"Au niveau subtil, vous avez accès à toute une pluralité de formes de
mysticisme de la déité — illuminations intérieures, nada, shabda, divers
samadhis ou états méditatifs, au saguna Brahman (la Déité avec forme), à la
prière du cœur, au yoga du rêve, à la plupart des domaines du bardo, etc. C'est
le domaine subtil du mysticisme de la déité. Parce que l'âme subtile
transcende, mais comprend le domaine sensorimoteur grossier, au niveau du
mysticisme de la déité, vous avez aussi accès au mysticisme de la nature, donc
ils ne s'excluent pas. Mais les mystiques de la nature, de moindre niveau, ont
tendance à penser que vous êtes cinglé."
"Et le causal..."
"C'est le foyer du mysticisme sans forme — le Vide pur, l'Abîme, le Non-Né, ayn,
nirodha, nirvikalpa, jnana samadhi, le Nirvana classique ou la cessation. Cette
expérience (ou cette "non-expérience") de la cessation est sans équivoque et
indélébile. Et si quelqu'un a fait l'expérience directe de cet état et s'il écrit des
livres spirituels, croyez-moi, il écrira à ce sujet ! Et vous sentirez intuitivement
que cette personne sait de quoi elle parle."
"Vous mentionnez aussi le non-duel."
"Oui, une fois que vous dépassez le sans-forme causal - qui est le foyer du pur
Témoin - alors le Témoin lui-même se fond dans tout ce qui est observé à travers
les trois états. Le Vedanta appelle ça sahaja, l'union spontanée du nirvana
(vide) et du samsara (forme). Les Tibétains parlent d’une Saveur Unique, toutes
les choses, dans tous les états, ayant la même saveur divine. Les Taoïstes
disent ziran, "de soi-même ainsi", ou parfaitement spontané. Ainsi, lorsqu’une
personne ici dit "Toutes les choses sont Une", elle veut dire que chaque chose,
dans le grossier, le subtil et le causal, a la même Saveur Unique. Et c'est très
différent de quelqu'un qui n'est éveillé que dans le monde grossier et qui dit
"Toutes les choses sont Une."
"D’accord, je vois. C'est pourquoi vous avez dit que…’’ - il jeta un coup d'œil à
ses notes - "c'est l'état subjectif du locuteur, et non le contenu objectif des
mots, qui détermine la vérité de son propos."
"Oui, c'est correct."
"Nous avons donc un genre d'unité au niveau psychique, au niveau subtil, au
niveau causal et au niveau non duel."
"Essentiellement, oui. Et ceux-là ne couvrent que les formes transpersonnelles,
transrationnelles d'unité ou d'union. Il existe aussi des formes primitives,
prérationnelles, pré-personnelles d'"unité" ou de fusion. Il y a la fusion
archaïque ou pléromatique, ou l'unité avec le monde physique (qui est typique
de la première année de la vie). Il y a l'animisme magique, ou l'indissociation du
sujet émotionnel et de l'objet, une sorte d'unité au niveau vital (typique des 1-4
ans). Et il y a le syncrétisme mythique, ou l'unité des fusions symboliques
(typique des 4 à 8 ans). Bien sûr, comme l'a souligné Jean Gebser, ces modes
primitifs de cognition - archaïque, magique et mythique - sont toujours
disponibles pour chacun d'entre nous, même s’ils s'intègrent à des