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Modèles et modélisation
La science « construit un modèle de la nature, par définition provisoire, acceptable tant que la confrontation de ses
prévisions avec des faits ne fait pas apparaitre de contradiction » (Rojat, 2002).
Les modèles occupent une part croissante dans l’enseignement des SVT. La modélisation prend tout son sens dans la
recherche d’explications de phénomènes complexes, biologiques comme géologiques, compte tenu de l’accès facili
des élèves aux outils numériques et de la richesse des supports qui ne cessent de se diversifier.
Cet article propose une synthèse sur la place des modèles et plus généralement de la modélisation dans notre
enseignement.
Après une lecture synthétique des programmes du collège et du lycée, la nécessité d’une progressivité dans
l’acquisition de la capacité à modéliser sera mise en exergue au travers d’exemples d’activités variées. La plus-value
associée aux pratiques de modélisation ainsi que leurs limites seront présentées afin de proposer aux élèves des
activités pertinentes au service de la construction de savoirs et de savoir-faire.
1. Place de la modélisation dans les programmes de SVT et compétences associées
L’enseignement des Sciences de la Vie et de la Terre a très fréquemment recours aux modèles et à la modélisation.
La lecture des programmes officiels permet d’identifier plusieurs références à la modélisation et à l’utilisation de
modèles.
Exemples de capacités et d’activités associées à des niveaux et des contextes notionnels différents :
Au collège
Cycle 3 : Utiliser des outils numériques pour simuler des phénomènes
Matériaux et objets
techniques
Modélisation du réel (maquette, modèles géométrique et numérique),
représentation en conception assistée par ordinateur.
Cycle 4 : Identifier et choisir des notions, des outils et des techniques, ou des modèles simples pour mettre
en œuvre une démarche scientifique.
Au lycée
Compétence : Concevoir, créer, réaliser
Exemples de capacités associées : Identifier et choisir des notions, des outils et des techniques, ou des modèles
simples pour mettre en œuvre une démarche scientifique
Seconde :
Corps humain et santé
- Procréation et sexualité
humaine
Visualisation de modèles moléculaires, réalité augmentée (Hormones et procréation
humaine)
Première Spécialité :
La Terre, la vie et
l’organisation du vivant
- La dynamique interne de
la Terre
- Modèle sismique PREM pour comprendre la structure interne de la Terre (croûte
manteau noyau) : La propagation des ondes sismiques dans la Terre révèle des
anomalies de vitesse par rapport au modèle PREM
- Réaliser des modèles analogiques pour appréhender la conduction et la convection
Première enseignement
scientifique :
Une longue histoire de la
matière
La Terre, un astre singulier
- Présentation d’un modèle mathématique d’évolution discrète.
- exercer un esprit critique sur les différents résultats obtenus, les approximations
réalisées et les limites d’un modèle.
Terminale spécialité :
Enjeux planétaires
contemporains
- Les climats de la Terre :
comprendre le passé pour
agir aujourd’hui et demain
- Montrer comment le travail des scientifiques permet de disposer de modèles et
d’arguments qui peuvent orienter les décisions publiques.
- Mobiliser les modèles de cycle du carbone pour quantifier les mesures
individuelles et collectives d’atténuation nécessaires pour limiter le réchauffement
climatique.
Terminale Enseignement
Scientifique :
Science, climat et société
Le futur des énergies
Une histoire du vivant
- Exploiter les résultats d’un modèle climatique pour expliquer des corrélations par
des liens de cause à effet.
- Modéliser un réseau de distribution électrique simple par un graphe orienté.
- Des modèles mathématiques probabilistes et des outils statistiques permettent
d’étudier les mécanismes évolutifs impliqués.
- Utiliser des logiciels de simulation basés sur le modèle mathématique de Hardy-
Weinberg.
- Utiliser un modèle géométrique simple (quadrillage) pour calculer l’impact d’une
fragmentation sur la surface disponible pour une espèce.
- À l’aide d’une calculatrice ou d’un tableur, ajuster un nuage de points par une
droite et utiliser ce modèle linéaire pour effectuer des prévisions.
- Selon le modèle de Malthus, prédire l’effectif d’une population au bout de n
années.
- À partir de documents fournis, proposer un modèle de croissance de ressources
alimentaires (par exemple la production mondiale de blé ou de riz) et la comparer à
une croissance exponentielle.
- Comparer les valeurs fournies par un modèle à des données réelles afin de tester
sa validité.
Remarque : En terminale enseignement scientifique, le recours aux modèles mathématiques a plusieurs visées.
La démarche de modélisation mathématique comporte plusieurs étapes : identification du type de modèle le mieux
adapté pour traduire la réalité, détermination des paramètres du modèle, confrontation des résultats du modèle à
des observations, qui peut conduire à limiter son domaine de validité ou à le modifier.
Au-delà des indications des programmes officiels propres à certains contextes notionnels, la lecture des objectifs
globaux fait référence à l’utilisation de l’expérimentation assistée par ordinateur, à la modélisation analogique ou
numérique, à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée, ce qui permet d’envisager l’utilisation de modèles aussi
divers soient-ils dans de nombreux apprentissages et en fonction des choix pédagogiques réalisés par l’enseignant(e)
de la sixième jusqu’à la terminale.
2. Modéliser, pour quoi faire ?
La modélisation consiste à élaborer un modèle, l’utiliser, le critiquer et le faire évoluer.
« Un modèle est ce à quoi on se rapporte pour représenter quelque chose » (Drouin, 1988).
Un modèle est « un cadre représentatif, idéalisé et ouvert, reconnu approximatif et schématique, mais jugé fécond
par rapport à un but donné » (Soler, 2000), fécond c'est à dire que « les résultats de mesure [sur le réel] s'avèrent
suffisamment conformes aux prédictions du modèle ».
La modélisation procède donc d’une simplification délibérée du réel. Il y a une simplification car seulement certains
aspects du réel sont sélectionnés et intégrés au modèle, alors que les autres sont volontairement ignorés.
On modélise pour décrire et comprendre :
Cette pratique pédagogique est très répandue et rend la réalité des phénomènes plus accessible afin d’en faciliter la
compréhension et donc l’acquisition des connaissances. La modélisation permet alors de proposer un cadre explicatif
intégrant des paramètres dynamiques et en interaction.
On peut également modéliser pour dépasser des difficultés d’ordre pratique ou liées à des échelles de temps et
d’espace inaccessibles :
Le modèle apparaît dans ce cas comme un moyen d’accroître les connaissances. Il permet de se soustraire des
contraintes expérimentales (coût, éthique, technologie…) et de rendre fonctionnelle une étude intégrant des échelles
de temps et d’espace parfois incompatibles avec les méthodes directes et indirectes de recherche scientifique.
Cette utilisation des modèles se révèle précieuse en sciences de la Terre (géophysique, astronomie…) mais également
en biologie, en particulier dans le domaine de la biologie moléculaire et de l’écologie.
Enfin, on modélise pour prévoir :
Un modèle validé (mis à l’épreuve des faits) peut prendre une dimension prédictive.
Par exemple, la construction de modèles climatiques est établie grâce au concours de nombreux acteurs : des
climatologues, des physiciens, des chimistes, des biologistes, des géologues, des mathématiciens et des
informaticiens. La validité du modèle est évaluée par la comparaison de résultats théoriques issus du modèle et des
données actuelles et passées obtenues grâce à des observations variées. Vérifier que les données « réelles »
s’accordent avec les données théoriques est essentiel pour tester la fiabilité du modèle et le faire évoluer.
La dimension socio-économique de ce type de modèle devient évidente : le modèle sert à anticiper et devient une
aide à la décision.
Le tableau suivant présente une comparaison synthétique des fonctions des modèles dans la recherche scientifique et
dans l’enseignement des sciences.
Fonctions du modèle communes à la démarche de
recherche et à l’enseignement des sciences
Fonctions du modèle spécifiques à l’enseignement des
sciences
- argumenter pour soulever un problème ou valider une
hypothèse.
- prévoir la variation de certains paramètres
(changement climatique…).
- pallier les difficultés d’expérimentation : objet
inaccessible (localisation, durée des événements,
coûteux…).
- gagner du temps lorsque la manipulation est
chronophage ou doit être répétée un grand nombre de
fois.
- étudier sur de grandes échelles de temps et d’espace
(dans le domaine de la géologie ou de l’évolution)
- généraliser (modèle statistique…).
- prendre en compte des conceptions et des difficultés
des élèves.
- décrire et comprendre un mécanisme étudié, parfois
en cours de construction, dont la complexité est
fonction du niveau de classe.
- expérimenter en classe sur des modèles limités.
3. Diversité des modèles en SVT
Le tableau suivant regroupe un certain nombre de productions publiées sur le site académique de SVT et centrées sur
la modélisation.
Cycle 4
- De la formation des gamètes à la fécondation : Sciences de la Vie et de la Terre, Aix -
Marseille, Thème Le vivant et son évolution (ac-aix-marseille.fr)
- Des différences génétiques entre femmes et hommes : Sciences de la Vie et de la Terre, Aix -
Marseille, Thème Le vivant et son évolution (ac-aix-marseille.fr)
- Utilisation d'un logiciel de simulation : communication ovaires/utérus : Sciences de la Vie et
de la Terre, Aix - Marseille, Thème Le corps humain et la santé (ac-aix-marseille.fr)
- Un exemple de scénario pédagogique en 3ème : les anticorps agglutinent les éléments
étrangers de manière spécifique : Logiciel « Défenses immunitaires 3ème » SVT Académie
de Besançon (ac-besancon.fr)
Seconde
- Modélisation numérique de la dérive génétique et utilisation d’un tableur pour valider la
fiabilité des résultats : https://www.pedagogie.ac-aix-
marseille.fr/jcms/c_10973296/fr/modelisation-numerique-de-la-derive-genetique-et-
utilisation-d-un-tableur-pour-valider-la-fiabilite-des-resultats
- Modélisation du transport d’éléments de roche de différentes tailles en fonction de la vitesse
du courant créé dans un modèle analogique (tube pvc ou autre) : Sciences de la Vie et de la
Terre, Aix - Marseille, Thème Enjeux contemporains de la planète (ac-aix-marseille.fr)
- Comment expliquer que ces vraies jumelles aient des morphologies différentes, alors que le
régime alimentaire est similaire ? : https://www.pedagogie.ac-aix-
marseille.fr/jcms/c_10862185/fr/comment-expliquer-que-ces-des-vraies-jumelles-l-une-soit-
obese-et-l-autre-non-alors-que-le-regime-alimentaire-est-similaire
Première
spécialité
- Modélisation de l’effet protecteur du microbiote face aux bactéries résistantes aux
antibiotiques : https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_11057378/fr/modelisation-
de-l-effet-protecteur-du-microbiote-face-aux-bacteries-resistantes-aux-antibiotiques
- Modélisation (scratch) et calcul du taux de couverture vaccinal efficace pour un vaccin :
Sciences de la Vie et de la Terre, Aix - Marseille, Thème Le corps humain et la santé (ac-aix-
marseille.fr)
- Modélisation d'une couverture vaccinale suffisante et justification de mesures sanitaires :
Sciences de la Vie et de la Terre, Aix - Marseille, Thème Le corps humain et la santé (ac-aix-
marseille.fr)
- Les effets des médicaments anti-inflammatoire (avec Libmol) : Sciences de la Vie et de la
Terre, Aix - Marseille, Thème Le corps humain et la santé (ac-aix-marseille.fr)
- Modélisation avec Edu’modèle de la perturbation d’une pinède parasitée par les chenilles
processionnaires : http://www.pedagogie.ac-aix-
marseille.fr/jcms/c_11045680/it/modelisation-avec-edu-modele-de-la-perturbation-d-une-
pinede-parasitee-par-des-chenilles-processionnaires?hlText=edumod%C3%A8le
Terminale
Spécialité
- Équilibre de Hardy-Weinberg et écarts à l’équilibre : proposition de construction d’un
modèle par les élèves : https://www.pedagogie.ac-aix-
marseille.fr/jcms/c_11090284/it/equilibre-de-hardy-weinberg-et-ecarts-a-l-equilibre-
proposition-de-construction-d-un-modele-par-les-eleves
- Mode d’action des benzodiazépines et modulation de la réponse au récepteur du gaba :
Sciences de la Vie et de la Terre, Aix - Marseille, Terminale Spécialité SVT (ac-aix-marseille.fr)
Terminale
enseignement
scientifique
- Modélisation du transport du fer ferreux et de la sédimentation de fer oxydé en rivière, dans
un bassin continental et en mer : Sciences de la Vie et de la Terre, Aix - Marseille, Thème
Science, climat et société (ac-aix-marseille.fr)
- Modélisation de la fragmentation d'une population de loups pour mettre en évidence un
appauvrissement de la diversité génétique : Sciences de la Vie et de la Terre, Aix - Marseille,
Thème Une histoire du vivant (ac-aix-marseille.fr)
Les exemples choisis illustrent la nature du modèle :
- analogique (surlignés en jaune dans le tableau) : il s’agit d’un modèle physique (maquette, montage, schéma ou
toute autre représentation) qui a souvent une fonction explicative ("ça marche comme") mais qui peut aussi avoir une
fonction prédictive ("si ça marche comme ... alors, si je fais ceci, je devrais obtenir cela"). Les limites de validité
du modèle seront d’ailleurs éprouvées par le test de sa fonction prédictive.
- numérique : il s’agit d’un modèle mathématique qui s'appuie sur une ou plusieurs équations ou sur des schémas de
fonctionnement (modèles conceptuels). Il peut remplir une fonction probabiliste.
La prépondérance des modèles numériques présentés est révélatrice de leur diversification actuelle liée à l’essor du
numérique et des pratiques à partager corrélatives, mais ne traduit en aucun cas leur supériorité d’un point de vue
pédagogique.
Ainsi, certains modèles peuvent se compléter. Par exemple, le lien entre la texture des roches magmatiques et leur
vitesse de refroidissement (classe de première spécialité ou première enseignement scientifique) peut être
conjointement établi :
- par l’étude comparée de la cristallisation de la vanilline à froid et à chaud.
- par l’étude de la cristallisation plus ou moins rapide avec le logiciel Magma, en changeant la vitesse de la
simulation.
- mixte : dans ce cas, la construction du modèle intègre une composante analogique et numérique.
Exemples : calcul à l’aide de capteurs piézomètres et du logiciel Audacity de la vitesse de propagation d’une onde dans
deux pâtes à modeler (simulant des péridotites lithosphériques ou asthénosphériques), l’une souple à température
ambiante et l’autre durcie en étant placée 24h au congélateur. Test d’immunoprécipitation de la brucellose, test
ELISA…
Un modèle peut être amené à évoluer :
Deux raisons principales tendent à faire évoluer un modèle :
- lorsqu’il se complexifie sans que de nouveaux faits interviennent. C’est le cas lorsqu’on introduit davantage de
paramètres dans un souci de précision afin de rendre les résultats plus fidèles à la réalité.
Exemple : précision croissante des prévisions météorologiques associée à une puissance accrue des supercalculateurs.
- lorsque de nouveaux faits viennent modifier la théorie attenante au modèle.
Exemples : évolution du modèle de la dérive des continents vers le modèle de la tectonique des plaques, construction
d’un modèle de régulation de la glycémie en intégrant plusieurs hormones, boucle de régulation du stress intégrant
les paramètres hormonaux et nerveux.
Les modèles sont donc évolutifs. Toutefois, les anciens modèles ne sont pas toujours rejetés : ils sont le plus souvent
actualisés puis réinterprétés dans le cadre du nouveau modèle.
Les modèles abandonnés sont le cas échéant utilisés, comparés ou éprouvés dans un but pédagogique.
Exemple : invalidation du modèle historique de l’organisation des molécules membranaires (Danielli et Davson).
Par ailleurs, la validité d’un modèle peut dépendre du niveau de classe. Son évolution, du fait de la spiralité des notions
construites au cours de la scolarité, contribue à enrichir le concept étudié.
4. Place des modèles dans la progression pédagogique
En classe, le modèle s’intègre dans une démarche explicative permettant la construction d’un savoir associé à
l’acquisition de compétences.
Le modèle sert alors deux objectifs :
- didactique : permettre un apport cognitif disciplinaire (argumentation, clarification d’un concept complexe…)
- pédagogique : rendre la construction du savoir optimal grâce à son intégration pertinente dans la démarche
explicative.
Les modèles peuvent avoir différents statuts au sein des démarches pédagogiques :
- Le modèle est utilisé comme support d’une argumentation : il peut constituer une « accroche » dans la démarche
pédagogique, donnant lieu à une recherche d’arguments afin de le valider ou de le préciser.
Exemples : cycle du carbone (T ES) puis confrontation avec des données expérimentales afin de quantifier les réservoirs
et les flux, modèles du cycle de Wilson, de la mosaïque fluide (1ère ES), de la tectonique des plaques (1ère Spé), à
argumenter afin de valider.
- Le modèle permet dexpliquer un phénomène complexe : lorsque les données sont difficilement accessibles ou non
mesurables, le modèle est placé au cœur de la démarche explicative pour éprouver une hypothèse (en confrontant
les résultats de l’expérience au modèle), pour argumenter de façon générale.
Exemples : modèles moléculaires enzymes/substrat, ligand/récepteur Sciences de la Vie et de la Terre, Aix - Marseille,
Terminale Spécialité SVT (ac-aix-marseille.fr), carte géologique de France 1/1 000 000), activités variées réalisées avec
l’application en ligne Thyp https://thyp.netlify.app/
- Le modèle permet de généraliser et d’enrichir un concept : Dans ce cas, le modèle abouti a valeur de synthèse.
C’est par exemple le cas des boucles de régulation de la glycémie ou des hormones sexuelles masculines comme
féminines, d’un modèle explicatif du réchauffement climatique intégrant en particulier les phénomènes amplificateurs
et d’atténuation.
- Le modèle est utilisé pour prédire : Place variable du modèle dépendant du scénario pédagogique (Simclimat pour
évaluer l’importance de variations climatiques…). En géologie, le modèle PREM est construit en faisant la synthèse des
connaissances relatives à la structure de la Terre. La confrontation de ce modèle avec des mesures de terrain comme
la vitesse des ondes sismiques permet d’identifier les variations par rapport au modèle et donc des contextes
géodynamiques particuliers.
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