
Que dit-on si on nous demande ce qu’est un professionnel éthique ? Et si on nous demande ce qu’est
l’éthique dans nos champs professionnels respectifs ?
L’éthique semble une notion un peu confuse, car si il faut la définir au pied levé, on est un peu embêter. Et
en même temps, on l’impression que se soucier de son professionnalisme sans se soucier d’être éthique,
sans savoir ce que ce mot veut dire, c’est également un peu gênant. Comme si il y avait une forme
d’obligation à être un professionnel éthique, comme si l’éthique venait préciser, affiner la conscience
professionnelle. On peut d’ailleurs citer autour de nous, des champs professionnels qui affirment avoir
une éthique, une charte éthique, et qui indiquent une liste de principes, de valeurs, d’engagements pour
être un champ professionnel sain dotés de professionnels respectables. Donc l’éthique serait finalement
des principes moraux intégrés au champ professionnel. Le mot « morale » un peu gênant dans le champ
professionnel serait remplacé par le mot « éthique ».
On peut avoir l’impression que dans le domaine de la santé, c’est la direction qui a été prise, quand on
imagine faire remonter l’éthique au serment d’Hippocrate, qui se présente sous la forme d’exigences que
le médecin aurait envers lui-même et envers le patient, exigences auxquelles littéralement il s’engage.
L’éthique vient-elle d’une confusion entre une sphère morale et praxis médicale, ou la pratique du
soin en général ?
La réflexion éthique est-elle construite directement par le serment d’Hippocrate revu par l’Ordre des
médecins ? Le serment d’Hippocrate ne se confond pas avec les études de médecine, on le sait bien. Il
est une touche morale forte qui présente l’engagement du professionnel comme un engagement qui
mélangerait professionnalisme et une vocation au service de l’humain, l’humain à soigner, à aider. A
l’époque d’Hippocrate, il s’agissait d’utiliser une morale altruiste, pour encrer une posture relativement
rigoureuse, à une époque où il n’y avait pas de déontologie. L’éthique serait donc aujourd’hui encore,
le reste d’une très ancienne morale altruiste, orientée de manière soignante, qui a précédé un code,
venu plus tard déterminer les limites, les droits, les devoirs, la légitimité du professionnalisme du soin.
Dans le serment revu par l’Ordre des médecins, on retrouve cette inspiration moralisante du mot éthique,
par le biais des affirmations très générales. On note une formulation très large du principe de l’auto-
détermination (« respect des personnes, de leur autonomie et volonté » - « j’informerai les patients des
décisions envisagés de leurs raisons et de leurs conséquences »), idem pour l’interprétation du principe
d’équité (« aucune discrimination selon l’état ou les convictions des personnes »). Mais il n’y a pas de
processus indiqué, pas d’étapes proposées pour construire une réflexion éthique, il n’y a pas davantage
de conditions d’émergence de la nécessité d’une décision éthique pour le patient. Or, si toute morale
procède par injonctions, avec des principes qui font lois et de ce fait, qui guident une réflexion du générale
vers le particulier, à l’inverse quand on parle d’éthique on parle de questionnements éthiques,
comme si il n’y avait pas de référentiel évident, comme si il fallait faire advenir un avis en vue d’une
décision. Dans une morale au contraire, il y a un référentiel, on s’y reporte et on sait ce que l’on a à faire.
Quand on se reporte à la déontologie, qui n’est pas une morale, mais qui est présentée comme un
engagement de droiture, c’est pareil, on sait ce qu’elle demande de faire.
SI on essaye de chercher chez Hippocrate le fondement de l’éthique, bien qu’il ne cite pas le mot, on ne
trouve rien de plus que ce que l’Ordre des médecins y a pris. A savoir des recommandations de bons
comportements. On note toutefois un choix propre à Hippocrate, quand on parcourt les textes qui lui sont
attribués, notamment dans Epidémies II . C’est cette priorité indiscutable pour lui, si on veut soigner, si on
veut être médecin, il faut deux choses : aider mais surtout en premier ne pas nuire. Aider et avant tout ne
pas nuire sont les valeurs morales les plus élémentaires, et on entend bien surtout, que ces dernières
parlent uniquement des élans qui doivent animer le médecin (et on va dire aujourd’hui l’ensemble
des professionnels de santé). Si on se propulse plusieurs siècles après, en 1926 est publié un code qui
fournit les grandes lignes du bon comportement des infirmières, là il est question d’éthique des