
Les anesthésiques : les marchands de sable chimiques
Tout d’abord, un peu d’histoire. Lorsque en octobre 1846, William T. MORTON, au Massachusetts
General Hospital réalisa la première anesthésie à l'éther, il devint rapidement évident qu'une ère nouvelle
s'ouvrait pour la chirurgie. Dans les semaines qui suivirent, les premières se succédèrent à travers le monde,
et c'est ainsi que quatre mois plus tard, est réalisée la première anesthésie à l'éther non-loin d’ici, à l'Hôpital
Saint-Sauveur de Lille.
Depuis l’éther, les substances anesthésiantes ont évolué pour cibler plus spécifiquement les
récepteurs neuronaux.
Les anesthésiques permettent l’état de narcose du patient, par « arrêt chimique » des
communications nerveuses bien que l’on n’en connaisse pas le fonctionnement précis. En effet, ces
substances, tel que le propofol, se fixent sur des récepteurs spécifiques des neurones : les récepteurs à GABA.
Une fois fixés, les récepteurs à GABA s’ouvrent, laissant alors entrer des ions Cl
-
. Cette entrée d’ions provoque
alors une hyperpolarisation du neurone (normalement de -70mV), soit une impossibilité de transmettre un
message nerveux par potentiel d’action, puisque celui-ci nécessite de dépolariser les axones pour parvenir à
sa cible.
Les mécanismes précis restent partiellement élucidés et représentent donc un lieu de recherche
immense, qui n’a fait que de faire progresser les techniques : en 50 ans, on observe un nombre de personnes
réveillées après intervention ayant augmenté de 90%.
Transition : nous avons maintenant de quoi paralyser et endormir une personne chimiquement. Mais dans
cet état où elle ne peut rien faire, elle est tout de même capable de ressentir, notamment la douleur.
Comment palier à cela ?
Opiacés : une intervention sans douleur
Les opioïdes comme le fentanyl sont la clé pour limiter la douleur, que ce soit lors d’interventions
chirurgicales ou simplement dans un sirop pour la toux.
Les opiacés sont des substances issues de l’opium, soit le latex qui provient du Pavot. Ce latex est
alors constitué de codéine et de morphine, qui ont tous deux des propriétés analgésiques.
Notons que l’on distingue les opiacés (substances dérivées de l’opium) des opioïdes (substances
synthétiques dérivées de l’opium ayant des effets similaires).
Ces substances agissent en mimant les effets des opioïdes endogènes (tel que les endorphines). Elles
ciblent les récepteurs opioïdes (plusieurs types mais surreprésentation du récepteur mu (majoritairement
dans le thalamus, lieu d’intégration des influx sensoriels, sensitifs et moteurs) ce qui dissocie la protéine G
auquel il est associé en deux sous-unités :
-d’abord l’unité G
alpha
, qui augmente le seuil d’excitabilité neuronale
-et ensuite G
béta
et gamma
, qui hyperpolarise les neurones et empêche la libération de neurotransmetteurs.
Commenté [JD5]: Pavot somniferum
Commenté [JD6]: Galpha joue alors un rôle inhibiteur sur
l’adénylate cyclase, qui, en temps normal, transforme l’ATP
en AMPc pour phosphoriser les protéines impliquées dans la
transmission de l’influx nerveux et la libération de
neurotransmetteurs. L’inhibition de l’adénylate cyclase
revient donc à diminuer l’excitabilité neuronale (on
augmente le seuil d’excitabilité).
Commenté [JD7]: Gbéta et gamma, quant à lui, ouvre les
canaux potassiques GIRK. Des ions K+ sortent du neurone, ce
qui l’hyperpolarise. Il est alors moins susceptible de produire
un potentiel d’action, et donc de permettre au corps de
réagir face à un signal de douleur.
De plus, ils ouvrent aussi des canaux faisant sortir des
cellules les ions Ca2+, ce qui empêche la fusion des vésicules
avec la membrane des boutons d’axones, et donc pas de
libération de neurotransmetteurs