LA VERSIFICATION
d'après La Poésie d'Alain Vaillant
Voici quelques règles simples qui vous permettront de mieux appréhender la poésie traditionnelle, telle que l'ont appris avant vous les poètes que nous étudions.
I DISTINGUER UN POÈME AU PREMIER COUP D'OEIL
1) Vers et prose..
– Le mot « vers » vient du latin versus, (lui même issus du verbe vetere, qui signifie tourner). Il désigne dans l'Antiquité les sillons que trace le laboureur dans la
terre. Comme le poète revient à la ligne pour écrire ses vers, le laboureur creuse son sillon et revient à son point de départ pour en creuser un second.
– Dans l'Antiquité, ce qui n'était pas versus était prosa, (prose) : un discours allant de l'avant, sans faire demi-tour.
Le mot « prose » peut avoir une connotation péjorative, et renvoyer au caractère « prosaïque » (banal, voire trivial) de la prose.
« Tout ce qui n'est pas prose est vers et tout ce qui n'est point vers est prose » Molière, Le bourgeois gentilhomme, (acte II, scène IV).
C'est grâce au blanc disposé à droite du texte que l'on peut détecter la nature versifiée d'un poème.
2) L'aspect visuel de la poésie
Majuscules, et ponctuation, espaces entre mots, vers, et strophes permettent de déterminer si le poète obéit ou non à des règles de versification classique (voir II 6)).
Une lecture verticale peut parfois révéler un acrostiche ou des échos intéressants à analyser.
La forme du poème est parfois illustrative, il s'agit alors de calligrammes.
II LE VERS SYLLABIQUE FRANÇAIS
1) Pour bien prononcer les syllabes d'un vers
→ Quand deux voyelles se touchent, comme dans li-on, on peut compter lion
pour une seule syllabe, cela s'appelle une synérèse, mais on peut aussi le compter
pour deux syllabes, cela s'appelle une diérèse.
→ Dans la prononciation courante, le « e » muet est élidé, mais il est fréquent
en poésie (comme dans la chanson française) qu'il compte pour une syllabe.
2) Le nombre de syllabes d'un vers
– les vers de 6 syllabes : l'hexasyllabe
– les vers de 8 syllabes : l'octosyllabe
– les vers de 10 syllabes : le décasyllabe
– les vers de 12 syllabes : l'alexandrin (ce terme est dérivé du roman
d'Alexandre, qui raconte les conquêtes d'Alexandre le Grand)
3) La rime
Le mot rime dérive du latin rythmus. La fonction de la rime est d'établir un parallélisme d'un vers à l'autre et de souligner le rythme métrique dans un poème homogène.
La rime doit, dans la poésie classique, satisfaire autant l'oeil que l'oreille.
– la richesse de la rime :
la rime pauvre = une voyelle identique en fin de vers
la rime suffisante = une voyelle et une consonne identiques en fin de vers
la rime riche = deux consonnes et une voyelle ou deux voyelles et une consonne identiques en fin de vers
au delà, la rime est appelée rime « plus que riche ».
– l'ordre des rimes :
les rimes plates ou suivies = AABB
les rimes croisées ou alternées = ABAB
les rimes embrassées = ABBA
4) Dans le vers
La rime annexée, quand la rime est reprise au début du vers suivant
La rime interne, quand les deux hémistiches d'un même vers riment ensemble
La coupe d'un alexandrin classique se trouve à l'hémistiche
Quand un vers a une césure en son milieu, son rythme est binaire
Quand un vers à deux césures parfaitement réglées, son rythme est ternaire
Quand un groupe syllabique déborde entièrement sur un autre vers, cela s'appelle
l'enjambement, s'il s'arrête au milieu du vers suivant, c'est un rejet
5) Noms des strophes
– 2 vers = distique
– 3 vers = tercet
– 4 vers = quatrain
– 5 vers = quintil
– 6 vers = sizain
– 7 vers = septain
– 8 vers = huitain
– 10 vers = dizain...
6) Les formes fixes
Le rondeau : reprise en refrain à la fin des deux ou trois strophes du premier hémistiche du premier vers (rythme dansant).
La ballade : strophes « carrées » (même nbre de vers que de syllabes par vers) avec refrain en fin de strophe, suivi d'une strophe plus courte de moitié nommée « l'envoi ».
La sonnet :14 vers, 2 quatrain et 1 sizain souvent divisé en 2 tercets: ABBA ABBA CCD EED ou ABBA ABBA CCD EDE
II LA POESIE NON SYLLABIQUE
1) Le vers libre
– Dans la poésie classique, il désigne l'emploi de vers mêlés, aussi appelés vers hétérométriques, c'est à dire de vers différents (alexandrin, décasyllabes..) dans un
même poème.
– A la fin du XIXème, chez les symbolistes, il désigne une forme libérée de l'artifice syllabique, le poème est alors irrégulier, et rythmé de parallélismes
syntaxiques, ou d'échos sonores.
– Enfin, les surréalistes isolent dans leurs poèmes des groupes de mots en allant à la ligne, il s'agit là aussi de vers libres.
2) Le verset, plus rare, est l'équivalent français du rythme complexe des versets hébraïques de la Bible, et est souvent utilisé par les poètes d'inspiration catholique
3) La prose poétique ne revendique pas le nom de poème, mais repose sur une élaboration formelle et sur la rhétorique. Cette prose, très ample, à la fois lyrique et éloquente,
est riches en réseaux d'images et en figures de styles. Les figures de proue de la prose poétique sont Rousseau et Chateaubriand. On trouve au XXème siècle une autre forme
de prose poétique dont le modèle est la parole brut.
4) Le poème en prose est une succession de brefs paragraphes purement descriptifs qui ont recours à la suggestion ou à l'ironie. Il résulte d'un processus de poétisation
présent dans les techniques descriptives et narratives développées au XIXème siècle, chez Baudelaire, Rimbaud, mais aussi dans le roman réaliste de Flaubert, par exemple.
Le poème en prose ne veut pas dire éloquemment, mais faire voir le réel, il développe une poétique de la « voyance ».