ATELIER 3
Stimuler le renouveau industriel
1. Périmètre du défi
Ce défi couvre l’industrie manufacturière et les procédés industriels, thèmes particulièrement
stratégiques pour notre pays. Il est en effet essentiel que la France conserve et développe son
industrie, structurante pour la société et gage d’exportations.
La comparaison internationale montre ainsi que la contribution de l’industrie manufacturière au PIB
est un indicateur clé de la santé socio-économique dans les pays de l’OCDE. Sa baisse de 18% à 12%
du PIB national en quelques années nécessite aujourd’hui de réagir afin de reconquérir notre
position.
L’affirmation d’une France industrielle représente également un objectif de reconquête sociétale
qu’il ne faut pas sous-estimer. L’acceptation sociale de ce renouveau et de ses implications est un
défi à part entière.
Plutôt que de raisonner par filière industrielle, traité par ailleurs par d’autres ateliers, nous
proposons une approche trans-filière, centrée autour de l’usine et les procédés industriels, telle que
présentée dans les programmes européens « Factories of the Future » et Spire ou dans l’Usine du
futur dans le cadre des 34 plans du Ministère du Redressement Productif.
2. Bénéfices économiques et sociaux, atouts et faiblesses français
Les bénéfices économiques d’une ré-industrialisation sont bien connus :
- L’industrie est tout d’abord le moteur de l’exportation et contribue au redressement de notre
balance commerciale et de nos comptes publics. Pour cela il importe de développer des produits
hautement qualifiés et de promouvoir le made in France,
- En irriguant notre industrie en innovations scientifiques et technologiques sur les produits,
procédés et systèmes de production, elle s’ouvre à de nouveaux marcs, créateurs de richesse dont
l’impact sur la croissance est particulièrement positif.
L’industrie est également le moteur de l’emploi, car, au-delà des emplois purement industriels
qu’elle créée, l’activité de production qu’elle engendre bénéficie par un effet de domino à de
nombreux secteurs (dans les domaines de la distribution, des services,…). Son ancrage territorial est
aussi le gage de maintien de l’activité économique et est source d’emplois indirects (commerces,…).
Aujourd’hui La France bénéficie de la présence de grands groupes, souvent leaders mondiaux, autour
desquels un tissu industriel (équipementiers, sous-traitants,…) a pu se développer. Elle dispose d’un
savoir-faire reconnu sur quelques filières (Transport, Energie) ou intégrateurs (Thalès…). Par contre,
elle dispose peu de grands groupes dans les équipements de productions, machines spéciales,
robots, …
Cependant, ce qui fait la force de l’Allemagne (des ETI réactives et actives à l’export, porteurs de
produits très innovants), est une faiblesse de la France, nos PME ont des difficultés à croitre et sont
plutôt positionnés sur du moyenne gamme.
Par ailleurs, si la France dispose d’une recherche de qualité, la coopération entre les acteurs de la
chaine de valeur doit être améliorée à tous les niveaux, en particulier entre la recherche académique
et l’industrie.
De façon corollaire, on observe une baisse d’attractivité des métiers de l’industrie, chez les étudiants
et les ingénieurs fraichement promus.
Elle dispose malgré tout d’avantages spécifiques liés à sa position géographique, sa démographie et
d’une énergie relativement bon marché qui lui offre des perspectives de développements à terme et
une ouverture vers certains marchés (Afrique, Méditerranée).
Enfin certains facteurs pèsent sur sa dynamique de réindustrialisation, comme l’accès au capital, le
coût de main d’œuvre, mais aussi l’accès aux ressources en matières premières et surtout la
complexité administrative.
3. Priorités de l’atelier
Parmi dix thèmes clés initialement identifiés, cinq ont été sélectionnés par les membres de
l’atelier, comme particulièrement prioritaires:
1. L’usine numérique du futur :
Le développement de l’usine du futur sera porté par les avancées du numérique, qui irriguera tous
les domaines et toutes les chaines de valeur, qu’il s’agisse de la conception et la validation de produit
et procédé, du pilotage des machines et les outils de communication homme-machine, de l’internet
des objets pour un partage d’information à tous les niveaux et du management de l’entreprise.
Il s’agira de focaliser les efforts de recherche en matière de numérique et de technologies du
numérique sur ces thèmes, en développant des approches systèmes en vue de créer une chaine
cohérente et collaborative entre produit/procédé/usine et conception/fabrication/usage. Il s’agit
d’un véritable changement de paradigme à engager.
2. L’avancée des multi-matériaux :
Les produits du futur seront de plus en plus complexes, associant plusieurs matériaux et intégrant les
nanotechnologies, chacun apportant un avantage spécifique (mécanique, isolation, …).
Les procédés de fabrication (métallurgie des poudres, fabrication additive,…) et de mise en œuvre de
ces multi-matériaux (conception, assemblage, traitement de surface,…) seront essentiels pour la
réalisation de produits innovants.
Il conviendra également de développer des outils prédictifs (numérique, capteurs, lois de
comportement,…) pour mieux appréhender l’évolution dans le temps de ces matériaux et leur
tolérance en conditions d’usage et en environnement réel.
Ces multi-matériaux adaptés et surs constitueront la base de la conception des produits du futur.
3. Des procédés de fabrication agiles et centrés sur l’humain :
Pour répondre aux évolutions rapides de la demande, une plus grande flexibilité et une
reconfigurabilité des outils de production sera requise. Cela concerne également des usines en très
forte proximité avec ses clients, disposant d’un outil de fabrication souple et réactif.
La montée en complexité des produits nécessitera aussi de s’appuyer sur les machines du futur qui
devront de plus en plus interagir et coopérer avec l’opérateur, et la mise en place de formations
professionnelles hautement qualifiées, adaptées à ces rapides évolutions.
Il s’agira donc en priorité de développer les technologies de production flexible et promouvoir la
coopération homme / machine, notamment la cobotique ainsi que la formation des opérateurs.
Un soutien spécifique devra être apporté aux projets de pilotes industriels pour la fabrication de
nouveaux produits génériques (diffusion très massive dans l’ensemble secteurs applicatifs), et
stratégiques (forte création de valeur en aval, dans les nouveaux systèmes et/ou services qu’ils
permettent de réaliser), gage d’un ancrage industriel sur notre territoire et du développement de
nouveaux marchés de proximité.
Notre avenir industriel dépend fortement de notre capacité à faire émerger ce nouveau tissu
industriel. Le rôle de la recherche et de la technologie y est particulièrement crucial.
4. Les capteurs et l’instrumentation :
Pas de machine ni de produit intelligent sans une prise d’information physique fine, fiable et
économique. La France excelle dans ce domaine et a su promouvoir un dialogue entre acteurs publics
et privés. Il convient aussi de souligner le rôle clé de la métrologie, pour assurer la qualité des
produits et/ou démontrer la conformité à la réglementation, notamment lorsqu’on passe à des
échelles nanométriques.
En support de cette instrumentation, il faudra développer une énorme capacité de traitement
d’information pour utiliser les données rassemblées, les confronter et enfin délivrer la bonne
information. On reboucle là sur toute la problématique du numérique: big data, cloud, …
L’accent devra être mis sur
- les micros capteurs insérés dans les produits et les procédés ;
- les systèmes de collecte et de traitement des données de production à haute performance
- l’instrumentation et la métrologie.
5. L’usine verte et citoyenne :
Dans un monde de ressources rares et de plus en plus chères (énergie, matière première, eau, air,
sol….), l’usine du futur devra être économe et responsable. En particulier l’usine doit se réconcilier
avec la société et s’insérer harmonieusement dans son écosystème de proximité.
Cela suppose de développer des analyses de cycle de vie au sens large, sur l’ensemble du système de
production, et de concevoir et de mettre en place des systèmes intégrés de gestion de l’énergie, des
matières premières, des rejets, de risques, etc….. Cela suppose aussi de développer l’économie
circulaire, les produits à base de matières premières recyclés, les procédés adaptés à ces matières,
l’économie de matière, les matières de remplacement, l’éco conception, etc…
4. Mise en œuvre, feuille de route et interactions avec les dispositifs existants
Il s’agit de promouvoir un modèle d’usine au cœur de son écosystème, durable, agile, réconcilié avec
son environnement et centré sur l’humain, pour pondre à la demande du consommateur avide de
produits personnalisés, et proposer des produits matériels, immatériels et des services de haute
qualité et inventivité.
L’enjeu du renouveau industriel en France passe également par une meilleure collaboration entre les
acteurs de la chaine de valeur, du laboratoire académique jusqu’à l’industrie et ses PME, avec l’appui
de structures de transfert telles que les Centres Techniques Industriels et par une plus grande
reconnaissance de la Recherche Technologique (nous saluons l’initiative Carnot), en valorisant ses
acteurs y compris au sein de leur organisme et en attirant les meilleurs talents.
Sa mise en œuvre doit s’appuyer sur le développement d’eco-systèmes comme ceux développés par
les pôles de compétitiviimpliquant acteurs privés et publics autour de lignes pilotes industrielles
pour la mise en œuvre de ses priorités avec l’appui de financements européen et régionaux et pour
la réalisation de produits rapidement commercialisables (IRT, CEA-Tech).
De nouveaux modèles économiques des systèmes de production du futur vont émerger, il s’agira de
soutenir les recherches dans ce domaine afin d’éclairer les décideurs à tous niveaux, et en particulier
d’adapter les dispositifs d’accompagnement des entreprises dans une perspective d’ensemble.
Le développement de PME de taille intermédiaire est également une clé du renouveau industriel. Il
doit être soutenu par la mutualisation d’infrastructures adaptées à faible coût d’accès, des aides
publiques pour faciliter leur croissance et la création d’éco-systèmes régionaux associant formation,
recherche et industrie (PFT, IRT, Pôles).
Enfin, dans une période de désaffection des étudiants et des ingénieurs vis-à-vis du secteur
manufacturier, l’attractivité des formations et des métiers de l’usine du futur est une donnée clé de
son avenir, afin de disposer des meilleures compétences sur toute la chaine de valeur, et doit être
encouragée.
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