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« Des marques évidentes… »
Vidéo-Conférence, JM Servais
Prolégomènes
Quelques précautions oratoires doivent être affirmées :
- ma lecture de notre rituel n’est évidemment pas une instruction
du grade, mais bien plus une suite de suggestions ou de questions
offertes à notre sagacité commune mais qui, bien évidemment,
n’engagent que moi
Je suis intrigué depuis de longues années sur un échange de questions
d’Ordre à l’ouverture des travaux de la Loge de Maître Secret ; j’ai
voulu explorer ce que certains pouvaient nous inciter à réfléchir,
parfois à la faveur d’autres travaux ou d’autres sujets de partage.
Je dois donc au mérite d’autres auteurs, dont je fais mon miel
périodique, de pouvoir rassembler les idées que je vous propose
aujourd’hui.
Le sujet
La question d’ordre à laquelle je fais allusion est bien sûr contenue
dans notre rituel, mais je puis croire que les circonstances récentes
n’ayant pas permis à tous de s’en « ressouvenir » je vais la camper
clairement ici.
Le TFPM s’adresse au 1er Surv, en l’occurrence Adhoniram,
et lui demande :
- Qu’avez-vous vu en entrant dans le Saint des Saints ?
La réponse est alors :
- Des marques évidentes, quelque chose au-dessus des forces
humaines, que je ne puis prononcer.

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Je dois à la vérité historique – et même à l’histoire tout à fait
contemporaine – de dire que la phrase « des marques évidentes » se
poursuivait et se poursuit encore parfois de la manière suivante :
- « des marques évidentes de la divine présence »…(
1
)
Nous allons voir que Deridda a raison de dire que « l’excès d’évidence
requiert toujours un supplément d’enquête » (
2
)
Toutes les LLde P, pas plus que tous les Chap, ne proposent aux
VVFFMaîtres de Saint Jean qui désirent passer de l’Eq au
Compas, de pénétrer dans un local spécifique et d’y méditer quelques
instants, main dans la main avec le TS& PM face à une source
de lumière vacillante entourée de ténèbres.
C’est une particularité de notre SouvChap, mais j’insiste pour dire
que l’entrée dans le Saint des Saints n’est donc pas un sacrilège, même
s’il n’est pas faux de considérer que dans le Temple de Salomon à
Jérusalem, seul le Grand Prêtre y pénétrait face à l’Arche d’Alliance
contenant les tables de la Loi.
Plusieurs VVFFse sont exprimés dans leur travail de passage vers le
9ème degré, j’en relève au moins un extrait « le Saint des Saints est pour
moi, derrière le voile, le lieu de tous les lieux, paradoxalement, le lieu
du non-lieu » ou encore « il est présent à chaque moment où j’écoute mon
cœur, où je questionne le sens de mon existence et ma relation à ce qui
me dépasse » et enfin, une vision qui nous a été suggérée par notre
VFGdOratet qui lie « Cette lumière d’espérance anime aussi
mon énergie pour progresser dans mon temple intérieur parce qu’elle
est également présente chez les autres, et que cette union contribue
par là à construire le Temple de l’Humanité »
Un article du F Bonifassi s’exprime ainsi :
Le Rite de « Grand Ecossais ou Parfait Elu » (
3
) daté de 1750 (
4
) et
pratiqué par la « Parfaite Loge d’Ecosse des Elus Parfaits » de
Bordeaux fondée par Etienne Morin en 1745 nous livre ceci :
1
Manuscrit Franken de 1783, SC pour la France, GLNF©
2
Derrida J., « La carte postale » (1980), cité par Banon D., « La lecture infinie », Seuil, 1987, p°223
3
Bibliothèque Universitaire de Toulouse repris Publications Latomia 101
4
Voir la datation de ce rituel dans l’article de C. Guérillot et G. Prinsen, Ordo ab Chao n° 30 pages 55-56

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« Quatrième Grade… Maître secret. D'abord, on vous a mis
au nombre des sept qui remplacent un seul, et, comme Maître
Secret, on vous a ouvert la première porte du sanctuaire, on
vous a décoré d'une Clef d'Ivoire, symbole de votre
discrétion, on vous a donné rang parmi les lévites (
5
) ; l'on
vous a appris le Mot Gizon, que doivent prononcer tous ceux
qui, comme eux, veulent entrer dans le saint Lieu et on vous
a fait espérer les Connaissances les plus sublimes. »
Dans un autre rituel datant de 1804 ou 1805, conservé au Fonds Kloss
(
6
) on trouve un texte qui est similaire à celui en usage dans notre
Chapitre ; il est attribué au FFirmin Abraham :
« Vous n’avez vu jusqu’ici que le mur épais qui couvre le Saint des
Saints du Temp de Dieu ; votre fidélité, votre zèle et votre
constance vous ont mérité la faveur que je vous accorde en ce
moment. Je vais vous montrer un trésor ; je vais vous introduire
dans le Saint des Saints. »
Le texte du rituel n’en dit pas plus et on passe à la prestation de
serment.
Le rituel du Marquis de Gages du 4ème degré concerne en fait ce que
nous connaissons [mais de manière assez différente (
7
) pour notre
cinquième degré (il s’intitule précisément Maître Parfait)]. Au
quatrième voyage, le candidat est conduit au tombeau d’Hiram (midi)
puis au tracé du Saint des saints (dont je n’ai pas de copie). Le myste
dit avoir vu « le cercle et sa quadrature » dans le Saint des Saints.
Enfin dans le Cours complet de Maçonnerie, le Dr. Vassal indique que
le tableau du grade représente le sanctuaire précédé d’une balustrade
Mais qu’est-ce donc que le Saint des Saints ? Mon intention n’est
évidemment pas de discourir théoriquement et théologiquement, ce
que je n’ai pas la capacité de faire.
5
On ne peut se voiler la face et oublier que les Lévites sont bien les gardiens du Saint des Saint mais ne
peuvent y pénétrer. Voir l’article du VF J.P Baisieux dans Le Lien écossais n°122 (« de qui, de quoi sommes-
nous les gardiens »)
6
Ms XVII, 1804 / sans doute très semblable au rituel dit « Dubin »
7
Voir Le Lien Ecossais n° 128

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J’apprécie une définition qui dirait « la chambre la plus sacrée d’un
temple, l’élément le plus sacré d’un espace sacré » [« the innermost
room of a temple-the most sacred element within a sacred space »(
8
)]
Dans l’architecture du Temple de Salomon, c’est bien de cela dont il
s’agit ; le Saint des Saints, décrit comme un cube parfait, renferme le
Tabernacle surmonté par les deux chérubins, entre lesquels peut se
déployer la parole divine ; ce lieu est appelé Débir (j’aurais voulu vous
dire que Débir et Dabar (parole) étaient liés au plan étymologique,
mais hélas…notre FMichel Bastiaensen m’en a dissuadé par son
exposé, qui a heureusement été retranscrit dans notre « Lien écossais
et que je vous conseille vivement d’aller relire…) (
9
).
Puisqu’il s’agit de marques évidentes « de la divine présence » et
considérant les racines judéo-chrétiennes qui irriguent la maçonnerie
de tradition, nous pouvons ici évoquer la Shekinah. Ce terme
n’apparait que tardivement dans les écrits du judaïsme (Yetzer-Sefira
et Targum) et ne se trouve pas dans le corpus biblique. Il est considéré
comme d’origine chaldéenne et comme en hébreux concerne la présence
divine, la lumière du Débir.
Dans le Targum, ce terme a été utilisé par les rabbins à la place de
"Dieu" dans la mesure où les expressions anthropomorphiques de la
Bible n'étaient plus considérées comme appropriées. Il s’agit alors
plutôt de « gloire » (
10
). On lit dans Lev.9,23 « Moïse et Aaron sont
ensuite allés dans la tente du rendez-vous. A leur sortie, ils bénirent le
peuple, et la Gloire de l'Eternel apparut à tout le peuple ».
Un article de 1848 (
11
) compare les versions de l’AT en hébreux et en
araméen (Targum), ce qui par exemple donne ceci :
Nomb. 10, 36 : Reviens, Seigneur, sur les nombreux sables d'Israël.
Chaldéen : Reviens maintenant, ô Parole de l'Éternel, à ton peuple
d'Israël, fais que la gloire de ta Shekinah habite au milieu d'eux, et aie
pitié des milliers d'Israël
8
Rodgers in https://en.wikipedia.org/wiki/Talk%3AHoly_of_Holies
9
Voir l’article de Michel Bastiaensen : « Du bon usage du Temple de Salomon », Lien écossais n° 126, p°35-64
et spécialement la page 42 pour l’illustration.
10
https://jewishencyclopedia.com/articles/6713-glory-of-god
11
THE NEW CHURCH REPOSITORY AND MONTHLY REVIEW .- Vol . 1 . MAY , 1848 . No. 5, ARTICLE II . LETTERS
TO A TRINITARIAN, LETTER V., “JEHOVAH JESUS”

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Gabrielle Sed-Rajna (
12
) explique que Shekinah peut se traduire par
« demeure » et donc est directement liée à la présence ou immanence
de Dieu. Mais on peut aussi lire ce mot comme « entité première » : la
Lumière (idem pour la Gloire), vue comme intermédiaire entre
l’homme et Dieu. Maïmonide est de cet avis mettant la Shekinah au
même rang que le Logos (
13
). Enfin certains linguistes rapprochent le
mot hébreu du verbe « écouter ».
La Shekina est un principe féminin qui réfléchit la lumière comme le
fait la Lune en transmettant aux mondes extra-divins l’influx de l’arbre
de séphirots ; elle y est sans doute assimilable au Royaume (Malkut)
et procède à la fois de la Rigueur et de la Miséricorde (main de justice
et main bénissante).
Pour le nouveau Testament, la présence et la Gloire de Dieu résident
dans le Christ.
Une métaphore attire notre attention sur la simplicité du premier
tabernacle (une caisse contenant les tables de la Loi accompagnant
Moïse et les siens depuis le Sinaï) et la simplicité de l’homme Jésus.
Mais Salomon, lors de la dédicace du Temple, dite aussi « maison de la
Shekinah », Salomon ne se fait sans doute pas d’illusion sur la présence
permanente de l’Eternel lorsqu’il dit : « Mais quoi ! Dieu habiterait-il
véritablement sur la terre ? Voici, les cieux et les cieux des cieux ne
peuvent te contenir : combien moins cette maison que je t’ai bâtie ! » (
14
)
Le Coran lui aussi cite la Shekinah, en la désignant comme le
tabernacle sous le nom de « coffre ». Et leur prophète leur dit : "Certes
le signe de son investiture sera que le Coffre va vous revenir ; objet de
quiétude inspiré par votre Seigneur, et contenant les reliques de ce que
laissèrent la famille de Moïse et la famille d'Aaron. Les Anges le
porteront (…)" (
15
).
12
Sed-Rajna, G., (CNRS), : https://www.universalis.fr/encyclopedie/shekina-mystique-juive/ consulté le 3 02.21
13
Maïmonide,M., (HaRam-bam), Guide des Egarés (cité par https://jewishencyclopedia.com/contribs/563)
14
1 Rois 8, 27
15
Sourate 2/248 (La vache) ; http://fr.noblequran.org/coran/sourate-al-baqara/