PMIPS Travaux Pratiques d’initiation à l’AFM pour les formations en Nanosciences de l’Université Paris­Sud 11. Alexandre Dazzi, Université Paris‐Sud 11, PMIPS, Laboratoire de Chimie Physique, bâtiment 201‐P2, Orsay [email protected]‐psud.fr Introduction Plusieurs travaux pratiques concernant les microscopes à hautes résolutions ont été développés et introduits dans le cadre des formations en nanosciences de l’Université ParisSud 11 (niveau master1 et master2), comme l’initiation au microscope à transmission électronique (TEM), l’initiation à la microscopie à effet tunnel (STM) et l’initiation à la microscopie à force atomique (AFM). La mise en place des travaux pratiques a nécessité la contribution de nombreux partenaires, le département de physique de l’université Paris-sud 11 qui a investi pour l’achat des microscopes à effet tunnel et microscopes à force atomique, les laboratoires qui accueillent les travaux pratiques en fournissant les salles d’expériences et le CNFM qui a financé l’achat d’un microscope AFM et qui avec les filières d’enseignement participe aux frais de fonctionnement Le but des travaux pratiques d’initiation à la microscopie à force atomique est de familiariser les étudiants de niveau Master1 et Master2 aux techniques de microscopie pour les nanosciences. Le microscope à force atomique est l’outil de microscopie champ proche le plus utilisé que ce soit dans les laboratoires pour des applications très spécifiques ou que ce soit par les industriels pour l’analyse des surfaces par exemple. Ce microscope est assez facile d’utilisation et permet d’étudier n’importe quel type de surface. Les travaux pratiques sont donc articulés autour de deux approches, la première concerne les étudiants de Master1 pour lesquels le but est de les familiariser avec les notions de force et topographie et des les former pour qu’il soit capable de réaliser leurs propres images, la deuxième approche est plus poussée pour les étudiants de Master2 car les notions étudiées concernent les comportements mécaniques des matériaux par l’analyse des courbes de forces ou par les imageries en contraste de phase. Les filières de Master1 qui profitent de cette formation sont : le Master de Physique fondamentale et de Physique appliquée, le Master Information Systèmes et Technologie de l’Université Paris-Sud 11 et les étudiants de l’IFIPS (Institut de Formation d’Ingénieur de l’Université Paris-Sud 11). Les filières de Master2 qui proposent ce module sont : les parcours recherche et professionnel de la spécialité « micro et nanotechnologie », la spécialité recherche chimie inorganique. Toutes ces filières représentent en moyenne un total d’une centaine d’étudiants par an qui bénéficient de cette formation. A) Déroulement des travaux pratiques Les travaux pratiques se déroulent sur deux séances de 4h chacune. Chaque séance comporte l’étude d’un mode de fonctionnement de l’AFM, la première concerne le mode de fonctionnement statique (mode contact) et la deuxième concerne le mode de fonctionnement dynamique (mode oscillant). P36 PMIPS B) Description du mode statique 1) Prise en main de l’AFM Les étudiants commencent leur apprentissage par l’optimisation des réglages du microscope. Ils effectuent eux-mêmes l’approche du levier vers la surface d’une grille de calibration, puis découvrent les différents paramètres de contrôle du microscope en imagerie à force constante, comme les réglages des gains de la boucle d’asservissement, le réglage de la correction de parallélisme pour ensuite obtenir une image le plus proche possible de la réalité. En effet, nous insistons sur un point extrêmement important en microscopie de champ proche, c’est que l’image obtenue dépend fortement de l’utilisateur. Il est donc nécessaire de tester tous les paramètres pour vérifier que l’image sur l’écran n’est pas un artéfact, par exemple en visualisant systématiquement les images aller et retour, ou en étudiant le signal d’erreur. 2) Étude d’un CD et DVD Une fois que les étudiants ont acquis ces notions, ils changent d’échantillons et doivent étudier 2 types de surfaces. La première est une surface de CD, côté polycarbonate (plastique) et l’autre est une surface de DVD, côté métal. Ces deux surfaces sont issues de support pressés, c’est à dire que les données ont été fabriquées par un industriel (sous presse) et non pas avec un système de gravure optique (comme le DVD-R ou +R). Les étudiants doivent étudier les deux supports et chercher les différences. Les images 1 et 2 représentent respectivement des images d’un CD et d’un DVD. Image1 : Surface d’un CD Image2 : Surface d’un DVD Il apparaît nettement que la surface du DVD est plus dense en information que celle du CD. En mesurant les dimensions des plots qui codent l’information et les distances entre les pistes, les étudiants doivent calculer le rapport de compacité, c’est à dire le gain surfacique entre un DVD et un CD et comparer ce résultat avec le gain correspondant à la taille mémoire (4,7Go/0,7Go). De plus en mesurant la hauteur des plots, ils doivent retrouver la longueur d’onde de la diode laser utilisée pour la lecture. Nous invitons les étudiants à également chercher comment fonctionne une tête de lecture. P36 PMIPS 3 ) Étude des courbes de forces Pour comprendre le fonctionnement d’un AFM, il est indispensable de comprendre une courbe de force. Cette courbe représente comment la force appliquée à la pointe va agir sur le levier du microscope. D’une manière générale, le levier se comporte comme un ressort dont la constante de raideur est très faible, de 0,1 N/m à 0,03 N/m selon les constructeurs. De cette manière, lorsqu’on applique une force sur la pointe, c’est le levier qui se déforme et non pas la surface ou la pointe. Tout se passe comme une compétition entre la raideur de contact entre la pointe et la surface et la raideur du levier. Dans la mesure ou les échantillons étudiés sont assez rigides, il n’y a pas de dégradation de la surface et c’est la déformation du levier que l’on mesure. L’image 3 représente une courbe de force typique obtenue dans l’air. Image 3 : Courbe de force sur silicium (k=0,1 N/m) On peut remarquer la présence d’un cycle d’hystérésis assez important (qq nN) qui démontre ici la présence d’un film d’eau sur la surface. Dans la mesure où l’on travaille dans l’air, on constate qu’il n’est pas possible de travailler avec des forces attractives. Dès que la pointe approche de la surface, un ménisque se forme et précipite la pointe dans la surface. Dans ces conditions, le seul mode de fonctionnement du mode statique est le mode contact. Les étudiants doivent à partir de ce graphe représenter la forme du levier aux différentes zones de la courbe et déduire la valeur de la force de capillarité. -Pour les Master2 L’intérêt des courbes de forces semble limité par la présence de l’eau. Ce n’est pas le cas si on souhaite étudier les comportements mécaniques des objets. Précédemment les étudiants ont pu étudier comment le levier se déforme quand on l’approche de la surface. Dans cette partie, les étudiants comparent sur le même échantillon deux leviers différents: un levier de constante de raideur k1=0,1 N/m et un levier de constante k2=30 N/m. Les images 4 et 5 représentent les courbes de force sur une bactérie séchée des deux leviers k1 et k2. P36 PMIPS Image4 : Courbe de force sur bactérie (k1=0,1N/m) Image5 : Courbe de force sur bactérie (k1=30 N/m) Cette étude montre que dans le premier cas (image 4) le levier est tellement souple qu’il « voit » la bactérie comme un objet rigide (c’est lui qui plie quand on applique une force). Par contre, dans le deuxième cas (image 5) on constate que la réponse n’est plus linéaire ce qui traduit l’indentation de la pointe dans la bactérie. A partir de la deuxième courbe les étudiants peuvent estimer le module d’Young de la bactérie séchée. C) Description du mode dynamique Le mode dynamique nécessite la compréhension de notions associées aux oscillateurs harmoniques et aux oscillateurs non linéaires. Les étudiants apprennent à passer en mode dynamique et à chercher le mode de résonance du levier. Ensuite, ils réalisent plusieurs courbes d’approches-retraits pour calibrer le microscope. Une fois ces réglages terminés, les étudiants cherchent à travailler en mode « tapping », c’est à dire en mode contact intermittent. Les analyses de la phase de l’oscillateur lorsqu’il entre en interaction avec la surface permettent de choisir convenablement l’amplitude d’oscillation du levier. 1) Étude des bactéries Dans cette partie les étudiants doivent réaliser des images de bactéries E.coli séchées. La hauteur de ces bactéries (plusieurs centaines de nanomètres) oblige les étudiants à chercher les bons paramètres de réglages du microscope. Lorsqu’ils ont réussi à imager correctement les bactéries, ils étudient l’image de phase correspondante. Les images de phase sont généralement utilisées pour mettre en évidence des régions « molles » de la surface, mais de nombreux artéfacts peuvent compromettre l’analyse directe de ces images. Le but de cette partie est de sensibiliser les étudiants à ce type de problème et de leur montrer comment vérifier la validité d’un contraste de phase. Les images 6 et 7 représentent respectivement la topographie de bactéries et l’image de phase correspondante. P36 PMIPS Image6 : Bactéries E.coli Image7 : Image de phase Sur ces images on constate que la phase à la même valeur sur le silicium (surface) que sur les bactéries. Ceci permet de conclure immédiatement que les bactéries apparaissent parfaitement rigide et que le levier ne permet pas d’étudier les propriétés mécaniques des bactéries. Les paramètres qui entrent en jeu pour décrire la sensibilité de la phase sont assez complexes. Le facteur de qualité du levier ne doit pas être trop élevé et sa raideur doit être assez grande. L’idée reste la même que pour le mode statique, si le levier est trop souple il voit tous les matériaux comme durs. 2) Étude du film de polystyrène Pour illustrer l’intérêt de la phase, les étudiants analysent ensuite un échantillon de film de polystyrène possédant des inclusions de gommes. Les images 8 et 9 représentent les images de topographies et phases de cet échantillon. Image8 : Surface du film de polystyrène Image9 : Image de phase L’image de phase montre une zone parfaitement noire qui ne coïncide pas avec la topographie. Ce contraste semble être lié à la nature molle de la gomme. Cependant pour vérifier que le contraste est réellement associé à la différence de dureté, les étudiants effectuent plusieurs courbes d’approches-retraits. P36 PMIPS -Pour les Master2 L’analyse des images de phase est également réalisée sur des billes de polystyrène où l’on peut montrer un contraste de phase uniquement lié à la quantité d’eau adsorbée entre la surface de silicium et la bille. Ce contre-exemple permet de mieux comprendre les risques d’une analyse des images de phase trop succincte. Pour illustrer également les performances du microscope AFM nous proposons aux étudiants de visualiser des virus T5 qui font une taille de 90 nm de diamètre et ont une forme icosaédrique (20 facettes). Grâce à la bonne résolution associée au mode « tapping », il est parfois possible d’imager les facettes du virus (image 10 et 11). Image10 : Virus T5 Image11 : Image de phase Conclusion et perspectives Ces travaux pratiques permettent aux étudiants de se former à la microscopie AFM sur les deux modes de fonctionnement les plus couramment utilisés, le mode « contact » et le mode « tapping ». Les différents échantillons permettent d’aborder des notions de physique simple sur les propriétés mécaniques des matériaux et le comportement des oscillateurs. L’étude des CD et DVD fait découvrir aux étudiants comment fonctionne l’un des médias le plus utilisé au monde. L’analyse des bactéries et des virus les sensibilise à la biologie et leur montre que des outils de nanoscience peuvent également servir pour la biologie. Dans la mesure où les technologies de stockage de l’information évoluent sans cesse, j’ai ajouté cette année l’étude d’un morceau de HD-DVD. Les étudiants doivent également mesurer les différentes dimensions et retrouver le facteur de compacité entre un DVD et un HD-DVD. En ce qui concerne le mode « tapping », j’envisage d’étudier des dépôts d’agrégats d’argent pour montrer que seul le mode dynamique permet l’imagerie d’objet non adhérent. De plus pour compléter l’étude de l’imagerie de phase, je pense également étudier un autre type de bactérie pour mettre en évidence des poches de polymères à l’intérieur de cette bactérie uniquement visible par imagerie de phase. P36