« sujet économique » construit à l’encontre de l’individu empirique, fait observer Weber, n’est
en aucune façon affecté par des motivations qui ne seraient pas spécifiquement économiques
mais qui influencent bel et bien le comportement des êtres humains réels (Weber, [1922] 1925,
pp. 2-3). Martuccelli a raison de souligner que « de manière sournoise, l’action rationnelle en
finalité devient le modèle d’où découle la construction significative » (1999, p. 226). Il n’en
reste pas moins que la prise en compte de la rationalité axiologique autorise à dépasser la
référence exclusive à la rationalité économique. C’est l’idée de logique pure – dépouillée de
tout élément parasite – qui est à la base de la notion de type idéal, quelle que soit par ailleurs la
logique prise en considération. Et c’est également cette idée qui justifie l’expression « type
idéal ». Bien sûr, comme on l’a dit souvent, il s’agit d’un type « idéel », c’est-à-dire abstrait,
pensé, construit. Et Guy Rocher juge opportun d’écrire à ce propos qu’il est « idéel plutôt
qu’idéal » (1993, p. 629). Mais le qualificatif « idéal » exprime aussi la référence à des notions
qui ne deviendraient réalité que dans un univers social gouverné entièrement par des logiques
abstraites. C’est cognitivement, et sans aucune visée normative, que cette création conceptuelle
est tout à la fois idéelle et idéale.
Max Weber place toutefois sous la rubrique « type idéal » des objets de diverses natures : actes
singuliers, états de choses ou dispositions d’esprit (Weinreich, 1938, p. 101) ; il n’y a, en
principe, pas de limite à leur diversité (Albrow, 1990, p. 154). Ceci nous invite à distinguer des
variantes du type idéal. Un des premiers exégètes de l’œuvre wébérienne, Alexander von
Schelting, y relève la présence de types idéaux individualisants et généralisants en y voyant
d’ailleurs une source de confusion. Dans le même esprit, Watkins distinguera ultérieurement
chez Weber des types idéaux « holistes » et « individualistes ». Les premiers sont construits en
mettant en évidence les aspects majeurs d’une situation historique prise dans son ensemble,
organisés de façon à faire apparaître une image cohérente. Les seconds résultent de l’examen
de la situation d’acteurs individuels et se fondent sur l’abstraction d’éléments tels que des
schèmes de préférences personnelles, des modes de connaissance de la situation ou des types
de relations entre individus (1952-1953, p. 723 et sq.). C’est notamment sur l’examen critique
de ces deux procédés de conceptualisation que Watkins fonde son adhésion au principe de
l’individualisme méthodologique (ibid., p. 729). Talcott Parsons, qui s’appuie fortement sur
Schelting, reprend à son compte la distinction entre types individualisants et types généralisants.
La catégorie individualisante recouvre pour lui des processus historiques singuliers ou des
mouvements d’idées apparaissant dans l’histoire comme des phénomènes singuliers. Le
caractère idéal-typique du concept tient alors à la sélectivité dans les critères de définition,
laquelle dépend de la nature des intérêts scientifiques en cause. La catégorie généralisante a une
autre fonction logique : elle vise à dégager des traits essentiels. Dans ce cas, le concept est dit
« idéal-typique » parce qu’il permet la construction d’une séquence événementielle
hypothétique (Parsons, 1937, pp. 604-605). De façon analogue, Runciman propose une
distinction entre types idéaux descriptifs et types idéaux explicatifs (1983, pp. 291-294). Le
type idéal descriptif est « idéal » en ce sens qu’il ne correspond à aucun exemplaire
empiriquement observable mais qu’il peut servir de critère (yard stick) pour la définition et la
comparaison des objets individuellement observables (ibid., pp. 291-292). On se trouve ici dans
la logique opératoire du type individualisant de Schelting et Parsons. Le type idéal explicatif
n’émerge pas davantage de la réalité empirique mais il est exigé logiquement par extrapolation
à partir d’une théorie qui s’adapte au monde de nos observations (ibid., p. 292).
À la suite de Bernhard Pfister (1928, p. 170 et sq.), Judith Janoska-Bendl estime quant à elle
que les deux variantes de la notion de type idéal recouvrent une dimension historique et une
dimension proprement sociologique. Le type idéal sociologique reposerait dès lors sur des
propositions à caractère intemporel, exprimant soit le sens subjectivement possible