Par ailleurs, il faut pouvoir entendre les cris du monde sans s'y noyer, sans se
perdre face à une souffrance intolérable et sans se complaire dans le chagrin,
la pitié, l'impuissance ou la culpabilité : ‘’Où que je me tourne, je vois la douleur,
je vois la faim, je vois la maladie, je vois la perte, et je peux à peine m’occuper
de moi.’’
On peut rapprocher ce processus avec celui du vieillissement conscient. On doit
dépasser le déni pour faire face à toute la vérité sur l'âge et inventer la vie que
l’on veut maintenant. Pareillement, on doit dépasser le déni de l'appel à servir
et voir toute la vérité : la beauté et la terreur du monde, les énormes
possibilités et les cruelles difficultés. On doit supporter la tension de ces
oppositions pour vivre dans le spectre de la réalité complète.
Puis, pour pouvoir agir, on doit se mettre à l'écoute de son monde intérieur, de
sa voix intérieure : ‘’Cette cause m’attire’’. ‘’Cette cause me passionne’’. ‘’Je
peux agir ou faire quelque chose par rapport à cela". ‘’Cette injustice me touche
au plus haut point’’. ‘’J'ai quelque chose à offrir à ces gens."
Chez la plupart d'entre nous, une personnalité de l'ombre se fait tout de suite
entendre. Ainsi, on se recueille dans une méditation silencieuse et on constate
le déni, la résistance et la distraction qui opèrent. On peut, par exemple,
découvrir la peur de ne rien avoir à donner. Rory, un ami enseignant, me raconta
qu'il s'était retrouvé aux prises avec cette peur face au changement climatique.
Il y a dix ans, après avoir suivi une formation dans le cadre du Climate Reality
Project d'Al Gore, il s'était senti submergé et impuissant. Il s’était entendu dire :
‘’Ce problème est tellement énorme. Je n'ai pas les compétences nécessaires
pour avoir un impact.’’
Mais un an plus tard, il apprit que son district scolaire voulait rénover les
bâtiments et commencer à proposer des cours sur l'efficacité énergétique et les
énergies renouvelables. Il était là, qualifié et prêt.
Des sentiments habituels d'impuissance, d'invisibilité peuvent resurgir, en
particulier face à l'âgisme. Nous refusons alors l'appel : ‘’Je suis trop fatigué,
trop vieux, trop démuni ou désarmé, maintenant.’’ L'âgisme interne peut se
liguer à l'âgisme social, ce qui provoque une paralysie. Arrêtez cela. Rappelez-
vous qu'il s'agit juste là d’une sous-personnalité de l'ombre, et pas de ce que
vous êtes. Et vous pouvez décider si vous voulez que cette sous-personnalité
vous arrête – ou si vous voulez écouter l'appel, qui émane de votre âme, et
évoluer vers un engagement en faveur de quelque chose qui vous dépasse.
La peur d'être trop proche de la souffrance peut surgir. Mon amie Claire avait
entendu l'appel à aider les réfugiés. Il était récurrent, mais elle était terrifiée à
l'idée de s'approcher de personnes dans une telle détresse, apeurée à l'idée
d'être submergée ou même contaminée par leur misère. Quand la crise de
l'immigration toucha nos propres frontières et quand l'administration fédérale
sépara des enfants de leur famille, elle trouva sa réponse personnelle : amener
aux enfants des véhicules remplis de vêtements et d'articles de toilette.