bibliothèque pour chercher ce dont ils avaient discuté. À la n de l'année, je me disais que
j'avais commis une erreur terrible en m'imaginant pouvoir enseigner la théologie. J'aurais dû
vendre des voitures d'occasion (ou autre chose d'utile), plutôt que tenter désespérément de
masquer mon incompétence en tant qu'étudiant de troisième cycle. J'avais touché le fond.
L'amour de ma femme était tout ce qui me soutenait. Sachant le fardeau que j'étais pour elle à
l'époque, je songeai même à me suicider. Après tout, mon père m'avait montré comment faire.
Mais au terme de cette première année, il arriva quelque chose qui changea tout. Je s un rêve.
Je n’étais pas coutumier d'expériences religieuses spectaculaires au cours de ma vie, mais je ne
pus nier la puissance de ce qui m'apparut en rêve, cette nuit-là. Je donnais un cours à une
classe d'étudiants de troisième cycle, réunis autour d'une petite table. Nous étions plongés
dans une discussion sur le commentaire de Luther sur les Galates, et nous nous réjouissions de
son insistance sur le fait que la valeur d'une personne n'était pas liée à ses performances, sa
valeur étant déterminée par Dieu seul.
Dans l'enthousiasme partagé de la classe, je remarquai une personne qui se tenait dans un coin
de la salle. Il s’agissait de Jim Morgan, le meilleur professeur que j'aie jamais eu. Il m'avait
enseigné la théologie au Fuller Seminary, l'année qui précéda mon arrivée à Princeton. C'est
grâce à lui que je poursuivis mes études de doctorat. J'avais aimé sa passion pour la théologie,
son engagement en faveur de la justice sociale, sa manière courageuse de partager son
expérience en classe. En tant que spécialiste et enseignant, il était tout ce que j’aspirais à
devenir.
Au cours de ma dernière année au séminaire, Jim apprit qu'il était atteint d'un cancer incurable.
Je suivis tous les cours qu'il dispensa cette année-là. La meilleure manière d'apprendre la
théologie, c'est de s'asseoir aux pieds de quelqu'un qui sait qu'il est en train de mourir et qui
veut partager ce qu'il aime le plus pendant le temps qui lui reste. Jim mourut, neuf mois plus
tard, au cours de ma première année à Princeton. Pourtant, je jure qu'il réapparut dans mon
rêve.
Alors que le cours que j’étais en train de donner s’achevait et que les élèves partaient, Jim se
rapprocha pour venir s'asseoir à table en face de moi. Il me considéra avec les yeux d'un père
(ou d'un aîné) er et me dit : " Je t'aime, Belden... et je désire que tu saches que je n'aurais pas
pu mieux donner ce cours, si je l'avais fait moi-même...'' Sur le coup, je fus gagné par le
sentiment euphorique d'être reconnu, d’être aimé par un professeur qui était mort et qui était
revenu pour moi, par un père qui était parti, quand j'avais treize ans, mais qui était toujours là
pour moi, par un Dieu qui, je le savais dorénavant, m'avait eectivement appelé à enseigner. Je
me réveillai, tout en scandant encore et encore "Abba, Abba ... Papa..." Si j'étais resté endormi,
je subodore que j'aurais parlé en langues pour la première fois de ma vie.
L'automne suivant, je retournai au séminaire de Princeton an d’y suivre une deuxième année
de cours. Rien ne fut plus facile, la diérence étant que j'avais arrêté de faire semblant, et que je
laissais désormais transparaître ma vulnérabilité. Un après-midi, dans le cadre de longs travaux
dirigés, nous luttions avec les complexités de l'herméneutique d'Augustin en nous référant à
des articles allemands et français qui nous avaient été assignés. Par la suite, je quittai la classe