Modèle émotivo-rationel de Ellis

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Le mole
émotivo-rationnel selon Ellis
par Louis Chaîoult et Thanh-Lan Ngo
Albert Ellis est un psychologue et psychanalyste américain. Vers 1950, il traite une patiente
qui souffre de timidité. Après deux ans de psychanalyse, frustré par la répétition des pro
pos de sa patiente, il lui propose de se jeter dans les bras de dix inconnus lors dune soie
amicale. Peu après cet exercice, la patiente, qui se plaint depuis longtemps dêtre seule, sort
tous les soirs avec ses nombreux prétendants et déclare quelle va beaucoup mieux.
À partir de 1955, Ellis (1958) propose un nouveau type de thérapie, la thérapie rationnelle,
qui deviendra plus tard la thérapie émotivo-rationnelle ( rational-emotive therapy ou RET),
puis, en 1993, la psychothérapie émotivo-rationnelle et comportementale (PERC, en
français; REBT, en anglais). Ce nouveau type de psychothérapie s’appuie sur des concepts
philosophiques et psychologiques. Il s’agit, selon Ellis, dun traitement plus efficace et direct
des problèmes émotifs des patients. Sa prémisse centrale est la suivante : les énements
ne sont pas la seule cause de lanxté, de la colère et de la tristesse lorsque celles-ci sont
dysfonctionnelles. Ce sont plutôt les croyances irrationnelles qui contribuent à lappa
rition des émotions dysfonctionnelles et des comportements autodestructeurs. La PERC
enseigne au patient à reconnaître, à évaluer et à remettre en question ses croyances irra
tionnelles afin que celui-ci se sente mieux et quil devienne plus fonctionnel. Ellis (1962)
définit les croyances irrationnelles comme des croyances qui entraînent une distorsion dans
lévaluation de laalité, qui empêchent l’individu datteindre les buts quil sest fixés, qui
créent des émotions extrêmes et qui sont associées à des comportements qui amènent lin
dividu à se nuire ou à nuire aux autres.
Le système de traitement d’Ellis comporte trois niveaux (Ellis, 1962 ; î 973 ; Ellis 8c Greiger,
1977). Le premier est Vinterprétation, ou ce que la personne croit subjectivement quil se passe
ellement. Par exemple, en croisant un ami dans la rue, un individu se dit : « Cet ami ne me
salue pas parce quil est fâché.» Lorsque la thérapie commence à ce premier niveau, le thé
rapeute et le patient tentent de déterminer les erreurs logiques qui sont à lorigine de la
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situation en cause. Selon Eîlis, les principales erreurs logiques susceptibles d’être respon
sables de « distorsions cognitives » importantes sont les suivantes : la catégorisation excessive
et sans nuance (cest noir ou blanc), la propension à généraliser à outrance, la croyance en
la possibilité de lire dans les penes dautrui ou dêtre victime de prédictions mafiques
(la bonne aventure), la personnalisation et linclination pour le raisonnement émotif. Le
thérapeute enseigne au patient à reconnaître ces « distorsions cognitives » et à les remettre
en question.
Le deuxième niveau est l'évaluation, soit la signification que lindividu attribue à l’é
nement ou à la réponse à la question suivante : « Si mon interprétation est correcte, comment
puis-je évaluer la situation ?» Il existe, selon Ellis, quatre façons particulrement nuisibles
dévaluer une situation, ce quil nomme des « attitudes dysfonctionnelles de base » : les
exigences (je dois/je devrais), la dramatisation, la non-acceptation (l’intorance à la frus
tration) et les jugements sur la valeur personnelle. Ainsi, dans lexemple précédent,
lindividu inquiet de ne pas avoir été sal peut se dire : « Si mon ami est fâché contre moi,
c’est terrible et je ne peux le supporter. »
Le troisième niveau est celui des croyances sous-jacentes, dans lesquelles on trouve
des gles influençant la réaction aux événements. Ellis décrit un certain nombre de ces
croyances, qu’il nomme «croyances irréalistes majeure. Celles-ci composent le noyau
des valeurs centrales de l’individu. Elles peuvent rendre ce dernier malheureux si elles
comportent des gles rigides et absolues.
On constate donc que le mole émotivo-rationnel dEliis ressemble jusquà un certain
point à celui de Beck : dans les deux modèles, le clinicien s’inresse dabord aux émotions
et aux penes conscientes, puis aux croyances sous-jacentes. La principale différence entre
les deux approches side dans le fait quEllis passe beaucoup plus rapidement aux croy
ances dysfonctionnelles, quil aborde avec vigueur, alors que Beck sattarde davantage sur
les émotions et les pensées conscientes ou semi-conscientes. Ce nest que lorsque son
patient a bien maîtri cette étape que Beck passe aux croyances intermédiaires et fonda
mentales. Sa démarche est donc plus lente, mais aussi plus méthodique et, à notre avis, plus
efficace. Cest sans doute la raison pour laquelle elle a é adoptée par une majorité de cli
niciens au cours des dernres anes.
Nous avons conser ici deux aspects du modèle émotivo-rationnel dElïis, parce que
leur utilisation nous semble particulrement pertinente en psychothérapie et parce quils
comportent, à notre avis, des notions compmentaires à celles du modèle de Beck. Ce sont
les attitudes dysfonctionnelles de base et les croyances irréalistes majeures.
Les attitudes dysfonctionnelles de base
Une attitude est une façon plus ou moins rigide ou stéréotypée denvisager certaines
situations ou énements de la vie courante ou dy agir. Une attitude devient dysfonc
tionnelle si elle est inappropre et si elle dessert lindividu. Pour Ellis (1962), les quatre
attitudes les plus fquentes et les plus nuisibles dans la société contemporaine sont les exi
gences rigides, la non-acceptation, la dramatisation et les jugements sur la valeur personnelle.
Cest pourquoi il les nomme «attitudes dysfonctionnelles de bas. En alité, ces quatre
façons de penser ou dagir au quotidien ne sont pas toujours des attitudes; cest leur
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répétition qui en fait des attitudes. La dramatisation, par exemple, est une erreur logique
qui ne constitue pas une attitude si elle ne survient que rarement. Elle le devient toutefois
si elle se répète constamment.
Les attitudes dysfonctionnelles de base sont extrêmement fréquentes chez tous les êtres
humains, même les plus sains. Elles accompagnent toujours, à des degs divers, toutes les
croyances dysfonctionnelles dont elles sont le résultat. Plus les croyances sont dysfonction
nelles, plus les attitudes dysfonctionnelles sont nombreuses et prononcées, et plus le risque
de psychopathologie est grand.
Les trois premres attitudes dysfonctionnelles (exigences, non-acceptation et drama
tisation) découlent l’une de lautre. On peut difficilement les dissocier parce quelles
représentent des facettes différentes dun même problème, comme nous le verrons plus loin.
La dernière, le jugement sur la valeur personnelle, existe en elle-même et peut aussi être
combinée aux trois premres.
Les exigences rigides
La notion d’«exigence» chez Ellis correspond, en bonne partie, à celle des règles chez Beck.
En fait, les exigences rigides découlent de règles rigides et deviennent, par le fait même, des
attitudes rigides. Ellis considère que ce thème est fondamental et en parle avec beaucoup
d’insistance. Pour bien le comprendre, expliquons dabord la signification des termes désirs,
besoins et lois (Ellis, 1962; Auger, 1984, 1986).
Les sirs et les besoins
Un individu ressent un désir pour un objet ou une situation lorsquil considère que ces
derniers peuvent lui apporter du plaisir, de la satisfaction ou une autre forme de bien-être.
Un désir devient toutefois un besoin, lorsque la situation ou lobjet convoité est vraiment
indispensable à sa survie, comme les besoins de manger, de dormir, de respirer et de
s’abriter des intempéries. On peut appeler ces besoins des «besoins essentiel. Un objet
ou une situation peut également être perçu par lindividu comme indispensable à sa
survie ou à son bien-être, sans que cela soit le cas dans la alité. C’est la personne qui le
considère essentiel sans quil le soit vraiment. On parle plutôt, dans ce cas, de « besoin
non essentie.
Les besoins non essentiels sont nombreux, complexes et, surtout, très variables d’un
individu ou dune situation à lautre. Ils sultent principalement des influences de lédu
cation et de l’environnement, et leur importance chez un même individu fluctue au g
des circonstances ou des événements. On peut les diviser en quatre cagories :
«* Les besoins liés à la proprié de biens matériels Exemples : « J’ai besoin de gagner vingt,
cinquante ou cent mille dollars par année. »; « J’ai besoin d’une maison de telle grandeur
ou de telle apparence.»; «Jai besoin dune automobile de telle marque ou de telle
grosseur. »; « J’ai besoin de tant déconomies ou de telle forme de curité financre. »
Les besoins liés à Vacceptation ou à l’amour des autres
pagnon ou dune compagne de vie qui maime et pre;
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accep et respec par la plupart de mes collègues au travail.» ; « Jai besoin de la recon
naissance de mes enfants.»; «Jai besoin de telle ou telle forme de sécurité affective. »
Les besoins liés au plaisir Exemples : «J’ai besoin de prendre des vacances et de mamuser. » ;
« J’ai besoin de consommer telle ou telle drogue. » ; « J’ besoin davoir des relations
sexuelles à telle ou telle fquence. »
Les besoins liés à Vévitement de Vinconfort Des difficuls inhérentes à la condition
humaine peuvent se manifester de diverses fons :
- évitement de la souffrance physique : « Je ne peux tolérer davoir mal aux dents,
de mal dormir, de souffrir.»;
- évitement de la souffrance psychique : « Je ne peux tolérer de me sentir triste,
anxieux, déprimé. » ;
- évitement de leffort : «Je ne peux tolérer de suivre une diète, de cesser de fumer,
de travailler durement, de stationner mon automobile à trois coins de rue
de mon lieu de destination. » ;
- évitement des contraintes, des cadres, de la discipline, etc.
Un besoin non essentiel provient donc de la combinaison de deux éléments : un désir
et la non-acceptation de sa non-réalisation. Ce type de besoin constitue une forme dexigence,
terme plus général qui s’applique également aux lois dont nous parlerons ultérieu
rement. Plus les besoins non essentiels sont nombreux chez un individu, plus celui-ci les
considère comme indispensables à son bien-être et à sa survie; plus s’accentue le degré de
rigidi ou dintensité du désir et de l’inacceptation de sa non-réalisation, plus ces éléments
sont susceptibles de produire des émotions dysfonctionnelles nombreuses et sévères.
Les émotions dysfonctionnelles les plus fréquemment associées aux besoins non
essentiels sont l’anxiété et la tristesse. Si, en effet, une personne craint de ne pas obtenir
lobjet de son besoin ou de le perdre une fois quelle la obtenu, elle deviendra anxieuse.
Si sa crainte se alise et quelle le perd vraiment, il en sultera de lanxté et de la tris
tesse. Par exemple, une jeune femme qui vit seule et qui considère son engagement dans
une vie de couple comme un besoin essentiel à son bien-être sera anxieuse à la pene
de devoir rester seule toute sa vie tant quelle naura pas trouvé un compagnon; si elle
en trouve un, elle redeviendra anxieuse à la premre dispute, craignant de le perdre un
jour. Si, effectivement, son compagnon la laisse, elle se sentira à la fois anxieuse et triste
devant la perspective d’être de nouveau seule et de le rester pour toujours. Bref, plus cette
jeune femme conçoit la vie de couple comme un besoin essentiel à son bien-être, plus
son anxiété et sa tristesse seront marquées. Le tableau 8.1 résume notre propos sur
les besoins.
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Chapitre 8 • Le modèle émotivo-rationnei selon Eiiis 101
Un sir pour une situation ou un objet survient lorsque celui-ci est considéré comme un ément pouvant apporter du plaisir, de la joie ou une autre forme
de bien-être. Un sir devient un besoin lorsque la situation ou l'objet convoité est vraiment indispensable à la survie de l'individu (besoin essentiel)
ou, encore, lorsque la situation ou l'objet est perçu par l'individu comme étant indispensable à sa survie ou à son bien-être, sans que cela soit la réalité
(besoin non essentiel).
___________
________________________
____
BESOINS ESSENTIELS
Ex. : manger, dormir, respirer, se protéger
contre les intemries
BESOINS NON ESSENTIELS
1. Besoins liés à la propriété 1| Ex. : gagner vingt, cinquante ou cent mille dollars par année.
| Besoin dune maison, d'une automobile de telle apparence |g
1 ou de telle grosseur
2. Besoins liés à l'acceptation J
et à l'amour des autres | Ex. ; être aimé d'un conjoint, être accepté et respecté par
I son entourage, être reconnu de ses enfants
3. Besoins liés au plaisir | Ex. : prendre des vacances, s'amuser; avoir des relations
| sexuelles à telle fréquence Jf
4. Besoins liés à l'inconfort
ou à lvitement des
difficultés inhérentes à
la condition humaine
j Ex. : éviter la souffrance physique, (ne pas tolérer d'avoir mal §
| aux dents, de mal dormir)
1 Ex. ; éviter la souffrance psychique (ne pas torer l'anxiété, 1
1 la tristesse, la pression)
j Ex. : éviter l'effort, (difficulté à travailler; à suivre une diète)
Ex. : éviter les contraintes, les cadres ou la discipline
Ces besoins sont essentiels (indispensables à
100%) à l'être humain. Ce sont de véritables
exigences que l'on doit satisfaire pour survivre.
Ces besoins sultent de la combinaison
d'un désir et d'un certain deg
de non-acceptation de sa non-réalisation.
Ils ne sont jamais indispensables à 100 %.
Il est souvent bon de les satisfaire, mais
sans plus. On peut en faire des exigences,
mais ils n'en sont pas vraiment.
Plus une personne a de besoins, plus elle les considère comme essentiels à son bien-être et plus elle sera susceptible de présenter des émotions
dysfonctionnelles. Ses possibilités d'être heureuse et de rendre son entourage heureux en sont d’autant diminuées.
__________
DIMINUONS NOS BESOINS NON ESSENTIELS; IL Y VA DE NOTRE INT!
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