Formations nouveaux programmes Bac Pro 2009-2010
Raphael Vaudoin Lycée Jean Monnet Yzeure
De Vichy à la quatrième République
Il va s’agir pour nous, enseignants, de mettre en évidence ce qui, en lien avec les événements
internationaux, est à l’origine de Vichy et a conduit à la mise en place d’une république que l’on
voulait nouvelle. Il convient cependant, pour comprendre cette courte période, d’aller chercher dans
les années trente les causes qui conduisent à Vichy, tout comme il faut, pour comprendre la mise en
place de la quatrième République, prendre en compte l’histoire des années trente, ce que fut Vichy
et l’opposition que le régime suscita dans la Résistance, ainsi que les tensions politiques entre 1944
et 1946.
Le programme invite à s’appuyer sur trois situations historiques constituant des éléments majeurs
symboliques de notre histoire : la rafle du Vel d’hiv, Jean Moulin et l’unification de la Résistance, et le
programme du CNR. S’il est évidemment intéressant d’utiliser la portée symbolique de ces trois
« moments d’histoire », il est évident que l’on ne peut réduire l’histoire de 1940 à 1946 à ces trois
situations.
Nous sommes par ailleurs contraints par le temps, ce qui conduit à simplifier beaucoup une période
particulièrement dense. Il faut dès lors être particulièrement précis sur quelques grands repères
chronologiques, et s’attacher à utiliser des faits, des éléments, des moments particulièrement
porteurs de sens en tant que tel, et les uns par rapport aux autres.
L’essentiel étant de dégager sans caricaturer la logique qui conduit de la défaite de 1940 à la
Quatrième République, à travers Vichy et la Résistance.
1. Le facteur déclenchant : la défaite : une même analyse, des solutions différentes
La fulgurance de la défaite marque profondément les esprits, dans une France qui s’était préparée
pour une guerre de position.
La question, rapidement, est de déterminer s’il faut capituler : reconnaître militairement la défaite,
pour pouvoir continuer le combat à partir des colonies, ou s’il faut signer un armistice : reconnaître
politiquement la défaite.
Pétain et la plupart des cadres de l’armée refusent que l’armée soit marquée du sceau de l’infamie,
et préfèrent rejeter la responsabilité de la défaite sur le politique et la troisième République. Il est
d’ailleurs intéressant de noter que cette mise en cause de la troisième République est assez générale.
L’analyse parait donc commune, mais les solutions vont différer : révolution nationale pour s’inscrire
dans le nouvel ordre européen, préparation de la refondation de la république, après la victoire sur
l’envahisseur.
L’incrimination de la troisième République provient de l’histoire des années trente. La crise de 1929
entraine, à partir de 1932 des difficultés économiques. Le régime est sévèrement touché par les
affaires, dont l’affaire Stavisky, et les ligues d’extrême droite entretiennent une agitation
antiparlementaire, dont le point d’orgue sera la manifestation du 6 février 1934.
De plus, l’arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936, ainsi que les premières grèves avec
occupation d’usine, la même année, contribuent à radicaliser l’extrême droite et à entretenir la peur
du bolchevik.
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La France est également dans une situation démographique délicate : peu de naissance et une
population vieillissante, à cause de la saignée de la Grande Guerre. C’est aussi une France qui
s’urbanise : la société subit donc de profondes mutations.
Dans les années 20 le personnel politique est surtout pacifiste : « plus jamais ça », ce qui peut peut-
être constituer une des causes de la mauvaise préparation de la guerre. A partir de 1933-1934, le
front pacifiste éclate, avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler, et le changement de stratégie de l’URSS, qui
préconise désormais une alliance des partis de gauche contre le fascisme. On trouve parmi les
« munichois », une partie de la gauche hostile par principe à la guerre, et une droite néo pacifiste
pour qui Staline est un danger bien supérieur à Hitler.
Enfin, le contexte international attise les divisions intérieures : la guerre d’Espagne, sur laquelle le
Front populaire a une position ambiguë, et l’émergence agressive de l’URSS.
2. Le régime de Vichy : de la Révolution Nationale à la collaboration
2.1 La Révolution nationale
2.1.1 Se débarrasser de 1789
La Révolution nationale constitue une « revanche » sur la Révolution Française et sur l’idéologie des
lumières. A l’individualisme et au contrat social que proposent les Lumières, la révolution nationale
oppose une conception organiciste de la société : les individus sont des atomes, appartenant à des
entités naturelles, des corps, ou des communautés : la famille, la région, la profession et,
communauté suprême : la nation. On est donc très loin de l’idéal républicain. De plus, la Révolution
nationale est particulièrement critique vis-à-vis de la volution industrielle (qui a permis
l’émergence de la classe ouvrière et la diffusion du marxisme), et promeut les valeurs d’une France
rurale et traditionnelle.
2.1.2 Exister dans la nouvelle Europe
Le nouveau régime a pour ambition de s’inscrire durablement dans le nouvel ordre européen : il
s’agit de profiter du « renouveau » européen pour changer l’ordre périmé, en s’inscrivant dans la
dynamique du fascisme et du nazisme : la révolution nationale ambitionne de trouver une troisième
voie, entre communisme et capitalisme. Ca n’est donc pas un retour vers le passé, mais bel et bien
un projet d’avenir.
2.1.3 Le syncrétisme doctrinal
Le corps doctrinale de la Révolution nationale provient d’un syncrétisme idéologique très droitier :
elle emprunte pour l’essentiel aux ligues : antiparlementarisme, haine de la démocratie,
antisémitisme, antimaçonnisme, xénophobie, nostalgie monarchique et ethnocentrisme proviennent
de l’Action Française ; le slogan Travail Famille Patrie a été emprunté aux Croix de Feu ; les idéaux de
devoir, de sacrifice, d’obéissance, de nécessité de servir sont fournis par les mouvements d’anciens
combattants ; et la droite catholique amène l’idée d’expiation et de rédemption. Enfin la révolution
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nationale est imprégnée par les thématiques et les formes d’action du fascisme, dont elle
reprend de nombreux éléments : dynamique révolutionnaire, volonté d’encadrer les masses,
importance du chef, folklore liturgique…ainsi que la volonté de remodeler la société, par la force si
nécessaire : Vichy est radicalement anticommuniste et n’hésitera pas à utiliser la violence et des
formes d’ingénierie sociale pour persécuter des catégories entières d’exclus (juifs, étrangers, réfugiés
espagnols).
2.1.4 Une dictature charismatique
Dès le 10 juillet 1940, Pétain promulgue 4 des 12 actes constitutionnels qui établissent sa dictature.
Le conseil des ministres devient purement formel, l’assemblée nationale est en congé, le conseil
national, créé en 1941 ne s’est jamais réuni, et les pouvoirs locaux sont désormais nommés par
l’exécutif.
2.1.5 L’administration : rouage essentiel du régime
A l’été 1940, l’idée de parti unique est rejetée. Le nouveau régime va s’appuyer sur l’administration :
Vichy, hostile aux fonctionnaires, va en augmenter le nombre, après épuration politique puis raciale.
L’intense activité législative de l’Etat français renforce la lourdeur bureaucratique.
2.1.6 Une propagande positive
La légion française des combattants, association d’anciens combattants, alternative au parti unique
est créée en aout 1940. Sa mission est de propager la Révolution nationale.
La propagande se fait classiquement par affiches et tracts, et surtout par la radio et le cinéma, qui
permettent de toucher une frange très importante de la population.
De plus, Vichy reprend les classiques du fascisme : rassemblement de masse, culte du chef, gestuelle
spécifique…Les déplacements de Pétain en province revêtent parfois une dimension quasi religieuse.
Enfin il est à noter que cette propagande est le plus souvent positive : on parle peu de « l’anti
France ».
2.1.7 Une nouvelle organisation économique
Dans le secteur industriel, Vichy met en place une économie planifiée, ce qui convient tout à fait aux
nazis. Les relations au sein de l’entreprise sont modifiées : le système pseudo corporatiste qui est mis
en place renforce de fait les pouvoirs patronaux.
Le retour à la terre est favorisé à travers des subventions et un remembrement. Il s’agit
officiellement d’enrayer l’exode rural, il s’agit officieusement de limiter le chômage urbain.
2.1.8 Un nouvel ordre moral
Vichy va utiliser des idées provenant des associations familiales catholiques à cause du contexte : il
manque 2 à 3 millions d’hommes retenus prisonniers, et la famille occupe une place centrale dans la
conception vichyste de la société.
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La famille va donc être soutenue par le régime : la fonction de père est valorisée (les pères de
familles nombreuses sont représentés dans les conseils municipaux des villes de plus de
200000). La mère au foyer est mise en avant, et les jeunes - l’avenir - sont pris en charge par le
régime : il s’agit de repérer et éduquer les chefs de demain, à travers les chantiers de jeunesse.
Il est enfin intéressant de remarquer que la réaction clérical des années 1940-1941 va disparaître une
nouvelle fois autour de la question scolaire et religieuse. Les acquis de la laïcité seront maintenus.
2.2 Collaboration et génocide
2 .2.1 Collaborer : une demande française
La politique de collaboration, voulue par le régime de Vichy répond à trois objectifs majeurs tout au
long de la période :
- Atténuer les effets de l’armistice (économiquement surtout)
- Maintenir le pays hors du conflit : rester neutre et négocier une place dans l’ordre européen
futur
- Rétablir la souveraineté nationale sur tout le territoire, pour pouvoir appliquer la Révolution
nationale à l’ensemble du territoire.
C’est ce troisième point qui engagera le plus Vichy dans la collaboration.
En effet, la collaboration est une demande du gouvernement français. Et cette collaboration
fluctuera en fonction des négociations et des objectifs, convergents ou divergents, poursuivis par les
deux partis.
L’Allemagne se contente en France d’une administration de surveillance, ce qui reste efficace grâce à
l’active collaboration française.
Les entretiens de Montoire, en octobre 1940, constituent le symbole de cette politique.
2.2.2 La France : un intérêt stratégique, en Afrique et au Proche Orient
En septembre 1940, les troupes loyalistes françaises résistent à Dakar à l’attaque anglo-gaulliste.
Hitler, intéressé par une stratégie méditerranéenne pour lutter contre l’Angleterre va être attentif
aux offres françaises, ce qui permettra à Vichy de renforcer son dispositif militaire en Afrique du
Nord.
En mai 1941 sont signés les protocoles de Paris : en échange d’une aide militaire au Proche Orient, la
France obtient la réduction d’un quart du montant des frais d’occupation, et la libération de 100000
prisonniers. Malgré ce quasi engagement militaire au côté du Reich, la France n’obtient pas le
rétablissement de sa souveraineté sur la zone occupée.
A partir de 1942, avec l’ouverture du front de l’est et l’entrée en guerre des USA, la France
n’intéresse plus les nazis sur le plan stratégique. La chance d‘obtenir une place de choix dans
l’Europe nouvelle se réduit. Pétain rappelle Laval (écarté depuis décembre 1940) en avril 1942, pour
relancer la collaboration.
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2.2.3 La quête de la souveraineté
Vichy est souvent contraint par l’occupant : les nazis imposent le contrôle des prix en 1940,
l’exécution d’otages en 1941. Mais pour donner l’illusion de l’initiative et de l’indépendance, Vichy
couvre la plupart des décisions de l’occupant par ses propres textes, légitimant ainsi le pire.
2.2.4 La collaboration économique
L’objectif, encore, est d’obtenir une place dans l’Europe nouvelle. Vichy, qui met en place une
politique économique très dirigiste, va favoriser la production pour l’économie allemande dont
dépend pour une bonne part l’économie française, tout en essayant de limiter la pénétration des
capitaux allemands. Vichy favorisera également la spoliation des entreprises juives, en essayant de
maintenir ces richesses dans des mains françaises.
2.2.5 La violence d’état et la répression
Toutes les polices sont étatisées et centralisées. Les libertés sont suspendues, la population est
contrôlée, la presse est censurée en zone sud, et seule la presse favorable à l’occupant est autorisée
en zone nord.
La magistrature a été épurée, et de nombreuses juridictions d’exception sont mises en place,
notamment les sections spéciales pour réprimer les communistes et les résistants.
Vichy et les nazis partagent les mêmes ennemis : traque des communistes, des francs maçons, des
juifs, des étrangers, des résistants…de toute « l’anti France » (Maurras).
Le 21 aout 1941, l’attentat contre un soldat par les bataillons de la jeunesse du colonel Fabien
conduit à la mise en place par les nazis de la politique de représailles. Vichy essaiera de faire en sorte
que les otages soient juifs ou communistes, puis couvrira par des lois françaises cette politique
(création des sections spéciales pour juger les terroristes).
L’été 1941 constitue donc un tournant dans la collaboration policière : Vichy va coopérer en amont, à
la traque, plutôt que d’être à la remorque dans la politique de représailles.
2.2.6 De l’internement au génocide
En France comme dans le reste de l’Europe, le juif est le bouc émissaire commode aux maux
engendrés par le monde moderne. L’antisémitisme français s’appuie largement sur un sentiment
xénophobe. Ainsi, dans un premier temps, Vichy va distinguer les juifs français, qu’il faut seulement
exclure de la citoyenneté, et les juifs étrangers, qu’il faut exclure du pays.
Vichy va donc conduire une politique d’internement des étrangers : jusqu’en 1942, c’est le moyen
privilégié des politiques xénophobes. Après 1942, l’internement est une étape vers la déportation.
Vichy considère comme étrangers : les réfugiés juifs : 130000, les réfugiés espagnols et les membres
des brigades internationales restés en France : 125000, les réfugiés antifascistes allemands et
autrichiens : 20000, et ceux que le régime créé lui-même : les apatrides, les déchus de la nationalité :
15000 dont 8000 juifs. Les communistes sont aussi passibles d’internement.
Il est remarquable de constater que l’on compte avant 1942 15000 internés en zone Nord, et 50000
internés en zone sud.
Par delà la politique xénophobe, Vichy va participer au génocide car cela sert ses intérêts.
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