire sans thrombophilie
2
1
Vasculaire avec thrombophilie
0
1
Annexielle
0
1
2) Poids de naissance lors de la grossesse suivante
Tableau 14: Existence d’une hypotrophie en fonction de l’étiologie de la mort fœtale
Etiologies
Poids <10°P
Détail
Poids ≥
Poids<10°P
total
22
5
27
35
6
41
choléstase
2
0
2
malformatif
5
0
5
annexielle
15
1
16
inexpliqué
19
0
19
Total (patientes)
98
12
110
10°P
Vasculaire
11 (16%)*
N=68
Vasculaire sans
thrombophilie
Vasculaire avec
thrombophilie
Non vasculaire
1 (2%)*
N=42
110
12
*p=0,02 Fischer exact test
Nous constatons que les RCIU sont surtout présents dans le groupe de patientes dont
l’étiologie de la mort fœtale était vasculaire. En effet, le taux de RCIU chez les patientes
87
vasculaires est de 16 % contre 2% chez les patientes n’ayant pas de pathologie vasculaire. Il
existe une différence significative entre les groupes (p=0,02 Fisher exact test)
3) Terme de naissance à la grossesse suivante
Tableau 15: Taux d’accouchement prématuré en fonction de l’étiologie de la mort fœtale
Etiologies
Terme
Etiologie détaillée
Terme
Terme
≥37SA
<37SA
25
2
27
28
13
41
choléstase
1
1
2
malformatif
5
0
5
annexielle
15
1
16
inexpliqué
18
1
19
Total (patientes)
92 (84%)
18 (16%)
110
<37SA
Vasculaire
15 (22%)*
N=68
Vasculaire sans
total
thrombophilie
Vasculaire avec
thrombophilie
Non vasculaire
3 (7%)*
N=42
110
18
*p=0,03 Fischer exact test
Nous constatons que le taux d’accouchement prématuré est plus élevé chez les patientes dont
l’étiologie de la mort fœtale est « vasculaire » avec un taux de 22% contre 7 % chez les
patientes « non vasculaires » (p= 0,034 Test de Fisher). Il s’agit principalement de prématurité
induite et non d’accouchements prématurés spontanés.
88
4) synthèse
Tableau 16: taux de complications obstétricales (accouchement prématuré ou poids de
naissance inférieur au 10° percentile) et de récidive en fonction de l’étiologie de la perte
foetale
Etiologie de
Enfant vivant
Enfant vivant
l’antécédent de
sans
avec
Récidive de
MFIU pour chaque
complication
complication
perte foetale :
grossesse suivie
obstétricale :
obstétricale :
(n=7)
(n=78)
(n=25)
Inexpliquée
18 (95%)
1 (5%)
0
19
Annexielle
14 (87,5%)
1
1
16
Métabolique
1
1
0
2
Malformative
5
0
0
5
Vasculaire sans
17 (63%)
5 (18,5%)
5 (18,5%)**
27
23 (57,5%)
17 (40%)
1 (2,5%)*
41
78 (71%)
25 (22,5%)
7 (6,5%)
110
total
thrombophilie
Vasculaire avec
thrombophilie
TOTAL
*MFIU non imputable à la thrombophilie (T21)
** dont une MFIU évitable (refus d’extraction fœtale)
Toutes causes confondues, le taux de récidive de perte fœtale est de 6,5% et le taux de
complications obstétricales est de 22,5%.
Dans les étiologies annexielles, métaboliques, malformatives et inexpliquées (41 patientes
en tout), nous n’avons constaté qu’une seule récidive. Il s’agissait, comme pour la
grossesse précédente, d’une cause funiculaire.
Dans ces mêmes étiologies, le taux de naissances vivantes sans complication obstétricale
est très élevé : 95% pour les causes inexpliquées, 87,5% pour les causes annexielles.
89
Pour les pathologies vasculaires sans thrombophilie retrouvée, le taux de récidive de
MFIU est élevé puisqu’il atteint 18,5% et un taux de complications obstétricales
également de 18,5%.
Pour les pathologies vasculaires avec thrombophilie retrouvée, le taux de récidive est de
2,5%, ce qui ne représente qu’une récidive. A noter que cette récidive était associée à une
trisomie 21. Les complications obstétricales (RCIU et/ou accouchement prématuré)
étaient ici les plus fréquentes, RCIU et prématurité atteignant 40% dans ce groupe.
Par ailleurs sur les 110 grossesses suivies, il a été constaté 4 cas de pré-éclampsie et 1 HRP
survenus chez des patientes vasculaires avec issue favorable de la grossesse.
5) Les dopplers utérins
L’étude des dopplers utérins représente un outil majeur dans le suivi des grossesses après
mort fœtale particulièrement dans un contexte vasculaire. Bien qu’il soit demandé de manière
systématique dans ce contexte, les données n’étaient pas disponibles pour toutes les
grossesses suivies. C’est pourquoi le nombre de patientes dans chaque groupe n’est pas
toujours le même selon les variables étudiées. Nous avons étudié différents paramètres chez
les patientes « vasculaires » dont nous possédions les donnés des dopplers utérins pour la
prédiction de complications au cours de la grossesse : accouchement prématuré (quelle qu’en
soit la cause), poids de naissance inférieur au 10° percentile, complications vasculaires de la
grossesse (pré-éclampsie et/ou HELLP syndrome et/ou HRP et/ou RCIU) et récidive de
MFIU/perte fœtale.
Lorsque nous étudions les complications obstétricales ou vasculaires, nous ne prenons pas en
compte les récidives.
Nous avons évalué 2 paramètres du Doppler utérin : la présence de notchs bilatéraux d’une
part et l’existence d’anomalies des résistances vasculaires bilatérales (index diastolique D/S
inférieur à 20% au 1° trimestre et inférieur à 40% au 2° et 3° trimestres).
90
5.1 Premier trimestre
Le tableau 17 étudie la valeur de la présence de notchs au 1° trimestre pour prédire un
accouchement prématuré. Les récidives ne sont pas prises en compte dans ce tableau car nous
nous intéressons aux complications obstétricales lors d’une naissance vivante.
Tableau 17 : Valeur diagnostique de la présence de notchs au 1° trimestre pour la survenue
d’un accouchement prématuré.
Terme < 37SA
Terme ≥ 37SA
Notch +
4
7
11
Notch -
6
19
25
10
29
36
Spécificité : 66 %
VPP : 36 %
VPN : 76 %
Sensibilité : 40 %
La présence de notchs au 1° trimestre semble être un test médiocre pour prédire la
survenue d’un accouchement prématuré. Cette donnée n’est pas très étonnante car les causes
de prématurité ne sont pas toutes vasculaires, or le doppler utérin ne renseigne que sur
l’aspect vasculaire.
Tableau 18 : Valeur diagnostique de la présence de notchs au 1° trimestre pour la survenue
d’un RCIU.
Poids de naissance
Poids de naissance
< 10°p
≥ 10°p
Notch +
4
7
11
Notch -
1
24
25
5
31
36
Sensibilité : 80 %
Spécificité : 77 %
VPP : 36 %
VPN : 96 %
De manière prévisible, la présence d’un notch bilatéral est beaucoup plus performante pour la
prédiction d’un RCIU que pour celle d’un accouchement prématuré. On note en particulier
une très bonne valeur prédictive négative, ce qui signifie que l’absence de notch ou
91
l’existence d’un notch unilatéral est de bon pronostic sur le poids de naissance et ce, dès le
premier trimestre de la grossesse.
Tableau 19 : Valeur diagnostique de la présence de notchs au 1° trimestre pour la survenue
d’une complication vasculaire (RCIU ou pré-éclampsie ou HELLP syndrome ou hématome
rétroplacentaire)
Complication
Pas de complication
vasculaire
vasculaire
Notch +
5
6
11
Notch -
3
22
25
8
28
36
Sensibilité : 63 %
Spécificité : 79 %
VPP : 46 %
VPN : 88 %
Le taux de récidives de pathologies vasculaires au cours de la grossesse suivant une MFIU
vasculaire n’est «que» de 22% (8/36). La présence d’un notch bilatéral permet de sélectionner
une population à très haut risque puisque pratiquement une patiente sur deux de ce groupe
(46%) a eu une pathologie vasculaire. La valeur prédictive négative n’est pas aussi
remarquable que pour la prédiction du RCIU mais reste intéressante.
Tableau 20 : Valeur diagnostique d’un index diastolique pathologique bilatéral au 1° trimestre
pour la survenue d’un accouchement prématuré.
Terme < 37SA
Terme ≥ 37SA
D/S pathologique
2
2
4
D/S normal
5
23
28
7
25
32
Sensibilité : 28 %
Spécificité : 92 %
VPP : 50 %
VPN : 82 %
92
Le fait que le D/S soit normal au 1° trimestre peut paraître rassurant quant à la survenue d’un
accouchement à terme. Néanmoins, l’incidence des accouchements prématurés n’étant
« que » de 22%, la VPN de 82% reste insuffisante pour exclure un risque de prématurité, ce
que confirme la sensibilité médiocre de ce test.
Tableau 21 : Valeur diagnostique d’un index diastolique pathologique bilatéral au 1° trimestre
pour la survenue d’un poids de naissance inférieur au 10° percentile
Poids < 10°p
Poids ≥ 10°p
D/S pathologique
2
2
4
D/S normal
3
25
28
5
27
32
Sensibilité : 40 %
Spécificité : 93 %
VPP : 50 %
VPN : 89 %
Des D/S normaux sur les dopplers utérins du 1° trimestre sont associés à un poids de
naissance normal. De même, les patientes pour qui le poids de naissance de l’enfant est > 10°
percentile, avaient majoritairement des D/S normaux au 1° trimestre. Néanmoins, la VPN de
l’index diastolique, qui semble être l’un des intérêts majeurs du Doppler utérin, est moins
bonne que celle de l’absence de notchs bilatéraux.
Tableau 22 : valeur diagnostique d’un index diastolique pathologique bilatéral au 1° trimestre
pour prédire une complication vasculaire (RCIU ou pré-éclampsie ou HELLP syndrome ou
hématome rétroplacentaire)
Complication
Pas de complication
vasculaire
vasculaire
D/S pathologique
2
2
4
D/S normal
4
24
28
6
26
32
Sensibilité : 33%
Spécificité : 92 %
VPP : 50 %
VPN : 86 %
93
La valeur prédictive des index diastoliques utérins est tout à fait superposable à celle des
notchs bilatéraux pour la prédiction des pathologies vasculaires placentaires dans cette
population.
Tableau 23 : valeur diagnostique de l’association « D/S pathologique avec notch bilatéral au
1° trimestre » sur la survenue de complications obstétricales (accouchement prématuré et/ou
poids inférieur au 10° percentile)
1° trimestre
Pathologie
Pas de pathologie
obstétricale (RCIU
obstétricale
et/ou prématurité)
Notch + et D/S patho
3
0
3
Pas de notch et/ou D/S
7
22
29
10
22
32
normal
Sensibilité : 30 %
Spécificité : 100%
VPP : 100 %
VPN : 77 %
Nous avons pris en compte dans ce tableau toutes les patientes ayant une complication
vasculaire et/ou un accouchement prématuré, pour lesquelles nous avions les données
complètes des dopplers au 1° trimestre et qui ont eu un enfant vivant.
L’association des notchs et des index pathologiques présente une excellente spécificité et
valeur prédictive positive (100% pour chaque), au détriment de la sensibilité et de la VPN. En
effet, dans tous les cas de D/S pathologiques bilatéraux associés à des notchs bilatéraux, il
existait un poids de naissance inférieur au 10° percentile ou une autre pathologie vasculaire (2
RCIU et 1 prématuré à 28 SA par décision médicale : césarienne pour suspicion de RCIU,
anomalies du RCF et doppler ombilical pathologique. Le nouveau-né était au 20ème
percentile). De même, toutes les patientes pour lesquelles le poids de naissance était supérieur
ou égal au 10° percentile, n’avaient pas de D/S pathologique associé à des notchs. Cependant
l’effectif très réduit des patientes présentant un D/S pathologique associé à des notchs limite
l’interprétation des résultats.
94
Tableau 24 : Valeur diagnostique de la présence d’un D/S pathologique associé à la présence
de notchs au 1° trimestre sur la survenue d’une récidive de mort fœtale in utero
1° trimestre
MFIU
Enfant vivant
Notch + et D/S patho
1
3
4
Pas de notch et/ou D/S
2
29
31
3
32
35
normal
Sensibilité : 33 %
Spécificité : 91 %
VPP : 25 %
VPN : 94 %
En l’absence de D/S pathologique associé à des notchs, le risque de récidive peut paraître très
faible (VPN= 94%). En réalité, du fait de la faible prévalence de la récidive de MFIU, ce
résultat est en réalité très médiocre. La sensibilité est également médiocre puisque 2 des 3
récidives de MFIU avaient des dopplers utérins normaux. Les patientes qui ne récidivent pas
n’avaient pas, dans 91% des cas, de D/S pathologique associé à des notchs (spécificité =
91%).
Tableau 25 : Valeur diagnostique de la présence de notchs associés à un D/S pathologique
(<20%) bilatéral au 1° trimestre pour prédire la survenue d’un RCIU et/ou d’une récidive.
1° trimestre
RCIU et/ou MFIU
Enfant vivant et enfant
eutrophe (>10°p)
Notch + et D/S patho
3
1
4
Pas de notch et/ou D/S
7
24
31
10
25
35
Spécificité : 96 %
VPP : 75 %
VPN : 78 %
normal
Sensibilité : 30 %
Sur les 4 patientes ayant des D/S pathologique associés à des notchs, 3 ont présenté soit une
récidive de MFIU soit un RCIU à la naissance. La seule patiente ayant un D/S pathologique
et des notchs et ayant accouché d’un enfant eutrophe était traitée par aspirine, HBPM et
95
trinitrine et a été césarisée à 28 SA pour anomalies du RCF et dopplers pathologiques ; elle a
donné naissance à un enfant de 1095g (20°p).
Quant il est positif, ce test a donc une très forte valeur prédictive positive de complication
vasculaire.
Tableau 26 : Valeur diagnostique de la présence de notchs associés à un D/S pathologique
(<20%) bilatéral associé à des notchs bilatéraux au 1° trimestre pour prédire une complication
vasculaire (RCIU ou pré-éclampsie ou HELLP syndrome ou hématome rétroplacentaire)
.
1°TRIMESTRE
Complication
Pas de complication
vasculaire
vasculaire
D/S patho et notchs
2
1
3
Pas de notch et/ou D/S
7
23
30
9
24
33
normal
Sensibilité : 22%
Spécificité : 96%
VPP : 67%
VPN : 70%
Tableau 27 : Valeur diagnostique de la présence de notchs associés à un D/S pathologique
(<20%) bilatéral associé à des notchs bilatéraux au 1° trimestre pour prédire un poids de
naissance inférieur au 10° percentile.
1° trimestre
Poids de naissance
Poids de naissance
inférieur au 10°
supérieur au 10°
percentile
percentile
Notch + et D/S patho
2
1
3
Pas de notch et/ou D/S
5
25
30
7
26
33
normal
Sensibilité : 29 %
Spécificité : 96 %
VPP : 67 %
VPN : 83 %
96
5.2 Deuxième trimestre
Comme au 1° trimestre, nous n’avons pris en compte que les grossesses avec ATCD de MFIU
vasculaire pour qui nous avions les données des dopplers .
Tableau 28 : Valeur diagnostique de la présence de notchs au 2° trimestre pour prédire d’un
poids de naissance inférieur au 10° percentile
Poids < 10°p
Poids ≥ 10°p
Notch +
3
3
6
Notch -
4
29
33
7
32
39
Sensibilité : 43 %
Spécificité : 90%
VPP : 50 %
VPN : 88 %
La présence de notchs au 2° trimestre permet d’identifier une population à assez haut risque
vasculaire puisque la moitié de ces patientes aura un enfant de poids de naissance inférieur au
10° percentile (VPP = 50%). En revanche l’absence de notchs est associée à un poids de
naissance normal dans 88 % des cas (VPN = 88%).
Tableau 29 : Valeur diagnostique de la présence de notchs au 2° trimestre pour prédire la
survenue d’une complication vasculaire (RCIU ou pré-éclampsie ou HELLP syndrome ou
hématome rétroplacentaire)
Complication
Pas de complication
vasculaire
vasculaire
Notch +
3
3
6
Notch -
7
26
33
10
29
39
Sensibilité : 30 %
Spécificité : 90%
VPP : 50 %
VPN : 79 %
97
Tableau 30 : Valeur diagnostique d’un index diastolique pathologique (<40%) bilatéral au 2°
trimestre pour la survenue d’un poids de naissance inférieur au 10° percentile
Poids < 10°p
Poids ≥ 10°p
D/S pathologique bilatéral
3
2
5
D/S normal
4
30
34
7
32
39
Sensibilité : 43 %
Spécificité : 94%
VPP : 60 %
VPN : 88 %
Lorsque le D/S est normal au moins d’un coté, le pronostic pour un poids fœtal > au 10°
percentile est bon (VPN=88%). En revanche, le fait d’avoir un D/S pathologique bilatéral ne
permet pas de conclure sur la survenue d’un poids de naissance inférieur au 10° percentile
(VPP=60%).
Tableau 31 : Valeur diagnostique d’un index diastolique pathologique (<40%) bilatéral au 2°
trimestre pour la survenue d’une complication vasculaire (RCIU ou pré-éclampsie ou HELLP
syndrome ou hématome rétroplacentaire)
Complication
Pas de complication
vasculaire
vasculaire
D/S pathologique
3
2
5
D/S normal
7
27
34
10
32
39
Sensibilité : 30 %
Spécificité : 84%
VPP : 60 %
VPN : 79 %
98
Tableau 32: Valeur diagnostique de la présence d’un D/S pathologique associé à des notchs
au 2° trimestre pour prédire la survenue d’une pathologie obstétricale (poids de naissance
inférieur au 10° percentile ou accouchement avant 37 SA)
2°T
Pathologie
pas de pathologie
obstétricale
obstétricale
Notch + et D/S patho
4
0
4
Pas de notch et/ou D/S
12
23
35
16
23
39
normal
Sensibilité : 25 %
Spécificité : 100%
VPP : 100 %
VPN : 66 %
La présence de D/S pathologique associé à des notchs au 2° trimestre, a une valeur prédictive
positive de 100%. C'est-à-dire que toutes les patientes ayant ce test positif ont présenté une
complication obstétricale. Toutes les patientes qui n’ont pas présenté de complication
obstétricale, n’avaient pas de D/S pathologique associé à des notchs (spécificité = 100%).
Tableau 33 : Valeur diagnostique de l’association d’un D/S pathologique à des notchs
bilatéraux au 2° trimestre pour prédire un poids de naissance inférieur au 10° percentile
2°trimestre
D/S pathologique et
Poids inférieur au
Poids supérieur au
10° percentile
10° percentile
3
1
4
4
31
35
7
32
39
Spécificité : 97 %
VPP : 75 %
VPN : 86 %
notchs bilatéraux
Pas de notchs bilatéraux
et/ou D/S normal
Sensibilité : 42 %
99
Tableau 34 : Valeur diagnostique de l’association d’un D/S pathologique à des notchs
bilatéraux au 2° trimestre pour prédire une complication vasculaire (RCIU ou pré-éclampsie
ou HELLP syndrome ou hématome rétroplacentaire)
2°trimestre
D/S pathologique et
Complication
Pas de complication
vasculaire
vasculaire
3
1
4
4
31
35
7
32
39
Spécificité : 97 %
VPP : 75 %
VPN : 86 %
notchs bilatéraux
Pas de notchs bilatéraux
et/ou D/S normal
Sensibilité : 42 %
En cas de D/S pathologique bilatéral associé à des notchs bilatéraux, le taux de complication
vasculaire (les 3 patientes avaient présenté un RCIU) est de 75%. Ce test, quant il est positif,
permet donc de détecter une population à haut risque de complication vasculaire.
Tableau 35 : Valeur diagnostique de la présence d’un D/S pathologique bilatéral associé à des
notchs au 2° trimestre pour prédire une récidive de MFIU
2°T
MFIU
Enfant vivant
Notch + et D/S patho
1
4
5
Pas de notch et/ou D/S
2
35
37
3
39
42
normal
Sensibilité : 33 %
Spécificité : 90%
VPP : 20 %
VPN : 95 %
Ce test a une bonne valeur négative car la VPN est à 95%, cependant, la très faible prévalence
de la récidive rend cette valeur ininterprétable. En revanche, il a une très mauvaise valeur
positive car la VPP n’est qu’à 20%. Il y a donc beaucoup de faux positifs.
100
Tableau 36 : Taux de poids de naissance inférieur au 10° percentile et/ou de récidive en
fonction de la présence de notchs aux 1° et 2° trimestres
1° trimestre
2° trimestre
RCIU ou récidive
Ni récidive, ni RCIU
Notch Ŕ
Notch Ŕ (n=25)
N= 2 (8%) 1 récidive
N=23 (92%)
(n = 26)
Notch + (n = 1)
N= 0
N= 1
Notch +
Notch Ŕ (n = 6)
N= 2 (1 récidive)
N= 4
(n = 12)
Notch + (n = 6)
N= 5 (1 récidive)
N= 1
Le tableau 36 met en évidence le taux de poids de naissance inférieur au 10° percentile ou de
récidive en fonction de la présence de notchs au 1er et 2ème trimestres.
Bien que les effectifs soient faibles il semble apparaître que la présence des notchs au 1°
trimestre persistant au 2° trimestre soit associée à un haut taux de pathologie vasculaire (5
patientes sur 6 ont eu soit une récidive de MFIU soit un poids inférieur au 10° percentile).
Les patientes n’ayant pas de notchs au 1° ni au 2° trimestre, présentent peu de complication
de type vasculaire puisque sur 23 patientes il y a eu un poids de naissance inférieur au
10°percentile et une récidive.
Pour les 3 patientes ayant récidivé et dont nous avions toutes les données échographiques, une
patiente avait des notchs au 1° trimestre qui se sont normalisés au 2° trimestre, une patiente
n’avait pas de notchs et une troisième patiente avait des notchs au 1° et 2° trimestre.
Il est donc difficile de trouver un « profil » qui pourrait être de mauvais pronostic pour les
récidives.
101
Tableau 37 : Taux de poids de naissance inférieur au 10° percentile et/ou de récidive en
fonction de la présence de D/S pathologique bilatéral aux 1° et 2° trimestres
1° trimestre
2° trimestre
D/S normal
D/S normal
(n=28)
(n=25)
D/S
RCIU ou récidive
Ni récidive, ni RCIU
N= 3 (dont 1 récidive)
N=23
N= 2 (dont 1 récidive)
N= 1
N= 0
N= 1
N= 3 (dont 1 récidive)
N= 1
pathologique
bilatéral (n = 3)
D/S pathologique
D/S normal
bilatéral
(n = 1)
(n = 5)
D/S
pathologique
bilatéral (n = 4)
Un D/S normal aux 1° et 2° trimestres est de bon pronostic sur le poids et l’absence de
récidive (22 sur 25).
En revanche un D/S pathologique aux 1° et 2° trimestres semble de mauvais pronostic avec 3
complications (poids inférieur au 10 ° percentile ou récidive) sur 4 patientes (effectif très
réduit).
102
III) DISCUSSION
A/ Introduction
La mort fœtale in utero est un évènement rare aujourd’hui dans les pays développés, par
rapport aux fausses couches spontanées précoces. Cependant, cet évènement suscite toujours
beaucoup de questions de la part des patientes et des praticiens. Une des questions souvent
posée par les patiente est : « suis-je capable de mettre au monde un enfant vivant lors d’une
prochaine grossesse ? ». Or les données de la littérature offrent des réponses qu’il est souvent
difficile d’adapter à toutes les patientes. En effet si le pronostic des grossesses après mort
fœtale est globalement bon, il diffère de façon significative en fonction de l’étiologie et du
contexte de la mort fœtale.
Il existe peu d’études dans la littérature qui s’intéressent spécifiquement aux grossesses après
mort foetale in utero du 2° ou 3° trimestre [27,38,79]. Les critères d’inclusion sont souvent
très hétérogènes en fonction des études, et il est peut donc être difficile d’en tirer une
application pratique.
Le but de notre étude est de tenter de répondre à certaines questions récurrentes :
Quelles sont les étiologies retrouvées de mort fœtale et dans quelle proportion ?
Quel est le taux de récidive après un antécédent de mort fœtale ?
Quel est le pronostic obstétrical de la prochaine grossesse en fonction de l’étiologie ?
B/ Méthodologie
1) Limites de l’étude
Notre étude est une étude rétrospective avec comme principal biais, la perte d’informations
que ce soit sur l’antécédent de mort fœtale ou sur la grossesse suivante.
Cette étude n’est pas comparative avec une population témoin. On ne peut pas faire de
comparaison statistique sur la fréquence des récidives et des complications.
Pour ce qui est des thérapeutiques proposées. Dans certains cas (SAPL, thrombophilie
héréditaire), il existe des données de la littérature qui justifient l’instauration des différents
traitements.
103
Parfois, notre attitude thérapeutique est empirique en particulier dans les cas à haut risque de
récidive (doppler utérin pathologique, récidive de MFIU).
Par ailleurs, nous avons fait le choix d’intégrer des interruptions médicales de grossesses pour
RCIU majeur et précoce, en considérant que ces grossesses auraient mené ineluclablement à
une mort fœtale. Cependant, il ne s’agissait pas à proprement parler de MFIU et donc peutêtre que certaines de ces IMG n’auraient pas abouti à une MFIU.
2) Intérêts de l’étude
Les différents avantages de notre étude sont :
Une attitude systématique et homogène dans le bilan et la prise ne charge proposés aux
patientes
Le nombre de praticiens suivant les grossesses de ces patientes est très réduit
Nous avons obtenu un nombre important de grossesses suivies dans la même maternité sur
une assez courte période (10 ans).
En effet dans les différentes séries de la littérature, les patientes sont souvent suivies dans
différentes maternités ; de plus, il est rare que le bilan étiologique soit décrit et réalisé de
façon systématique. Il en est de même pour le suivi de la grossesse et les traitements instaurés
qui sont souvent laissés au choix du praticien.
Dans notre étude, le choix des traitements est certes quelques fois empirique mais toujours
instauré selon le même protocole.
C/ Discussion des résultats
1) Description de l’antécédent de mort fœtale in utero
1.1. Caractéristiques des patientes
L’age moyen des patientes au moment de la perte fœtale est 28 ans ½ avec des extrêmes de 19
et 42 ans.
Plusieurs études ont montré que l’age maternel supérieur à 35 ans pourrait être un facteur de
risque de mort fœtale in utero [26,28,40].
Fretts et al. a comparé le taux de mort fœtale chez un groupe de patientes de plus de 35 ans
par rapport au taux dans un groupe de patientes d’age inférieur à 35 ans[26]. Il trouve un
104
risque de 1/1000 chez les patientes de moins de 35 ans contre un taux de 1/440 chez les
patientes de plus de 35 ans. La définition des critères de mort fœtale ne précise pas le terme
minimal d’inclusion. Il est donc possible que dans ce taux de mort fœtale soit inclus les
fausses couches spontanées précoces.
Dans une étude de type cas/cohorte, étudiant les caractéristiques des patientes ayant présenté
une MFIU après 27 SA par rapport à une population témoin, Goffinet et al. n’ont pas mis en
évidence de différence significative dans l’age des patientes entre les deux groupes [32].
Nous avons constaté que pour 66 % des patientes, la mort fœtale survenait au moment de la
première grossesse. Dans différentes séries étudiant les caractéristiques des populations ayant
eu une mort fœtale, la primiparité est souvent retrouvée comme un facteur de risque de mort
fœtale in utero [15,94].
Sachant que ces patientes n’ont pas d’enfant vivant, il est bien sur très probable que ces
patientes souhaitent une nouvelle grossesse après cet accident. D’où la nécessité d’un bilan
approfondi afin de proposer une prise en charge optimale lors de la grossesse suivante.
La grande multiparité est également quelques fois retrouvée comme un facteur de risque
[40,38].
1.2 Caractéristiques de l’antécédent de perte fœtale
Il est difficile de comparer les répartitions des différentes étiologies par rapport aux séries de
la littérature. En effet, les différentes classifications ne sont pas toujours les même. De plus,
les critères pour classer une patiente dans telle ou telle catégorie ne sont pas les même d’une
série à l’autre. En outre, le bilan étiologique ne comprend pas toujours tous les éléments de
notre bilan (en particulier le bilan de thrombophilie), ce qui change bien sur le type
d’étiologie.
Sur les critères cités précédemment, 60% des pertes fœtales étaient attribuées à une cause
vasculaire.
Dans l’enquête périnatale de Seine Saint Denis, Goffinet et al trouvent un taux de causes
vasculaires de 35% mais 30 patientes avaient un placenta vasculaire à l’examen
105
anatomopathologique et ont été classées en « inexpliqué ». Selon nos critères, ces patientes
auraient été classées en vasculaire ce qui ferait un taux total de 46%.[32]
Dans l’étude de Heinonen sur 130 antécédents de mort fœtale [38], le taux de cause vasculaire
est de 25 %. Cependant, il n’a pas été réalisé de bilan de thrombophilie héréditaire et il n’est
pas précisé si le fait d’avoir un SAPL ou un lupus faisait classer les patientes dans les causes
vasculaires.
Le taux d’étiologie « inexpliquée » est de 17 % dans notre série. Dans la littérature, il varie
entre 25 % [38] et 40 % [32]. Ce taux plus faible peut s’expliquer par des bilans moins
complets et des critères d’inclusion différents dans les différents groupes d’étiologie.
Dans notre série, le taux d’étiologie métabolique est de 1,6%. En effet, nous n'avons eu qu'un
seul cas de choléstase et aucune mort fœtale attribuable à un diabète. Dans l’étude
d’Heinonen, le taux de mort fœtale due à un diabète est de 4,6% [38]. Dans les autres séries,
les morts fœtales dues à un diabète sont classées dans « pathologie maternelle » ou ne sont
pas identifiées et donc classées dans les étiologies inexpliquées.
Le taux d’étiologie annexielle est de 16% dans notre série. Il est comparable à celui de
Heinonen qui est environ de 20%.[38]
Le taux d’étiologie malformative est de 6% dans notre étude. Il est comparable à ceux trouvés
dans la littérature ( 11% pour Heinonen [38] et 10 % pour Smith [94] ). Cette faible variabilité
entre les études tient probablement au fait que les critères pour classer une MFIU dans cette
catégorie sont moins variables d’une série à l’autre.
Notre série met donc en évidence un taux élevé de causes vasculaires par rapport aux données
de la littérature. Cette différence est probablement due à un bilan standardisé et plus complet.
Cependant, il faut signaler que ce bilan à la recherche de thrombophilie et d’auto-immunité
est coûteux, ce qui peut expliquer sa réalisation non systématique dans les autres séries.
Dans notre série, 60 patientes sur 64 n’ont eu qu’une perte fœtale. Sur les 4 patientes ayant
plus d’une mort fœtale, aucune n’a récidivé lors de sa grossesse suivie à Saint Antoine. Le fait
d’avoir eu plusieurs pertes foetales ne semble donc pas un facteur de risque de récidive
systématique. Cependant, les patientes ayant eu plusieurs morts fœtales n’avaient pas
106
forcément eu une prise en charge adaptée, ce qui pourrait expliquer la survenue de récidives.
Pour pouvoir conclure à une augmentation du risque il faudrait pouvoir étudier l’avenir
obstétrical des patientes ayant eu plusieurs morts fœtales malgré une prise en charge optimale.
Parmi nos 64 patientes, nous avons pu recueillir 70 antécédents de MFIU. Un quart des MFIU
ont eu lieu à terme (≥37SA). Chez les patientes dont l’étiologie est inexpliquée, 64 % des
MFIU ont eu lieu au 3° trimestre. Chez les patientes d’étiologie vasculaire, 47 % des MFIU
ont lieu au 3° trimestre.
Les MFIU inexpliquées sont souvent des accidents plus tardifs (34% après 38 SA) dans la
grossesse que les MFIU dont la cause est retrouvée (18% après 38 SA) [28]. Sur une série de
196 MFIU inexpliquées, Huang DY retrouve que deux tiers des MFIU ont lieu après 35 SA
[40].
2) Caractéristiques des grossesses suivantes
Nous avons pu suivre 110 grossesses réparties chez 64 patientes ayant au moins un antécédent
de MFIU. Nous avons étudié chaque grossesse de façon indépendante.
Sur 110 grossesses suivies, nous avons observé 7 cas de récidive de mort fœtale. Sur
l’ensemble des grossesses suivies, le taux de naissance vivante est de 93,5% et seules 2
femmes n’ont jamais eu d’enfant vivant. Le taux de récidive est donc de 6,5 % dans notre
série.
Sur les 7 récidives, une aurait pu être évitée. En effet la patiente a refusé l’extraction fœtale
dont l’indication était posée sur un RCIU très sévère avec dopplers pathologiques et
anomalies du rythme cardiaque fœtale. Le fœtus est mort in utero quelques jours après. Si
l’extraction avait pu être faite à temps, il n’y aurait pas eu de mort fœtale.
Par ailleurs, une des patientes qui a un SAPL et qui avait eu 2 naissances vivantes après sa
MFIU, a eu une IMG sur un fœtus trisomique 21. Cet accident n’est donc à priori pas lié à sa
pathologie vasculaire et le mécanisme de la mort fœtale est probablement différent de celui de
la première mort fœtale. Cette patiente a d’ailleurs eu une naissance vivante après cette
récidive.
107
Il y a 2 patientes chez qui il n’a pas été obtenu de grossesse vivante. Ces deux patientes ont
été étiquetées « vasculaires » mais sans thrombophilie. L’examen anatomopathologique des
placentas lors des pertes foetales a mis en évidence des lésions clairement vasculaires. Il
existe plusieurs éléments troublants : la patiente qui a présenté 4 épisodes de MFIU ou IMG
pour RCIU très sévère avec à chaque fois des lésions vasculaires placentaires à l’examen
anatomopathologique, avait des dopplers strictement normaux lors d’une de ses grossesses ;
par ailleurs elle n’a jamais présenté de signes maternels de pathologie vasculaire (HTA ou
protéinurie).
Ces 2 patientes pour qui la cause de la mort fœtale était très probablement vasculaire au vu de
l’examen du placenta et des retards de croissance (lésions vasculaires à l’examen
anatomopathologique), ont pourtant reçu un traitement paraissant « optimal ». Dans ces
quelques cas semblant réfractaires à toute prise en charge thérapeutique à visée
antithrombotique et vasodilatatrice efficace chez d’autres patientes, les phénomènes
physiopathologiques conduisant à ces récidives systématiques de mort fœtale pourraient être
d’ordre immunologique ou génétique encore non identifiés.
Une des patientes dont l’étiologie de la MFIU était annexielle (anomalie du cordon) a
présenté une récidive à 18 SA. L’autopsie du fœtus mettait de nouveau en évidence une
anomalie funiculaire. Cependant, cette patiente avait une hyperhomocystéinémie et on ne peut
donc pas formellement éliminer un mécanisme vasculaire à ces morts fœtales.
Le groupe le plus à risque de récidive est le groupe des patientes vasculaires sans
thrombophilie avec un taux de récidive de 18,5%.
Pour les étiologies métabolique, malformative et inexpliquée, il n’y a pas eu de cas de
récidive.
Dans l’étude de Frias [27], le taux de récidive de mort fœtale in utero est de 25%. Ce taux
élevé de récidive peut s’expliquer par le terme minimal plus précoce dans la définition de la
MFIU, par l’absence de bilan étiologique et donc de prise en charge adaptée et par
l’instauration de traitement de façon aléatoire
Dans la littérature, une série étudiant les grossesses après mort fœtale inexpliquée trouve un
taux de récidive de 0,6 [79].
Dans une série de 93 patientes avec antécédent de MFIU, dont ont été exclues les MFIU ayant
pour étiologies un diabète, une toxémie gravidique, une alloimmunisation ou une anomalie
108
utérine [38], il n’est pas retrouvé de cas de récidive. Cette série est peu comparable à la notre
car beaucoup d’étiologies à plus haut risque de récidive ont été exclues.
Nous constatons que les RCIU sont surtout présents dans le groupe de patientes dont
l’étiologie de la mort fœtale était vasculaire. En effet, le taux de RCIU chez les patientes
vasculaires est de 16 % contre 2 % chez les patientes « non vasculaires ». Il existe une
différence significative entre les groupes (p=0,02 Fisher exact test).
Les patientes dont l’étiologie de la mort fœtale était vasculaire doivent donc être
particulièrement surveillées sur le plan échographique afin de détecter au plus tôt un RCIU et
des anomalies des dopplers associées. Une prise en charge optimale pourra alors être
proposée : IMG si RCIU très sévère et précoce, extraction fœtale ou augmentation du rythme
de surveillance avec RCF journalier en fonction du terme.
Pour Heinonen et al [38], il existe une augmentation du risque d’enfant de poids inférieur à
2500 grammes (OR : 2,70, IC 95% : 1,17-4,32) par rapport au groupe témoin mais pas
d’hypotrophie inférieure au 10° percentile. Cette augmentation est liée à celle de la
prématurité de moins de 37 SA dont on ne sait si elle est induite. En effet, les grossesses avec
antécédent de MFIU ont un protocole de surveillance plus rapprochée que celle du groupe
témoins ainsi qu’une attitude plus interventionniste pour provoquer l’accouchement.
Nous constatons que le taux d’accouchement prématuré est plus élevé chez les patientes dont
l’étiologie de la mort fœtale est « vasculaire » avec un taux de 22% contre 7 % chez les
patientes « non vasculaires » (p= 0,034 Test de Fisher).
Dans deux grandes séries de grossesse après mort fœtale [38,79], il est retrouvé une
augmentation du taux de prématurité par rapport à la population témoin. Cependant il n’est
pas donné le détail en fonction des étiologies.
Le taux de naissance vivante sans complication obstétricale est très élevé pour certaines
étilogies : inexpliquée (95%), annexielle (87,5%), métabolique ou malformative.
Pour les pathologies vasculaires sans thrombophilie retrouvée, le taux de récidive est élevé
avec un taux de récidive de 18,5% et un taux de complication obstétricale également de
18,5%.
Pour les pathologies vasculaires avec thrombophilie retrouvée, le taux de récidive est de
2,5%, ce qui représente 1 récidive. A noter que cette récidive était liée à une trisomie 21.
109
Il semble donc que le groupe le plus à risque de récidive est celui des pathologies vasculaires
sans thrombophilie. Par contre, le groupe des pathologies vasculaires avec thrombophilie
présente un faible taux de récidive mais un taux élevé de complications obstétricales
(accouchement prématuré et poids de naissance inférieur au 10° percentile). On a donc
l’impression que malgré la récidive de pathologies vasculaires, la surveillance a permis
d’éviter l’évolution vers une récidive de MFIU.
Nous avons exposé dans les « matériels et méthodes », le protocole de prise en charge
thérapeutique des patientes. Des études randomisées ont été menées, montrant le meilleur
pronostic des grossesses sous HBPM et aspirine chez les patientes porteuses d’une
thrombophilie héréditaire ou d’un SAPL.
Il n’existe pas d’essai randomisé pour les patientes « vasculaires » avec antécédent de mort
fœtale.
Aucune patiente n’a été sous-traitée par rapport à notre « protocole ». En revanche certaines
patientes dont l’étiologie de la mort fœtale était indéterminée, ont reçu un traitement par
association d’aspirine et d’HBPM. Il s’agissait, comme pour les pathologies vasculaires, de
patientes ayant des anomalies sévères des dopplers utérins ou de la croissance fœtale. Parfois,
lorsque la première consultation avait eu lieu en tout début de grossesse sans évaluation
préalable, un traitement était instauré en attendant les résultats du bilan étiologique de la
MFIU. Après récupération du bilan, en l’absence de cause vasculaire identifiée, le traitement
était alors interrompu.
Sur une série de 230 patientes avec antécédent de perte fœtale (>12SA et SAPL exclus), Frias
[27] trouve un taux de perte fœtale significativement plus bas lors de la grossesse suivante,
chez les patientes ayant reçu de l’aspirine à faible dose. La décision de traiter les patientes
était laissée au choix du praticien qui suivait la grossesse.
3) Apport de l’étude des dopplers utérins
3.1. Premier trimestre
Nous avons étudié les dopplers de patientes dont l’étiologie de le MFIU était vasculaire.
Malheureusement, il n’a pas été possible de retrouver les données des dopplers pour toutes les
patientes vasculaires.
110
D’après nos données, les aspects les plus intéressants du Doppler au premier trimestre sont :
-
Une très bonne valeur prédictive négative de l’absence de Notch pour le risque de
RCIU. Dans la population étudiée, le risque de RCIU était de 22%. En l’absence de
Notch bilatéral au premier trimestre, 96% des patientes avaient un nouveau-né
eutrophique
-
Une assez bonne valeur prédictive positive des notchs bilatéraux pour le risque de
pathologie vasculaire. Pratiquement la moitié des patientes ayant un notch bilatéral ont
eu une pathologie vasculaire au cours de la grossesse alors que la fréquence des
pathologies vasculaires était de 22% dans notre population.
-
Enfin, l’association de notchs bilatéraux et d’index pathologiques bilatéraux au
premier trimestre définit une population à très haut risque de complication obstétricale
avec une VPP et une spécificité de 100%. Le nombre de cas ayant cette association est
limité (3 patientes sur 36), ce qui explique la faible sensibilité de cette anomalie. Dans
une population d’emblée à haut risque comme la notre, la constatation de cette double
anomalie peut pousser à une prise en charge maximaliste, tant sur le plan de la
surveillance que sur celui des traitements éventuels.
En revanche, la présence de notchs bilatéraux au 1° trimestre ne semble pas un bon test pour
prédire un risque d’accouchement prématuré. Sachant que la présence de notchs témoigne
d’un problème vasculaire et que les causes d’accouchement prématuré ne sont pas toutes liées
à une cause vasculaire, ce résultat ne parait pas surprenant.
L’analyse des index D/S utérins de manière isolée semble moins performante que celle des
notchs, que ce soit en termes de VPN ou de sensibilité et quel que soit le critère de jugement
considéré. Seule l’association du D/S à la présence de notch semble intéressante de par la très
forte VPP et spécificité de cette anomalie.
Dans une étude précédente [6] nous avions retrouvé une valeur prédictive de la présence de
notchs bilatéraux au premier trimestre très proche de celle obtenue dans la série actuelle avec,
notamment, une très bonne valeur prédictive négative de l’absence de notch sur le risque de
pathologie vasculaire.
111
Néanmoins, certaines patientes ayant des Dopplers normaux ont eu des récidives de
pathologies vasculaires et surtout de MFIU. Dans une population à très haut risque, il ne
parait pas licite de relâcher la surveillance ultérieure sur l’argument d’un Doppler utérin
normal au premier trimestre.
A contrario, la prise en charge standardisée que nous avons proposée aux patientes ayant des
antécédents de MFIU d’origine vasculaire comportait au minimum un traitement pas aspirine,
éventuellement associée à une HBPM en cas de thrombophilie associée. Nous avons élaboré
une stratégie empirique d’escalade thérapeutique en fonction des données du Doppler utérin
au premier trimestre. Cette prise en charge trouve sa justification dans la très forte VPP et
spécificité de l’association d’un Notch bilatéral et d’une anomalie des index utérins. Dans ce
contexte, la quasi certitude de survenue d’un RCIU ou d’une pathologie vasculaire pourrait
justifier cette attitude. En effet, malgré l’effectif relativement important de patientes de cette
étude, il parait illusoire d’espérer valider l’intérêt des thérapeutiques utilisées par un essai
randomisé vu le faible de nombre de cas ayant à la fois des notchs et des index pathologiques
bilatéraux.
A noter, la survenue de RCIU et/ou autres pathologies vasculaires dans ce groupe avec double
anomalie du Doppler peut signifier que nos mesures thérapeutiques sont inefficaces ou
insuffisantes, ou encore que leur mise en œuvre devant la constatation d’anomalies du
Doppler est déjà trop tardive.
D’autres études ont évalué les Dopplers utérins au premier trimestre dans des populations à
haut risque. Toutes vont dans le sens d’une bonne VPN du Doppler utérin [16].
112
Tableau 39 : Comparaison des résultats de la meta-analyse de Cnossen (partis grise)[16] aux
résultats du 1° trimestre de notre série
Notre étude
N
Sens
Spe
D/S patho
32
40%
93%
Notchs bilatéraux
36
80 %
77%
Une méta-analyse a repris les différentes études sur la valeur des dopplers utérins pour prédire
la survenue d’un poids de naissance inférieur au 10° percentile. Le nombre d’études sur la
valeur des dopplers au 1° trimestre dans une population à haut risque [16] est limité.
Pour la présence de notchs, la sensibilité est comparable à la notre. En revanche, la spécificité
semble supérieure dans notre étude. Nous n’avons pas pu comparer nos données en termes de
VPP ou de VPN car les données de la méta-analyse étaient exprimées en rapport de
vraisemblance. En revanche, cette méta-analyse conclut à la supériorité des index de
pulsatilité par rapport aux notchs, ce qui n’est pas notre constatation. Néanmoins, le critère de
sélection de la population à haut risque est différent dans notre étude (antécédent de MFIU) et
dans la méta-analyse (antécédent de pré-éclampsie et/ou de RCIU). Dans une autre étude,
Fratelli [25] retrouve une VPN de l’absence de notch comparable à la notre (98%).
3.2. Deuxième trimestre
La plupart des auteurs estiment qu’il n’existe aucune variation significative du spectre
vélocimétrique de l’artère utérine jusqu’à 12 SA, alors que la composante diastolique s’élève
jusqu’à 24-26 SA (diminution des résistances vasculaires) [11]. Il est admis que cette
diminution des résistances vasculaires est due principalement à la deuxième vague d’invasion
113
trophoblastique des artères spiralées intervenant au début du deuxième trimestre. Enfin, on
pourrait, d’après certains auteurs, observer la présence d’une incisure protodiastolique
physiologique avant 26 SA. Pour certains auteurs, la composante diastolique augmente très
progressivement encore jusqu’à la fin de la grossesse alors que pour d’autres, le rapport entre
la systole et la diastole ne se modifie plus après 26 SA. Ces éléments pourraient faire penser
que le doppler utérin au 2° trimestre a une meilleure valeur prédictive que celui du 1°
trimestre (élimination de faux positifs).
Les variations les plus significatives concernent le côté de la mesure lorsque le placenta est
latéralisé avec une augmentation de la composante diastolique du côté placentaire. Il peut
exister alors une asymétrie nette entre les deux côtés lorsque le placenta est latéralisé. Pour
certains auteurs, si cette asymétrie est significative, elle témoignerait d’une mesure
pathologique. L’artère utérine placentaire serait un meilleur indicateur de complications
obstétricales que l’artère antiplacentaire, ou même que la moyenne des deux mesures.
Certains ont même proposé d’utiliser des courbes de références différentes selon le côté
placentaire, mais cette procédure n’est pas réalisée en pratique [11].
Les deux artères utérines étant explorées systématiquement, il est souvent considéré que le
résultat est pathologique si l’on retrouve au moins une anomalie (diminution de la diastole ou
présence d’une incisure protodiastolique) sur une des artères [11].
Nos données actuelles, comme celles de la série de 2004 [6], semblent contredire ces
principes. Nous avions comparé les valeurs prédictives de l’absence de notch, de la présence
d’un seul notch ou de la présence de 2 notchs. Ces valeurs étaient similaires pour l’absence de
notchs et pour le notch unilatéral en termes de VPN alors que le notch bilatéral avait une VPP
élevée.
Notre interprétation de ce résultat est que des modifications de la circulation utéro-placentaire
se produisent précocement mais sont fortement liées à la latéralisation du placenta. Ainsi, un
notch unilatéral et des résistances élevées du côté opposé au placenta n’ont aucune valeur
péjorative alors qu’une perturbation du côté placentaire est très pathologique. La localisation
précise du placenta et de sa latéralité étant difficilement réalisable, nous avons considéré que
seule une anomalie bilatérale (concernant donc obligatoirement le côté placentaire) devait être
considérée comme pathologique pour ne pas fausser le résultat.
114
D’après nos données, les aspects les plus intéressants du Doppler au deuxième trimestre sont :
-
une bonne valeur prédictive négative de l’absence de Notch pour le risque de RCIU ou
de pathologie vasculaire mais moins bonne qu’au 1° trimestre.
-
Une assez bonne valeur prédictive positive de D/S pathologique bilatéral pour le
risque de pathologie vasculaire. 60% des patientes ayant un D/S pathologique bilatéral
ont eu une pathologie vasculaire au cours de la grossesse alors que la fréquence des
pathologies vasculaires était de 20% dans notre population.
-
Enfin, l’association de notchs bilatéraux et d’index pathologiques bilatéraux au
deuxième trimestre définit une population à très haut risque de complication
obstétricale avec une VPP et une spécificité de 100%. Cette association garde la même
valeur péjorative au 2ème qu’au 1er trimestre. Le nombre de cas ayant cette association
est limité (4 patientes sur 39), ce qui explique la faible sensibilité de cette anomalie.
Dans une population d’emblée à haut risque comme la notre, la constatation de cette
double anomalie peut pousser à une prise en charge maximaliste, tant sur le plan de la
surveillance que sur celui des traitements éventuels.
- Pour ce qui est du risque de récidive, ce test a une bonne valeur négative car la VPN est
à 95%, cependant, la très faible prévalence de la récidive rend cette valeur ininterprétable.
En revanche, il a une très mauvaise valeur positive car la VPP n’est qu’à 20%. Il y a donc
beaucoup de faux positifs.
Ces résultats sont conformes à ceux retrouvés dans une précédente étude [6] portant
exclusivement sue des patientes ayant un SAPL.
Ils confirment la supériorité dans notre population du doppler au 1° trimestre en terme de
VPN par rapport au 2° trimestre. Ces résultats sont en désaccord avec certains résultats de la
littérature qui semblent trouver une supériorité du doppler du 2° trimestre par rapport au 1°
trimestre[16].
Dans la méta-analyse de Cnossen [16], les patientes ont été groupées en bas et haut risque de
pré-éclampsie et retard de croissance. Nos patientes qui ont un antécédent de mort fœtale in
utero de cause vasculaire sont à haut risque. Une des limites de cette méta-analyse est que les
critères pour classer les patientes à haut risque ne sont pas toujours clairement exposés dans
115
les différentes études. En revanche, le critère de retard de croissance est pris sur un poids de
naissance inférieur au 10° percentile comme dans notre étude.
Il ressort de cette méta-analyse, que le doppler utérin au 2ème trimestre a une faible valeur
diagnostique pour prédire un poids de naissance inférieur au 10° percentile (tableau 40).
Dans ces différentes études, c’est l’index de résistance qui est utilisé. Il est tout à fait
comparable à l’index diastolique car l’index de résistance est égal à (1- index diastolique).
Les caractéristiques de l’index diastolique dans notre série sont proches de celles de l’index
de résistance.
Dans notre série, le test ayant la meilleure valeur prédictive positive pour prédire un poids de
naissance inférieur au 10° percentile est l’association entre un D/S pathologique bilatéral et
des notchs bilatéraux (VPP=75% et VPN=86%).
Tableau 40 : comparaison des résultats de la méta-analyse de Cnossen (partie grise) à nos
résultats au 2° trimestre
D/S patho
39
43 %
94%
Notchs bilatéraux
39
43 %
90%
Notchs bilatéraux et D/S patho
39
42 %
97%
116
Dans une étude rétrospective Smith [94] a regardé les dopplers des patientes qui ont
finalement une mort fœtale (n=109) et les a comparé à ceux des patientes qui ont eu un enfant
vivant (n=30410). Il trouve que l’association d’un IP élevé et notchs bilatéraux sont un bon
prédicteur de mort fœtale in utero avant 32 SA (principalement de cause vasculaire) avec une
sensibilité de 58% et une spécificité de 95%.
117
CONCLUSION
La mort fœtale in utero est un évènement relativement rare mais dramatique et traumatisant
pour le couple. C’est pourquoi tout doit être mis en œuvre pour apporter le maximum de
réponses aux nombreuses questions que se posent les patientes après ce type d’accident,
particulièrement en vue d’une grossesse ultérieure.
Nous avons proposé un bilan complet et systématique pour tenter d’identifier au mieux la
cause de cette mort fœtale. En effet la prise charge pour la grossesse suivante sera d’autant
plus adaptée que l’étiologie a été retrouvée.
Le bilan proposé nous a permis d’identifier une cause à la mort fœtale dans la majorité des cas
et de ramener le taux de situations inexpliquées à seulement 17%.
Le suivi et la prise en charge ont donc pu être adaptés à la « pathologie » de chaque patiente.
Les traitements éventuels, principalement dans les causes vasculaires avec thrombophilie, ont
été basés sur les données de la littérature et, dans les autres cas sur notre propre expérience
lorsqu’il n’existait pas de données de la littérature.
Une prise en charge étiologique et un suivi de grossesse standardisés nous ont permis
d’obtenir des taux de récidive de 6,5% (soit 7 récidives de MFIU sur 110 grossesses), ce qui
paraît limité pour ces grossesses à très haut risque. Une de ces récidives aurait pu être évitée
(refus d’extraction fœtale). Seules 2 patientes sur 64 n’ont pas eu d’enfant vivant.
Le groupe le plus à risque de récidive est, dans notre expérience, celui des patientes ayant eu
une MFIU d’origine vasculaire avec une thrombophilie avec un taux de récidive de 18,5%. En
particulier, les 2 patientes n’ayant pas eu de naissance vivante font partie de ce groupe. Ces 2
patientes pour qui la cause de la mort fœtale était très probablement vasculaire au vu de
l’examen du placenta et des retards de croissance (lésions vasculaires à l’examen
anatomopathologique), ont pourtant reçu un traitement paraissant « optimal ». Dans ces
quelques cas semblant réfractaires à toute prise en charge thérapeutique à visée
antithrombotique et vasodilatatrice efficace chez d’autres patientes, les phénomènes
physiopathologiques conduisant à ces récidives systématiques de mort fœtale pourraient être
d’ordre immunologique ou génétique encore non identifiés.
En revanche, nous n’avons pas constaté de récidive chez les patientes pour lesquelles il
n’avait pas été retrouvé d’étiologie à la mort fœtale. La littérature retrouve également des taux
très faibles ou nuls de récidives chez ces patientes. Il est souvent difficile pour les patientes de
concevoir qu’il n’y a pas de « cause » à la mort fœtale. A partir des données collectées, nous
118
pouvons dorénavant les rassurer en les informant du pronostic très favorable pour la grossesse
suivante.
Pour ce qui est des complications obstétricales (Retard de croissance < 10ème percentile et/ou
accouchement avant 37 SA), nous observons un taux global de 22,5%. Le groupe le plus à
risque est celui des patientes « vasculaires avec thrombophilie » avec un taux de complication
de 40%. On peut donc penser que sans les traitements, ces patientes auraient pu avoir des
complications obstétricales plus sévères, voire une récidive de MFIU.
Notre étude confirme le rôle important des dopplers utérins dans le suivi des grossesses
« vasculaires » à très haut risque. En effet l’association de notchs bilatéraux et d’index de
pulsatilité pathologiques expose à un risque très accru de complications obstétricales et incite
à une surveillance et, peut être, à un traitement renforcés. La rareté de ces situations rend
difficile la conception et la réalisation d’un essai prospectif randomisé pour confirmer nos
attitudes parfois empiriques à l’heure actuelle. Par ailleurs des dopplers utérins normaux au 1°
et 2° trimestres sont assez rassurants quant à l’issue de ces grossesses.
Notre étude met donc en évidence que la prise en charge des grossesses après mort fœtale
nécessite un suivi et une prise en charge adaptée à cette situation. En effet cette prise en
charge standardisée nous a permis d’obtenir des taux de complications et de récidive
relativement faibles.
L’expérience acquise dans notre centre sur le suivi des patientes ayant un antécédent de mort
fœtale in utero nous permet donc de mieux informer les femmes sur le pronostic généralement
favorable des grossesses ultérieures.
119
ABREVIATIONS
CMV : cytomegalovirus
CRP : C- réactive protéine
ECBU : examen cytobactériologique des urines
FCS : fausse couche spontanée
FCT : fausse couche tardive
g : grammes
HBPM : héparine de bas poids moléculaire
HELLP : hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets
HRP : hématome rétroplacentaire
IMG : interruption médicale de grossesse
IP : index de pulsatilité
MBA : maladie des brides amniotiques
MFIU : mort fœtale in utero
NFS : numération formule sanguine
PE : pré-éclampsie
PV : prélèvement vaginal
RCF : rythme cardiaque foetal
RCIU : retard de croissance intra-utérin
SA : semaines d’aménorrhée
SAPL : syndrome des antiphospholipides
VPN : valeur prédictive négative
VPP : valeur prédictive positive
120
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ANNEE : 2009
NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : Amélie NGUYEN
PRESIDENT DE THESE : Monsieur le Professeur Emile DARAI
DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Professeur Bruno CARBONNE
TITRE DE LA THESE : Pronostic des grossesses après antécédent de mort fœtale in utero : A
propos de 110 grossesses suivies à l’hôpital Saint Antoine
RESUME :
La mort fœtale in utero est un évènement très traumatisant et pourvoyeur de nombreuses questions pour
la patiente et pour l’obstétricien. En particulier l’avenir obstétrical des ces patientes est assez mal
connu. C’est pourquoi nous avons voulu nous baser sur l’expérience d’une dizaine d’années au sein
d’une même maternité pour étudier le pronostic des grossesses après antécédent de mort fœtale.
Nous avons suivi 110 grossesses chez 64 patientes ayant un antécédent de mort fœtale in utero au 2 ème
ou 3ème trimestre. Nous avons proposé à toutes ces patientes:
- un bilan étiologique complet et standardisé de l’antécédent de mort foetale
- une prise en charge standardisée concernant le suivi et le traitement éventuel
Nous avons ainsi pu classer les antécédents de MFIU en 6 catégories : vasculaire avec thrombophilie
(37%), vasculaire sans thrombophilie (25%), annexiel (15%), malformatif (4,5%), métabolique (1,5%),
inexpliqué (17%).
Le taux de récidive de MFIU a été de 6,5%. Seules 2 patientes sur 64 n’ont eu aucune naissance
vivante. Les patientes les plus à risque de récidive étaient celles du groupe ayant un antécédent
« vasculaire sans thrombophilie » avec un taux de récidive de 18,5%.
En l’absence de récidive, le taux de complications obstétricales (RCIU et/ou accouchement prématuré)
est de 22 ,5%. Le groupe le plus à risque de complication obstétricale était celui des patientes
« vasculaires avec thrombophilie », dont le taux de complications obstétricales était de 40%.
Les grossesses après antécédent de MFIU nécessitent une prise en charge adaptée et standardisée.
L’expérience de notre maternité nous permet d’apporter une information objective et montre qu’une
prise en charge standardisée permet d’obtenir des taux faibles de récidives et limités d’autres
complications obstétricales.
MOTS CLES :
- MORT FŒTALE IN UTERO
- SYNDROME DES ANTICORPS A ANTIPHOSPHOLIPIDES
- UTERUS-ECHOGRAPHIE
- ECHOGRAPHIE DOPPLER
ADRESSE DE L’U.F.R. :
8, rue du Général Sarail
94010 CRETEIL
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