Fascicule Oedipe Un personnage complexe 1. INTRODUCTION Vidéo : Arte, les grands mythes, épisode 12, Oedipe, le déchiffreur d'énygme, 2016. Tâche 1 : replace les éléments du mythe « classique » dans l'ordre en t'aidant des légendes. Consultation de l'oracle de Delphes par Laïos sur sa descendance n° : Annonce, à Thèbes, du meurtre du roi Laïos. n° : Retrouvailles accablantes avec le berger qui avait dû abandonner Oedipe. n° : Abandon de l'enfant non désiré par un berger sur ordre de Laïos. n° : Oedipe roi de Thèbes et mariage avec Jocaste. n° : Laïos éducateur de Chrisippe. n° : Annonce par la pythie de Delphes des crimes à venir d'Oedipe. n° : Suicide de Chrisippe et malédiction. Résolution par Oedipe de l'énigme du Sphinx. n° : n° : Oedipe/1 Retour de Laïos à Thèbes et Enquête conduite par mariage avec Jocaste. Oedipe pour retrouver le meurtrier de Laïos. n° : n° : Adoption du jeune enfant par le couple royal de Corinthe, qui le nomme Oedipe. n° : Thèbes frappé par la peste. Fuite d'Oedipe et altercation mortelle, à un carrefour avec un homme âgé. n° : Mort de Polybe, roi de Corinthe, et révélation à Oedipe de son adoption. n° : Incident lors d'un banquet, où Oedipe apprend qu''il n'est pas l'enfant biologique de Polybe, roi de Corinthe. n° : Suicide de Jocaste et automutilation d'Oedipe. Nouvelle consultation de l'oracle de Delphes, qui annonce que l'assassin de Laïos se cache à Thèbes. n° : Mort de Labdakos, roi de Thèbes Fuite d'Oedipe, devenu un Exil de Laïos, encore enfant, « paria », soutenu par sa fille suite à l'usurpation du trône Antigone de Thèbes. n° : n° : n° : Oedipe/2 2. GENEALOGIE Replace, sous forme d'arbre généalogique, les liens entre les personnages suivants (placés par ordre alphabétique. Parmi eux figure un groupe de personnes, marqués d'une étoile (*). *Antigone, Ismène, Polynice, Eteocle* - Créon Jocaste – Labdakos – Laïos – Méropé – Oedipe – Polybe 3. QUESTIONS POSEES PAR LE FILM a) Oedipe, le coupable d'abominations ? b) Oedipe, la victime du destin et de ses oracles ? => quelle sont les réactions du personnage face à ces deux extrêmes ? 4 .TRAGEDIE ET TRAGIQUE « Quel est cet être que la tragédie qualifie de deinos, monstre incompréhensible et déroutant, à la fois agent et agi, coupable et innocent, lucide et aveugle, maîtrisant toute la nature par son esprit industrieux et incapable de se gouverner lui-même ? Quels sont les rapports de l'homme avec l'acte dont on le voit sur scène délibérer, prendre l'initiative et porter la responsabilité, mais dont le sens véritable se situe au-delà de lui et lui échappe, de telle sorte que c'est moins l'agent qui explique l'acte, mais plutôt l'acte qui, révélant après coup sa signification authentique, revient sur l'agent, découvre ce qu'il est et a réellement accompli sans le savoir ? Jean-Pierre VERNANT, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, p. 24. a) la définition d'Aristote (vidéo pédagogique de Robin Cauche, 2016) https://www.youtube.com/watch?v=eRxj0guhpgM => Donne l'étymologie du terme « tragédie » et explique les différents éléments de la définition d'Aristote. Oedipe/3 b) la tragédie, un événement religieux mais aussi civique Extraits de « la tragédie grecque » de Jacqueline de Romilly, 1970 Texte 1 Tout d’abord – on l’a dit et redit- la tragédie grecque a sans nul doute une origine religieuse. Cette origine était encore fortement sensible dans les représentations de l’Athènes classique. Et celles-ci relèvent ouvertement du culte de Dionysos. On ne jouait de tragédies qu’aux fêtes de ce dieu. La grande occasion, à l’époque classique, était la fête des Dionysies urbaines, qui se célébrait au printemps ; mais il y avait aussi des concours de tragédie à la fête des Lénéennes, qui se déroulait vers la fin de décembre. La représentation elle-même s’insérait donc dans un ensemble éminemment religieux ; elle s’accompagnait de processions et de sacrifices. D’autre part, le théâtre où elle avait lieu, et dont on visite encore aujourd’hui les restes, fut, à diverses reprises, reconstruit mais c’était toujours le « théâtre de Dionysos », avec un beau siège de pierre pour le prêtre de Dionysos et un autel du dieu au centre, là où évoluait le chœur. Ce chœur lui-même, par sa seule présence, évoquait le lyrisme religieux. Et les masques que portaient choreutes et acteurs font assez facilement penser à des fêtes rituelles de type archaïque. Tout cela trahit une origine liée au culte, et peut assez bien se concilier avec ce que dit Aristote (Poétique, 1449 a) : selon lui, la tragédie serait née d’improvisations ; elle serait issue de formes lyriques comme le dithyrambe (qui était un chant choral en l’honneur de Dionysos) ; elle [la tragédie] serait donc, de même que la comédie, l’élargissement d’un rite. Texte 2 Toutefois, lorsque l’on parle d’une fête religieuse, à Athènes, il faut bien se garder d’imaginer une séparation comme celle que peuvent comporter nos Etats modernes. Car cette fête de Dionysos était également une Fête nationale. On n’allait pas au théâtre, chez les Grecs, comme on peut y aller de nos jours – en choisissant son jour et son spectacle, et en assistant à une représentation répétée chaque jour tout au long de l’année. Il y avait deux fêtes annuelles où se donnaient des tragédies. Chaque fête comportait un concours, qui durait trois jours et, chaque jour, un auteur, sélectionné longtemps à l’avance, faisait représenter à la suite, trois tragédies. La représentation était prévue et organisée par les soins de l’Etat, puisque c’était un des hauts magistrats de la cité qui devait choisir les poètes et choisir, également, les citoyens riches chargés de pourvoir à tous les frais. Enfin, le jour de la représentation, tout le peuple était invité à venir au spectacle : dès l’époque de Périclès, les citoyens pauvres pouvaient même toucher, à cet effet, une petite allocation. Par suite, ce spectacle revêtait le caractère d’une manifestation nationale. Et le fait explique à coup sûr certains traits dans l’inspiration même des auteurs de tragédies. Ceux-ci s’adressaient toujours à un très large public réuni pour une occasion solennelle : il est normal qu’ils aient cherché à l’atteindre et à l’intéresser. Ils écrivaient donc en citoyens s’adressant à des citoyens. => donne une explication synthétisée des deux passages en gras. Oedipe/4 5. OEDIPE OU LE DRAME DE LA CONNAISSANCE : « OEDIPE ROI » DE SOPHOCLE a) Contexte de la vie de Sophocle (497-405) b) Plan d’Œdipe-Roi (v. 425) Prologue : le prêtre de Zeus avec des suppliants implore Œdipe d'aider Thèbes en proie à une pestilence. Créon revient de Delphes où Apollon exige le châtiment du meurtrier de l'ancien roi Laïos. Parados : lamentations du Chœur de vieillards sur la cité. Ils demandent la protection des dieux. Épisode 1 : malédiction du meurtrier de Laïos par Œdipe. Arrivée du devin Tirésias. Il refuse de parler. Mais forcé par Œdipe, il divulgue la terrible vérité. Stasimon 1 : le Chœur annonce le châtiment du coupable. Épisode 2 : Œdipe accuse Créon de comploter avec l'aide de Tirésias. Jocaste raconte à Œdipe le meurtre de Laïos : trouble d'Œdipe qui raconte sa propre aventure. Jocaste le rassure. Laïos est mort frappé par des brigands. On amène le témoin de cette affaire. Stasimon 2 : condamnation de la démesure. Épisode 3 : un messager venant de Corinthe annonce la mort du roi Polybe qu'Œdipe croyait être son père. Il lui raconte ce qui lui est arrivé vraiment, son arrivée à Corinthe et le fait qu'il a été confié au roi par un berger thébain. Jocaste qui a compris rentre dans son palais. Stasimon 2 : chœur sur l'origine divine d'Œdipe. Épisode 4 : arrivée d'un vieux serviteur témoin du meurtre de Laïos qui est aussi le berger dont parlait le messager. Œdipe apprend qui il est. Stasimon 4 : lamentation sur la fragilité du bonheur humain. Exodos : récit du suicide de Jocaste et mutilation d'Œdipe. Réflexion d'Œdipe sur son destin. Il exige ensuite qu'on l'exile. Créon amène ses filles et le convainc de rester. Lexique : Parados : chant d’entrée du choeur Stasimon : chant du chœur qui commente l’action sans participer directement à celle-ci Episode : passage mettant en scène les personnages qui font avancer l’action Oedipe/5 c) quelques références 1. Le fléau – la peste. Extrait de « Qu’est-ce qu’un dieu grec » de Pierre Sineux, professeur d’histoire grecque à l’université de Caen, pp. 122-123 « La colère des dieux et, pour les hommes, la dimension redoutable qu’elle peut prendre, constituent l’une des composantes du divin en tant que tel et de la perception que les hommes en ont. Le plus souvent, la colère (mênis) est la conséquence d’une faute commise par les hommes, volontairement ou involontairement et elle entraîne leur malheur, mais elle est d’abord une expression de la puissance du dieu grec [...]. D’une certaine manière, toutes les formes de fléau naturel, que ce soit maladie humaine ou maladie du bétail, disgrâces de toutes sortes, peuvent être considérées comme la conséquence d’une faute dont il faut trouver l’origine en s’adressant aux dieux euxmêmes. 2. Oracle et divination. Idem, pp. 111-112. La volonté des dieux s’exprime soit par des signes, sollicités ou spontanés, soit par la parole, qui est relayée par celle des prophètes directement inspirés par eux. La divination repose sur la conviction que les dieux se soucient du sort des hommes et qu’il est possible d’établir une communication avec eux. Dans tous les cas de figure, il faut prendre en compte la faillibilité humaine et les risques que la parole des dieux soit mal interprétée. Or, en dépit de la liberté d’interprétation que les signes envoyés par les dieux autorisent, ceux-ci ont, pour les Grecs, un caractère éminemment contraignant, et il y a toujours quelque danger à en ignorer le sens [...]. Pour les affaires dont l’issue est incertaine, les Grecs [y] recourent. Zeus et Apollon sont les deux divinités qui sont les plus aptes à s’adresser aux hommes et Olympie et Delphes sont leurs oracles les plus prestigieux [...]. Les oracles assistent les hommes en les aidant à faire des choix ou en mettant en sceau sur les décisions collectives plutôt qu’en prédisant le futur [...]. A Delphes [...], le moment central de la consultation est l’interrogation de la Pythie censée prêter sa voix au dieu qui s’exprimer à travers elle : c’est une Delphienne nommée à vie qui se fait l’instrument de l’oracle, porte-parole du dieu au service duquel elle vit, en contact permanent avec lui et habitant dans son sanctuaire, à l’abri des souillures. Sans compétence ni vocation particulière, la Pythie est soumise à l’inspiration divine, à l’enthousiasmos (« possession par le dieu ») [...]. 3. Tradition et pensée nouvelle dans l’Athènes de Sophocle. Extrait de « une histoire de la raison », du philosophe François Châtelet. Un nom reste attaché à cette période, celui de Périclès. On parle de « siècle de Périclès ». Je rappellerai, ironie de l’histoire, que ce « siècle » a duré trente ans. Mais on a raison de la qualifier de « siècle », tant il s’est passé de choses en trente ans. Dans l’Athènes périclèenne, il se produit une véritable accélération de l’histoire. En réalité, il y a deux forces en présence. En face des sophistes se maintient la vieille tradition religieuse. Pour ne parler que des aspects culturels, un certains nombre d’aristocrates, qui aiment Athènes, pensent que la ville s’engage dans une voie dangereuse. A leurs yeux, elle se livre à une débauche de dépenses et à un impérialisme quelque fois cruel. Elle s’adonne Oedipe/6 de manière éhontée au commerce et à la recherche du profit. Effectivement, dans cette démocratie athénienne, le goût de la puissance pour la puissance peut en inquiéter certains. Celle tradition trouve un écho parmi les grands poètes tragiques. D’une certaine manière, Eschyle, tout en modernisant la tradition, maintient le flambeau de la vieille conception du monde où les dieux sont omniprésents et où il faut prendre garde à ne pas les choquer. Contre cette tradition se développe donc la pensée sophistique [...]. 4. Le « mouvement » sophiste, par Claude MOSSÉ, Historienne et spécialiste de la Grèce antique. Extrait de « le procès de Socrate. Un philosophe victime de la démocratique ? » , Paris, André Versaille éditeur, 2012, pp. 51-53/ Le mouvement sophiste apparaît comme un courant qui s'est développé dans la pensée grecque dans la seconde moitié du Ve siècle. Héritier de la tradition rationaliste des Ioniens, il allait appliquer à la réflexion sur l'homme et la société la technique du débat contradictoire, née de l'expérience politique […]. Mais si les sophistes n'avaient été que des professeurs d'éloquence, ils n'auraient suscité ni autant d'enthousiasme chez les jeunes ambitieux, ni surtout autant de haines chez leurs adversaires. Il semble bien en effet que leur enseignement portait atteinte à la tradition, en ce qu'il affirmait le caractère relatif et purement circonstanciel des règles qui régissaient les sociétés humaines. Cette affirmation du caractère relatif et de l'origine humaine des lois heurtait la conception traditionnelle qui attribuait aux dieux l'initiative du nomoi, des lois. Elle rendait du même coup possible ce qu'on n'aurait pu imaginer et qui relevait du sacrilège : une mise en question de la nature même des dieux, que certains sophistes allaient jusqu'à présenter comme des créations de la pensée humaine. 5. « L’hybris » dans la tragédie grecque, présentation par le site « théâtre contemporain » pour la pièce « Ithaque » de Bortho Strauss L’ hybris désigne chez les Grecs, la démesure, l’orgueil, traits que les dieux condamnent chez les humains. Les Grecs lui opposaient la tempérance, ou modération. Dans la Grèce antique, l’hybris était considérée comme un crime. Elle recouvrait des violations comme les voies de fait, les agressions sexuelles et le vol de propriété publique ou sacrée. Dans la mythologie grecque, Hybris est une divinité allégorique personnifiant l’hybris. Si la religion grecque antique ignore la notion de péché tel que le conçoit le christianisme, il n’en demeure pas moins que l’hybris constitue la faute fondamentale dans cette civilisation. On doit la rapprocher de la notion de Moïra (« destin », « part », ou « portion »). Le destin, c'est le lot, la part de bonheur ou de malheur, de fortune ou d'infortune, de vie ou de mort, qui échoit à chacun en fonction de son rang social, de ses relations avec les dieux et les hommes. Or, l'homme qui commet l’hybris est coupable de vouloir plus que la part qui lui est attribuée par la moïra. La démesure désigne le fait de désirer plus que ce que la juste mesure du destin nous a attribué. Le châtiment de l’hybris est la némésis (« destruction »), le châtiment des dieux qui a pour effet de faire se rétracter l'individu à l'intérieur des limites qu'il a franchies. Oedipe/7 d) un extrait : une partie du dialogue entre Œdipe et Thirésias Convoqué par Œdipe pour qu’il lui révèle le nom du meurtrier le Laïos, le devin Tirésiais, vieux et aveugle, refuse de lui donner la moindre information, ce qui provoque la colère du roi. OEDIPE. - Eh bien soit ! Dans la fureur où je suis, je ne cèlerai rien de ce que j'entrevois. Sache donc qu'à mes yeux c'est toi qui as tramé le crime, c'est toi qui l'as commis- à cela près seulement que ton bras n'a pas frappé. Mais, si tu avais des yeux, je dirais que même cela, c'est toi, c'est toi seul qui l'as fait. TIRÉSIAS. - Vraiment? Eh bien, je te somme, moi, de t'en tenir à l'ordre que tu as proclamé toi-même, et donc de ne plus parler de ce jour à qui que ce soit, ni à moi, ni à ces gens ; car, sache-le, c'est toi, c'est toi, le criminel qui souille ce pays ! OEDIPE. - QUOI ? Tu as l'impudence de lâcher pareil mot ! Mais comment crois-tu donc te dérober ensuite ? TIRÉSIAS. - Je demeure hors de tes atteintes : en moi vit la force du vrai. OEDIPE. - Et qui t'aurait appris le vrai? Ce n'est certes pas ton art. TIRÉSIAS. - C'est toi, puisque tu m'as poussé à parler malgré moi. OEDIPE. - Et à dire quoi? Répète, que je sache mieux. TIRÉSIAS. - N'as-tu donc pas compris? Ou bien me tâtes-tu pour me faire parler ? OEDIPE. - Pas assez pour dire que J'ai bien saisi. Va, répète encore. TIRÉSIAS. - Je dis que c'est toi l'assassin cherché. OEDIPE. - Ah ! Tu ne répéteras pas telles horreurs impunément ! TIRÉSIAS. - Et dois-je encore, pour accroître ta fureur. . . OEDIPE. - Dis ce que tu voudras, tu parleras pour rien. TIRÉSIAS. - Eh bien donc, je le dis. Sans le savoir, tu vis dans un commerce infâme avec les plus proches des tiens, et sans te rendre compte du degré de misère où tu es parvenu. OEDIPE. - Et tu t'imagines pouvoir en dire plus sans qu'il t'en coûte rien? TIRÉSIAS. - Oui, si la vérité garde quelque pouvoir. OEDIPE. - Ailleurs, mais pas chez toi ! Non, pas chez un aveugle, dont l'âme et les oreilles sont aussi fermées que les yeux ! TIRÉSIAS. - Mais toi non plus, tu n'es qu'un malheureux, quand tu me lances des outrages que tous ces gens bientôt te lanceront aussi. OEDIPE. - Tu ne vis, toi, que de ténèbres : comment donc me pourrais-tu Oedipe/8 nuire, à moi, comme à quiconque voit la clarté du jour? TIRÉSIAS. - Non, mon destin n'est pas de tomber sous tes coups : Apollon n'aurait pas de peine à te les faire payer. OEDIPE. - Est-ce Créon ou toi qui inventas l'histoire ? TIRÉSIAS. - Ce n'est pas Créon qui te perd, c'est toi. OEDIPE. - Ah ! Richesse, couronne, savoir surpassant tous autres savoirs, vous faites sans doute la vie enviable; mais que de jalousies vous conservez aussi contre elle chez vous ! S’il est vrai que, pour ce pouvoir, que Thèbes m'a mis elle-même en main, sans que je l'aie, moi, demandé jamais, Créon, le loyal Créon, l'ami de toujours, cherche aujourd'hui sournoisement à me jouer, à me chasser d'ici, et qu'il a pour cela suborné ce faux prophète, ce grand meneur d'intrigues, ce fourbe charlatan, dont les yeux sont ouverts au gain, mais tout à fait clos pour son art. Car enfin, dismoi, quand donc as-tu été un devin véridique? Pourquoi, quand l'ignoble chanteuse était dans nos murs, ne disais-tu pas à ces citoyens le mot qui les eût sauvés ? Ce n'était pourtant pas le premier venu qui pouvait résoudre l'énigme : il fallait là l'art d'un devin. Cet art, tu n'as pas montré que tu l'eusses appris ni des oiseaux ni d'un dieu! Et cependant j'arrive, moi, Oedipe, ignorant de tout, et c'est moi, moi seul, qui lui ferme la bouche, sans rien connaître des présages, par ma seule présence d'esprit. Et voilà l'homme qu'aujourd'hui tu prétends expulser de Thèbes! Déjà tu te vois sans doute debout auprès du trône de Créon? Cette expulsion là pourrait te coûter cher, à toi comme à celui qui a mené l'intrigue. Si tu ne me faisais l'effet d'un bien vieil homme, tu recevrais exactement la leçon due à ta malice. LE CORYPHÉE. - Il nous semble bien à nous que, si ses mots étaient dictés par la colère, il en est de même pour les tiens, Oedipe; et ce n'est pas de tels propos que nous avons besoin ici. Comment résoudre au mieux l'oracle d'Apollon! Voilà seulement ce que nous avons à examiner. e) Œdipe, la perte de repères Interview de Jean-Pierre Vernant, spécialiste français de la pensée grecque, par La journaliste Catherine Unger, pour de l’émission « Les grands entretiens », du 2 mai 2002 (Télévision suisse romande) Catherine Unger : Et Œdipe, celui qui sait, est complètement aveugle pendant toute cette enquête. Jean-Pierre Vernant : Non seulement il est aveugle mais il va, avec les crochets, les agrafes que porte Jocaste se crever les yeux. Pourquoi ? Parce qu’il est devenu tout d’un coup celui qui était au-dessus de tous la souillure de la ville, il ne pourra plus rester là. Celui qui savait tout, s’aperçoit qu’il ne sait rien. Et celui qui a deviné l’énigme comprend qu’il est lui-même cette énigme. Pourquoi ? Parce qu’Œdipe qui est venu à un moment où il n’aurait pas du venir, qui est a quelque sorte gauchi l’ordre du temps puisque le temps devait s’arrêter pour la génération des Labdacides, il est venu quand même, voilà le Oedipe/9 monstre. Pourquoi ? Parce qu’en couchant avec sa mère et en tuant son père, il s’est identifié à son père. Il est devenu… Catherine Unger : Le gaucher. Jean-Pierre Vernant : Il est devenu, lui qui est à deux pieds, parce qu’il est… Catherine Unger : L’homme. Jean-Pierre Vernant : Parce qu’il est l’homme adulte, il est devenu celui qui est à trois pied, c’est-à-dire le vieillard qui s’appuie sur un bâton. Il s’est identifié, il a identifié l’âge adulte à l’âge de son père. Au lieu de remplacer son père, en le suivant avec les années correctement, il l’a heurté de front et il a pris sa place jusque dans le giron de sa mère. Donc, le deux pieds s’identifie au trois pieds. Et même, il s’identifie aux quatre pieds. Pourquoi ? Parce que ces enfants qu’il a créé, ce sont en même temps ses frères puisqu’ils sortaient du même giron. Autrement dit, le deux pieds devient identique au trois et quatre pieds. On brouille toutes les générations humaines et on comprend alors que sa présence à Thèbes fasse qu’il n’y a plus de saisons, qu’il n’y a plus de rythme temporel où après l’hiver c’est le printemps, c’est l’été, c’est l’automne. L’été de l’homme, c’est le moment où il est à deux pieds. L’automne et l’hiver c’est le moment où il est à trois pieds et le printemps, c’est quand il est à quatre pieds. Il a tout brouillé. Maintenant, il n’y a plus de saisons Thèbes, c’est la pagaille, c’est le chaos temporel. Il a été cela. Et on voit que cet homme qui savait tout est aussi énigmatique que l’homme que représente Œdipe. Il est énigmatique, on ne sait pas ce que nous sommes. Sa faute, il est coupable du crime le plus grand, de la souillure la plus grande : coucher avec sa mère, tuer son père. f) deux extraits… pour conclure 1. la notion de Justice divine (« Oedipe-roi », vers 863- 875 et 884 - 894) Ah ! puissé-je n’avoir qu’une âme d'ingénu ! Puissé-je ne parler et n’agir qu’en vertu Des lois issues du Ciel, ces lois des Olympiens Qui ne sont pas le fait de quelque esprit humain, Qui ne terniront pas, car un dieu les inspire, Oui, un dieu qui détient le juvénile empire. L’orgueil fait le tyran, l’orgueil qui est issu De l’imprudence atteint les cimes les plus hautes Pour mieux se retrouver ensuite dans le gouffre... ...Celui qui vise haut par le glaive ou la voix, Qui se rit des autels, qui ne craint pas les lois, Celui-là connaîtra le pire désarroi ! Oedipe/10 2. l’action de l’homme (« Antigone », vers 334-366) Parmi tant de splendeurs que la terre a créées, Il y a l'homme, lui, la merveille du monde ! Il aime à naviguer sur la mer ondoyante ; Quand, du Sud, une rude tempête se lève, Il sait se faufiler hors des houles beuglantes ; Chaque année, il travaille, il retourne la terre, L'élément souverain, la matrice des dieux ; Avec son attelage, il creuse les sillons ; Il capture l’oiseau et les fauves des bois ; Grâce au mouvant filet il pêche les poissons, Ô génial inventeur ! Il attire ses proies Dans ses pièges ; il soumet aussi bien le cou Du cheval que celui du taureau vigoureux En usant du collier ; il possède le verbe, Une répartie vive ; il s'est inventé des lois, Des coutumes, sans qu'un maître ne les inspire ; Il sait se protéger et des pluies et du froid. Génie de l’univers, il ne redoute rien, Hormis la mort, Hadès, qu'il ne peut éluder, Bien qu'il sache soigner des blessures profondes ; Il est intelligent ; sa pensée est féconde ; Il penche vers le bien autant que vers le mal. ETYMOLOGIE : épidémie a) Le mot « épidémie » a deux racines : • epi - sur/ qui vient par la suite. Son opposé est « hypo ». • demos : partie du territoire appartement à la communauté ; le peuple. L’étymologie du mot signifie donc « (qui vient/qui s’abat) sur un territoire ». Oedipe/11 b) Le préfixe « épi » est présent dans d’autres termes. Réponds aux questions. • l’épicentre d’un séisme => d’après l’image, comment définir ce terme ? • l’épiderme. Comment nomme-t-on son contraire ? • un épiphénomène. D’après la citation, donne un synonyme de ce terme. "Il est encore impossible de savoir s'il s'agit d'un simple épiphénomène ou d'une véritable inversion de tendance." (Le Monde 1998 c) pan signifie « tout » • Quelle différence majeure le terme « pandémie » apporte-t-il par rapport à « épidémie » ? • si « theos » signifie « le dieu », que trouvait-on au « panthéon » de Rome construit au Iième siècle PCN ? • Recherche quelles divinités on trouve dans celui de Paris ? • Comment appelle-t-on le mode de photo qui tente de capter tout le champ visible (paysage par exemple) ? Que vise un plan « panoptique » dans une prison ? Oedipe/12 TEXTES EN PARRALELE CICERON, De divinatione, II Cato mirari se aiebat, quod non rideret haruspex cum haruspicem vidisset Quota enim quaeque res euenit praedicta ab istis? Aut, si euenit quippiam, quid adferri potest cur non casu id euenerit? Rex Prusias, cum Hannibali apud eum exsulanti depugnari placeret, negabat se audere quod exta prohiberent. " Aisne tu?" inquit, " te carunculae vitulinae mauis quam imperatori ueteri credere?" Vocabulaire Cato, Catonis mirari (infinitif!) aire, aio quod ridere, eo, risi, risum haruspex, haruspicis e) Pour conclure : Edouard DELRUELLE, Métamorphoses du sujet, p. 23. Edouard Delruelle est professeur de philosophie politique à l’Université de Liège. Oedipe ou la volonté de savoir Dans son dérèglement et sa démesure, Oedipe ouvre un horizon nouveau qui sera désormais celui de la pensée occidentale : l’horizon du sujet qui se caractérise par sa volonté de maîtriser le réel qui l’entoure et le désir passionné de savoir. L’histoire d’Oedipe résumé ainsi l’invention commune des philosophes et des sophistes : « penser par soimême ». La nouvelle subjectivité se construit, non plus à travers le réseau archaïque des rites et des traditions, mais à travers la politique, le débat « logique » (logos) et l’exercice de la raison. Les Athéniens font l’expérience d’une subjectivité qui s’accomplit, non plus à travers la soumission aux pères et aux dieux, mais à travers un processus que l’on peut qualifier d’auto-initiatique. Mais une telle révolution ne vas pas sans risque, prévient Sophocle. Le sujet, libéré de Oedipe/13 toute soumission aux dieux, détaché de son lien ancestral avec la souveraineté sacerdotale, sera-t-il encore capable de reconnaître les limites de son pouvoir sur les choses et sur lui-même ? Sophocle révèle à l’homme qu’il est partagé, dans son désir de s’affirmer soi-même, entre le devoir de poser lui-même ses propres limites, et la tentation de s’affranchir de toute limite. Inquiétude éthique, mais également politique. Si les hommes ont la prétention d’être à la source même des lois, comment éviter qu’elles soient à la merci de leurs passions et de leurs caprices ? Le droit ne perd-il pas toute assise ? Ne devient-il pas quelque chose d’irréductiblement arbitraire ? POUR ALLER PLUS LOIN… ET PARLER D’ACTUALITE a) La question du « savoir » en politique en temps de pandémie Dessin de Max Tingelkamp, paru dans LE SOIR du 25-26 septembre 2020 Article 1. L’ECHO du 10 avril 2020, L’expert, gilet pare-balle du politique. Par Alain Narinx Newsmanager Le gouvernement fédéral fait appel à une armée d'experts dans la gestion de la crise du coronavirus. Il doit faire attention, toutefois, à bien s'entourer. Et à ne pas faire glisser ses responsabilités politiques sur les épaules de personnes qui n'ont pas été élues. On ne les compte plus: les "task forces" et les groupes d’experts se multiplient pour gérer la crise du coronavirus. Rien qu’auprès du gouvernement fédéral, on trouve ainsi le RAG (Risk Assessment Group), l’ERMG (Economic Risk Management Group), le GEES (Groupe d'experts en charge de l'exit stratégique) et on en passe… Un point commun: l’influence des experts auprès des décideurs politiques. Se faire conseiller par des personnes qui maîtrisent leur sujet – un virologue, par exemple – est évidemment de bon aloi. C’est ce que la Première ministre Sophie Wilmès appelle, à juste titre, "miser sur Oedipe/14 l’intelligence collective". L’appel à des personnalités extérieures cache toutefois un objectif moins avouable: faire mieux passer des décisions difficiles et se prémunir contre toute critique éventuelle. "Nous suivons les recommandations des scientifiques" est devenu un leitmotiv commode de certains politiciens depuis un mois. Un expert n’est pas forcément "neutre" ou "indépendant". Il a, comme tout individu, ses propres convictions et ses intérêts. La raison, c’est la dévalorisation totale du monde politique aux yeux de l’opinion publique alors que l’expert garde une aura de savant compétent. Bien souvent, un responsable politique est considéré comme suspect. Il le sait. Il le voit. Il a peur d’assumer des décisions impopulaires ou de commettre un faux-pas qui l’exposerait à la vindicte. Ainsi, l’expert est devenu le gilet pare-balle du responsable politique, sa protection pour sortir "couvert". Quitte à y laisser un peu de pouvoir, quitte à se dédouaner d’une partie de sa responsabilité. Personne n'est neutre Pourtant, un expert n’est pas forcément "neutre" ou "indépendant". Il a, comme tout individu, ses propres convictions et ses intérêts. Et il aura tendance à analyser la situation sous le prisme de sa spécialité. Un épidémiologiste va se concentrer sur la lutte contre l’épidémie. C’est important évidemment, mais ça n’en fait pas une politique de santé publique. Exemple: le confinement imposé à la population a un effet positif pour endiguer la propagation du virus. C’est ce que l’expert épidémiologiste va voir. Mais il ne va peutêtre pas voir – ou en tout cas pas de la même manière – les effets néfastes de ce confinement sur la santé, qu’ils soient directs (psychologiques, notamment) ou indirects (la hausse du chômage a aussi des répercussions graves à long-terme sur la santé). Bien choisir ses experts Par ailleurs, chaque domaine d’expertise n’est pas exempt de tensions. La connaissance scientifique n’est pas forcément univoque. Prenez, par exemple, les avis divergents sur l’utilité ou non du port généralisé du masque. C’est encore plus vrai dans des disciplines comme l’économie ou les sciences humaines. Le rôle d’un expert, tout aussi brillant qu’il soit, devrait se limiter à apporter ses connaissances, à éclairer le politique, à le conseiller, mais pas à prendre les décisions à sa place. Des rivalités personnelles peuvent aussi jouer. Sans parler que certains ne se gênent pas pour s’affubler du titre d’expert dans des matières qui sortent pourtant de leur champ d’études. C’est pourquoi le choix des experts qui l’entourent n’a, pour un politicien, rien d’innocent. Il peut orienter durablement la direction d’un pays. Cet acte-là, éminemment politique, s’effectue pourtant généralement en totale opacité et sans grand débat. Ainsi, le scénario qui sera finalement retenu pour une sortie du confinement ne revêt pas uniquement un aspect scientifique. Le choix, qui dépend de considérations sanitaires, mais aussi sociales et économiques, est en partie au moins idéologique, donc politique. Ce n’est pas aux experts de trancher. Le rôle d’un expert, tout aussi brillant qu’il soit, devrait se limiter à apporter ses connaissances, à éclairer le politique, à le conseiller, mais Oedipe/15 pas à prendre les décisions à sa place. Ni à assumer les choix devant les citoyens. Article 2. LE SOIR, 28 juillet 2020, p. 6 Des ministres au langage outrancier et liberticide sur fond de crise sanitaire Carte blanche. Attaques subtiles, phrases assassines, réponses détournées : la cohabitation des politiques avec les experts scientifiques sur la scène médiatique n’est pas aisée. Une commission spéciale se prépare à examiner les dysfonctionnements dans la gestion de la crise qui a touché notre pays, du moins au cours de la première vague. Nombre d’observateurs soulignent la place importante prise par des experts scientifiques et des professionnels de santé, très sollicités par les politiques et les médias, au point d’en faire parfois de véritables dieux. Osons espérer que cette commission évoquera aussi les difficultés qu’ont progressivement eues ces mondes à se côtoyer : attaques subtiles en conférence de presse, phrases assassines sur les réseaux sociaux, réponses détournées dans la presse, (menaces de) démission, etc. Des tensions palpables dans lesquelles ni l’élégance ni l’intelligence ne sont toujours palpables dans le chef de nos gouvernants. Cerise sur le gâteau d’un gouvernement minoritaire, ce sont principalement des ministres – parfois président – qui se sont illustrés dans ce triste exercice ! Morceaux choisis… Le 28 février, Marc Wathelet tente d’alerter les Autorités quant au danger qui approche. Alors qu’elle a manifestement du mal à évaluer et à gérer les événements, Maggie De Block traite le virologue de « drama queen » dans un tweet assassin. Quelque temps plus tard, c’est à la Chambre qu’elle prie les médecins généralistes « d’arrêter de pleurnicher », ce qui lui vaudra une plainte à l’Ordre des médecins. Le 22 mars, Philippe De Backer est appelé en renfort et se voit confier la tutelle de la task force en charge de la gestion des dispositifs médicaux et des médicaments. Critiqué par les biologistes cliniques pour sa gestion des tests de laboratoire et son manque de concertation avec les spécialistes, il accuse les laboratoires, lors de la commission santé du 7 juillet marquée par un climat de suspicion de conflits d’intérêts, de ne « pas être non-profit », suggérant même que certains préfèrent utiliser des tests bon marché peu performants que des tests de qualité plus coûteux. Une accusation gratuite qui choque toute la profession. En avril, le gouvernement fédéral a l’étrange idée de confier à la Défense la commande de masques en tissu pour la population belge. S’en suit un rocambolesque feuilleton mêlant société boîte aux lettres, retards de livraison, changements de critères en cours de procédure, utilisation non autorisée de labels de qualité, le tout en contradiction avec les recommandations claires formulées par les experts de Sciensano et du Conseil supérieur de la santé. Parmi diverses péripéties, le changement miraculeux des indications de lavage de 60 à 30 ºC sera interprété comme une injure à la science et un mépris flagrant de l’avis des scientifiques, évoquant a minima une Oedipe/16 incompétence des gestionnaires du dossier. Le ministre Philippe Goffin s’explique alors avec des arguments pour le moins légers, évoquant « de l’intox et des mensonges distillés dans la presse » ! Le 16 mai, le personnel soignant du CHU Saint-Pierre tourne le dos à la Première ministre lors d’une visite non officielle. MarieChristine Marghem, pourtant nullement impliquée dans la crise, perd son sang-froid, qualifie la manifestation de « ridicule et politisée » et compare les soignants à « des enfants qui n’ont pas ce qu’ils veulent », suscitant la colère des blouses blanches et même un recadrage public par son président. « Ambiance malsaine » Le 24 juillet, après la conférence de presse de la Première Sophie Wilmès faisant suite à la réunion du Conseil national de sécurité (CNS), des critiques se font entendre. D’aucuns regrettent l’arrivée tardive de certaines décisions telles que l’obligation du masque (réclamée depuis mars par le Collège de médecine générale) et la mollesse d’autres mesures, en particulier le maintien de la bulle de contact à 15 personnes alors que la majorité des experts réclame sa réduction à 10. Interrogé sur le plateau de VTM, le président Jan Jambon déclare qu’Erika Vlieghe, présidente du GEES, partage son souhait d’un maintien à 15. Furieuse, l’infectiologue dénonce une « ambiance malsaine » au sein du CNS, ainsi que des tentatives de manipulation et de déformation de ses propos. Elle menace de démissionner mais se contente finalement de ne plus participer aux futures réunions du CNS. Ce n’est pas neuf, les hommes et femmes politiques apprécient peu les scientifiques dont la liberté d’esprit s’oppose aux lignes de pensée dogmatiques des partis. En situation de crise, leur communication tend à se radicaliser et les élémentaires formules de respect et de politesse laissent place aux punchlines . A l’instar de Trump ou de Bolsonaro, les politiciens belges recourent de plus en plus aux réseaux sociaux dont le format favorise les raccourcis et les déclarations à l’emporte-pièce. L’espace que leur concèdent par ailleurs certains médias avides de controverses constitue une autre opportunité de toucher un électorat potentiel avec des déclarations parfois non fondées. Si ces pratiques font désormais partie du jeu quotidien des élus, nous regrettons vivement que nos ministres, élites politiques supposées d’un pays soumis à des tensions de gouvernance sans cesse grandissantes, adoptent ce genre d’attitude à l’égard des scientifiques mais aussi des professionnels de santé. Parmi les enseignements que l’analyse de cette crise apportera, l’évolution de la culture politique et de l’attitude de ses représentants à l’égard de la société civile, pourrait constituer un chapitre essentiel. (1) Frédéric Cotton (professeur à l’Université Libre de Bruxelles), Alda Dalla Valle (présidente de la Fédération nationale des infirmières de Belgique), Jean Nève (professeur émérite à l’Université Libre de Bruxelles et président du Conseil supérieur de la santé), Thomas Orban (président de la Société scientifique de médecine générale) Article 3. SUD PRESSE, 30 juillet 2020 Oedipe/17 Dans les coulisses du conseil national de Sécurité Françoise de Halleux Le CNS, trois lettres qui dictent désormais notre quotidien et qui nous privent d’une grande part de nos libertés. Mais comment fonctionne cet organe créé à l’occasion des attentats islamiques ? Qui sont les vrais décideurs : Wilmès ? Van Ranst ? Les Flamands ? Les Wallons ? Quelle est l’ambiance dans ces réunions à huis clos ? Plongée dans les coulisses du Conseil national de sécurité. Pas comparable à un débat TV ! Parlons d’abord des lieux. Le CNS se réunit au palais d’Egmont, place du Petit Sablon, dans la salle de conférences « Europe ». Une salle surdimensionnée puisque le CNS ne réunit qu’une vingtaine de personnes pour 400 places disponibles ! Tant mieux : cela permet de garder ses distances et de laisser deux sièges vides entre chaque personne. Sophie Wilmès, Première ministre, occupe une place centrale : c’est elle qui préside la réunion (qui la convoque et en fixe l’ordre du jour). À droite, son vice-Premier Alexander De Croo et à gauche, un conseiller de son cabinet. Une fois assis, ministres et experts retirent le masque et peuvent commencer à parler, tout en grignotant sur leur pupitre quelques viennoiseries (pour le petit-déjeuner) ou sandwiches dago, américain ou poulet curry (à midi). Les experts parlent en premier pour exposer la situation épidémiologique en chiffres et font ensuite leurs recommandations. Les ministres ne découvrent pas l’info en direct : ils ont reçu, la veille, le rapport des experts sur environ 10 pages. C’est Erika Vlieghe, présidente du Gees, qui participait jusqu’ici au CNS mais suite au clash survenu avec Jambon, c’est le virologue Marc Van Ranst qui endosse désormais ce rôle de porte-parole des experts. Les politiques le bombardent de questions, ils le « challengent » en quelque sorte. Cela ne se fait pas dans la cacophonie. « On doit demander la parole à la Première ministre », nous dit l’un des participants. « L’idée est d’interroger les experts, pas de s’interpeller l’un l’autre. Les réunions du CNS sont de vraies réunions de travail, qui sont loin de ressembler à des débats TV ! », ajoute un autre. Entre politiques, on s’appelle par son prénom. Sophie donne la parole à Maggie ou à Elio. Mais Sophie Wilmès donne la parole à « M. Van Ranst ». Les « camps » ne se mélangent pas. Les plus causants ? « Ce sont les ministres-présidents que l’on entend le plus », nous dit-on. Jan Jambon serait néanmoins le moins bavard de ceux-là et côté fédéral, Maggie De Block s’exprimerait beaucoup. À côté de l’expert santé, dont le rôle est de donner un avis aux politiques, siègent aussi au CNS de hauts responsables de services administratifs. Comme les boss de la police fédérale et du SPF Santé, qui interviennent davantage sur la praticabilité des mesures, leur mise en œuvre sur le terrain. Wilmès fait le job « Cela reste un lieu de débat mais on remarque une volonté de chacun, autour de la table, de rester dans le principe d’union sacrée », nous dit-on. Les décisions sont prises par consensus et les experts restent dans la salle jusqu’à la décision finale : il n’y a donc pas de vote mais un débat, une négociation qui aboutit à un accord sur un dénominateur Oedipe/18 commun. Et c’est là que Sophie Wilmès joue son job de Première ministre : amener tout le monde à un accord. Et quand il le faut, elle donne du poing sur la table. Comme lors du dernier CNS où elle a de suite demandé à tous de suivre les recommandations des experts (avec la fameuse bulle de 5 imposées à tout le pays). Elle ne voulait plus que des experts affichent leurs dissensions dans la presse, avec le risque que cette fêlure n’entraîne la non-adhésion du public aux mesures. « C’est un exercice difficile », commente le politologue de l’ULB, Pascal Delwit. « Il ne faut pas être juste le petit notaire, il faut aussi exprimer une certaine autorité. Et parvenir au consensus est très important car, si l’on observe des divergences au sein du CNS, ça affaiblit la décision finale et affecte la légitimité des mesures. » Pas simple ! Les experts santé n’ont d’yeux que pour l’épidémie tandis que les politiques doivent veiller au reste : l’impact économique, social, humain… « Même s’il y a consensus, on ne sort jamais enchantés de ces réunions ! », nous dit-on. Françoise De Halleux Article 4. LA LIBRE BELGIQUE, 21 août 2020, p. 5. Article d’Antoine Clevers. Les politiques font profil bas devant les experts : “Si ça foire, ce sera de leur faute.” Un incident minime. Presque anecdotique. Il n’y a pas eu d’invectives, jeudi, entre experts et politiques lors de la réunion du Conseil national de sécurité (CNS). Mais on retiendra que Denis Ducarme (MR), ministre fédéral des Indépendants, a demandé sur un ton incisif à l’infectiologue Erika Vlieghe de recevoir les acteurs du monde culturel non subventionné, aux abois depuis des mois, pour écouter leurs doléances. Cette dernière lui a répondu qu’elle n’avait pas le temps pour cela. La Première ministre Sophie Wilmès (MR) a joué les arbitres et a fait remarquer que Mme Vlieghe ne représente pas à elle seule la Celeval, la cellule d’évaluation qui conseille les autorités sur la pandémie de coronavirus. L’infectiologue et le ministre Ducarme se sont parlé après le CNS1. Ils se sont mis d’accord pour recevoir ensemble les acteurs culturels. 1 Conseil national de Sécurité, organe interfédéral chargé de prendre les décisions politiques pour lutter contre la pandémie. Oedipe/19 Pour le reste, le ton est resté cordial. Depuis quatre semaines, les politiques ont décidé de faire profil bas devant les experts. “Comme ça, si ça foire, ce sera de leur faute” , lance un membre du Conseil national de sécurité. Pour comprendre le raisonnement des politiques, il faut remonter au CNS du 23 juillet. Ce jour-là, la Première ministre annonce que la bulle des contacts rapprochés est maintenue à 15 personnes. Les experts de la Celeval avaient préconisé de passer à 10 pour enrayer l’accroissement de la propagation du virus. Dans la foulée du CNS, des experts crient au loup. Parmi eux, Erika Vlieghe et le virologue Marc Van Ranst, “le Donald Trump du Covid” , comme l’appelle un ministre. Pendant trois jours, les attaques fusent. Si bien qu’un CNS est convoqué en urgence le 27 juillet. Dans l’intervalle, la Celeval a remis un nouveau rapport. Elle préconise de passer d’une bulle de 15 à 5 personnes (et non plus 10). Cette fois, elle sera entendue. Durant la conférence de presse du 27 juillet, la Première ministre précise que le CNS a scrupuleusement suivi les recommandations des experts. Le message subliminal est le suivant : si les contaminations rebondissent, il faudra s’en prendre aux experts, pas aux politiques. Le CNS, qui réunit les représentants des gouvernements fédéral et des entités fédérées (en plus d’experts), est resté sur la même ligne, jeudi. “On a discuté pendant une heure de la bulle des 5, alors qu’on savait qu’on n’allait pas y toucher” , glisse un membre du CNS […]. Coronavirus en Belgique : Qui fait quoi? Qui décide quoi? 2 CELEVAL : depuis fin août, il s’agit du principal organe d’expertise pour préparer ou évaluer les mesures prises par le gouvernement. Présidé par un haut fonctionnaire du ministère de la Santé, il comprend des virologues des épidémiologistes mais également d’autres personnalités du monde universitaire ou de la société (secteur événementiel p. ex.). Il comprend également des représentants des autres organes (Centre de Crise, comité en charge du Tracing etc.). Il évalue également la situation dans les autres pays pour conseiller le ministère des affaires étrangères sur les « codes couleurs » à attribuer aux régions étrangères. LE CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ (CNS) : Présidé par la première ministre, assistée des ministres fédéraux, ce comité existait avant la pandémie (il s’est occupé, par exemple, de la sécurité nationale lors de la vague d’attentats en 2015).Il est chargé de coordonner les différentes entités de pouvoir de notre pays (régions, communautés voire provinces) pour définir une politique cohérente. Les délibérations se prennent par 2 Synthèse réalisée grâce à un article publié sur RTBF.be, le 4 août 2020. Oedipe/20 consensus. Des experts peuvent y être invités. Le GEES (Groupe d’experts en charge de l’exit strategy) :Crée en avril 2020 pour conseiller le monde politique en termes de stratégie de déconfinement, cet organe comprend des experts dans le domaine médical, juridique, social, économique ou budgétaire. Il rédige des rapports pour fournir une base aux décisions du Conseil national de sécurité (port du masque, bulles sociales etc.). Il a été remplacé au mois d’août par le CELEVAL, dans une approche davantage centrée sur la gestion de risques. SCIENSANO : Organe né de la fusion de différentes institutions traitant de la santé publique, Sciensano recueille, traite et publie les données relatives au COVID 19 en Belgique : nombre de cas, hospitalisations, tests, décès, progression ou ralentissement de l’épidémie etc.). Depuis la mi-mars 2020, deux représentants de Sciensano participent à de fréquentes conférences de presse pour commenter l’évolution du virus en Belgique. COMITÉ DE CONCERTATION : Crée lors de la réforme de l’état de 1980, cet organe réunit des représentants du gouvernement fédéral et les représentants des entités fédérées (régions p. ex) afin de prévenir les éventuels conflits entre les institutions du royaume. Durant la crise du Covid-19, afin de prendre des décisions entre deux réunions du CNS ou de préparer les réunions de ce dernier. CENTRE DE CRISE : Organe crée en 1986 et dépendant du ministère de l’Intérieur, il représente une structure permanente pour gérer les crises en Belgique. Ses domaines d’actions sont variés (transport, événements publics, terrorisme etc.), tout comme ses missions : alerte, surveillance, infrastructures pour gérer les crises etc.). Quelques disciplines sous la loupe Oedipe/21 Oedipe/22 PISTE DE REFLEXION Covid-19 : science, politique et société font-elles bon ménage ? La Librfe Belgique. Publié le 27-05-20 à 09h23 - Mis à jour le 27-05-20 à 14h45 Une opinion de Maria Martin de Almagro, professeure en sciences politiques à l'université de Montréal et collaboratrice scientifique au Centre de recherche et d'études en politique internationale (Repi) de l'ULB. La science ne peut pas être un alibi pris par les politiques qui doivent prendre une décision difficile. Des courants d’extrême droite pourraient en profiter et rassembler autour du slogan "Marre des scientifiques, des intellos et des technocrates !" Alors que l’Europe commence doucement à déconfiner, beaucoup de pays, comme la Belgique, l’Espagne et l’Allemagne, doivent faire face à des manifestations hostiles aux mesures de confinement imposées pendant la crise de la Covid-19, similaires à celles déjà survenues en avril aux États-Unis. Les pancartes, les slogans entonnés et les interviews nous font penser que ces manifestations anti-confinement sont majoritairement le fait de groupes hétérogènes d’extrémistes de droite promouvant l’idée que la maladie n’existe pas, d’opposants aux vaccins, de complotistes qui argumentent que le virus a été propagé pour dissimuler les effets nocifs de la 5G sur la santé et plus généralement de ceux qui croient que la limitation des libertés suppose un danger beaucoup plus élevé qu’une maladie respiratoire. Ces manifestants ont au moins une chose en commun : ils ne croient pas ou plus à la science, ils en ont marre des scientifiques, des intellos et des technocrates. Dans l’ère de la post-vérité, de la désinformation et des théories du complot propagées à travers les réseaux sociaux à une vitesse fulgurante, ceci n’a rien d’étonnant. La politique fait appel à la science Et pourtant, la bonne nouvelle est qu’il semblerait que nos plateaux de télévision et nos leaders politiques fassent de nouveau appel à la science, et s’accompagnent pour leurs conférences de presse quotidiennes des épidémiologistes, immunologues et autres professionnels scientifiques. En Belgique, nous connaissons désormais tous des figures comme Emmanuel André ou Marius Gilbert. En Espagne, Fernando Simon, l’épidémiologiste qui dirige le Centre de coordination pour les alertes sanitaires et les urgences du ministère de la Santé, est devenu une figure respectée du public par son approche didactique et ses airs humbles. Il en va de même de Horacio Arruda, le directeur national de santé publique du Québec. Les gouvernements qui ont dû prendre des mesures souvent controversées et impopulaires l’ont fait "en suivant les conseils des scientifiques" ou ont fait marche arrière sur d’autres mesures "parce que la science a changé d’avis elle-même". Oedipe/23 Un concept en constante évolution . En tant que chercheure, je suis bien heureuse de savoir qu’il y a un regain de la place des données et des analyses scientifiques dans la prise de décision politique. L’intégration du savoir scientifique dans la sphère politique améliore la qualité du débat et nous amène à des résultats meilleurs et moins coûteux pour la société. Il nous aura fallu une pandémie ! Cependant, la relation entre science, politique et société est infiniment plus complexe que ce que l’on peut croire. En premier lieu, réfléchissons au concept de "la science". Il est très rare qu’il y ait une seule réponse scientifique à un problème, et la base de l’avancement de la science, surtout dans le cas de nouveaux phénomènes sociaux, ou de nouvelles maladies, se fait à partir des débats entre différentes équipes scientifiques qui comparent et contrastent des données de plus en plus détaillées et des modèles de plus en plus précis. "La science" est en constante évolution et les scientifiques eux-mêmes ont été les premiers à avouer leur ignorance et à appeler à la prudence sur les dernières découvertes. La décision finale est politique En deuxième lieu, ce que les politiciens privilégient dans leur prise de décisions est le résultat des choix politiques, et non scientifiques ; c’est-à-dire d’un mélange de désir de popularité, de réélection, de valeurs et de préférences éthiques, économiques et sociétales. Les scientifiques informent les décideurs politiques à partir des questions que ces derniers leurs posent : Devons-nous privilégier la santé physique des aînés ou la santé mentale des enfants quand nous évaluons la possibilité de réouverture des écoles ? Devons-nous privilégier le tourisme et procéder à la réouverture des frontières et des musées, quitte à devoir reconfiner à la fin de la période estivale ? Les scientifiques donneront des estimations et des modèles qui simulent les conséquences de l’une ou l’autre décision. Cependant, la décision finale doit être prise par les leaders politiques qui, d’ailleurs, privilégient souvent le type de science qui confirme leurs préférences et croyances, et qui peut justifier leur intervention souhaitée, tout en (se) rassurant que, finalement, ils n’ont fait que "suivre les conseils scientifiques". Blâmer les épidémiologistes parce que la Covid-19 est bel et bien encore là malgré les mesures de confinement serait comme blâmer les climatologues pour le réchauffement de la planète ou les biologistes pour la disparition de certaines espèces ! Il est certain qu’il faut que les citoyens soient plus ou moins d’accord et qu’ils aient confiance en leurs leaders politiques pour que les mesures de confinement et de distanciation sociale soient efficaces. Si les gens n’y croient pas, ils auront tendance à ne pas les respecter. C’est précisément pour cette raison aussi qu’il ne faut pas oublier que l’opinion que la société a sur la science et sur les données et modèles scientifiques dépend en grande mesure de la manière dont la science et les faits sont présentés par les leaders politiques et leurs consignes officielles. En d’autres mots, si la science est utilisée pour évacuer la responsabilité politique quand les décisions prises sont difficiles ou qu’elles sont remises en question par la population, il ne sera pas étonnant que des courants politiques d’extrême droite y trouvent un terreau fertile pour s’attaquer aux sciences et aux faits. Prendre la science pour alibi est alarmant non seulement parce qu’ici cela risque d’écraser des systèmes de santé déjà débordés, mais aussi parce que, dans un contexte plus large, ces procédés renforcent l’érosion des valeurs, droits et libertés de nos démocraties occidentales. Titre et chapô sont de la rédaction. Titre original : "Science, politique et société font-elles bon ménage dans les temps de la Covid-19 ?" Oedipe/24 6. QUESTIONS POTENTIELLES 1) Donnez et expliquez les trois grands axes de la société dans le système théologicopolitique, en vigueur en Grèce jusqu’au Vième s. ACN 2) Comment, dans le mythe, Cadmos représente-t-il le respect de ce système ? 3) Citez et expliquez comme Oedipe, chez Sophocle, bafoue chacun de ces trois axes. 4) Expliquez pourquoi on peut qualifier la tragédie de « manifestation nationale » (3 ex.) ? 5) Expliquez pourquoi la tragédie est, historiquement, l’élargissement d’un rite ? 6) A quel moment du mythe débute la pièce « Oedipe roi » ? 7) Quel est l’objet du conflit entre Oedipe et Thirésias après l’annonce de l’oracle sur la peste qui sévit à Thèbes ? Quels sont les arguments d’Oedipe face au devin ? 8) Que signifie la peste dans le cadre des mythes ? 9) A quel moments charnières de l’histoire d’Athènes vient se placer la vie de Sophocle ? 10) Quelles « ruptures » la cité d’Athènes doit-elle affronter au moment où « Oedipe Roi » est jouée (vers 425) ? • • politiquement culturellement 11) Quels sont les deux thèmes analysés au fil de notre réflexion sur Oedipe Roi ? 12) En quoi Oedipe représente-t-il un double échec en tant que personnage sur ces deux thèmes ? 13) Quels avertissements l’auteur veut-il lancer à sa cité en la matière ? 14) Cependant, Sophocle exprime aussi, à travers Oedipe, des espoirs ? Lesquels ? 15) En quoi le personnage d’Oedipe est-il un héros éthique ? Donnez un exemple. 7. ETYMOLOGIE : le nom d’OEDIPE Le nom d’Oedipe (« Oedipous » en grec) signifie « pieds enflés ». En effet, « pous, podos » signifie « le pied » et « oidéo », « être enflé ». Avec ces deux racines, pourras-tu répondre aux questions suivantes ? a) De quoi souffre quelqu’un hospitalisé pour un oedème pulmonaire ? Oedipe/25 b) A quoi peut servir un podomètre lorsqu’on pratique la randonnée ? c) Si lors d’un voyage en Italie, tu rencontrais le panneau ci-contre, que serait-il conseillé de faire ? 8. CULTURE : DEMOCRATIE ET EXPERTS EN GRECE3 On l’a dit et répété : les démocraties contemporaines ont pour lointaine et glorieuse ancêtre la démocratie athénienne qui, la première, a établi l’égalité entre les citoyens et les a conviés aux délibérations politiques. Bien sûr, pendant ce temps, des esclaves étaient chargés des tâches quotidiennes dans la cité. Il y avait donc les hommes libres d’un côté, et les esclaves de l’autre. Mais tout était-il si simple ? C’est la question sur laquelle se penche Paulin Ismard dans cette étude qui, non seulement enrichit notre connaissance de la Grèce antique, mais projette également un éclairage sur les pratiques politiques plus modernes. Il apparaît en effet qu’une catégorie intermédiaire d’individus (plusieurs milliers) occupait, à Athènes, une place particulière dans la cité : c’étaient les dêmosioi, ou esclaves publics. Leur apparition résulte à la fois de la mise en place de l’esclavage marchand et de la démocratie. Leurs fonctions étaient variées et loin d’être subalternes puisque certains pouvaient être archivistes, prêtres, huissiers ou même responsables de l’authenticité de la monnaie circulant à Athènes. Ils étaient bien les esclaves de la cité, et non ceux de l’état. Ils n’étaient pas des travailleurs sous les ordres du peuple mais des spécialistes « plaçant leur habileté ou leur talent au service du public ». La gestion des affaires publiques est aujourd’hui souvent considérée comme exigeant des compétences propres, celles de politiques et d’experts, ces derniers étant issus des citoyens. Les anciens Grecs, eux, voyaient les choses différemment. Afin d’éviter que ces compétences administratives et techniques puissent servir à instaurer le pouvoir de certains, ils les ont soigneusement séparées du politique en les confiant à des noncitoyens. Qui plus est, ces dêmosioi étaient moins susceptibles d’être corrompus. Le « miracle grec », lit-on parfois, reposait sur l’esclavage, et c’est un trait qu’il faut garder à l’esprit. Les dêmosioi occupaient en effet une place particulière, « celle du tiers exclu, garant de l’ordre public ». « Qu’ils vérifient les monnaies en circulation, qu’ils assurent l’ordre dans la cité, contrôlent les dépenses des magistrats en campagne ou veillent dans le metrôon sur les archives civiques, ces esclaves, placés au service de la cité, étaient le dépositaires de la liberté commune. » Même le moins mauvais des régimes politiques possède sa part d’ombre, hier comme aujourd’hui. 9. LA QUESTION DE L’ETHIQUE 3Magazine Sciences Humaines, La démocratie contre les experts, n°271, juin 2015. Article de Th. Jobart. Oedipe/26 Nous avons vu qu’Oedipe était un personnage qui exprimait les inquiétudes à la fois éthiques et politiques de son auteur : l’homme peut-il s’affranchir de toute limites, lorsque, dans le cadre de la Cité, il peut lui-même déterminer la loi, en toute autonomie ? Oedipe tend à s’affranchir des règles morales qui paraissaient aller de soi (le recours aux oracles, mais la soumission au destin) pour éviter les abominations. Cependant, sa confiance aveugle en son savoir devait le mener à un échec terrible. Néanmoins, il a fait une choix de valeurs (éviter l’abomination mais tenter de se dérober aux injonctions des oracles), c’est pour cette raison qu’il est un personnage éthique. Dans le cadre de la pandémie du COVID-19, les questions éthiques sont également présentes : santé publique, libertés, droits fondamentaux, relation aux autres, question de la mort, relation vie et santé… Dans un sondage publié le 14 octobre 2020, un belge sur deux se dit inquiet pour ses droits fondamentaux (liberté de circuler et droit à une information de qualité en tête4). Une émission autour de la réflexion éthique5 Une émission radio, diffusée sur la Première le 31 août 2020, aborde ces questions sous un titre un déroutant : « c’est le propre des situations éthiques de sacrifier les valeurs auxquelles on tient ». Deux intervenants seront entendus : Jean-Michel Longneaux, philosophe, rédacteur en chef de la revue Ethica Clinica6, et François-Xavier Polis, psychiatre. Nous allons la visionner puis répondre à quelques questions ouvertes. Celles-ci seront destinées à préparer un texte argumentatif avec, comme thème, le titre de l’émission. Questions de réflexion (00:00 – 13:00 ; 28:00 – 41:00) 1 . Pourquoi la situation vécue par notre société lors de la crise sanitaire est-elle éthique ? 2. Pourquoi la situation est-elle déroutante au niveau des valeurs ? 3. En quoi le débat éthique a-t-il été évacué des mesures sanitaires ? 4. En quoi le recours aux experts a-t-il joué un rôle dans ce débat ? 5. Quelles étapes faut-il traverser pour envisager l’avenir de manière éthique ? 6. Quels « récits » concurrents sont déjà présents pour expliquer la crise ? 4 Le Soir en ligne du 14 octobre 2020. https://www.lesoir.be/331412/article/2020-10-14/coronavirus-un-belgefrancophone-sur-deux-inquiet-des-consequences-sur-ses 5https://www.rtbf.be/lapremiere/emissions/detail_tendances-premiere/accueil/article_covid-19-c-est-lepropre-des-situations-ethiques-de-devoir-sacrifier-des-valeurs-auxquelles-on-tient? id=10572830&programId=11090 6 Cette revue est le périodique de la Fédération d’aide, d’accompagnement, d’aide et de soin aux personnes. Celle-ci regroupe plusieurs associations hospitalières et de soins. Elle est issue du courant de soins d’obédience chrétienne. Oedipe/27 POUR FINIR : L’INCONTOURNABLE « COMPLEXE D’OEDIPE » 1. PRESENTATION https://www.youtube.com/watch?v=tJwgbmar8Xk Chaîne « micro-philo », du professeur de philosophie G . Lequien, 2017. µ => Questions ouvertes finales : 1. Les désirs sont-ils tous déterminés dès l’enfance ? 2. Le complexe d’Oedipe est-il universel ? 3. Le complexe d’Oedipe existe-t-il dans toutes les familles ? Sigmund Freud (Freiberg, Autriche, 1856 – Londres, GB, 1939) 2. LE TEXTE : UN EXTRAIT DE « ANTI-MANUEL DE PHILOSOPHIE », pp. Cet anti-manuel (éditions Bréal, 2001) est l’oeuvre du philospophe français Michel Onfray (1959). Nous allons en lire un extrait selon la technique de « l’arpentage ». => Quelques concepts à définir ou baliser ensemble : a) le complexe d’Oedipe b) l’inconscient c) le refoulé/le refoulement d) la sexualité infantile e) une pulsion Oedipe/28 3. UN SCHEMA DE LA VISION FREUDIENNE 4. SA CRITIQUE PAR MICHEL ONFRAY Extrait d’une conférence de sa « contre-histoire » de la philosophie, 2010 https://www.youtube.com/watch?v=rCY9RUubs1U Oedipe/29 a) M. Onfray commence par énoncer sa thèse : considère-t-il le complexe d’Oedipe comme faux ? b) Il expose ensuite comment ce complexe est issu de l’histoire personnelle de Simund Freud, principalement d’un épisode de son enfance raconté dans une lettre de 1897 à son ami et disciple Wilhem Fleiss (1858-1928) : qu’en est-il ? c) En quoi l’usage du latin serait-il significatif chez Freud ? d) Comment passe-t-on de l’expérience personnelle de Freud à une théorie universelle ? e) En quoi le « mythe scientifique » de la « horde primitive » sert-il à Freud à appuyer sa théorie du complexe d’Oedipe dans son livre « Totem et tabou » (1913) ? f) Comment ce mythe est-il , selon lui, à l’origine de la morale ? g) La phylogenèse est le procédé de succession (d’espèces ou d’individus) qui reproduisent les mêmes caractéristiques (sans évolution) : en quoi ce concept intervient-il dans le contenu de notre inconscient ? Oedipe/30