Sociologie de la santé : Cours introductif

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La sociologie de la santé
Pr.Ismail Chaaouf
ISPITS Béni Mellal
I- La sociologie
La sociologie est l’étude systématique de la société, de ses institutions, de ses relations sociales
et des comportements individuels ou collectifs. Elle cherche à comprendre comment les
individus interagissent au sein de la société, comment les structures sociales influencent les
comportements et comment les sociétés évoluent au fil du temps. La sociologie examine les
dynamiques sociales à différents niveaux, de l'individu à la structure sociale globale.
Définitions de la sociologie :
1- Définition classique : La sociologie est l'étude de la société, de ses institutions et de ses
structures, ainsi que des relations qui en découlent. Ce champ cherche à comprendre les
processus sociaux à travers des théories et des recherches empiriques. Il existe plusieurs
définitions qui varient légèrement en fonction de l'approche choisie :
- Émile Durkheim (l’un des pères fondateurs de la sociologie) définissait
la sociologie comme l’étude des faits sociaux, c'est-à-dire des
phénomènes sociaux extérieurs à l'individu et qui agissent sur lui
(comme les normes, les valeurs, les institutions). Selon lui, la sociologie
doit être vue comme une science qui étudie des faits sociaux d’une
manière objective et rigoureuse.
- Max Weber, quant à lui, a insisté sur l'importance de comprendre les
significations subjectives que les individus attribuent à leurs actions.
Selon lui, la sociologie doit prendre en compte les intentions, croyances
et valeurs des individus qui composent la société.
2- Approche fonctionnelle : Certains sociologues, comme Talcott Parsons, ont proposé
une vision fonctionnelle de la sociologie. Selon cette approche, chaque élément de la
société (les institutions, les normes, etc.) a une fonction qui contribue à maintenir l'ordre
social et à assurer la stabilité de la société dans son ensemble.
3- Approche conflictuelle : D'autres, comme Karl Marx, ont abordé la sociologie sous
un angle plus conflictuel, considérant que la société est divisée par des luttes de classes
et que les structures sociales sont le produit des conflits entre groupes sociaux opposés,
notamment entre les capitalistes et les travailleurs.
Précurseurs de la sociologie :
La sociologie en tant que discipline scientifique est relativement jeune, mais plusieurs penseurs
ont jeté les bases de ce domaine au cours des siècles précédents. Voici quelques-uns des
précurseurs les plus influents :
1- Auguste Comte (1798-1857) :
Il est souvent considéré comme le père fondateur de la sociologie. Comte a formulé la loi des
trois états (théologique, métaphysique et positif) pour expliquer l’évolution des connaissances
humaines. Selon lui, la sociologie devait être une science des phénomènes sociaux, un outil
pour comprendre et améliorer la société. Il a aussi développé l’idée de positivisme, une méthode
scientifique rigoureuse qui se base sur l’observation et l’expérimentation pour étudier les faits
sociaux.
2- Karl Marx (1818-1883) :
Marx est une figure centrale de la sociologie, bien que son approche diffère des autres penseurs
classiques. Il a mis l’accent sur le matérialisme historique, expliquant que les structures
économiques déterminent les relations sociales et les institutions politiques. Selon lui, la lutte
des classes est le moteur de l’évolution de la société. Son analyse du capitalisme et de
l’exploitation a profondément influencé les sciences sociales.
3- Émile Durkheim (1858-1917) :
Durkheim est l'un des fondateurs de la sociologie moderne. Il a considéré la société comme une
réalité extérieure à l’individu, dotée de ses propres lois et de sa propre logique. Son approche
est fonctionnelle, et il a mis en évidence la manière dont les institutions et les normes sociales
influencent le comportement des individus. Il a aussi introduit des concepts comme les faits
sociaux et a étudié des phénomènes comme la solidarité (mécanique et organique) et le suicide
d’un point de vue sociologique.
4. Max Weber (1864-1920) :
Weber est l’un des plus grands penseurs en sociologie, et il a insisté sur l’importance de
comprendre les motivations subjectives des actions humaines. Sa célèbre définition de la
sociologie est qu'elle doit comprendre les actions sociales en les interprétant à travers les
significations que les individus leur attribuent. Weber a aussi étudié les types idéaux, comme
la rationalité bureaucratique, et a analysé l'impact du protestantisme sur le développement du
capitalisme dans son ouvrage L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme.
5. Georg Simmel (1858-1918) :
Simmel a également été un pionnier de la sociologie en étudiant les relations sociales à un
niveau micro-sociologique. Il a abordé des sujets comme la société moderne, la sociabilité, et
les interactions entre individus dans des contextes urbains. Son travail a permis de poser les
bases de l’analyse des relations sociales à petite échelle.
6. Herbert Spencer (1820-1903) :
Spencer, souvent moins reconnu que d'autres, a influencé la sociologie avec son approche
évolutionniste. Il a comparé la société à un organisme vivant et a théorisé que les sociétés
évoluent selon un processus de sélection naturelle, à travers lequel seules les structures sociales
les mieux adaptées survivent. Il est connu pour avoir popularisé le concept de darwinisme
social, une interprétation des lois de l’évolution appliquées aux sociétés humaines.
7. Antoine-Augustin Cournot (1801-1877) :
Bien que plus connu pour ses travaux en philosophie des sciences, Cournot a influencé la
sociologie en posant les bases de la modélisation mathématique des phénomènes sociaux. Ses
réflexions sur les comportements collectifs ont inspiré certains développements dans la
sociologie moderne.
Quelques concepts clés en sociologie :
1- Faits sociaux (Durkheim) : Ce sont des phénomènes collectifs qui existent
indépendamment de l’individu et qui influencent son comportement. Exemple : les lois,
les normes, les croyances collectives.
2- Lutte des classes (Marx) : Théorie selon laquelle la société est divisée en classes
sociales antagonistes, et que l’histoire de la société est celle de la lutte entre ces classes.
3- Action sociale (Weber) : Toute action qui a une signification pour l'individu et qui prend
en compte la manière dont l'autre réagira à cette action.
4- Solidarité (Durkheim) : Selon Durkheim, les sociétés sont unies par des formes de
solidarité, qui peuvent être de deux types : la solidarité mécanique (basée sur des
similitudes dans les sociétés traditionnelles) et la solidarité organique (basée sur la
complémentarité des rôles dans les sociétés modernes).
5- Rationalisation (Weber) : Processus par lequel les activités humaines sont de plus en
plus orientées par des principes d'efficacité, au détriment des valeurs traditionnelles et
des croyances religieuses.
II- La sociologie de la santé
1- Le modèle de Talcott PARSONS :
Talcott Parsons, un sociologue américain, a développé une définition de la maladie et de la
santé dans le cadre de sa théorie de l'action sociale et de la structure sociale. Dans ses travaux,
notamment dans son ouvrage The Social System (1951), il a proposé une vision fonctionnelle
de la maladie et de la santé, qui a eu un impact majeur sur la sociologie de la santé.
Définition de la maladie selon Parsons :
Pour Talcott Parsons, la maladie n'est pas simplement un état biologique ou physique. Il la
définit comme un rôle social que l'individu assume lorsqu'il est affecté par une maladie. Selon
lui, la maladie perturbe non seulement l'individu sur le plan physiologique, mais elle a aussi des
conséquences sociales. Il introduit le concept de « rôle du malade », qui définit la manière dont
la société attend que l'individu se comporte lorsqu'il est malade.
1- Le rôle du malade : Lorsqu'une personne tombe malade, elle n'est pas simplement vue
comme une victime biologique de son corps, mais comme quelqu'un qui adopte un rôle
social spécifique. Ce rôle comprend des attentes de la part de la société :
- L'individu malade est exempté de certaines responsabilités, telles que le
travail ou d'autres activités sociales, car on considère qu'il ne peut pas
remplir ces rôles à cause de sa condition.
- En contrepartie, la personne malade doit chercher à se rétablir en suivant
un traitement médical et en collaborant avec les médecins.
- L'individu malade est censé accepter son statut et ne pas en abuser,
autrement dit, il ne doit pas prolonger son état de "maladie" sans raison
valable.
2- Contexte social : Selon Parsons, la maladie n'est pas simplement une déviation par
rapport à la santé, mais elle doit être comprise dans son contexte social. Une personne
malade est confrontée à une société qui lui impose certaines normes et attentes. Cela
crée une tension entre l'individu malade et la société, mais aussi une forme de régulation
sociale.
Définition de la santé selon Parsons :
La santé, selon Talcott Parsons, est l'état dans lequel un individu est capable de jouer ses rôles
sociaux et de remplir ses fonctions dans la société. Par conséquent, la santé n'est pas simplement
l'absence de maladie, mais un état d'équilibre qui permet à l'individu de participer activement à
la société.
La sanet l’intégration sociale : La santé est vue comme un état d'intégration sociale.
Un individu en bonne santé est celui qui peut participer à la vie sociale et remplir ses
obligations, qu’elles soient familiales, professionnelles ou civiles. La société attend des
individus en bonne santé qu'ils assurent une continuité dans leur engagement social.
Rôle normatif de la san : La santé n’est pas une simple condition physique, mais elle
est aussi un rôle normatif qui permet à l’individu de s’intégrer au système social. Cela
signifie qu'une personne en bonne santé est censée jouer un rôle actif dans la société,
participer à la division du travail, et être capable de maintenir des relations sociales.
Parsons a donc une vision fonctionnelle de la santé et de la maladie. La maladie est un
phénomène socialement encadré, l’individu malade joue un rôle spécifique, et la san est
un état d’équilibre qui permet à l’individu d’accomplir ses rôles sociaux. Cette approche met
l'accent sur l'importance des attentes sociales, des normes et des rôles dans la manière dont les
individus vivent la maladie et la santé.
Cela dit, ses théories ont été critiquées, notamment par des sociologues qui jugent que sa vision
est trop centrée sur l’ordre social et néglige les dimensions individuelles, psychologiques et les
inégalités sociales en matière de santé. Mais ses travaux restent fondamentaux dans la
sociologie de la santé.
2- Représentation sociale et culturelle de la notion de la maladie et de la
santé
La représentation sociale et culturelle de la maladie et de la santé varie considérablement en
fonction des sociétés, des cultures, des croyances et des contextes historiques. Ces
représentations influencent non seulement la manière dont les individus perçoivent et vivent la
maladie et la santé, mais aussi la manière dont les soins de santé sont organisés et les
comportements adoptés face à ces phénomènes. Voici quelques points clés qui illustrent cette
diversité :
Représentation sociale et culturelle de la maladie :
Stigmatisation et marginalisation :
- Dans certaines cultures, des maladies comme le VIH/SIDA, la tuberculose
ou des maladies mentales sont fortement stigmatisées, considérées comme
des signes de faiblesse morale ou de transgression sociale.
- La stigmatisation peut entraîner l'isolement social, la honte et l'auto-
exclusion des personnes malades.
Explication spirituelle ou surnaturelle :
- Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, la maladie est souvent perçue
comme un châtiment divin, une punition liée à des actions mauvaises ou à
un manque de respect envers des entités spirituelles.
- Les pratiques de guérison peuvent inclure des rituels religieux, des prières
ou l'intervention de guérisseurs traditionnels.
Perception de la maladie comme une épreuve :
- Dans certaines cultures, la maladie est vue comme un test de la foi ou de la
résilience. Elle peut aussi être perçue comme une épreuve nécessaire à la
purification ou à la croissance personnelle.
Maladie et fatalisme :
- Certaines sociétés, en particulier dans des contextes les ressources
médicales sont limitées, ont tendance à adopter une vision fataliste de la
maladie, où la guérison est vue comme étant entièrement hors du contrôle de
l'individu, se limitant à la volonté divine ou au destin.
Modèle biomédical dominant :
- Dans les sociétés modernes occidentales, la maladie est souvent vue à travers
un prisme biomédical, elle est définie en termes de dysfonctionnement
physique ou biologique du corps. Ce modèle repose sur la science, la
médecine et les traitements médicaux.
Approche préventive de la maladie :
- Dans certaines cultures, la prévention est privilégiée et les habitudes de vie
saines (alimentation, exercice, soins spirituels) sont perçues comme des
éléments clés pour éviter la maladie.
- Les campagnes de santé publique et l'éducation à la santé jouent un rôle
central dans la représentation sociale de la maladie.
Représentation sociale et culturelle de la santé :
Santé comme équilibre :
- Dans de nombreuses cultures, la santé est perçue comme un état d’équilibre
ou d’harmonie entre le corps, l’esprit et l’environnement. Par exemple, la
notion de bien-être (physique, mental et social) est valorisée dans des
traditions comme la médecine chinoise traditionnelle ou l’ayurvéda en Inde.
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