QU’EST-CE QUE L’ÉCONOMIE DU CŒUR ? STEPHEN FULDER Stephen Fulder est le fondateur de l'Israel Insight Society (Tovana), et il figure parmi les enseignants spirituels les plus éminents d'Israël. Fort de 40 ans d'expérience personnelle approfondie de la méditation vipassana/pleine conscience et de la pratique du dharma, il a guidé des milliers de personnes dans l'exploration des enseignements bouddhistes, la pratique de la méditation et la redécouverte de la magie de l'instant présent au cours de ces 20 dernières années. Il est également l'auteur d'une quinzaine de livres sur des sujets en rapport avec la santé. Voici un chapitre extrait de son livre ‘’What’s beyond mindfulness ? Waking up to this precious life’’ Dana, dans la langue pali de l'ancien bouddhisme, signifie générosité ou don. Il s'agit d'une qualité humaine essentielle, qui revêt une grande importance dans la pratique spirituelle bouddhiste et la vision du monde qui l'accompagne. Elle est la pierre angulaire de la culture religieuse des sociétés et des pays bouddhistes depuis des milliers d'années. Dans les villages thaïlandais, le don de nourriture, d'offrandes et de biens est souvent la façon dont les Thaïlandais se définissent en tant que bouddhistes. Quand des jeunes Thaïlandais ou Birmans entrent pour la première fois dans un monastère pour devenir moines, ils ne débutent généralement pas leur apprentissage avec des instructions sur la méditation. Au lieu de cela, ils passent généralement beaucoup de temps à servir et à donner aux autres. On considère cela comme une purification essentielle du paysage intérieur, une diminution de l'importance de l’ego, et donc comme une force puissante pour réussir dans la pratique ultérieure de la dévotion, de la méditation, etc. Laissons de côté ses racines et son contexte bouddhistes, pour l'instant, et considérons dana à la fois comme une qualité personnelle, une vérité profonde touchant la nature des choses, et une source d'action et de sens dans notre vie. On comprend qu'il s'agit de bien plus que de la simple générosité. Ce n'est pas seulement une question d'argent. C'est le processus par lequel on se donne aux autres. Il s'agit d'ouvrir son cœur pour écouter et ressentir ce dont l'autre a besoin, et de donner en conséquence. Il peut s'agir d'argent, mais aussi de nourriture, d’éducation, d'enseignements, d'attention, de respect, de bienfaits qui valent souvent beaucoup plus que de l'argent. Il peut s'agir du don de son temps à autrui, qu'il s'agisse d'une mère qui se dévoue complètement à son enfant, jour et nuit, quand cela lui convient ou non, ou d'un soignant qui aide un patient. Cela peut être assez subtil. Nous pouvons par exemple avoir tendance à mettre nos proches sous pression, à les critiquer ou à les dénigrer. Dana peut être le don d'un espace et d'une liberté aux autres pour leur permettre d'être eux-mêmes, le don de notre amabilité et de notre sympathie, plutôt que de notre négativité. L'allaitement au sein est un bel exemple de dana. La mère ne donne pas son lait uniquement si elle en retire un avantage ou une récompense. Elle n'essaie pas d’en conserver le plus possible et de ne pas le verser. Ce serait pénible et douloureux. Elle ne mesure pas non plus son lait en fonction du nombre de sourires qu'elle reçoit en retour. Elle et son bébé ne font qu'un, unis dans une dynamique fluide de don et d'accueil. Certains d'entre nous trouvent difficile de lâcher prise et de donner, alors que d'autres trouvent plus facile de donner aux autres, mais pas aussi facile de recevoir des autres. Or, dana comprend les deux. Le don ne se fait pas dans une seule direction - il se fait dans toutes les directions, aussi à soi-même. Ce qui signifie que cela englobe également le fait de recevoir. Le don est une forme essentielle de communication via laquelle le donneur et le receveur sont unis et connectés par une action primordiale universelle.1 Donner et recevoir, c’est bien plus qu’être bienveillant ou qu'un impératif moral. Dana est un mouvement de l'âme au sein de l'atmosphère et de la communauté, qui est ressenti comme une facilité, une douceur et une absence de pression. Soulignons encore que dana aide à voir le monde sous l’angle de l’être plutôt que de l'avoir. Et comme ce mouvement est à la base de la réalisation spirituelle, dana est une aide directe à l'Eveil. Dana est source de joie et de libération, alors que la tendance constante à vouloir plus, à être insatisfait de ce que l'on a est source de souffrance. 1 Voici un magnifique exemple : ❖ https://studylibfr.com/doc/10180914/redonner-un-sens-%c3%a0-la-vie---magazine-heart2heart-deradio... Redonner un sens à la vie – Magazine Heart2Heart de Radio Sai Global Harmony, NDT. Pour ces raisons, dana est à présent devenu le principe de fonctionnement de la plupart des retraites vipassana. En tant qu'enseignant, depuis 20 ans, je n'ai pas réclamé de montant fixé à qui que ce soit, mais je laisse juste une boîte à disposition pour que ceux à qui j'enseigne puissent exprimer leur soutien et leur appréciation d'une manière réelle et concrète. Cela permet de payer les factures. Parfois, j’enseigne pour des organisations qui ont un mode de paiement fixe, et je me contente alors de suivre ce qu'elles ont l'habitude de faire. Tout comme un cours de méditation prodigue dana en termes d'enseignements, d'hébergement, d’attention et de soutien, les participants offrent aussi dana en retour. Donner et recevoir. En Israël, où j'enseigne principalement, l'association que j'ai fondée (Israel Insight Society - Tovana) fonctionne également sur la base de dana. Cela signifie que personne n'est invité à l'avance à payer le cours résidentiel, la nourriture, l'hébergement ou les frais généraux pour faire fonctionner l'association. Les participants offrent dana à la fin de la retraite. La confiance et l'aisance que cela engendre dans les retraites sont profondes et tangibles. Il s'agit d'une économie alternative, d'une économie du cœur, où chacun donne selon ses moyens et selon son cœur, plutôt qu'en fonction d'un prix fixé. Le résultat est remarquable : beaucoup de jeunes, d'étudiants ou de militaires participent maintenant aux retraites, et l'âge moyen des participants diminue, alors que dans d'autres lieux où l'hébergement résidentiel est payant, l'âge moyen augmente, puisque seuls ceux qui sont bien établis financièrement peuvent se le permettre. Cela fonctionne-t-il ? Cela fonctionne tout juste. Les cours s'autofinancent plus ou moins. Le problème est souvent d'éduquer les gens à cette économie différente. Venant d'une vie où chacun s'efforce de tirer le meilleur parti de l'autre, certains sont déconcertés : c'est bizarre, presque trop beau pour être vrai : ‘’Il doit y avoir un piège !’’ Il n'y a aucun piège. C'est dana. Il s'agit aussi d'un mode de fonctionnement traditionnel. Vous pouvez vous rendre dans un monastère ou dans un centre de méditation en Birmanie, y séjourner pendant un an et personne ne vous réclamera de l'argent. La population locale entretient les moines avec des dons de nourriture, une des principales pratiques des communautés bouddhistes traditionnelles.2 Les moines offrent en retour le don de l'enseignement, de la guérison et des soins pastoraux. Le principe sous-jacent, c’est que les enseignements spirituels sont le droit de naissance de chacun d'entre nous. Ils ne peuvent pas être achetés, ni vendus. Leur valeur est bien supérieure à l'argent. Personne ne devrait tirer profit de votre aspiration 2 Voici un exemple plutôt marquant de la générosité extraordinaire de ces populations : ❖ https://studylibfr.com/doc/10180961/la-v%c3%a9ritable-g%c3%a9n%c3%a9rosit%c3%a9---catherineingram La véritable générosité – Catherine Ingram spirituelle. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas dans le monde des enseignements spirituels, pas toujours très net par rapport à l'argent. Les enseignants spirituels qui soutirent de l'argent à leurs élèves devraient apprendre le principe de dana.3 Mais dana va plus loin. Le principe de dana est une perspective de vie plutôt qu'une perspective personnelle. Nos actions peuvent être guidées par l'intuition que toute la vie est un flux et un échange dynamique. Tout, y compris notre propre corps, est reçu et redistribué. Souvent, l'être humain qui est en proie à l'insécurité ne voit pas le flux du don, et il vit dans l’illusion pénible qu'il peut s'accrocher aux choses, les retenir et les accumuler. C'est un arrêt du flux de la vie, un genre de mort. La pratique de dana n'est donc pas juste la pratique du don. Il s’agit de découvrir et de réaliser avec une clarté et une conviction totales 3 Mon site web, Partage-pdf.webnode.fr s’inspire tout à fait de cette ancienne tradition de proposer gratuitement des enseignements spirituels de qualité, tout en débordant du cadre du bouddhisme, qui n’a bien sûr pas le monopole pour cela. Initialement, je le faisais sur une plus vaste échelle, via le site Scribd (entre 2009 et 2016), mais ce méga site est malheureusement devenu payant pour les personnes qui voulaient bénéficier de la lecture et du téléchargement des documents. C’est regrettable (les statistiques indiquaient plus de 360 000 vues à partir de dizaines de pays sur cinq continents), et j’ai dû me résoudre à une alternative plus personnelle et plus modeste, et j’utilise maintenant aussi le site Studylib qui permet des téléchargements libres et gratuits, ce qui préserve dana, NDT. (Par ailleurs, il serait peut-être utile d’insister sur un enseignement gratuit de qualité, depuis la maternelle jusqu’à l’université, comme le proposent les institutions pédagogiques de Sathya Sai Baba en Inde et dans quelques autres pays… https://www.youtube.com/watch?v=ZQ8WKKJASm8&t=3s ) une vérité essentielle de la vie. Lorsque nous la connaitrons intimement dans notre être, nous la vivrons. Et vivre au rythme de dana est un Eveil joyeux…4 Partage-pdf.webnode.fr 4 Et parfois surprenant et extraordinaire, comme en témoigne ici avec beaucoup de talent et de ferveur Aravind Balasubramanya, un ancien étudiant de Sathya Sai Baba : ❖ https://studylibfr.com/doc/10180969/le-don-supr%c3%aame-de-la-vie-rendu-par-sri-sathya-sai%c3%a0-la-m%c3%a8... Le don suprême de la vie rendu par Sri Sathya Sai à la mère d’un étudiant – Aravind Balasubramanya, NDT.
